outils pour diriger

Comprendre pour agir

Pour conforter ou enrichir votre boite à outils avec :

André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Segmenter le marché Segmenter le marché

 

  1. Les objectifs

Segmenter un marché, c’est décomposer une population de clients ou de prospects en sous-ensembles homogènes aux yeux du « segmenteur ». Les critères d’homogénéité  d’un sous-ensemble de population pouvant être très divers, allant de l’âge aux valeurs, en passant par la localisation, le revenu, etc., segmenter, c’est, en fait, choisir des critères d’homogénéité et ce choix dépend de l’objectif poursuivi.

Pour une entreprise et concernant  ses clients ou prospects, les questions basiques sont, ici, les suivantes :

-que cherchent nos clients ou prospects à obtenir de notre offre ou de celles de nos concurrents ?

-comment réagissent– ils, ou réagiraient-ils, à nos actions de marketing ou à celles d’autres offreurs, actions telles qu’un changement du produit, de produit, de prix, de promotion, d’emplacement de vente, etc.

Il est clair que l’homogénéité ici recherchée n’est pas celle du démographe ou du sociologue ; le critère à retenir est celui du comportement à l’égard de l’entreprise, comportement d’achat et comportement de prescription. L’entreprise ne peut espérer ni que tous ses clients et prospects aient le même comportement à l’égard de son offre ni qu’elle puisse définir une offre et des actions pour chacun d’eux. Il lui faut déterminer des segments de clients et de prospects, les hiérarchiser, choisir le segment-cible à servir et conquérir, éventuellement plusieurs segments-cibles à traiter différemment, etc.

  1. Les échecs des méthodes généralement appliquées

La recherche de segmentation a donné lieu à applications de méthodes nombreuses et de plus en plus sophistiquées comme l’indique le tableau suivant :

segment.1

Source = http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/segmentation-developper-experience-client-online.html

Deux articles relativement récents publiés par des équipes de chercheurs et d’experts américains montrent la vanité de cette sophistication et invite les dirigeants à retrouver leurs bases : les bons objectifs et les bonnes et simples méthodes de segmentation.

-Barron et Hollingshead (Monitor Group) “Making segmentation work” in Marketing management- American Marketing Association    https://archive.ama.org/archive/…/5817737.pdf

-Christensen, Berstel, Nitterhouse (Harvard), S. Anthony (Innosight) “Finding the right job for your product”.

http://www.sce.carleton.ca/faculty/tanev/TTMG_5103/Articles/Christensen_Finding_the_right_job_for_your_product_MIT_Sloan_2007.pdf

Les innombrables approches appliquées ont été rarement pertinentes et ont suscité trois types d’échecs.

-Elles permettent de repérer des types de clients et leurs caractéristiques mais ces types de clients peuvent avoir et ont, en fait, des comportements très différents. Par exemple, les acheteurs de tel type de produit sont des hommes ayant telles ou telles caractéristiques ; mais tous les hommes ayant ces caractéristiques n’achètent pas le même produit, ni pour les mêmes raisons ni au même endroit, quand ils en achètent un, etc.

La segmentation fondée sur les critères démographiques, géographiques, économiques et psychosociologiques  peut faciliter l’identification des groupes de clients et, si nécessaire, l’obtention d’une liste de publipostage, mais ces critères sont des indicateurs médiocres du comportement réel sur le marché et le seront de plus en plus avec la diversification des produits offerts et le goût des clients pour la personnalisation. La complexité de la réalité doit être réduite mais cette réduction ne sert à rien si elle ne donne aucun moyen d’action sur les clients et prospects.

-Il est possible grâce à un sondage d’identifier une typologie des clients ou des prospects mais il s’avère, après, quasi-impossible de repérer et joindre le client ou le prospect concret. Une enquête peut être lancée pour connaître les besoins des clients ou prospects ou les raisons de leurs comportements d’achat, etc. et par la « magie de la statistique » on peut repérer des groupes de clients ou de prospects homogènes au regard des critères utilisés et cela est bien utile à la compréhension .Mais la difficulté surgit après : comment communiquer avec le type « aventurier » ou le type « hédoniste », etc. ? Où le trouver ? Où achète-il ? Quels média lit-il ? Etc.

-Ces deux types de difficultés et d’échec en entrainent un autre, plus grave encore ; les services internes de l’entreprise autre que le Marketing (Commercial, Fabrication, Contrôle de gestion, etc.), n’ont généralement pas été consultés sur le sujet, et tous tendent à s’imputer mutuellement les  conséquences néfastes des échecs ci-dessus, créant un climat de conflit des plus néfastes.

Ces difficultés doivent être surmontées et le peuvent par des méthodes pragmatiques et   « collectives »

 

  1. Objectif et méthodes basiques.

3.1. Constituer une équipe et définir un objectif approprié.

L’équipe doit réunir des représentants des services intéressés pour que le projet bénéficie de la diversité des points de vue et des connaissances et que soient partagés les diagnostics et les choix de solutions.

L’objectif est clairement de comprendre, prédire et influencer le comportement du client ou prospect ;

– savoir ce qu’il cherche à obtenir de l’offre de l’entreprise ou de celles des concurrents ?

-savoir comment le joindre et comment il réagit ou réagirait aux actions de marketing d’un offreur.

Le client n’achète pas un produit ou un service mais ce que le produit ou le service permet de réaliser, les facilités de réalisation qu’il offre et les coûts qu’il fait encourir. En fait, le client fait le rapport entre ce qu’il  veut ou projette de faire et les attributs du produit ou service offert ; il fait un pari sur la base de sa perception du rapport entre «services espérés et contraintes probables à subir ».

C’est ce pari qu’il faut comprendre. Que cherche à faire le client ou le prospect lorsqu’il examine l’offre ? Quel est son problème, « l’écart entre ce qu’il vit et ce qu’il veut «  ? Dans quelles circonstances ce problème surgit-il ?  Comment décide-t-il et choisit-il entre les offres ? Comment utilise-t-il réellement le produit acheté ?

Et c’est ce critère de segmentation qui faut retenir ; pas le besoin général du client mais le problème du client, le « job » qu’il a à faire, la situation dont il veut sortir ! C’est ce type de segmentation qui permet de comprendre les besoins, désirs et critères de choix du client, dans leurs dimensions fonctionnelle, émotionnelle et sociale, mais aussi de repérer quels sont les offres concurrentes aux yeux du client, quels attributs du produit améliorer ou quelle innovation introduire pour offrir une meilleure solution ?

3.2. Définir les variables « significatives » et « utilisables ».

La clé de cette deuxième étape est de trouver les variables qui soient à la fois  « significatives » (qui aident à expliquer et prédire le comportement du client) et « utilisables » (qui aident à identifier le client, à le rendre accessible, à mesurer son importance, etc.).

La liste des variables significatives résultent de la connaissance du client que l’équipe a accumulée ou de sa capacité à se mettre à la place du client mais aussi de la mesure dans laquelle le problème ou « job » du client  peut être facilement défini.

Le cas le plus simple est celui où le problème, le « job » du client et le produit nécessaire sont connus ; nous verrons, en présentant un exemple ci-dessous, le travail accompli pour répondre à l’objectif « Vendre plus des collations salées sur le lieu de travail ».

Mais il se peut que le job soit connu mais pas le produit pour le faire au mieux, les clients utilisant tant bien que mal les produits disponibles. Il se peut aussi que ni le client ni le fournisseur ne sachent exactement comment utiliser une nouvelle technologie. Dans ces deux cas qui relèvent de l’innovation il faut prévoir de prendre part à la situation du client, voire de co-concevoir avec lui le produit nouveau et sa mise au point progressive.

Si le variables jugées très significatives ne peuvent être utilisables simplement, il est possible de recourir à une approximation ; par exemple, pour la variable « ouverture aux nouvelles technologies », prendre l’utilisation d’internet, etc.).

La recherche des variables utilisables conduit dans la plupart des cas à recourir aux variables démographiques, géographiques, éventuellement psycho sociales. La difficulté, ici, est de trouver les corrélations ou « rapprochements » qui peuvent être faits avec les variables « significatives ».

  1. Un exemple de segmentation performante.

Cet exemple est présenté dans « Making segmentation work » et repris dans le Mooc de HEC Montréal « Introduction au marketing ».

Comme indiqué ci-dessus, l’objectif de la segmentation était « Vendre plus des collations salées sur le lieu de travail ».

segment.2

segment.3

Tab.1                                                                                                                                                                                                                                                    Tab.2.

segment.4

Tab.3

 

Deux types de variables ont été retenus comme les déterminants les plus importants (T.1):

-les effets recherchés de la collation ; effets nutritifs (santé), émotifs (plaisir) et psychosociaux (groupe)

-les facteurs de situations : types de pause, de repas au cours de la journée, de collation disponible sur le lieu de travail.

Sur la base de corrélations et d’estimations, ont été retenus : le sexe et l’âge comme

approximations ou indicateurs des « bénéfices recherchés » et six situations comme

approximations ou indicateurs des types de pauses au travail, de repas au cours de la

journée (T.2). Il est clair que ces résultats résultent de réflexions, recherches et

vérifications multiples et itératives.

Mais une fois menée à son terme, la recherche peut aboutir au « Profil » présenté T.3,

donnant toutes les indications nécessaires pour comprendre le comportement du segment

de clients, prévoir ses réactions à des offres et, éventuellement, infléchir son

comportement.

Ainsi les trois types d’échecs décrits au début ont bien été surmontés ; la segmentation est basée sur le problème et la situation du client ;  on peut identifier les clients du segment ; et la participation des divers services rend la segmentation commune, conduit à parler le même langage et facilite la coordination des actions.

Il est clair qu’une segmentation efficace conditionne la pertinence de l’action de marketing.

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan.23/06/2014