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La demande d’impression 3D

Cet article sur la demande d’impression 3D a puisé sa source dans une étude importante et complète faite par « Le Pôle interministériel de Prospective et d’Anticipation des Mutations économiques (Pipame) », en 2016 et avec l’aide de nombreux centres techniques et d’experts. (https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/prospective/Industrie/2017-Fabrication-additive.pdf)

Un premier article sur l’impression 3D ou fabrication additive, nouveau procédé de fabrication d’objets physiques (https://outilspourdiriger.fr/limpression-3d-1-vers-un-changement-de-modele-industriel/), a présenté les progrès techniques et les progrès d’utilisation réalisés par cette technologie. L’évolution a été telle que les experts ont parlé de tendance au déclin de la production industrielle de masse, de changement de modèle industriel, de « révolution industrielle » semblable à la « révolution informatique ».

Dans un deuxième article (https://outilspourdiriger.fr/limpression-3d-2-realite-et-utopie/), on a tenté de faire le point sur l’évolution récente de cette « révolution » et constaté qu’elle se développait dans les grandes entreprises de certains secteurs mais que la « démocratisation » de cette technologie restait faible chez les PME et très faible chez les particuliers malgré les facilitateurs en place.

Ce troisième article ne retient qu’une partie de l’étude source, la demande d’impression 3D en France.

Concernant les industriels, les particuliers et les ateliers numériques collectifs, l’étude fait le point des utilisations et des obstacles à leur développement, informations utiles aux acteurs actuels et potentiels du secteur et aux personnes qui s’intéressent à la diffusion des innovations.

Introduction

Le tableau ci-dessous présente les principaux secteurs utilisateurs de l’impression 3D ainsi qu’un essai d’explication de la dispersion du degré d’adoption de la technologie, en recourant à 3 facteurs : la réduction du coût de la fabrication du produit, la vitesse de fabrication nécessaire à une adoption massive, le niveau de personnalisation exigé.

On comprend ainsi sommairement pourquoi trois secteurs sont des « adopteurs précoces » : deux des trois facteurs leur sont nécessaires, ce qui n’est pas le cas des biens consommation courante, par exemple.

Degré d'adoption de l'impression 3D

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’impression 3D offre, en effet, les 4 types principaux d’avantages suivants :

-La liberté de conception des formes complexes sans recours à un outillage déterminé.

-La flexibilité de la production adaptable à la demande.

-La personnalisation.

-La réduction de coût (matériau, énergie, etc.)

Mais pour prévaloir ces avantages doivent surpasser ceux que donne la fabrication traditionnelle : fiabilité de la production, économies d’échelles, robustesse, sécurité etc.

Ainsi, par exemple, et suivant un outil de mesure de l’utilisabilité industrielle d’une technologie, outil  développé par la NASA, le « Technology Readiness Level (TRL) », le niveau de l’impression 3D se situe entre 4 et 7 sur une échelle de 1 à 9, le niveau maximum de 9 ne s’appliquant qu’à la réalisation des pièces plastiques non fonctionnelles. C’est dire que la technologie n’est pas encore totalement utilisable industriellement.

Voyons quelle est la situation de l’utilisation de l’impression 3D par les industriels, les particuliers et les ateliers collectifs ; voyons quelles utilisations sont en cours et quels sont les obstacles à lever ?

 

1.1. Les principales utilisations industrielles en cours.

On examinera la situation de 6 secteurs d’activités.

 

1.1.1. Aéronautique, spatiale et militaire.

Ce secteur représente environ 15 % du marché mondial de l’impression 3D et progresse de 20 % par an.

L’impression 3D est utilisée pour des pièces fabriquées par des équipementiers et des motoristes, mais pas pour la fabrication d’aéro-structures qui exigent des certifications.

Les freins concernent les matériaux (aluminium) et les procédés (répétabilité, taille, traitement des surfaces)

1.1.2. Automobile et transports.

Ce secteur représente environ 15% du marché mondial et progresse de 20 % par an.

En l’état actuel, l’impression 3D ne peut pas répondre aux besoins de cadences et de volumes de la filière ; elle reste axée sur le prototypage de présérie, les outillages ou les dispositifs d’aide à la production (petit outillage interne).

1.1.3. Médical.

Ce secteur est l’un des utilisateurs précurseurs de l’impression 3D. Il représente environ 15% du marché et concerne plusieurs applications médicales. Sont les plus utilisés les matériaux métalliques implantables et biocompatibles, le titane, les polymères et les céramiques.

1.1.4. Bâtiment.

Ce secteur ne représente qu’environ 3% du marché mondial mais possède un fort potentiel. On prévoit qu’à court terme l’impression 3D s’appliquera au coffrage ; à moyen terme, à la fabrication d’éléments préfabriqués et à long terme (8-12 ans), à la construction d’habitat sur site.

1.1.5. Énergie.

Ce secteur ne représente que 5% du marché et les freins à l’adoption sont nombreux : utilisation dans un lieu difficilement accessible ; résistance à l’usure dans les environnements sévères ; capacité à produire les pièces de grandes dimensions.

1.1.6 Fonderie – Moules – Outillage.

Les applications de production d’outillages se développent dans la plasturgie et la fonderie : réalisation de formes complexes de façon plus rapide et moins onéreuse que les procédés classiques ; réalisation d’outillages « bon marché » pour des contraintes mécaniques et thermiques modérées.

 

1.2. Les obstacles au développement.

On peut en recenser cinq types.

 

1.2.1. L’augmentation de la productivité des machines (vitesse de production et taille des chambres de fabrication).

La réalisation des séries économiques de production exige que la vitesse soit multipliée par environ 10, que soit améliorée la stabilité du procédé et que soit réduit le temps de préparation de la production. Par ailleurs, il est nécessaire à plusieurs secteurs d’imprimer de grosses pièces d’un coup et sans assemblage.

 

1.2.2. L’amélioration de la qualité des pièces produites.

Cette amélioration exige un meilleur contrôle des paramètres de fabrication ; l’intégration à l’impression 3D ou la réduction des opérations post-traitements ; l’intégration des opérations de contrôle de qualité dès la fabrication ; l’amélioration de la fiabilité, de la répétabilité, du procédé pour la porter au niveau des procédés conventionnels.

Ainsi, aux dires des experts, la fabrication de pièces de sécurité dites « critiques » ou la production de gros volumes ne devrait pas être une réalité industrielle avant une dizaine d’années.

 

1.2.3.- Le développement et la disponibilité de nouveaux matériaux.

La garantie de l’approvisionnement matière est faible, les délais d’approvisionnement importants, la concurrence faible et le recyclage inexistant.

L’utilisation des alliages existants et leurs effets sur les pièces produites sont mal maîtrisés

Les gammes des matières utilisables sont jugées trop étroites et les nouvelles matières sont lentes à sortir.

 

1.2.4. La sensibilisation des équipes aux nouvelles approches de conception.

Les designers industriels habitués aux méthodes habituelles de conception éprouvent, comme c’est normal, un peu de mal à changer et à utiliser l’optimisation topologique ; mais cet obstacle va tendre à s’atténuer grâce à l’accompagnement proposé par les multiples prestataires de services et au développement des formations académiques et continues en matière d’impression 3D.

 

1.2.5. Les risques pesant sur la propriété intellectuelle et la responsabilité, sur la santé et la sécurité.

L’impression 3D facilite le piratage des logiciels et la contrefaçon des pièces. Pour ce dernier cas, on recherche des solutions de marquages pour garantir la traçabilité.

Par ailleurs, on connaît peu les impacts possibles sur la santé et la sécurité des utilisateurs : risques chimiques associés aux résines et aux poudres métalliques, risques d’explosion, risques liés à l’inhalation de poudres de taille nanométrique, risques liés à l’utilisation de faisceaux d’électrons, de lasers et de manière plus générale à l’utilisation des machines. Ces risques poussent au développement de systèmes fermés, automatiques, afin de minimiser l’intervention humaine.

 

Concernant tous ces obstacles, cependant, les experts interrogés ont affirmé qu’ils tendront à s’atténuer et disparaître dans les prochaines années. Les fabricants de machines-outils ont annoncé une nouvelle ère de la fabrication additive, plus rapide et plus précise.

 

1.3. Réalité et utopies… provisoires ?

Voyons quels sont les impacts actuels de l’impression 3D sur les chaînes de production, sur les localisations, sur la R et D et, plus généralement, sur les modes d’utilisation et modèles d’affaire.

 

1.3.1. Impacts de l’impression 3D.

-Pour le moment, l’impact de l’impression 3D est relativement faible sur la chaîne de valeur et les organisations

-Les relocalisations géographiques induites sont rares et restent déterminées par le rapport coût du transport-coût total de la pièce. Le premier effet important pourrait venir des fournisseurs de pièces détachés.

-Sur le plan organisationnel, les entreprises cherchent à mettre en place un service des méthodes pour préparer l’utilisation de la technologie et les sous-traitants de prototypes et d’outillages rapides s’associent avec des usineurs et  fondeurs pour pouvoir offrir un palette de services plus large.

 

1.3.2. Types actuels d’utilisation de l’impression 3D.

On observe trois modes principaux de fonctionnement.

L’intégration de la technologie dans la chaîne de production.

C’est la décision stratégique la plus importante, le processus le plus long et le plus coûteux, celui qui exige l’accompagnement des fabricants de machines et autres experts.

-Le recours à la sous-traitance : c’est le choix majoritaire, la collaboration avec des prestataires externes qui assument le risque d’obsolescence des machines et apportent un savoir-faire en termes de fabrication, de conception et de finition.

-L’utilisation ponctuelle de services d’impression en ligne : ce mode d’utilisation est minoritaire et consiste à transmettre en ligne à un prestataire le fichier 3D d’un prototype ou d’un outil à réaliser.

  1. Les utilisations dans les services, le commerce et le grand public.

Il faut ici distinguer l’utilisation et assistée par des entreprises de celle proposée et assistée par des ateliers numériques collectifs

 

2.1. L’utilisation assistée par des entreprises.

À l’heure où tout ou presque devient imprimable (vêtements, mobilier, instruments de musique, figurines et accessoires), des détaillants proposent en ligne ou en magasin des produits personnalisés par impression 3D.

Quelques clichés de la poitrine, des pieds, des oreilles ou de la tête du client suffisent pour générer un modèle 3D et lancer la fabrication d’un produit sur-mesure.

Le mode de fonctionnement le plus répandu de cette personnalisation est la configuration et la vente en ligne. L’utilisateur se concentre sur le design du produit et des acteurs de la filière réalisent le produit.

De grands groupes et des grands distributeurs généralistes se sont lancés dans cette personnalisation de masse : par exemple Adidas (chaussures), Philips (rasoirs), Auchan, Leroy Merlin, Le BHV.

Enfin, les services postaux et les sociétés de transport de marchandises ont adopté l’impression 3D pour réfléchir avec leurs clients sur les impacts de la technologie sur le transport de produit, la production délocalisée, etc.

A ce jour, cependant, on doit dire que l’utilisation de l’impression 3D par les particuliers reste limitée aux initiés ou aux bricoleurs et que  l’engouement autour des imprimantes 3D grand public retombe peu à peu.

 

2.2. L’utilisation assistée par des ateliers numériques collectifs.

Ces ateliers, souvent appelés Fablabs, sont des lieus ouverts au public où on peut trouver des outils et des machines- outils pilotées par ordinateur pour la conception et la réalisation d’objets.

Certains Fablabs sont universitaires ou dits de grand public et visent principalement à donner le savoir et le savoir- faire et permettent au mieux de réaliser une maquette, ou un prototype.

D’autres, Fablabs professionnels ou Fablabs d’entreprises, permettent la production d’objets physiques en plus de donner de la formation et des conseils.

Il est impossible de quantifier le poids de l’impression 3D de ces ateliers faute de données à ce sujet.

 

2.3. Les obstacles au développement.

Les experts prédisent que « Les particuliers utiliseront l’impression 3D à domicile pour imprimer des objets du quotidien, mais seulement à partir de 2030 »

Considérée par beaucoup comme un épiphénomène, l’impression 3D grand public doit encore surmonter de nombreux obstacles pour se démocratiser :

-Un prix des machines jugé trop élevé pour des applications qui ne sont pas définies ou vues comme des gadgets. Les prix des machines ont baissé mais les applications concrètes utiles de l’impression 3D ne sont pas clairement identifiées.

-Un manque de boutiques proches de l’utilisateur et d’assistance technique.

Ici, l’utilisateur a besoin de proximité et de dialogue, pour voir, essayer et se faire conseiller.

Des réseaux commencent à apparaître.

-Une maîtrise difficile des fichiers numériques.

La complexité des outils face aux faibles connaissances des utilisateurs représente un des freins les plus importants pour la démocratisation de l’impression 3D dans le grand public.

Des solutions commencent à apparaître qui propose des modèles à personnaliser.

-Une absence de compléments utiles.

On peut affirmer que « C’est l’arrivée des imprimantes et d’Internet qui a permis aux PC d’entrer massivement dans les foyers». Pour le particulier, il n’y a pas un tel écosystème incluant l’imprimante 3D.

Des essais sont en cours pour développer des systèmes de scan 3D sur smartphones ou scanners. Une solution est recherchée du côté du stylo 3D permettant de créer son modèle manuellement.

 

L’impression 3D est une réalité dans l’industrie et une réalité en progression mais une innovation non encore utilisable industriellement. Elle reste très largement une utopie pour les particuliers faute de perception des utilisations pertinentes.

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 14/01/2018