Sources principales : Mooc de Coursera « Marketing analytics » https://www.coursera.org/learn/market-analytics –
“Allocating Marketing Resources”, Harvard, http://www.hbs.edu/faculty/Publication%20Files/08-069_17a7715d-c34b-4d9e-92fa-2ea2834a0cbe.pdf).
Comme tout manager, les managers de marketing doivent
allouer leurs ressources de façon
optimale pour générer les rendements commerciaux attendus par l’entreprise.
Les
arbitrages à faire sont multiples : entre produits ou DAS, entre clientèles-cibles du même produit, entre canaux de distribution ou medias ou zones géographique concernant un produit ou l’ensemble de l’entreprise ; et ces arbitrages sont rendus de plus en plus
difficiles par la diversification des medias et l’exigence de personnalisation du client.
Faute de temps ou de moyens, ou « sûres » de leur expertise, de nombreuses entreprises se donnent des règles intuitives ou résultant d’expériences réussies par elles ou par d’autres et allouent, par exemple, à leur promotion par produit, par segment de clientèle ou par pays un % des ventes ; ou répartissent leur force de vente d’après le critère « coût de la force de vente /ventes réalisées.
De telles approches peuvent avoir montré leur pertinence à un moment donné ou dans un marché donné mais rien ne peut dire si elles sont optimales.
A un moment et de préférence à un moment où « tout va bien », il est nécessaire de
comprendre plus clairement comment
sont liées les dépenses de marketing et les résultats ; nécessaire d’identifier les leviers clés et de mesurer la sensibilité des clients aux actions de marketing et, si possible, les réactions des concurrents.
Que l’on puisse ou pas recourir aux experts du domaine en raison de leur coût, on doit, alors, se préparer à expliquer ce qui a été fait et obtenu jusqu’ici : les objectifs commerciaux définis, les hypothèses admises sur la situation concurrentielle, les règles d’allocation de ressources appliquées, les résultats obtenus, etc.
Une fois cette
préparation avancée, on saura mieux ce qui doit être demandé aux experts et, peut-être, découvrira-t-on qu’il n’est pas nécessaire d’y recourir.
Voyons ce que nous apprennent les résultats de certaines études sur ce sujet et quelle méthode de travail on peut mettre en œuvre pour commencer.
- Les résultats des études.
1.1. Les résultats présentés par S. Gupta et T. Steenburgh (Harvard Business School ) dans “Allocating Marketing Resources” (
http://www.hbs.edu/faculty/Publication%20Files/08-069_17a7715d-c34b-4d9e-92fa-2ea2834a0cbe.pdf)
On ne présentera ici et de façon synthétique que les résultats des principales études, renvoyant le lecteur au document original pour trouver les études utilisées et les méthodes appliquées.
-La promotion du « bouche-à-oreille ».
L’allocation des ressources à cet objectif doit tenir compte des résultats suivants : l’impact sur les ventes du « bouche-à-oreille créé par les prospects
sans lien avec l’entreprise est beaucoup plus fort que celui des clients de l’entreprise ; parce que moins suspect de complaisance ; par ailleurs, parmi les clients indiquant leur intention de prescrire l’entreprise, la moitié seulement le font effectivement et motivent peu de clients.
-Les effets des promotions sur les types de clients
Accroître l’ampleur et la fréquence des promotions commerciales peut avoir un effet positif à court terme sur les clients anciens et nouveaux ; par contre, l’effet est négatif à long terme chez les clients fidèles.
-Les effets sur la marque de la promotion et de la publicité.
Les promotions ont un impact positif sur les choix et la quantité d’achat des consommateurs dans le court terme mais dans le long terme elles ont un impact négatif sur la marque, contrairement à la publicité.
On notera la très faible élasticité des bénéfices aux efforts de publicité ou de promotion (1 %/ 5%).
-Allocation du temps du vendeur par client
Souvent, les vendeurs suivent leurs intuitions ou leurs habitudes ou une règle quantitative sommaire ; et, plus grave, ils ignorent la loi des rendements décroissants.
Les conduire, à un moment, à noter et à discuter ce qu’ils décident de faire, pourquoi ils le font et les résultats qu’ils obtiennent est de nature à faire progresser nettement la productivité de leur action, surtout si les situations de ventes sont répétitives.
-Allocation par
segment de clients existants.
Beaucoup d’entreprise traitent leurs clients de façon indifférenciée ou privilégient leurs meilleurs clients sans considération de leur rentabilité. L’entreprise doit certes fidéliser ses meilleurs clients mais son objectif principal doit être de faciliter le passage des clients de l’état de primo-acheteur ou acheteur occasionnel à l’état de client fidèle et fréquent.
Si on utilise une segmentation RFM et si on dispose d’une matrice de transition (voir l’article « La segmentation RFM : outil de prévision »), il apparaît clairement que la politique optimale n’est ni le traitement indifférencié ni le favoritisme envers les meilleurs clients.
1.2. Les résultats présentés par R. Venkatesan (Darden School of Business), co-auteur de « Cutting Edge Marketing Analytics », dans le Mooc de Coursera « Marketing analytics »
https://www.coursera.org/learn/market-analytics
Le tableau 1 « croise » l’allocation actuelle et l’allocation optimale de dépenses promotionnelles
par pays.
On voit clairement que le Royaume uni (UK) bénéficie d’une sur-allocation (10 % du total alors que l’optimum devrait être plus faible) ; et que la situation est inverse pour l’Italie (15 % contre 23 %).
Même une allocation optimale approchée représente un net progrès sur la simple intuition.
Le tableau 2 concerne une grande entreprise d’informatique et la répartition de ses dépenses de
force de vente entre ses six segments de clients. Si on prend en compte la valeur de durée de vie du client (« using CLV »), on voit que la répartition optimale est sensiblement différente de la répartition actuelle.
Le tableau 3 présente la réallocation souhaitable des ressources promotionnelles entre
medias résultant d’un modèle économétrique. Les résultats confirment ce que l’on sait = réduire l’écrit et les annonces TV générales; accroître la présence sur les réseaux sociaux et cibler les annonces TV.
Cet ensemble de résultats montrent clairement que toute entreprise doit se méfier des règles simples et intuitives d’allocation des ressources de marketing. Il importe, à un moment, de « questionner » ces règles et de rechercher les moyens d’approcher l’optimisation.
La méthode à mettre en œuvre dépend du problème et des expertises disponibles. Les exemples suivants donnent une indication de la méthode générale à suivre.
- La méthode d’approche.
Elle comporte les étapes suivantes
-définir l’indicateur de performance à maximiser (par exemple : ventes, un marge, part de marché, prospection, valeur de vie du client, etc.)
-visualiser le système de relations observable entre les moyens d’action de marketing pratiqués et l’indicateur défini;
-tenter de calculer les régressions pour évaluer les liens principaux ;
-utiliser les régressions pour prévoir le résultat futur en utilisant les mêmes moyens;
-tenter quelques expériences permettant de tester quelques hypothèses ;
-choisir la valeur optimale des moyens de marketing qui maximise l’indicateur retenu.
On présentera ci-après deux exemples simples d’application, introduisant ainsi le lecteur non expert dans le domaine complexe des modèles de mix-marketing (« Marketing-Mix Models » ou MMM) et des modèles d’attribution (« Multi-Touch attribution » ou MTA)
2.1. Optimiser l’action des vendeurs ou des prospecteurs.
Le résultat à maximiser étant le profit par médecin prescripteur d’un médicament, la visualisation des liaisons donne le schéma suivant :
Ce profit est fonction du nombre de prescriptions faites et de la fidélité du médecin (« retention ») à la marque mais aussi des coûts du marketing pratiqué comportant actions de vendeurs (sales calls) et publicité directe.
La régression « action des vendeurs/profit » livre les résultats ci-dessous ; les 2 appels mensuels actuels tendent à produire un profit de 181,65 (1,7*0,79 ventes=1.34 ventes à multiplier par la marge nette (inconnue) et dont il faut déduire les coûts de ventes = 2*50) ; elle indique un optimum de 6 appels mensuels.
On voit clairement que le rendement de l’action des vendeurs progresse au début, passe par un maximum, puis connaît la loi des rendements décroissants.
On aurait gagné, ici, à segmenter la population des médecins car ils ne représentent pas tous le même potentiel de ventes ni la même accessibilité et appliquer le modèle le modèle IPO/IPR (indice de potentiel/indice de probabilité d’accès ou accessibilité) pour rechercher l’allocation optimale ou une meilleure allocation de la force de vente.
Voici le schéma du modèle IPO/IPR qui s’inspire de la matrice McKinsey (« Attrait du marché – Atouts du produit »).
Source : http://www.e-marketing.fr/Thematique/academy-1078/fiche-outils-10154/modele-IPO-IPR-306780.htm
Le potentiel comme l’accessibilité décroissent de A à C ; ainsi les segments 1 à 5 ont les plus forts potentiels (A) mais 1(A) et plus accessible que 5 (C) ; les segments 6, 8, 9 ont les potentiels les plus faibles mais le segment 9 est à la fois le moins prometteur et le plus inaccessible.
Positionner les prospects ou les clients dans cette matrice peut aider à mieux répartir ses ressources, à adapter la quantité et le type de ressource au segment.
2.2. Optimiser l’allocation entre media (Digital Media Attribution)
Le développement du numérique a considérablement accru le nombre et la diversité des supports de marketing et, par suite, diversifié sensiblement les « chemins » conduisant le prospect à l’achat.
Un prospect peut être « touché » d’abord par une publicité en ligne (annonce sur site ou annonce payante sur moteur de recherche) ou hors ligne (TV ou autre), par un email, par un vendeur, par un site « référent », par un ami, etc. puis utiliser un moteur de recherche, visiter le site (ou des sites de concurrents ou de conseils), demander un devis ou une visite de vendeur, etc.
Cette complexité constitue le vrai défi d’aujourd’hui de l’allocation des ressources de marketing entre media ; défi qui exige de connaître ces chemins et de comprendre la synergie qui les unit.
La méthode à mettre en œuvre comporte les étapes suivantes: visualisation des « chemins » conduisant à l’achat ; choix provisoire de règles pour allouer les ressources ; expérimentations ; modèle économétrique.
-Visualisation des « chemins » vers l’achat.
L’indicateur de résultat retenu ici est le total des ventes d’un produit.
Le schéma ci-dessus indique à droite les dépenses de marketing engagées (sur TV, Facebook, moteur de recherche, etc.), puis en allant vers la gauche les effets de ces dépenses et les niveaux d’avancée des prospects sur la « route » de l’achat : dans un premier temps : ouverture d’email, clicks sur moteur de recherche, sur Facebook, etc. ; puis dans un deuxième temps, visites du site, réponses aux emails, demande de prix, etc..
-Choix d’une règle d’allocation.
La visualisation précédente permet au moins de se poser la question suivante : à quel type de contact avec le prospect donner priorité ; au premier contact (celui de la découverte du produit), ou au dernier (le plus proche de la décision d’achat), ou à un contact intermédiaire, ou à un « panaché » de contacts, etc. ? Et quel moyen pertinent selon le rang du contact ?
Prendre une décision sur la base d’une réflexion sur ce sujet est déjà un progrès sur la décision globalement intuitive.
-Expérimentation.
Elle peut faire nettement progresser la connaissance des leviers les plus forts.
On peut suspendre l’utilisation de tel moyen de marketing (par exemple la TV) pendant un temps pour voir quels effets sont produits sur les autres moyens (par exemple sur l’efficacité des emails ou des pages sur les réseaux sociaux.) : effets de substitution ou de synergie.
-Recherche d’un modèle économétrique.
Voici le modèle présenté par l’auteur du Mooc.
Ont été cherchées d’abord des régressions partielles puis des liens entre équations.
On observera que tous les résultats sont affectés d’abord par leurs niveaux précédents (« lagged sales », etc.) et que les équations de régression sont liées les unes aux autres par une variable au moins.
Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 8/08/2016
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