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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Créer sa plate-forme d’intermédiation.1 Créer sa plate-forme d’intermédiation.1

Source: Mooc EDX “Platform Strategy for Business”   M. Van Alstyne Professor Boston University

co-auteur de “Platform Revolution: How Networked Markets Are Transforming the Economy—and How to Make Them Work for You.”

 

Préparer une création d’entreprise, c’est le plus souvent aujourd’hui, se préparer à créer sa plate-forme d’intermédiation. C’est le cas quasi général parmi les informaticiens porteurs de projet de création mais c’est aussi, souvent, le cas des autres types de candidats à la création.

Par ailleurs, on a montré (https://outilspourdiriger.fr/la-revolution-des-gafa-2/) que les entreprises traditionnelles sont contraintes ou en cours de devenir des plates-formes d’intermédiation et recherchent des compétences dans ce domaine.

C’est dire que tout dirigeant actuel ou potentiel doit développer ou construire sa boîte à outils dans ce domaine.

C’est l’objectif de cette série d’articles inspirés d’une source d’informations particulièrement remarquable.

Après « La révolution des GAFA », ce deuxième article est consacré à la création d’une plate-forme d’intermédiation ; plus particulièrement à l’identification des choix de base à faire  et aux méthodes visant à attirer les utilisateurs ;  reportant à un prochain article la présentation des méthodes de monétisation, des stratégies, etc.

 

  1. Définition et conditions clés du succès.

1.1. Définition

Bien que la définition exacte de la plate-forme d’intermédiation ne soit pas totalement stabilisée, nous retiendrons celle donnée par le MOOC source d’inspiration.

« Une plate-forme (« business platform » ou « networked platform ») est une entreprise fondée sur la création d’interactions créatrices de valeur entre producteurs et consommateurs externes. La plate-forme fournit une infrastructure ouverte et participative pour ces interactions et définit les conditions de gouvernance. Le but primordial de la plate-forme est de réaliser des correspondances entre utilisateurs de la plate-forme et de faciliter l’échange de biens, de services ou de monnaie, permettant ainsi la création de valeur pour tous les participants ».

Il s’agit d’intermédiation entre producteurs et utilisateurs intéressés par un produit réalisé hors de l’entreprise.

Le but de la plate-forme est de relier des producteurs et des consommateurs pour leur permettre d’échanger des informations, des biens ou services, de la monnaie ou une autre forme de rétribution.

Le but de l’infrastructure technique est de rendre utiles et faciles les interactions entre le maximum de participants en leur fournissant des outils qui et favorisent les échanges, la collaboration, le partage et la fidélité à la plate-forme.

Le but de la gouvernance est d’attirer et de fidéliser les producteurs et consommateurs visés, de faciliter les connexions entre partenaires pertinents, de veiller à la qualité des interactions et des échanges et de décider des formes de monétisation des prestations de la plate-forme.

1.2. Conditions clés du succès

Les conditions clés de la réussite sont d’abord l’obtenir l’effet de réseau et, autant que possible, la viralité, puis de réussir la monétisation.

1.2.1. Effet de réseau et viralité. (https://outilspourdiriger.fr/effet-et-industries-de-reseau/).

Cet effet se réalise chaque fois que l’utilité qu’on trouve à un produit et la demande qu’on en fait croissent avec le nombre d’utilisateurs de ce produit ou de produits complémentaires. C’est le cas de tous les réseaux d’échanges (communications, transports, cartes bancaires, réseaux sociaux, etc.) et donc le cas des plates-formes d’intermédiation.

Les opportunités d’échanges intéressants croissent avec le nombre d’utilisateurs d’une plate-forme. Les consommateurs ou les producteurs peuvent trouver plus d’aide de la part de leurs pairs (Same-side network effect) et  plus de consommateurs attirent plus de producteurs et vice-versa (Cross-side network effect)

On notera cependant que cet effet peut être négatif ; par exemple, en cas d’inadéquation entre les nombres ou les objectifs des types d’utilisateurs (trop de demande pour l’offre, trop de concurrence entre offreurs, trop de publicité, facturation non pertinente, etc.); ce qui exige qu’un processus de veille et de correction (« curation ») soit en place.

On notera aussi que, positif ou négatif, cet effet de réseau peut être accéléré par les évaluations et recommandations émises par des utilisateurs. C’est la forme principale de la viralité ou action,  délibérée ou pas, des utilisateurs actuels de la plate-forme d’attirer de nouveaux utilisateurs.

1.2.2. Monétisation

C’est l’un des problèmes les plus difficiles pour toute plate-forme ; monétiser, facturer,  est une condition de survie mais qui rentre en contradiction avec le développement de l’effet de réseau ; ce dernier exige l’attraction des utilisateurs, le développement de leur nombre et de leurs interactions mais facturer réduit l’attraction voire provoque l’abandon. Un dilemme difficile à surmonter et qui conduit à recourir à un mix de gratuité et de facturation

Reportant à un prochain article la présentation des méthodes de monétisation, de stratégie etc. voyons quels sont les choix de base à faire, les méthodes visant à attirer les utilisateurs, celles visant à faciliter leurs rencontres et leurs échanges,  celles visant à développer la plate-forme en diversifiant ses services.

  1. Les choix de base : unité de valeur, type de participant et interaction.

-La première question à se poser est évidente bien que redoutable : Quels échanges faciliter et entre quels acteurs ?

Quelle vocation, mission, raison d’être, donner à la plate-forme ?

On sait que l’objet échangé peut être une information, un bien ou un service et de la monnaie (ou une autre forme de rétribution). Pour un réseau social, c’est une information ou un conseil entre membres de la plate-forme ou membres d’un de ses groupes spécialisés ; pour Uber c’est un déplacement entre un voyageur et un conducteur sélectionné; pour Airbnb c’est un loueur provisoire sélectionné et un particulier, etc.

Si on appelle « unité de valeur » l’objet échangé, la première question qui se pose, donc, à tout concepteur de plate-forme est : Quelle est l’unité de valeur ? Qui la créée et entre quels acteurs elle est échangée ?

-La seconde question est plus simple mais plus technique : comment organiser l’interaction entre les acteurs.

On sait que toute interaction commence par un échange d’informations portant sur l’unité de valeur et sur les acteurs de l’échange recherché ; mais c‘est cet échange initial qui détermine la poursuite et la bonne fin de  l’interaction. C’est donc nécessairement la plate-forme qui doit l’organiser ; produire ou encourager les producteurs à produire des unités de valeur exactes, utiles, pertinentes et intéressantes pour les consommateurs ; faire le contrôle de la qualité des unités de valeurs et des acteurs, concevoir le processus (le « filtre ») qui rapproche et fait correspondre producteur et consommateur de l’unité de valeur ; chercheur et producteur d’une information, d’un voyage, d’un logement, d’une application, etc.

Connaissances et convenances mutuelles établies, l’échange de biens ou services peut se faire soit via la plate-forme (réseaux sociaux, etc.) soit en dehors d’elle (Uber, etc.). L’échange de monnaie ou d’autre forme de rétribution (avis positifs, recommandation, etc.) achève l’interaction et peut se faire soit via la plate-forme soit en en dehors d’elle (bouche à oreille).

Une fois opérés ces premiers choix portant sur l’interaction de base initiale ; l’unité de valeur, le type de participants et le filtre de connexion, vient le moment de préparer la mise en œuvre et en particulier de choisir les moyes d’obtenir l’effet de réseau dont on sait qu’il dépend du nombre d’utilisateurs de la plate-forme, plus exactement du volume des échanges jugés satisfaisants par les utilisateurs.

Viser cet objectif conduit à réussir trois types d’action qu’on peut ainsi résumer : attirer, faciliter et faire correspondre (« pull, facilitate, and match »).

-Attirer les producteurs et les consommateurs vers la plate-forme pour permettre les interactions entre eux.

-Faciliter par des règles et des outils pertinents les rencontres et interconnections pertinentes.

-Faciliter les échanges les plus satisfaisants entre producteurs et consommateurs.

 

  1. Attirer les participants.

C’est l’objectif à la fois le plus prioritaire et le plus difficile. On rencontre ici le dilemme de la poule et de l’œuf : pas d’attraction sans valeur et pas de valeur sans participant ; mais on peut repérer plusieurs façons de résoudre cette énigme.

3.1. Les méthodes de base.

On peut les ramener à trois, à appliquer séparément ou à combiner.

-Partir d’une entreprise traditionnelle.
C’est l’expérience d’Amazon ; partant de l’état de détaillant en ligne utilisant des listes de produits pour attirer les consommateurs puis ouvrant son système à des producteurs externes pour créer une place de marché.

-Créer des unités de valeur.

Les gestionnaires de plate-forme créent des unités pour attirer un ou plusieurs groupes d’utilisateurs et commencer à montrer les avantages potentiels de la participation à la plate-forme; en espérant que les utilisateurs initiaux attirent d’autres utilisateurs, etc.

-Créer des outils, des produits ou des services pour attirer un des deux ensembles d’utilisateurs, consommateurs ou producteurs. Par exemple, des outils pour attirer des restaurateurs puis pour chercher à attirer les prospects et clients des restaurants.

– Combiner ces méthodes pour tenter d’attirer les deux types d’utilisateurs simultanément. 

3.2. Quelques méthodes particulières.

On peut en repérer six.

-La méthode du « portage ». (« Piggyback »)

Créer des unités de valeur et se connecter à une base existante d’utilisateurs pour les attirer.

C’est l’expérience de PayPal prenant appui sur les utilisateurs de eBay. C’est aussi celle de plates-formes qui ont fait figurer des listes d’offreurs classiques dans leur plate-forme puis ont adressé à ces offreurs les demandes qu’elles recevaient de consommateurs ainsi qu’une invitation à s’inscrire officiellement sur la plate-forme.

-La méthode de l’ensemencement (« The seeding strategy »)

Créer des unités de valeur pertinentes pour au moins un ensemble d’utilisateurs potentiels, définir le type d’unités de valeur souhaitées et lancer un appel à contributions.

C’est l’expérience de Google concernant son système d’exploitation Android ; il a lancé un concours doté de gros  prix parmi les développeurs pour créer les applications d’aujourd’hui. Adobe a lancé son outil de lecture de documents PDF en mettant en ligne les formulaires fiscaux du gouvernement fédéral nécessaires aux contribuables.

Des plates-formes de rencontre ont, au début,  probablement mis en valeur des photos de femmes ou d’hommes les plus susceptible d’attirer l’autre sexe

-La méthode du participant clé.

Certains membres d’un ensemble d’utilisateurs peuvent apparaître comme clés du  succès d’une plate-forme. L’obtention de leur participation est alors prioritaire et peut être recherchée via des incitations financières ou honorifiques, voire des acquisitions.

Dans les plates-formes de jeux électroniques, des développeurs dominants d’un domaine sont incontournables. Aussi, Microsoft, Sony et Nintendo ont tous établi des accords de partenariat particulièrement favorables avec eux et, parfois, les ont achetés pour avoir l’exclusivité de leurs compétences.

Parfois, les participants clés sont des consommateurs plutôt que des producteurs. C’était le cas avec PayPal, ce qui explique pourquoi la société a financièrement incité les acheteurs à adopter leur mécanisme de paiement en ligne.

-La méthode de « l’évangélisation » des producteurs:

Elle consiste à attirer des producteurs qui peuvent inciter leurs clients à devenir des utilisateurs de la plate-forme.

Il faut alors conquérir l’adhésion de producteurs en leur offrant des services utiles pour eux (par exemple des outils de gestion de la relation client (CRM)) ou des rémunérations financières ou honorifiques etc.

C’est ce que font les plates-formes de crowdfunding avec les startups puis leurs clients ou les plates-formes éducatives avec des enseignants particulièrement influents

-La méthode de la promotion exceptionnelle.

Elle consiste à prendre appui sur un ou des événements attractifs de foule et pertinents pour se faire connaître. C’est l’expérience de promotion lancée pat Twitter lors d’un festival du film permettant à tous de voir sur grand écran leurs tweets et commentaires. Cette méthode a été imitée par Foursquare.

-La stratégie de niche.

La plate-forme commence à fonctionner réellement et complétement avec un nombre restreint de participants puis duplique son expérience dans d’autres groupes analogues, etc.

C’est l’expérience de Facebook se lançant d’abord dans la communauté fermée de l’Université Harvard ; puis conquérant d’autres campus ; puis développant les relations entre amis de différents campus.

De la même manière, on peut commencer une plate-forme restreinte, centrée sur un type « d’unité de valeur » puis se développer en se diversifiant. C’est, par exemple, l’expérience de LinkedIn. 

3.3. Rechercher la viralité.

Rechercher la viralité doit compléter les méthodes ci-dessus présentées d’attraction des utilisateurs.

On peut se contenter de compter sur la bouche à oreille mais on peut aussi organiser une forme de viralité plus systématique en s’inspirant, par exemple, de la méthode exploitée par Instagram :

Un utilisateur d’Instagram (« l’émetteur ») y poste une image qu’il vient de créer (« unité de valeur »).

Cet émetteur diffuse son image sur Facebook l’exposant à de nombreuses autres personnes.

– Un utilisateur de Facebook (le récepteur-relanceur) visite Instagram et trouve envie d’y « émettre » une photo. Et le processus peut se poursuivre, sous l’incitation et au plus grand bénéfice d’Instagram qui a fini par être acheté par Facebook. L’émetteur qui est à la recherche d’une audience pour lui-même dans sa plate-forme habituelle peut générer indirectement un intérêt pour une autre plate-forme.

Une plate-forme doit inciter par des moyens financiers ou honorifiques à faire ce type de diffusion pour obtenir la viralité… à condition que son « unité de valeur » s’y prête (être « intéressante », non confidentielle, non concurrente, etc.) et que le réseau externe visé n’y mette pas obstacle.

On notera que la plate-forme à la recherche de la viralité a peu de contrôle sur l’unité de valeur, laquelle est créée par un utilisateur ; il lui faut donc trouver des incitations à faire et des outils facilitateurs.

  1. Faciliter les rencontres pertinentes et les échanges entre utilisateurs.

C’est là la fonction de l’infrastructure technique et des règles retenues par la direction de la plate-forme.

-Faciliter les rencontres pertinentes peut être laissé à l’initiative de chacun mais gagne à être un peu organisé et exige, alors,  d’avoir des informations sur les unités de valeur échangeables et sur les échangeurs potentiels.

C’est alors affaire d’algorithmes pour collecter, organiser, trier, analyser et interpréter les données  et affaire de filtres pour établir les correspondances pertinentes.

On comprend mieux pourquoi les plates-formes actuelles cherchent à mieux nous connaître ; on peut craindre qu’elles fassent un usage indu de ces informations mais on peut aussi penser que c’est pour mieux nous servir.

En tous cas, avoir ces informations est nécessaire à toute plate-forme ; on peut inciter les utilisateurs à les donner et on peut tenter de les  obtenir indirectement et, par exemple,  en demandant aux utilisateurs de s’inscrire à l’aide de leurs identités Facebook ou autre.

-Faciliter les échanges entre producteurs et consommateurs est affaire d’outils techniques mais surtout de confiance et de règles ; outils pour aider les producteurs à présenter leur offre et à la soumettre aux prospects pertinents ; outils pour aider les consommateurs à trouver rapidement ce qu’ils cherchent. Condition nécessaire mais pas suffisante en l’absence de confiance. Les consommateurs doivent être persuadés que les producteurs et leurs offres sont fiables et les producteurs avoir confiance dans l’usage qui sera fait de leurs offres et être assurés d’obtenir la contrepartie prévue.

  1. Diversifier les services rendus.

Uber a créé deux nouveaux services : permettre à ses voyageurs de faire du co-voiturage ; faciliter à ses chauffeurs l’obtention de prêts bancaires pour acheter leur voiture.

LinkedIn a largement diversifié son activité en ajoutant des groupes professionnels d’échanges, en s’ouvrant aux offres et demandes d’emploi et en lançant des formations avec « LinkedIn learning ».

Comme toute entreprise, les plates-formes doivent chercher à se renforcer en créant des activités complémentaires à son service de base ou en innovant ; elles peuvent le faire de l’une des façons suivantes ;

-changer son unité de valeur de départ ;

-attirer une nouvelle catégorie d’utilisateurs en tant que producteurs ou consommateurs ;

-ajouter une unité de valeur

-créer des groupes d’utilisateurs pour spécialiser les échanges et mieux contrôler leurs qualités, etc.

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur.  A.Uzan. 20/04/2018

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