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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Les critères qualitatifs de recrutement. Les critères qualitatifs de recrutement.

 

Lors de l’entretien de recrutement, quels critères qualitatifs font la différence entre diplômés candidats à un emploi de cadre dans une entreprise ?

Pour bien « isoler » l’objet de cet article, admettons les deux simplifications suivantes:

– les candidats sont, grosso modo, égaux en formation et en expérience;

– il n’y a qu’un seul décideur (ou un ensemble de décideurs unanimes) ; il a tenté de bien définir le profil du collaborateur qu’il cherche et il sait qu’il n’aura pas le secours des tests cognitifs ou de personnalité.

C’est donc sur la seule base de l’entretien de recrutement qu’il doit choisir parmi les candidats qu’il rencontre.

Mettons-nous à sa place pour repérer ce qu’il va chercher à vérifier et pour mieux comprendre sa situation.

En général, on s’entend mieux avec les personnes que l’on comprend !

 

  1. Les questions principales que le recruteur se pose.

On peut retenir comme basiques les 4 grandes questions suivantes :

Quel est son degré d’intérêt, de motivation pour notre entreprise ?

Est-il là par hasard, par curiosité, faute de mieux, pour apprendre et vite repartir ailleurs, etc. ou nous a-t-il  vraiment choisi et sur la base de quels fondements : le projet de l’entreprise ou sa notoriété dans un domaine, son projet professionnel, etc. ?

Cette motivation est déterminante du degré et de la durée d’engagement dans l’entreprise, du degré de loyauté envers l’entreprise et de la volonté de contribuer à son développement.

-Quel est son degré de motivation pour le poste et de préparation à la fonction ?

Sa motivation résulte-elle du besoin de trouver un emploi, d’essayer un emploi, d’une impulsion, etc. ou d’un choix délibéré « armé » d’une minutieuse préparation théorique et pratique ? Cette motivation détermine fortement le degré de pertinence de la « boite à outils » initiale du candidat, la vitesse de « transposition» de son  expérience dans l’entreprise et sa volonté de réussir.

Concernant les jeunes diplômés, le recruteur ajoutera les questions complémentaires suivantes : saura-il passer de l’attitude scolaire (résoudre un problème donné)  à l’attitude professionnelle (repérer les problèmes, avertir et consulter les autres, résoudre avec les autres, etc.) ? Saura-il prendre en compte les contraintes économiques et le délai dans la réalisation de sa tâche ?

-A-t-il les compétences relationnelles nécessaires ?

Toute entreprise est un « transformateur d’entrées de biens en sorties de biens» visant à réaliser un but. Cette transformation est réalisée contre rémunération par un ensemble d’acteurs utilisant des moyens techniques. Les relations entre les acteurs sont régulées par un système d’autorité qui définit les buts, les rôles et les responsabilités et par un système de coordination qui indique les règles, normes, valeurs à respecter dans la coopération.

Pour survivre et se développer, l’entreprise doit relever les trois défis majeurs suivants :

-Obtenir que son environnement accueille ses « sorties » et lui fournisse ses « entrées » à des conditions acceptables.

-Réaliser sa « transformation » d’une façon efficace, et en tout cas plus efficace que la concurrence.

-Prévenir les menaces produites par l’environnement, les effets de l’évolution des valeurs, des idées et des techniques sur sa clientèle, son organisation ou sa technologie ; saisir les opportunités de développement offertes par cet environnement.

Relever ces défis exige de veiller en permanence à ce que le but de l’entreprise reste bien choisi et que la cohésion interne de tous les collaborateurs reste forte.

Sur le plan des compétences relationnelles, les questions sont donc les suivantes

A-t-il la capacité de collaborer de façon adéquate avec les autres : ses pairs, ses clients internes ou externes, etc. ?

A-t-il la capacité de contribuer au succès, par sa veille, ses suggestions, son influence sur les autres, etc.

-Sera-t-il à terme un bon cadre dirigeant.

L’entreprise recrute un diplômé pour un temps long et en espérant le voir faire une certaine carrière. Elle estime à environ deux ans le temps nécessaire à un jeune diplômé pour s’intégrer, devenir pleinement efficace, être capable de prendre une fonction d’encadrement puis des responsabilités de plus en plus grandes.

Dans cette perspective, les questions suivantes s’imposent :

A-t-il la capacité d’entrainer l’adhésion des autres (leadership), de  manager des subordonnés ?

A-t-il le goût d’entreprendre, la capacité de décider dans incertitude ?

 

  1. Les moyens d’investigation du recruteur.

Le recruteur n’est pas, comme on le croit souvent, en position de force et ses moyens d’investigation sont limités.

C’est lui qui pose les questions et porte le jugement mais, en plus de ses incertitudes (voir l’article « Les incertitudes du recruteur »), ses contraintes sont les suivantes :

-S’il veut mieux connaitre le candidat, en particulier ses choix, ses attitudes et ses valeurs, il doit créer un climat de compréhension et de confiance et poser des questions ouvertes.

-Comme il ne pourra pas observer le candidat en situation professionnelle réelle, il cherchera, au cours de l’entretien, à créer des « situations simulées » invitant le candidat à dire de qu’il a fait ou ce qu’il ferait dans des conditions données.

-Finalement, il devra se contenter de fonder ses évaluations essentiellement sur la base de la parole et des postures du candidat au cours de l’entretien et d’établir ses prédictions à partir de ce qui lui est dit et de ce qu’il ressent.

  • Ainsi décrite, la situation du recruteur fait plutôt penser à celle d’un client à la recherche d’un bien difficile à choisir, client qui sera sensible à tout effort fait par le candidat pour comprendre ce qu’il cherche et faciliter son évaluation et sa prédiction ( voirl’article « Le recruteur « juge » ou « client »)

 

  1. Les notions que le candidat doit maîtriser.

Se préparer à donner au recruteur, toujours honnêtement et authentiquement, les éléments d’évaluation dont il a besoin doit conduire le candidat à bien comprendre les notions suivantes, à se demander comment elle s’applique à lui et à les utiliser à bon escient dans l’entretien.

3.1. Le projet professionnel

Il est difficile de plaider sa candidature à un emploi sans la resituer dans un projet professionnel. Avoir un projet professionnel, c’est savoir assez clairement pourquoi on choisit tel premier emploi, pour faire quelle carrière, après quelle préparation et quels tests de sa motivation, de ses capacités, etc. Par ailleurs, on sait que, généralement, la formation supérieure et les stages sont les déterminants principaux des emplois recherchés.

Il est normal que le candidat ait quelques incertitudes sur son projet et qu’il déclare être ouvert à d’autres opportunités mais plus difficile de faire admettre qu’il est candidat à un emploi qu’il vient de découvrir ou qui constitue une «déviation » par rapport à sa formation.

Concernant la carrière, il ne s’agit pas de savoir quelle fonction il va ou veut occuper dans les 5 ans mais seulement de dessiner le parcours souhaité parmi ceux qui peuvent s’ouvrir dans les 3 à 5 ans :

-devenir manager, dirigeant d’un groupe, d’un service, etc. ;  dans son entreprise ou dans une autre, c’est-à-dire s’éloigner de plus en plus de la fonction technique pour exercer de plus en plus une fonction de direction ;

– devenir responsable technique d’un nombre croissant de personnes et/ou de projets, c’est- à dire ajouter une fonction de direction à la fonction technique qui reste prédominante.

– se réorienter plus ou moins complètement (exemple : devenir un bon X  ou Y avant de créer son entreprise, etc.)

3.2. Les compétences techniques et la préparation au poste.

Généralement, le recruteur ne cherche pas à vérifier si le candidat est compétent pour la fonction mais seulement s’il peut le devenir dans un délai acceptable, s’il a déjà une expérience montrant qu’il a su utiliser ses savoirs et savoirs faire et qu’il pourra rapidement transposer cette expérience dans la fonction en question.

La compétence n’est pas, en effet, le savoir ni le savoir-faire mais le « savoir en action » ; elle se prouve en situation.

C’est la capacité d’agir avec pertinence et de réussir dans une situation de travail ; c’est, pour faire face à des problèmes, la capacité de mobiliser et combiner ses savoirs (connaissances, vision, etc.), ses savoir-faire (pratique professionnelle, expérience compétences techniques, capacités d’apprentissage organisationnel) et ses savoir-être (comportements, attitudes, capacité d’adaptation) pour atteindre un but fixé dans une situation et avec les moyens donnés.

Cette combinaison de ressources comporte trois composantes:

-la connaissance du comment faire, puisée dans sa formation et son expérience  professionnelle ;

-la connaissance de l’avec qui faire,  prenant en compte les besoins et les aides des autres ;

-la connaissance du pourquoi faire bien, dépendant des règles en cours, de ses croyances, valeurs et intérêts.

Le candidat ne doit pas montrer seulement qu’il sait résoudre l’aspect technique du problème qui lui est confié mais qu’il prendra soin de le résoudre selon les règles en vigueur, en collaboration avec les autres acteurs intéressés et en respectant les délais, les coûts et, plus généralement, les buts de l’entreprise.

3.3. La capacité à coopérer et à jouer le « jeu social » de l’entreprise.

L’entreprise est un projet économique risqué ; sa survie et sa croissance dépendent de sa capacité à faire face à la concurrence, grâce à la compétence de ses collaborateurs,  et de sa capacité à obtenir la cohésion collective de collaborateurs qui n’ont pas tous les mêmes intérêts et objectifs et n’adhèrent pas tous également aux valeurs, règles, intérêts et objectifs de l’entreprise.

Dans ce domaine aussi, le recruteur cherchera à vérifier que le candidat est bien disposé à coopérer et à jouer le « jeu social » de l’entreprise ; qu’il n’est ni sottement conformiste ni sottement rebelle à toute règle et travail en groupe mais capable de jouer loyalement, honnêtement et calmement le jeu social de toute collectivité, en :

– acceptant et conservant un  degré de loyauté et d’engagement envers la collectivité;

– mettant en œuvre loyalement les politiques et instructions en cours ;

– présentant et défendant des propositions nouvelles mais en acceptant les décisions

terminales à leur sujet, etc.

3.4. La capacité de leadership.

Destiné à une fonction d’encadrement, le candidat recruté doit avoir la capacité d’exercer l’influence sur les autres, d’entrainer les autres et pas seulement par son pouvoir statutaire ; le pouvoir peut réduire à l’obéissance non désirée mais le leadership est la capacité d’entrainer, d’obtenir l’adhésion à un projet par la motivation, la persuasion, le rayonnement, l’exemple,  etc.

Le recruteur cherchera à évaluer le niveau de cette capacité chez le candidat en lui demandant de décrire son comportement effectif dans les groupes ou en le faisant réagir à des situations simulées adéquates.

Le leadership implique la capacité de s’auto-manager et celle de manager sa relation avec autrui :

-la capacité de s’auto-manager par la conscience de soi (conscience des déterminants de ses émotions et besoins et des effets sur les autres); par la maîtrise de soi (capacité de canaliser ses émotions et de transformer en pensées constructives) ; par son goût pour l’accomplissement (ce qui pousse à faire bien, beau, vite, etc.)

-la capacité de manager sa relation avec autrui par l’empathie (capacité à se mettre à la place d’autrui et de comprendre ce qu’il ressent sans chercher à le juger ni à le consoler ni à décider à sa place) ; par l’ouverture à la relation et le goût d’aider les autres ; par l’intelligence sociale (comprendre les relations de pouvoir et les climats ambiants).

L’exigence envers soi légitime l’exigence envers les autres et l’adhésion est entrainée par la lucidité, l’intégrité, l’empathie et la disponibilité pour les autres.

3.5. Quelques autres compétences comportementales.

Il n’est pas possible de lister ici les définitions de toutes ces compétences.

On trouvera les informations nécessaires dans les autres articles de cet onglet et dans  et dans http://www.journaldunet.com/management/ressources-humaines/grille-d-evaluation/.

On insistera sur les capacités supplémentaires suivantes que l’intensification et la mondialisation de la concurrence et des innovations contraignent les entreprises à rechercher pour devenir et rester flexibles et agiles :

– capacité de tolérance à l’incertitude et au stress ;

– capacité de résilience, celle de rebondir, de surmonter les échecs, non par le déni

(malchance, faute des autres) mais par l’analyse et l’action.

– capacité de flexibilité professionnelle, celle qui fait accepter comme une chance les

changements d’affectation, etc.

– capacité de créativité, celle qui permet d’imaginer une solution nouvelle à un problème.

Ajoutons les deux dernières capacités suivantes considérées comme les plus importantes par le responsable du recrutement chez Google http://mobile.nytimes.com/2014/02/23/opinion/sunday/friedman-how-to-get-a-job-at-google.html?_r=0&referrer=&_ga=1.72390675.1015149980.1393514700                                      

– la capacité d’apprendre et de réapprendre ;

– l’humilité; la capacité d’accepter que les autres puissent avoir de meilleures idées,

puissent prendre le leadership, etc.

Le jeune diplômé de l’enseignement supérieur n’a pas lieu d’être découragé par la multiplicité des capacités requises car réussir ses études exige la plupart d’entre-elles.

Il lui faut principalement accroître sa lucidité sur les trois points suivants :

  • Qu’est-ce que je veux vraiment comme emploi et comme carrière ?
  • Quelles sont mes forces principales et mes faiblesses relatives du moment ?
  • Quel est mon degré d’adéquation au poste auquel je suis candidat ?

 

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan.22/04/2014