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(Source principale = K. Jablokow   https://class.coursera.org/cic-001/wiki/view?page=about  – Creative Diversity)

Tout jeune cadre d’entreprise est aujourd’hui inéluctablement promis à intégrer ou diriger un groupe chargé de résoudre ou de prévenir un problème constaté ou pressenti et doit se préparer à cette tâche.

Un problème est un écart entre la situation vécue et la situation souhaitée. Il peut concerner tout ou partie de l’entreprise. Il peut être perçu ou pressenti plus ou moins clairement selon le degré de danger du vécu et le degré de clarté du souhaité ; il peut être plus ou moins urgent à résoudre selon le degré de danger entrainé par le vécu ; il peut être plus ou moins facile à résoudre selon le degré de facilité d’identification des causes et de transposition de solutions connues.

Tout participant à un groupe de travail  a pu constater, d’expérience personnelle ou professionnelle, que toute réunion de groupe pouvait être très productive et gratifiante pour tous ou improductive et très frustrante. Et un article précédent (« Les comportements dans les groupe de travail ») donne les moyens de mieux comprendre les comportements observables dans ces groupes.

Dans le cas de problème complexe où le danger du vécu et la définition du souhaité sont incertains ou multiples, l’urgence grande, l’identification des causes très difficile et les solutions peu ou pas connues ou multiples (par exemple vaut-il mieux consacrer ses ressources à rajeunir le produit X ou à préparer un produit nouveau ?), une grille supplémentaire de lecture et de compréhension des comportements est nécessaire.

Le groupe doit alors réunir des hommes d’expertises, d’expériences et de responsabilités diverses qui doivent collaborer en créativité et il importe alors, si on veut contribuer , comme membre, au résultat recherché ou obtenir, comme manager, le type de collaboration nécessaire au succès,  de comprendre les raisons des différences de comportements observables sans se contenter d’explications simplistes et stéréotypées.

Voyons ce qu’est, essentiellement, la démarche de créativité et la diversité créative avant d’indiquer les conditions de l’obtention de la synergie.

 

  1. La démarche de résolution de problème (démarche de créativité).

On sait que cette démarche comporte deux grandes étapes principales que J. P. Guilford,  un psychologue américain, expert en créativité, a appelées “divergent thinking” and “convergent thinking ».

-L’étape de pensée divergente (divergent thinking) est la phase d’analyse et de réflexion visant à générer le maximum de définitions du problème, d’explications, d’explorations de voies de solution, d’alternatives de choix etc. (par exemple, par brainstorming).

-L’étape de pensée convergente (convergent thinking) est la phase d’évaluation des options possibles et des préconisations sinon des décisions.

Il n’y rien là d’exceptionnel car chacun de nous, lors de ses choix, pratique régulièrement cette démarche plus ou moins consciemment et minutieusement. Par contre, il est absurde d’assimiler la démarche de résolution de problème à la seule « pensée divergente » et encore moins à la seule « pensée divergente créatrice d’idées radicalement nouvelles ». Les deux étapes sont nécessaires et la qualité du travail à réaliser dans chacune d’elle ne doit pas être jugée en soi mais d’après sa pertinence pour résoudre le problème.

 

  1. La diversité des membres du groupe (Diversité créative).

On sait que ces membres sont, généralement, d’expertises, d’expériences et de responsabilités diverses mais il faut aussi prévoir qu’ils seront très probablement de créativité différente pour trois types de raisons : l’enjeu de l’opération, le niveau de créativité et le style de créativité.

2.1. L’enjeu de l’opération et la motivation des membres.

L’objectif du groupe a toute chance de susciter des motivations et comportements différents chez ses membres. Tout projet de changement comporte une combinaison de menaces et d’opportunités potentielles qui sont perçues différemment par les membres et, peut-être très différemment au début ; il est alors normal de s’attendre à des comportements initiaux divers : de précautions, de résistance ou d’engagement enthousiaste.

2.2. Le niveau de créativité.

C’est le niveau de capacité cognitive, de ressources cognitives mobilisables pour  résoudre le problème; ressources innées (dons, talents, etc.) ou acquises (expertises, expériences, etc.) et la vitesse et la pertinence de la  mobilisation.

Dans l’étape de pensée divergente, c’est la capacité de proposer une définition, des explications et des solutions pertinentes pour le problème posé. Dans l’étape de la pensée convergente, c’est la capacité de proposer des critères de sélection qui tiennent le mieux compte des contraintes.

Cette capacité est composée de concepts, représentations mentales construites pour catégoriser des objets d’observation et en comprendre plus rapidement les dysfonctionnements (par exemple la « courbe de vie d’un produit ») ; elle comporte également des paradigmes ou système d’explication d’une situation complexe fournissant une base pertinente d’analyse et de décision (par exemple, la gestion d’un portefeuille de produits ou de la stratégie)

Le niveau de créativité d’un membre dépend de son domaine d’expertise mais il peut aussi être inégal entre les experts d’un même domaine et, de toute façon, tout outil conceptuel est en « chantier permanent» car des données, idées ou notions nouvelles surgissent quasi toujours qui tendent à remettre en cause les concepts  dominants. (Pensons aux effets de l’internet ou de la mondialisation sur les concepts classiques…)

Chaque membre ayant tendance à utiliser ses concepts et paradigmes préférés, il est alors normal de s’attendre à une diversité de voies d’exploration et d’analyse du problème et aux difficultés de communication correspondantes.

2.3. Le style de créativité

Il est indépendant du niveau de  créativité. C’est la manière d’approcher la résolution d’un problème, la manière d’utiliser ses ressources cognitives, son niveau de créativité, devant un problème et chacun sait, d’expérience personnelle, que sa manière est  spontanément stable bien que non entièrement figée.

On peut distinguer les deux styles suivants dans les groupes de résolution de problème, en observant la relation du comportement du membre avec « l’existant » de l’entreprise (ses règles, valeurs, politiques, etc.)

-le style « adaptatif ». C’est celui du membre qui prend prioritairement en compte l’existant de l’entreprise et tend à l’aménager, l’améliorer et à rechercher le consensus sur la solution. Ici, l’hypothèse de base est qu’on peut faire mieux dans la structure existante et qu’il faut rechercher cela de façon systématique. C’est le style de la créativité évolutive.

-le style « innovant » ; C’est celui des membres qui tendant d’abord à penser hors contraintes existantes et à proposer des ruptures par rapport à l’existant, sans souci de consensus. Ici, l’hypothèse de base est qu’il faut changer le système existant pour résoudre le problème et trouver intuitivement des solutions nouvelles. C’est le style de créativité radicale.

 

  1. Les comportements caractéristiques de chaque style de créativité.

(Source = Kirton –« Adaption-Innovation in the Context of Diversity and Change »  www.kaicentre.com)

Nous appellerons le membre du groupe SA (style adaptatif) ou SI (style innovant) selon son style de créativité. Par ailleurs, les attitudes présentées ci-dessous doivent être considérées comme des « extrêmes » et être lues comme des tendances.

3.1. Attitudes concernant le paradigme de résolution du problème.

Le SA pense que le système actuel, le modèle actuel de l’entreprise est le meilleur possible et recherche la solution dans ce cadre, n’en sortant que s’il n’a pas le choix.

Le SI pense que le système en cours doit être remplacé et recherche la solution sur les bords ou en dehors du cadre actuel.

3.2. Attitudes concernant l’évolution de l’entreprise.

Le SA connait et approuve l’histoire de l’entreprise et considère que sa mission est de faciliter la poursuite et la stabilisation de la trajectoire en cours.

Le SI ne se sent pas contraint par l’histoire de l’entreprise et considère que sa mission est de faire sauter les verrous qui bloquent sa progression.

3.3. Attitudes concernant le déroulement de la démarche.

Le SA veut que le problème soit bien défini et qu’il soit étudié selon des méthodes éprouvées. Il propose peu de solutions mais des solutions applicables rapidement et visant  à obtenir l’amélioration souhaitée.

Le SI critique la formulation initiale du problème. Il propose beaucoup de solutions souvent originales mais souvent peu applicables.

3.4. Attitudes concernant le travail en groupe.

Le SA cherche à contribuer au climat de coopération et à la tâche du groupe. Il demande des règles de comportement claires, une discussion ordonnée et recherche le consensus par concessions mutuelles.

Le SI ne se sent pas concerné par le climat de coopération ni par l’adhésion des autres. Il aime l’excitation des discussions non structurées voire chaotiques et les interruptions de parole.

3.5. Les opinions des uns sur les autres.

Le SA tend à voir le SI comme un franc-tireur ou un « objet flottant » et comme un facteur de désorganisation du travail du groupe ; il le sait à l’aise dans l’incertitude et la prise de risque mais le trouve plutôt grossier, peu pertinent, imprudent et aimant changer pour changer.

Le SI tend à voir le SA comme conformiste, précautionneux, mal à l’aide dans l’incertitude et la prise de risque et résistant au changement.

 

  1. L’exigence de coopération et le management de la diversité créative.

Résoudre un problème professionnel complexe est aujourd’hui hors de portée d’un homme seul et exige le travail d’un groupe d’hommes d’expertises, d’expériences et de responsabilités diverses qui ont toute chance d’être différents quant à la motivation, au niveau de créativité et  au style de créativité.

C’est cette diversité nécessaire qui représente le problème majeur du manager de l’opération.

Chaque membre peut apporter une contribution positive à la résolution du problème mais peut aussi produire des effets négatifs sur les autres membres (remises en question plus ou moins explicites des autres, renforcement des motivations de résistance, etc.) et sur le groupe (ralentissements, perturbations, voire dévoiements).

On sait (voir « Les comportements dans les groupe de travail ») que tout conducteur de réunion, animateur d’une équipe de travail, doit exercer trois types de fonctions :

-La fonction de production, de réalisation de l’objectif de la réunion, de la tâche du groupe.

-La fonction de facilitation du travail du groupe sur le plan matériel et intellectuel.

-La fonction de régulation de la cohésion et du climat de travail du groupe.

Se préparer à remplir ces fonctions doit conduire le manager d’un groupe de résolution de problème à trouver les réponses aux trois questions principales suivantes :

4.1. Quelle composition du groupe, quels « éclatements » en sous-groupes et quels regroupements ?

A un niveau de motivation donné, on sait que les équipes ayant une moindre dispersion de niveau et de style de créativité progresseront plus vite vers une solution mais à partir d’une largeur de vue plus faible et d’une palette de solution plus étroite ; et que les autres types d’équipes ont les avantages et inconvénients inverses.

On sait aussi que les équipes ayant majoritairement le style de créativité adaptif seront plus soucieuses de consensus et du climat du groupe mais aussi plus conformistes que les équipes de style innovant.

Le choix de la diversité créative dépend du problème à résoudre et de la phase de progression vers la solution et le manager doit savoir faire les éclatements et regroupements qui maximisent la vitesse de progression vers le succès.

4.2. Comment créer chez tous le haut niveau de motivation nécessaire ?

Il ne suffit pas ici de faire admettre par tous la réalité du problème à résoudre et les risques qu’il fait courir à tous ; les analyses et les solutions éventuelles du problème peuvent aussi être perçues comme menaçantes  par certains et de toute façon la peur n’est jamais aussi motivante que l’espoir !

Il convient donc plutôt ici de rassurer sur les risques potentiels courus par chacun et de s’engager sur les bénéfices que chacun pourra retirer de la réussite de l’opération.

Par ailleurs, la manière de présenter le problème ne doit aucunement donner l’impression que la décision est déjà prise pour l’essentiel et que le groupe n’est réunie que pour entériner. Il ne faut pas confondre directivité et manipulation.

4.3. Comment réguler le fonctionnement du groupe ?

Tout membre du groupe éprouve le besoin de s’y sentir utile, compétent, influent, reconnu, respecté et en sécurité psychologique, mais la discussion entre personnes différentes en motivation, niveau et style de créativité est dérangeante et peut devenir irritante et provoquer des réactions immédiates de non collaboration (retrait, rejet, etc.).

C’est l’incompréhension de la manière de penser et d’imaginer de l’autre et surtout le ressenti devant la  manière de s’exprimer de l’autre qui dérange, provoque la dissonance cognitive, la « résistance au changement », voire le mépris ou le conflit, etc.

Il appartient ici au manager de veiller aux trois aspects suivants de la régulation du fonctionnement :

-informer chaque membre qu’il a le devoir de contribuer au travail du groupe ; le droit de le faire de façon libre et authentique mais l’obligation d’être attentif aux effets de son comportement sur les autres membres et l’interdiction absolue de faire de la provocation.

-veiller à repérer les incompréhensions et réticences « non dites »pour en demander les raisons et faire donner les explications complémentaires.

– donner du temps à la vérification et à la maturation des idées.

 

Le travail en groupe est incontournable et réunit des membres généralement différents.

La tâche du manager est de transformer les différences en synergie.

 

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan.  13/10/2013