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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Une courbe de vie du management ? Une courbe de vie du management ?

Tout offreur de bien ou de service sait aujourd’hui que son offre va connaître une certaine évolution, une « courbe de vie ». Un produit nait ; se développe parce qu’il tend à se substituer aux produits concurrents ; atteint sa maturité, puis tend à décliner et meurt sous l’effet des innovations, des changements de valeurs, etc.

Savoir cela ne dispense en rien le dirigeant des efforts à faire pour maintenir ou accroître l’attractivité de son produit mais il sait que ses efforts doivent porter sur le « rajeunissement » du produit et surtout qu’il doit, à terme, en préparer le remplacement, en gérant un portefeuille de produits à différents stades de leur vie (« Dilemme » «Etoile » « Vache à lait » « Poids mort »)

 

Peut-on raisonner de manière analogue concernant le management interne de l’entreprise ?

L’organisation mise place à un moment donnée reste-elle indéfiniment pertinente ? L’observation des entreprises permet-elle de dégager quelques guides pour l’analyse et l’action en ce domaine ?

Bref, y-a-t-il une courbe de vie du management ?

 

Voici ce que nous livrent deux recherches américaines sur ce sujet : celle de L.E Greiner et celle de N.C. Churchill et V.L. Lewis

 

  1. La courbe de Greiner. (L.E.Greiner.Evolution and Revolution as Organizations Grow. HBR.1998)

http://hbr.org/1998/05/evolution-and-revolution-as-organizations-grow/ar/1)

Toute entreprise ou organisation connait dans le temps des phases de paisible évolution et des phases de crise. C’est particulièrement vrai pour les entreprises en fort développement et soumises à forte concurrence. L’accroissement de l’activité, du personnel, des capitaux engagés, etc. tend à remettre en question l’organisation en place qui devient facteur de frein au développement.

Toute entreprise ou organisation connait dans le temps des phases de paisible évolution et des phases de crise. C’est particulièrement vrai pour les entreprises en fort développement et soumises à forte concurrence. L’accroissement de l’activité, du personnel, des capitaux engagés, etc. tend à remettre en question l’organisation en place qui devient facteur de frein au développement.

La courbe de Greiner ou courbe de vie du management est représentée par le graphique ci-dessous.

Vie.management.1

The Five Phases Of Growth

Le graphique illustre l’évolution de l’entreprise à mesure que le temps passe et la taille grossit. Il distingue 5 phases dans la  courbe de vie du management de l’entreprise » et, pour chaque phase, il indique la source principale de la croissance et le type de crise qui tend à survenir et qu’il faut surmonter.

Phase 1: La croissance par la créativité du créateur et la crise de leadership

Le ou les créateurs consacrent tout leur temps et leur énergie à créer « de leur mains » leur offre et leur marché et le système de décision est exclusivement tributaire des réactions des clients.

Le système de communication est informel car le personnel est peu nombreux et les interactions directes fréquentes. Le système de rémunération table surtout sur les promesses (futurs salaires, dividendes, actions)

Facteurs déterminants de la viabilité initiale, ces caractéristiques tendent à devenir les sources principales de la crise de fin de cette étape ou crise du leadership.

L’accroissement d’activité, de personnel et de capitaux engagés exige plus de personnel, de prévision, de contrôle, de communication, de rémunération ; ce qui surchargent les créateurs de tâches souvent non désirées, suscitent des conflits entre eux et fait émerger le besoin d’un solide manager extérieur à fortes compétences techniques et managériales.

Phase 2: La croissance par la direction centralisée et la crise de l’autonomie.

La nouvelle direction met en place une organisation fonctionnelle et spécialise son personnel. Elle instaure un système de comptabilité plus détaillé, des budgets, des standards de travail, des incitations financières, un système plus formel de communication. Elle s’adjoint des cadres fonctionnels et dirige « par le haut ».

Très efficient au début, ce système de management devient de plus en plus décrié par les exécutants et les chefs de service qui se sentent mieux placés que les dirigeants pour gérer les problèmes de leur domaine et « écartelés » entre appliquer les procédures et prendre des initiatives.

Cette situation tend à produire la « crise de l’autonomie » ; les dirigeants ont alors le choix entre introduire plus de délégation ou voir partir leurs collaborateurs découragés les plus compétents.

Phase 3: La croissance par la délégation et la crise du contrôle.

Le nouveau système de management donne plus d’autonomie aux directeurs de produit, de marché ou d’établissement qui deviennent des « centres de profits » ayant des objectifs et des incitations financières à les réaliser.

Les hauts dirigeants se concentrent sur la concurrence, la stratégie, les absorptions éventuelles et n’interviennent dans les domaines opérationnels que « par exception ».

La source nouvelle de la croissance est la motivation des directeurs délégués. Leur action est très efficace car ils sont devenus des « chefs d’entreprise » mais ils développent une tendance naturelle à ne se sentir concernés que par leur domaine et à négliger l’intérêt de l’ensemble de l’entreprise et la coordination collective, ce qui tend à produire la « crise du contrôle »

Pour les hauts dirigeants, le choix est soit de retourner à un système de management centralisé, ce qui généralement conduit à l’échec, soit trouver un système favorisant la coordination entre unités décentralisées.

Phase 4: La croissance par la coordination et la crise de  bureaucratie (« red tape crisis »)

Les dirigeants conservent la décentralisation mais se donnent les moyens d’agir plus directement pour assurer la coordination.

Les unités décentralisées sont rassemblées en groupes plus larges et deviennent responsables de la rentabilité financière des allocations reçues.

Les hauts dirigeants s’entourent de plus de fonctionnels et de moyens techniques (système d’information et de comptabilisation) pour instaurer une planification détaillée et installent des contrôleurs de gestion dans les unités décentralisées. Ils créent un système de rémunération qui incite les collaborateurs à s’identifier davantage à l’ensemble de l’entreprise.

Les nouvelles sources de croissance tiennent à la meilleure allocation des ressources et à la meilleure coordination des activités.  Persistent cependant les « divergentes » de vision entre hauts dirigeants et dirigeants d’unités décentralisées , les premiers trouvant les autres peu coopératifs et les autres trouvant les premiers trop éloignés du « terrain ». De plus, tous se sentent enserrés dans une bureaucratie croissante qui absorbe trop d’énergie et dissuade l’initiative.

Phase 5: La croissance par la collaboration et la crise « extérieure ».

Les unités décentralisées sont maintenues mais des groupes ad-hoc sont créés pour renforcer la collaboration, monter des projets, réaliser des opérations particulières.

L’équipe de direction réduit sa taille en affectant ses experts aux unités décentralisées et aux groupes de travail ; elle réduit le contrôle formel de gestion, récompense les performances de groupe plus que les réalisations individuelles, favorise la formation et les expérimentations  mais tient de fréquentes réunions avec les chefs de services et de groupes.

Les nouvelles sources de croissance sont le travail de groupe, la formation, l’expérimentation.

La crise peut venir de la trop grande taille de l’entreprise et devrait conduire à recourir à l’extérieur pour construire des partenariats, un conglomérat etc.

 

Conclusion principale.

Comme les produits, le système de management de l’entreprise ne peut rester immuable. Il y a une courbe de vie du management.

Le système qui a permis le succès d’une période peut devenir l’obstacle à surmonter ; ici aussi, tout dirigeant doit veiller au « rajeunissement » et préparer le remplacement.

 

  1. Les 5 étapes de la croissance d’une PME. (Churchill,Lewis ‘The 5 stages of small business growth’, HBR 1983

http://hbr.org/1983/05/the-five-stages-of-small-business-growth/ar/1

Vie.management.2

Le graphique ci-dessus présente les résultats essentiels de la recherche : à mesure que la PME croit et/ou se diversifie, 5 facteurs de management évoluent :  le style de management , la structure organisationnelle, le degré de formalisation du système de communication , les objectifs stratégiques majeurs et le degré d’implication du fondateur dans l’entreprise .

Stage I: L’existence

Le problème majeur à cette étape est la capacité de financer le démarrage et la conquête des clients.

C’est le fondateur qui fait tout et dirige directement les quelques collaborateurs. Un mini système de planification est mis en place. La stratégie est de rester en vie. Le fondateur « est » l’entreprise , sa source principale d’impulsion, de direction, de fourniture de capital, de commercialisation, etc. 

Stage II: La survie

Le problème majeur est désormais la rentabilité. La structure organisationnelle reste très simple, le fondateur s’adjoignant un responsable de production, de commercialisation, de secrétariat…

A l’issue de cette étape, l’entreprise peut stagner pendant un moment avant de disparaître ou grossir en taille, progresser en profitabilité et passer à la phase ultérieure.

Stage III: Le succès

A ce stade, la rentabilité est assurée ainsi que la capacité de financer le développement.

Pour le fondateur, le choix est entre préparer sa sortie (substage III-D) ou poursuivre sa croissance (substage III-G) ; maintenir le niveau d’activité et de profit en attente de trouver d’autres activités ou un repreneur ou considérer l’étape comme un tremplin de croissance.

Substage III-D. = La vente.

L’entreprise peut rester un temps à cette étape car elle dispose d’une bonne profitabilité. Une organisation fonctionnelle est mise en place et la stratégie vise essentiellement la profitabilité.

Une telle situation peut être choisie par des entreprises de services ou exploitant des niches ; à

terme plus ou moins long, elle s’achève par une vente ou une disparition.

Substage III-G.= La croissance.

Dans ce cas, l’entreprise utilise son autofinancement et sa capacité de crédit pour financer sa croissance, en veillant à ne pas se surendetter .Le fondateur recrute de nouveaux managers, met en place une planification et des budgets mais reste très directif.

Si l’échec est prévu à temps, l’entreprise peut passer au stade III-D, sinon c’est la vente à perte ou la disparition. 

Stage IV: Le décollage.

A cette étape, une nouvelle organisation est requise car le recours à la délégation est nécessaire ainsi que la maîtrise du taux d’endettement par le contrôle strict des dépenses et des investissements.

L’organisation fonctionnelle est développée ; de nouveaux managers compétents sont recrutés ; des plans stratégiques et opérationnels sont élaborés ; mais le fondateur et ses asociés continuent de diriger et contrôler l’entreprise.

Si les defis commerciaux, manageriaux et financiers sont gagnés, la PME peut devenir une grande entreprise. Sinon elle peut être vendue ou bradée.

En général , l’échec est dû à l’une des 3 causes suivantes : l’asphixie financière (run out of cash), l’autoritarisme du fondateur (omnipotence syndrome), l’incapacité de déléguer  (the omniscience syndrome). 

Stage V: La maturité (Resource Maturity)

A cette étape, l’entreprise doit poursuivre deux objectifs souvent contradictoires : consolider sa rentabilité par la taille et sauvegarder la flexibilté et la créativité de ses débuts !

Elle peut facilement accroître et professionnaliser sa force de management par une organisation en « ligne and staff », un système plus formalisé de planification, de communication, de contrôle, etc.

Mais ne peut devenir ni rester une grande entreprise sans réussir aussi à sauvegarder sa flexibilité et sa réactivité par la délégation.

 

Conclusions pincipales.

Défis managériaux et facteurs du succès changent avec la croissance de l’entreprise. Il ya une courbe de vie du management

1.Au début, les facteurs promordiaux sont les capacités du ou des fondateurs ; capacités initiales de faire mais qui doivent devenir assez vite capacités de faire-faire, de manager les autres, de déléguer.

2. L’adéquation entre les objectifs du ou des fondateurs et ceux de l’entreprise sont déterminants lors de la création mais peuvent diverger par la suite et freiner la croissance de l’entreprise ou conduire au retrait du fondateur.

3.L’importance du besoin de financement évolue aussi : primordial au demarrage de l’entreprise,  ce besoin décline une fois le succès obtenu mais redevient décisif dès que l’entreprise décide de croître

 

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 28/09/2013