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(Sources = auteurs divers ; en particulier S.Lenfle & C.Midler « Management de projet et innovation ».Economica).

  On appelle projet un ensemble d’activités et d’actions entreprises dans le but de répondre à un besoin défini, dans des délais fixés et dans la limite d’une enveloppe budgétaire allouée. Monté pour résoudre un problème vécu ou pressenti, le projet n’a pas, en principe, vocation à se répéter mais, par définition, il vise à changer l’existant, à introduire une innovation. Concernant le projet en milieu industriel, C. Midler le caractérise comme une démarche qui :   La réussite de tout projet dépend du soin qu’on a pris à le préparer, à le réaliser et à le faire accepter par tous mais tous les projets ne comportent pas le même degré d’innovation. Dès lors, peut-on parler de méthodes de gestion applicables à tout projet ou doit-on considérer que les méthodes de gestion doivent varier avec le degré d’innovation ? Il semble bien que cette dernière proposition soit la plus pertinente.
  1. Les étapes du projet.
Réaliser un projet industriel conduit à parcourir et réussir six étapes allant de l’ « idée de projet » à l’évaluation post-projet. 1.1. L’« idée de projet  ». Une idée de projet naît, généralement, dans la tête d’un dirigeant ou d’un groupe de dirigeants ayant repéré ou pressenti, directement ou indirectement, un problème actuel ou potentiel exigeant solution. Sachant que cette idée ne peut devenir projet qu’après accord d’une direction, le ou les initiateurs procèdent à une première exploration de l’opportunité, de la faisabilité, des effets espérés, du coût et des délais du projet, en mettant en évidence autant que possible les choix possibles et les liens entre choix et coûts ; puis ils soumettent leur rapport à acceptation. Une idée ne devient projet qu’avec l’accord d’une direction sur les principaux objectifs et moyens dévolus. 1.2. Le projet. Une fois clarifiés les grands choix du décideur, le projet doit être défini et caractérisé quant aux résultats attendus et aux moyens engagés (cahier des charges). Cette phase est critique car elle fixe les attentes en termes d’objectifs et de moyens et il sera très difficile de revenir dessus. 1.3. La préparation de la réalisation. C’est la phase d’élaboration détaillée, de formalisation du projet. Tenant compte des contraintes de compétences, d’équipement, de délais et de coût, cette phase conduit à définir : -l’organisation du projet : le champ d’application, le chef de projet et l’équipe chargée de projet, l’environnement impacté, éventuellement. -les tâches à réaliser ; définitions du calendrier, des ressources et moyens techniques nécessaires, des jalons de test et de contrôle. -l’environnement technique à préparer. -le budget détaillé du projet et les moyens de contrôle. -les risques probables encourus et les moyens d’y faire face ; principalement les risques majeurs que pourraient devenir l’insuffisance de soutien de la direction ou de savoir-faire du chef de projet, le départ d’un homme-clé , le conflit entre directions, le changement de stratégie de l’entreprise, etc. 1.4. Ordonnancement lancement et le contrôle de la réalisation. Le découpage du projet en lots ou sous-projets facilite l’ordonnancement et le lancement C’est aussi l’étape du suivi des performances et de la qualité ; l’étape du contrôle de l’avancement des tâches, de la qualité de la production et de la probabilité de tenir les  délais ; l’étape où sont réalisés les tests (test unitaire, test d’intégration, test de performance). 1.5  La livraison (ou déploiement) et l’accompagnement du changement. Il ne suffit pas de mettre le produit du projet en action ou à la disposition des utilisateurs. Le changement est perturbant pour tous et, souvent, il est d’abord perçu comme une menace. On peut améliorer son acceptation par plusieurs types d’actions : action d’information-explication, action de formation, action d’assistance à utilisateur. 1.6. L’évaluation post-réalisation (Post-project review ou PPR) L’objectif visé est d’accumuler des résultats d’expériences, succès et surtout échecs, en vue d’accroître l’expertise collective.  
  1. Innovation et gestion du projet
Les projets ne présentent pas tous le même degré de difficulté et de risque d’échec. Ces difficultés et échecs tiennent à la définition de l’objectif du projet et au mode de coordination des compétences lors de la conception et ils sont d’autant plus grands que le projet est innovant, c’est-à-dire porteur d’incertitudes. On peut distinguer les trois degrés d’innovation suivants : -L’innovation « incrémentale ». Elle  ne change pas fondamentalement l’état de la technique ni le comportement des utilisateurs finaux ; elle apporte des améliorations modestes, graduelles et continuelles des techniques et /ou des produits. -L’innovation « architecturale ». Elle considère l’objet du projet comme un ensemble de composants et introduit une combinaison nouvelle de ces composants, en principe meilleure que la précédente. -L’innovation « radicale ». C’est l’innovation qui modifie profondément la technologie de production et/ou les conditions d’utilisation par les clients. Prenons trois types de projets présentant un degré croisant d’innovation et voyons quelles méthodes de gestion requiert chacun d’eux.  2.1. Le projet de grand ouvrage unitaire. Généralement peu « chargé » en innovation, il met en œuvre un système simple de définition de l’objectif et de coordination des compétences en recourant à l’action des trois types d’acteurs suivants : – un rôle d’architecte qui consiste à proposer des choix de conception globale et une fois le choix opérée par le maître d’ouvrage, à décomposer la réalisation en lots de travaux, – un rôle de coordination de la réalisation comportant les appels d’offre sur les lots, le choix des contractants, la planification, le suivi et le contrôle de la réalisation des lots. Le système de coordination est assuré par des réunions périodiques réalisant les contrôles et régulant les délais de réalisation. On reconnait les méthodes de gestion de projet appliquées, par exemple, dans le bâtiment. Jusqu’ici, leurs faiblesses principales tenaient à l’insuffisance de la coopération et de la coordination entre acteurs lors de la réalisation. Mais avec l’apparition des innovations dans ce domaine, par exemple en industrialisation ou économie d’énergie, la coordination nécessaire à la définition de l’objectif tendra à devenir plus difficile et à exiger une coordination plus étroite lors de la conception. 2.2. Le projet dans les industries classiques de grandes séries C’est dans ce domaine, en particulier dans l’automobile, qu’a été réussie la recherche de la plus grande coopération au sein du processus de conception et de réalisation en retenant les principes suivants : -La création de la fonction de chef de projet avec attribution de grands pouvoirs. Il est responsable de l’ensemble du processus, depuis l’idée de projet jusqu’à la réalisation et il dispose des pouvoirs adéquats pour faire en sorte que toutes les fonctions de l’entreprise apportent leur contribution. -La réunion d’une équipe de pluri-compétences La conception d’un produit étant toujours un compromis entre impératifs de commercialisation, de  recherche et de production, c’est une équipe de pluri-compétences qui est chargée d’explorer et de tester les différentes dimensions du projet avant d’engager l’entreprise de façon irréversible. –Le co-développement avec les fournisseurs. La complexité des projets conduisent les entreprises à co-concevoir ou co-développer leurs projets avec des partenaires extérieurs, leurs fournisseurs en particulier, pour partager les charges et les bénéfices du projet et réduire les délais de réalisation. Le produit final est décomposé en sous-systèmes et le fournisseur impliqué dès le début du projet. La mise en œuvre de ces principes a incontestablement permis d’améliorer la performance des projets en matière de cible, de coût, de qualité et de délai, en particulier, dans les secteurs produisant des produits complexes à composantes stables. Les observateurs notent qu’en fait les projets de ce type utilisent des connaissances qui existent déjà dans l’entreprise et que l’innovation réside dans la façon de les combiner (innovation « architecturale »). C’est un modèle de management de la conception qui distingue clairement le rôle  de la recherche de celui du développement mais organise leur collaboration: -la recherche réalise la conception de l’innovation à partir de l’exploration de champs scientifiques ; -le développement assure la concrétisation de l’innovation : -le transfert des connaissances est assuré notamment par la participation des acteurs de la recherche au développement.   2.3. Le projet de flux d’innovations. Aujourd’hui, l’accélération du rythme des innovations conduit les entreprises à se rendre capables de concevoir et de mettre sur le marché un flux régulier de nouveaux produits. S’engager dans cette voie conduit à modifier l’articulation entre la recherche et le développement car il devient impossible de désigner un produit comme objectif final et de séparer le processus de recherche-développement en tâches distinctes. L’entreprise doit explorer les connaissances nécessaires au développement d’offres innovantes mais elle ne peut plus séparer la phase de conception de la phase de développement car le concept développé peut être difficilement industrialisable ou commercialisable. La conception peut se voir confier la tâche de développer et de valoriser une technologie, par exemple la technologie de base de l’entreprise,  ou d’explorer les voies d’une diversification des produits, mais cette exploration ne peut pas être une réponse à une question précise car cette question peut évoluer chemin-faisant, au vu des premiers résultats. La conception d’une innovation est un processus d’apprentissage et ce n’est qu’en fonction des connaissances accumulées que les  incertitudes techniques se réduisent, les essais à réaliser se précisent de même que les applications potentielles… et peu à peu l’exploration converge ou s’arrête si la technique se révèle moins intéressante que prévue. Les auteurs de l’article indiqué ci-dessus citent les 2 stratégies suivantes de gestion stratégique du processus de conception : -chercher à exploiter au maximum les compétences de la firme pour développer des « lignées d’innovation », c’est-à-dire une capacité de produire et de vendre des produits relevant de la même famille de technologie ; stratégie adoptée par Tefal, par exemple. -chercher à maximiser ses chances de succès en diversifiant le portefeuille de projets de recherche ; stratégie adoptée par l’industrie pharmaceutique. Il est clair que cette « révolution de la conception » exige de nouvelles méthodes de management. Contrairement à qui a prévalu ces dernières décennies, ce n’est plus la réalisation du projet qui est l’étape clé mais la détermination de « l’idée de projet » et les variables principales du développement sont, aujourd’hui, la recherche et le marketing.   Les deux schémas ci-dessous donne une indication imagée de l’évolution des méthodes de gestion des projets (Source = http://fr.wikipedia.org/wiki/Cycle_de_d%C3%A9veloppement)   Gest.projet  

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan  3/02/2013

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