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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Sources principales = http://aaiae.iae-toulouse.fr/files/MRH/fiches_outils/Le-processus-de-recrutement.pdf

http://www.cereq.fr/index.php/publications/Net.Doc/Strategies-de-recrutement-et-gestion-de-l-incertitude-une-typologie-des-pratiques-en-France

 

Se préparer à convaincre un interlocuteur oblige à faire des hypothèses sur les objectifs et contraintes, les certitudes et incertitudes de cet interlocuteur. On ne se prépare pas de la même manière selon qu’on doit convaincre un ami, un client ou un juge ; notre comportement (discours et « langage du corps ») sera déterminé par nos hypothèses et il peut être douloureux de constater plus ou moins rapidement que nos hypothèses étaient fausses et avaient provoqué un comportement contre-productif.

Cela est particulièrement vrai pour un jeune diplômé ou un cadre chercheur d’emploi ; il vaut mieux pour lui de faire d’abord les bonnes hypothèses sur la décision du recruteur plutôt que de suivre aveuglément les conseils classiques l’incitant à se « vendre », voire à se « survaloriser », pour « conquérir» son interlocuteur.

La présentation classique du processus de recrutement le fait apparaître comme simple, rationnellement fondé, presque « mécanique » ; le recruteur apparaît comme sachant exactement quel candidat il cherche et comme capable de le repérer facilement.

La réalité est plus complexe ; le recruteur aussi connait des incertitudes et doit faire des paris, ce qui ouvre des marges de manœuvre à tout candidat.

 

  1. La présentation classique du processus de recrutement.

A la lecture des présentations classiques, le processus apparaît clair, logique, quasi scientifique, le contenu de chaque étape paraissant rigoureusement défini.

1.1. Naissance, définition et publication du besoin de recrutement 

Le besoin peut naitre de la vacance d’un poste existant ou de la nécessité de créer un nouveau poste.

Une analyse définit le poste et établit une fiche de poste précisant la mission de l’emploi et les responsabilités, les tâches à réaliser, les moyens et contraintes du poste, les modes d’accès et évolution, les compétences requises.

Sur cette base est établit le profil de candidature à rechercher : les compétences et des qualités personnelles du candidat ; la formation souhaitée et l’expérience requise.

Une annonce est rédigée et publiée ; elle est censée donner envie d’être candidat et fournit des informations sur l’entreprise, décrit le poste à pourvoir, le profil recherché, les avantages éventuels. Elle est diffusée à l’intérieur et/ou à l’extérieur de l’entreprise et par les médias les plus adaptées (presse, sites d’emplois, réseaux divers.)

1.2. La sélection des candidats.

Un premier tri vise à écarter les candidatures les plus « éloignées » du profil affiché (CV et lettre de motivation incomplets ou mal présentés ou bourrés de fautes ; CV ne respectant   pas les exigences du profil  jugées incontournables) et à arrêter la liste des candidats à rencontrer.

Entretien(s) de recrutement.

L’objectif est clairement de juger de la capacité du candidat à occuper le poste ; d’évaluer ses compétences, son expérience, sa motivation, son potentiel ; de repérer les indicateurs permettant de prédire le comportement professionnel du candidat.

Cette phase peut prendre des formes multiples ; entretien en face en face ou à distance, entretien individuels ou collectifs, etc., complétés éventuellement par d’autres types de tests : tests de personnalité, tests d’aptitudes cognitives, éventuellement tests graphologiques ou morpho-psychologiques.

Ainsi présenté, le recrutement apparait comme simple et relevant de la « robotique » ;

-le recruteur sait exactement ce qu’il cherche, connait les caractéristiques à repérer chez les candidats, sait en vérifier la présence et peut choisir en toute connaissance de cause ;

-le candidat, lui, peut avoir l’impression d’être une « clé » en face d’une « serrure », clé qui ouvre la porte ou pas et ne laisse place à aucune latitude d’action.

La réalité est beaucoup plus complexe ; les certitudes du recruteur peuvent être beaucoup plus faibles et les marges de manœuvre du candidat beaucoup plus grandes.

 

  1. Les incertitudes du recruteur.

Leur ampleur dépend du type de recrutement à opérer, comme il est facile de le voir en examinant les deux types extrêmes suivants de recrutement :

Recrutement pour un poste d’exécution répétitive dans une entreprise routinière.

Les compétences et qualités requises sont quasi complètement identifiées et vérifiables par questionnaire ou tests et le recrutement aboutit rapidement. C’est toujours un pari sur le futur mais un pari peu risqué car il y a peu d’incertitude sur les qualités requises et sur l’évolution future du poste.

-Recrutement d’un cadre sur un poste à créer dans une startup.

Le pari est autrement plus risqué ! Malgré toutes les préparations possibles, l’incertitude restera grande sur les trois points suivants :

2.1-Comment le poste va-t-il évoluer ?

Le « métier » concerné peut être stabilisé ou en forte transformation, connu ou naissant, rester « isolé » (études) ou devenir « entrainant » (animation) pour d’autres services, etc.

Il peut ainsi y avoir forte incertitude sur la pérennité du besoin déclencheur selon le degré d’instabilité de la situation considérée et l’horizon de temps retenu.

2.2-Quelles qualités sont requises ?

Dès lors, il s’en suit une incertitude plus ou moins grande sur les qualités requises, sur les savoirs, savoir-faire et savoir-être du candidat et sur le choix des critères à retenir ; choix entre critères précis et détaillés pour « garantir » des compétences spécifiques ou critères plus généraux pour retenir un potentiel de compétences et d’adaptabilité.

2.3- Quelles méthodes de sélection sont retenues?

Les incertitudes concernent ici les perceptions et inférences faites par le recruteur, incertitudes qui peuvent être limitées par la multiplication des tests et des testeurs mais qu’on ne peut jamais totalement éliminer.

-La perception d’un candidat par le recruteur est toujours plus ou moins biaisée.

La comparaison entre deux candidats successifs peut produire une « effet de contraste ».

Personne ne peut vraiment échapper aux biais psychologiques suivants : « l’effet de projection » (percevoir les autres en fonction de ce qu’on est ou aime) ; « l’effet de halo » (former une impression générale sur la base d’une seule caractéristique de l’autre), « le stéréotype » (juger l’autre sur la base du groupe auquel il appartient) ; la « perception sélective » (percevoir l’autre selon ses propres besoins, attentes, valeurs, intérêts etc.).

-Les inférences concernent l’interprétation faite par le recruteur des contenus du dossier de candidature et de l’entretien ne sont jamais certaines.

La recherche des causes et des motivations prend ici une place particulière.

Par la recherche des causes des parcours, des succès et des échecs le recruteur va tenter de distinguer ce qui est « produit » par les capacités du candidat (« cause interne ») de ce qui est dû aux « causes externes » favorables ou pas ;

Par la recherche des motivations des réalisations passées et des projets, il va tenter de déceler la détermination que le candidat mettra à réussir dans son poste.

-Perception et interprétation ne sont jamais dénuées d’incertitudes mais l’incertitude la plus forte concerne la prédiction et le choix final.

Des connaissances et expériences nombreuses ont démontré la valeur plus ou moins grande de telle qualité ou ensemble de qualités comme prédicteur du succès professionnel mais la seule certitude ici est qu’il n’y pas de déterminisme total, pas une seule voie du succès.

-Et au moment du choix final, le recruteur est bien obligé de choisir entre des candidats inégalement classés selon les critères : par exemple entre le candidat le plus motivé, déterminé, adaptable et candidat le plus compétent sur le plan technique mais le moins bon sur le plan des compétences relationnelles, etc.

Sur la base de cette analyse, la meilleure stratégie de comportement du jeune diplômé ou cadre en recherche d’emploi est de considérer tout recruteur non pas comme un juge mais plutôt comme un « client » à la recherche d’un bien difficile à choisir.

Ce « client » sait grosso-modo ce qu’il cherche ; il s’est donné des critères, les uns certains mais d’autres plus incertains ; il peut facilement vérifier les critères objectifs mais pas les autres et il sait qu’il n’y a pas de « voie unique du succès ».

L’objectif du candidat est alors de bien comprendre ce que cherche le « client », de bien repérer ses incertitudes et craintes puis de chercher à les réduire pour faciliter sa prédiction. Il ne suffira pas de faire état de sa motivation, de ses acquis, etc. mais il faudra dire, par l’écrit, la parole, la posture, et sans arrogance, en quoi et pourquoi ce qu’il a réalisé à ce jour et ses ambitions et projets sont prédicteurs de succès dans le poste.

(Pour plus d’informations, voir les 2 articles ci-dessous = « Le recruteur » – « Les outils du recruteur ».)

 

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 15/03/2014