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-Le web marketing. Avec le développement d’internet et des mobiles, la publicité s’affiche sur des sites divers et des messages numériques (newsletter, mails divers) sont adressés à des panels ciblés d’internautes pour capter leur intérêt, etc. La promotion reste  discontinue, directive et autocentrée mais un ciblage plus fin des destinataires devient possible. -Le marketing de contenu.   Il se développe sous l’effet des deux types de facteur suivants : -la tendance des prospects à se « défier » de la publicité et des mails et à préférer recourir aux informations et avis de personnes « non intéressées » de leur environnement réel ou numérique (réseaux sociaux) ; -la facilité et le faible coût de l’édition sur l’internet (sites, blogs et réseaux sociaux). C’est ce qui a conduit les entreprises à assurer elle-même sur leur site,  leur blog ou les réseaux sociaux, la fonction de promotion jusque-là sous-traitée et à développer une édition de contenu différente du passé : une sorte de « journalisme », « racontant l’aventure » de l’entreprise, se centrant sur les intérêts et préoccupations des clients et prospects, présentant des reportages, témoignages, études, en lien avec l’activité de l’entreprise mais sans caractère publicitaire et susceptibles de donner envie aux clients et prospects d’échanger entre eux et avec l’entreprise. -Le marketing des medias sociaux.     Il ne s’agit plus, ici, de promotion directive et discontinue mais de compréhension continue des prospects et clients et d’échanges continus avec eux. Les objectifs sont les suivants : -comprendre ce que les clients et prospects « disent » spontanément de leurs besoins et contraintes, au travers des appréciations et conseils qu’ils émettent et des discussions qui se développent ; -prendre part aux échanges des communautés et forum pertinents pour initier des interactions sociales favorables à l’entreprise, en proposant des manifestations intéressantes, répondant aux questions, prenant en compte les suggestions, sollicitant la coopération des internautes, etc. Deux « découvertes » ont été les déterminants principaux de cette évolution : -le consommateur n’est pas un être individuel, mu par sa seule raison et acteur passif d’un marché dominé par les entreprises ; ses émotions, ses valeurs, ses communautés, son désir de se sentir compris, sa volonté de se faire  respecter, comptent plus que sa raison ; -les nouveaux outils numériques ont considérablement accru son pouvoir d’action sur le marché ; il peut s’exprimer librement, facilement et espérer être lu par beaucoup. Mais on peut trouver une explication plus fondamentale à cette l’évolution dans l’évolution de la recherche sur la communication, l’évolution des résultats observés et celle des  concepts et modèles proposés aux praticiens. On ne sait pas si la théorie a inspiré ou suivi la pratique mais la coévolution est manifeste et éclairante. Toute communication est un acte de relation avec autrui, un acte d’échange avec autrui d’une « information » (pensée, idée, émotion), en face à face ou via un médium technique ou humain. La manière de concevoir cet acte, de le conceptualiser et de le modéliser a fait l’objet de trois types successifs d’approche (source : Mooc Coursera. Introduction to Communication Science. R. de Graaf,  Université d’Amsterdam.) -on l’a d’abord considéré comme un simple acte de transmission, voire d’exercice de l’influence ; -les limites de cette approche on conduit à travailler sur le message : son « codage », son « décodage » et sa signification ; -aujourd’hui, la communication est vue comme la construction d’une communauté culturelle.  

  1. La communication comme acte de transmission.
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Source : Mooc Coursera. R. de Graaf 

Les deux schémas ci-dessus illustrent cette conception de la communication ; elle conduit tout émeteur (who) à définir quoi transmettre (what), par quel canal (chanel), à qui (whom) et pour obtenir l’effet désiré (effect) ; ce qu’on peut résumer dans la formule suivante = Qui,dit quoi, à qui, quel but, quel moyen.Le modèle de Shannon ajoute que la transmission pourrait être perturbée (noise). Ces questions restent , aujourd’hui, incontournablement préalables et pertinentes pour constuire toute émission de message et chacune d’elles doit et peut faire l’objet d’analyses précises. Mais on voit que la communication n’est conçue, ici, que comme une transmission linéaire visant à influencer un destinataire considéré comme « receveur », sinon « réceptacle », passif, supposé capable de toujours comprendre l’intention et le sens du message et incapable de « filtrer » ce qu’il reçoit ou de rétroagir.    Pendant un temps et en particulier aux grandes années de la télévision, on a pu parler de la toute puissance des média pour former les perceptions, manipuler les cognitions, diriger les comportements, et obtenir la réaction voulue par l’émetteur. Les recherches faites sur ce thème ont conduit à atténuer fortement cette toute puissance, en aboutissant aux résultats principaux suivants : -Les médias et la TV en particulier jouent un rôle important de socialisation et d’acculturation, voire de « formatage culturel », diffusant des normes, valeurs, types de perception, types de comportement, etc. mais l’influence et la persuasion dépendent principalement de l’exposition répétée au message et média. -Les médias ne constituent qu’une des nombreuses variables déterminantes de l’influence et pas la plus influente ; le public n’est ni uniforme ni passif ; les effets du message sont multiformes et dépendants de la capacité ou de la volonté de le recevoir et du contexte de la réception (par ex : une image violente = effet différent sur enfant qui regarde seul et sur enfant qui regarde avec ses parents). -Ce sont les leaders d’opinion, les modèles identitaires, qui sont les facteurs les plus influents. -Les effets de renforcements des convictions sont plus importants que les effets de changement. -Les médias nous imposent moins « quoi penser » que « à quoi penser » (« Agenda Setting »), attirant notre attention sur ce qui est censé être important en matière d’évènement et d’explication et façonnant ainsi plus ou moins la hiérarchie de notre perception. Les limites croissantes de cette conception, celle de la publicité classique, ont conduit à se centrer non plus sur l’émetteur du message mais sur le récepteur.  
  1. La communication comme acte de réception.
L’idée de base ici est qu’il n’y a pas de bon ou de mauvais message, même si la préparation est parfaite ; tout message est construit et codé ; le destinataire doit le décoder pour lui donner un sens, une signification, mais ce décodage peut être différent selon le récepteur ; hors du domaine des sciences exactes, tout message est polysémique par nature et d’autant plus qu’il est « ouvert », c’est-à-dire suceptible d’interprétation différente (une peinture abstraite est plus « ouverte » qu’une photo). En communication, tout signe transmis doit posséder une forme, le signifiant, qui soit reconnaissable (par exemple : un feu rouge) mais aussi renvoyer à un concept reconnaissable, le signifié, (par exemple : le concept de code de la route).  Donner une signification, un sens à un signe émis dépend de cette dénotation (reconnaissance) mais aussi de sa connotation, c’est-à-dire de ce que représente la reconnaissance au moment où elle est faite : le feu rouge peut représenter un moment de repos et de réflexion, ou d’énervement et d’angoisse, éventuellement un « non-sens », selon les besoins, valeurs, etc. de la personne. Notons que la Sémiologie ou Sémiotique est la science des modes de production, fonctionnement et réception des différents systèmes de signes qui assurent et permettent une communication entre individus et/ou collectivités d’individus. Le modèle de Jacobson, ci-dessous résumé, prend en compte ces nouvelles préoccupations et décrit les six facteurs qui interviennent dans toute communication et correspondent aux fonctions de tout langage:  

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 Source : Mooc Coursera. R. de Graaf

-l’émetteur exprime  ses sentiments, émotions, idées, etc. (« emotive » = expressif) ; -le destinataire reçoit une incitation à écouter, à agir, à s’émouvoir, etc. (« conative »= incitatif) ; -le message est le signe (texte, image, etc.) émis, codé et à décoder (« poetic »= expressif) ; -le code est le langage utilisé par l’émetteur (« métalinguistic » =vérification que  le code est commun) ; -le canal est le lien entre émetteur et destinataire (« phatic » = établissement et maintien du contact) -le contexte est ce qui influence l’émission et la réception (« referential »= fonction référentielle). On comprend pourquoi le récepteur n’est pas un réceptacle ; il peut ne pas être capable de décoder le message ou le décoder d’après ses propres références et lui donner une signification différente de l’intention de l’émetteur ; il peut aussi ignorer ou refuser de lire le message ; le message adressé ne devient pas nécessairement acceptation de l’incitation faite par l’émetteur. Aujourd’hui plus qu’hier tout récepteur tend à choisir les médias qui correspondent le mieux à ses besoins, valeurs, intérêts, etc. et à sélectionner parmi les messages émis ceux qu’il écarte et ceux qu’il « amplifie ». Ce tri peut être rationnellement fondé ou basé sur des biais ou raccourcis cognitifs ; le même message sera « lu » différemment selon les besoins, émotions, valeurs, connaissances, intérêts, expériences, contextes, préjugés, etc. du « lecteur » ; certains n’accepterons que les messages argumentés alors que d’autres n’ayant pas la capacité ou la motivation de décoder le message fonderont leur jugement sur les seules qualités de l’émetteur. Il n’y a pas de réalité objective ; nous traitons l’information de façon subjective, au risque de subir consciemment, la dissonance cognitive (contradictions entre nos croyances) et inconsciemment, l’influence des médias ; on a dit ci-dessus que les médias peuvent nous imposer « à quoi penser » (« Agenda Setting ») ; qu’ils peuvent « formater » notre façon de penser ou d‘agir (« Framing ») ; il faut ajouter aussi « l’amorçage » (« Priming ») ou premier signe (amorce) qui influence le décodage et la signification d’un message ultérieur ; on sait combien le premier contact influence notre jugement sur notre interlocuteur ; on peut aussi, par exemple, attirer l’attention sur la sécurité ou la « sportivité » avant une publicité sur un voiture sûre ou sportive. Un neurobiologiste a écrit que « Le cerveau a tendance à considérer un objet ou un message en fonction du dernier concept qui a été activé chez lui dans les minutes précédentes » On sait que cette approche, la compréhension des facteurs de la réception d’un message, a fait faire de très nets progrès à la pratique de la communication mais c’est, sans doute, l’observation suivante qui inspire le plus la pratique actuelle. Après d’autres auteurs, S. Hall du « Birmingham Centre for Contemporary Cultural Studies », souligne un déterminant de notre réception, important et d’expérience quotidienne : le degré de proximité culturelle entre émetteur et récepteur détermine le degré d’adhésion au message : adhésion totale (« preferred reading »), adhésion partielle « negotiated reading » ou désaccord (« oppositional reading »).  
  1. La communication comme construction d’une communauté culturelle.
On se comprend mieux et plus vite  si on est culturellement proche et si on reste en communication permanente avec les autres, via les médias du moment, car la culture se renouvelle. La culture est l’ensemble des manières de penser, de sentir et d’agir, apprises et partagées par une pluralité de personnes et constituant ces personnes en une collectivité distincte plus « grande » qu’eux. Les manières de penser, de sentir, d’agir concernent tous les types d’activités (cognitive, affective et  conative). L’acquisition et la transmission (socialisation) est opérée par la famille, l’école, la religion, la profession, le système d’information, les modèles identitaires etc. mais chaque personne choisit plus ou moins librement les manières qu’il fait  siennes  et les modifie d’après ses expériences. C’est ainsi que des groupes de personnes, grands et petits (nation, classe  sociale, quartier, entreprise, etc.) ressentent certaines manières comme communes et comme facteurs d’appartenance,  de solidarité et de facilitation de la communication entre eux et d’autres manières comme facteurs de divergences intra ou intergroupes . La culture c’est donc cette sorte de « logiciel » qui caractérise notre identité individuelle et notre appartenance à quelque chose de plus « grand » que nous, groupe, nation, classe, monde, etc. L’expérience quotidienne et celle du voyage lointain montre clairement que nous avons besoin de communiquer, d’interagir avec d’autres pour mieux comprendre comment nous fonctionnons, repérer à quel groupe nous appartenons, à quoi nous participons, quel sens donner à notre action et, éventuellement, commencer à changer. Certaines thèses ont longtemps prévalues selon lesquelles notre culture nous est imposée par les puissants, par les médias etc. Concernant la culture populaire, on a parlé « d’opium du peuple » et  d’hégémonie culturelle. Mais on peut aussi considérer la « popularité » d’une idée ou d’un produit comme un indicateur de la « proximité culturelle » ; si un film est beaucoup vu, si un produit est beaucoup acheté n’est-ce pas surtout en raison de la proximité culturelle qui existe entre l’émetteur et les récepteurs ? Par ailleurs, les caractéristiques du médium sont si importantes qu’on a pu dire que « le médium est le message ». Chacun sait que voir le même film au cinéma et chez soi ne produit pas la même expérience. Il en va de même pour les produits selon les modalités de leur acquisition, de leur maintenance, etc. Les nouvelles technologies entrainent des changements dans les manières d’interagir, de se connecter, de se parler, de passer du temps ensemble, pour former des idées, partager des loisirs, des vérités et des valeurs culturelles. Comme on parle de culture d’entreprise pour évoquer les manières de penser, de sentir et d’agir des acteurs internes, on peut penser culture commune entre l’entreprise et ses clients et c’est ce qui commence à se réaliser, en particulier grâce aux nouvelles méthodes de promotion : mettre en interaction continue avec l’entreprise et entre eux,  les clients, prospects et prescripteurs, les fournisseurs et autres partenaires, et les collaborateurs sur la base de la communauté des préoccupations, des attitudes à l’égard des problèmes et de leur solution, des valeurs sociétales, etc.

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan.28/07/2015

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