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Partager sa vision avec ses collaborateurs

 

Tout dirigeant ou groupe de dirigeants d’entreprise possède une vision, une idée plus ou moins claire de l’état futur désiré de son entreprise, idée comportant les deux composantes principales suivantes :

-une vision « externe », concernant les raisons d’être et le « terrain de jeu » de l’entreprise : la mission (types de besoins à satisfaire) ; les buts principaux poursuivis (pérennité, croissance, profit, etc.) ; les marchés dont elle est acteur et la place qu’elle y vise.

-une vision « interne » concernant le type d’organisation nécessaire pour réaliser sa vision externe : les moyens humains, techniques et informationnels nécessaires ; les règles, normes, procédures et valeurs à respecter dans la réalisation des tâches, la coordinations entre les tâches et les relations avec les autres acteurs internes ou externes ; la répartition des pouvoirs et des rôles ; le système de sanction et de rémunération, etc.

Cette vision est le fil conducteur de l’action de dirigeant mais ne peut se réaliser vraiment que si les collaborateurs la partagent à un degré suffisant et ne peut s’ajuster vraiment qu’avec l’aide de ces collaborateurs.

Le pouvoir légal peut obtenir la coopération minimale obligatoire mais la mobilisation totale des capacités des collaborateurs est aujourd’hui nécessaire à toute entreprise et ne peut s’obtenir que par un degré suffisant d’adhésion à la vision ou un nombre suffisant d’adhésions clés.

Voyons pourquoi ce partage est nécessaire et comment y parvenir.

1. Pourquoi nécessairement partager sa vision

Aucun dirigeant ne peut espérer définir dans le détail la tâche de chaque collaborateur ni les modalités détaillées de la coordination à opérer ni les initiatives à prendre, etc. Il peut assigner à chaque collaborateur des objectifs de résultats à atteindre mais il sait d’avance que l’échec ne pourra pas être imputé à un seul homme et que le réel succès repose sur la synergie. Bref diriger un groupe d’hommes ne consiste pas à diriger le travail de chacun mais à définir une vision et à créer les conditions de sa réalisation.

Ces conditions ne peuvent plus reposer aujourd’hui sur le seul exercice du commandement.

Les collaborateurs sont de plus en plus formés, désireux d’autonomie et exigeant sur la manière dont ils sont traités dans l’entreprise ; le recours à l’ordre ou à la menace ne peut permettre d’obtenir que le degré de collaboration qui évite la sanction ; par contre, il incite le collaborateur à attendre l’ordre pour agir et à guetter l’occasion de « faire payer » le « commandant ».

Par ailleurs, l’intensité de la concurrence et le rythme rapide des innovations exigent de l’entreprise de plus en plus de productivité, de réactivité et d’adaptabilité, ce qui est l’exact contraire du climat généré par le commandement ; l’initiative, l’adaptabilité, la coopération, la confiance sont alors indispensables.

Dès lors, il ne suffit plus que le collaborateur connaisse bien la vision interne du dirigeant (règles, normes, procédures etc.), qu’il se comporte de façon à éviter la faute ou à bénéficier du système de rémunération. Si on attend de lui qu’il adapte son comportement aux objectifs de l’entreprise et qu’il contribue totalement à la synergie collective, il faut qu’il adhère aux deux aspects de la vision de l’entreprise et, autant que possible, qu’il ait le sentiment d’avoir contribué à leur définition.

Chacun en a fait l’expérience personnelle ; s’engager pleinement dans la réalisation d’un projet, avec énergie, enthousiasme, persévérance, etc. ne peut résulter que de la motivation et de l’adhésion.

Un processus centralisé de décisions détaillées condamne l’entreprise à l’asphyxie. La ligne directrice doit être connue et partagée mais les décisions détaillées doivent être laissées aux collaborateurs et aux collaborateurs-clés en particulier.

On reconnait là les fondements de l’évolution qui a conduit les modes d’organisation de la structure hiérarchique pyramidale aux structures matricielles ou par projet.

2. Comment faire partager sa vision.

La manière de procéder, les moyens et les moments à retenir ne peuvent se définir a priori ; ils doivent être adaptés aux caractéristiques de l’entreprise mais, sans doute, comporter les cinq axes suivants.

2.1. Formuler une vision fondée et la faire connaître de chacun.

Comme on l’a dit plus haut, la vision ne s’exprime pas seulement par les objectifs à atteindre et encore moins pas des objectifs de CA ou de profit. Le dirigeant doit pouvoir présenter clairement les 2 composantes de sa vision, les enjeux pour l’entreprise et les collaborateurs et les fondements de ses choix, y compris ses incertitudes.

Chaque collaborateur doit connaître (et retrouver si nécessaire) :

-les raisons d’être de l’entreprise, son « terrain de jeu », les opportunités qu’elle exploite ou recherche et les menaces qui la guettent ; soit l’ensemble des éléments qui fondent les options stratégiques externes (marché) et internes (organisation) de la direction ;

-la traduction de cette vision globale pour ce qui concerne son service et lui-même.

Pour un collaborateur, comprendre les enjeux de son entreprise et les fondements des politiques, de source sûre et non par « radio couloir », est indispensable, à la fois, à la réalisation de son travail, au sens à donner à son travail et à sa décision d’adhésion.

2.2. Mettre en place un processus continu de socialisation et d’explication

L’adhésion recherchée ne peut être ni totale ni définitivement acquise en raison de la nature de la population concernée. Cette population est hétérogène sur plusieurs points :

– quant à l’ancienneté et la capacité de comprendre la vision ; ce qui doit conduire à opérer avec le plus grand soin les processus de recrutement et de formation ;

– quant à leur capacité de trouver un emploi ailleurs ; ce qui peut conduire certains à souhaiter plus d’autonomie et de reconnaissance ou à accepter plus de soumission ;

– quant à la hiérarchie qu’ils établissent entre vie professionnelle et vie personnelle ; ce qui peut être facteur d’accroissement ou de limitation de l’engagement ;

– quant à leurs valeurs et engagements politiques et/ou syndicaux ; ce qui peut renforcer le désir de s’engager ou refuser systématiquement l’engagement.

– quant à l’appréciation qu’ils portent sur la qualité de la direction et la pertinence de ses options.

En raison de cette diversité, on ne peut espérer obtenir qu’un certain degré d’adhésion, ce qui conduit à hiérarchiser les collaborateurs-cibles, à diversifier les actions de socialisation et à les répéter régulièrement.

Les moyens classiques de la communication « descendante », utilisés le plus souvent, devraient être complétés par des réunions visant à l’information mutuelle des services chargés de l’interne et de l’externe ; par exemple, faire mieux connaitre les clients ou autres partenaires externes aux services internes, etc.

2.3 Donner l’exemple et créer le climat adéquat

Vouloir que ses collaborateurs soient respectueux des clients, des partenaires et des biens de l’entreprise, loyaux envers l’entreprise, attentifs à appliquer les règles et normes, soucieux de corriger spontanément les dysfonctionnements et de faire « remonter » toute information utile, etc., bref vouloir qu’ils soient pleinement engagés dans le succès de l’entreprise, exige que la direction donne l’exemple et créé le climat adéquat

Une direction ne peut être considérée comme digne de respect, de confiance et d’adhésion que si elle montre sa compétence, sa loyauté aux seuls intérêts de l’entreprise, sa confiance en ses collaborateurs, son désir d’écouter et de soutenir l’action de chacun et de respecter l’équité entre eux, etc. Un chercheur spécialiste des grandes entreprises, J. Collins, a observé que le facteur principal de la croissance a été le dirigeant qui présentait une combinaison de deux qualités : une véritable humilité personnelle et une farouche volonté de faire réussir l’entreprise.

C’est la direction qui détermine l’essentiel du climat social et de la culture de l’entreprise ; elle doit clairement adopter le comportement qui incite et soutien celui qu’elle attend de ses collaborateurs, ce qui doit conduire, notamment, à :

-respecter les personnes et comprendre leurs attentes ;

-soutenir, valoriser et récompenser les actions d’exécution et les initiatives ;

-pratiquer la plus claire équité ;

-inciter à faire des suggestions et y répondre ;

-célébrer les succès individuels et collectifs par des « fêtes collectives », etc.

Bref, créer le climat qui donne la sécurité psychologique et professionnelle nécessaire pour agir et qui développe le sentiment d’appartenance à l’entreprise.

2.4. Proposer une vision stimulante mais réaliste.

Le niveau de qualité et de réalisme de la vision détermine largement la réceptivité et l’engagement des collaborateurs.

La vision doit être perçue comme construite par un dirigeant professionnel, pertinente, ambitieuse mais pas irréaliste.

L’ambition fondée, expliquée de façon convaincante et faisant apparaître les bienfaits attendus pour chacun est le ressort essentiel à mettre en œuvre.

C’est la « fonction de prophète » (l’avenir sera plus beau, etc.) que tout dirigeant doit remplir en plus des fonctions d’instituteur (formation, soutien etc.) et de gendarme (sanction).

L’engagement doit être porteur de promesses, d’espérances ; il reste un pari mais un pari qu’on peut espérer gagner par son travail.

2.5. Organiser la participation des collaborateurs à l’adaptation de la vision

La vision du dirigeant est une construction propre à un moment parce que tributaire d’un état de l’environnement. Cet environnement tend aujourd’hui à changer souvent, apportant incertitudes et ruptures sur le plan des marchés, des technologies, mais aussi des valeurs.

Les désirs des clients et les modes de production évoluent sous l’effet des innovations techniques et des produits nouveaux ; des innovations apparaissent aussi dans les modes d’organisation et de management sous l’effet de l’évolution des besoins d’appartenance, de reconnaissance et de réalisation des hommes au travail.

La pertinence d’une vision et son acceptabilité sont vouées à changer ; elles doivent s’adapter aux changements de l’environnement.

Les collaborateurs de l’entreprise peuvent être des acteurs majeurs de cette adaptation.

Ils connaissent mieux que quiconque les facteurs de dysfonctionnement internes et les insatisfactions des clients et d’autre part ils sont membres de groupes extérieurs divers.

Ils représentent donc un ensemble d’observateurs et d’émetteurs de suggestions qu’il serait dommage de ne pas utiliser.

Au fond, l’idéal serait de faire de l’entreprise le lieu où ce qui est visé et ce qui se réalise est préparé, décidé, ajusté collectivement et au moins par le plus grand nombre de collaborateurs.

Naïf ? Utopique ? En tout cas un point de mire à ne jamais perdre de vue !

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan.23/11/2014

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