Les outils pour choisir en marketing sont nombreux et divers car le domaine, plus que les autres, est exigeant en mesures et fondements de la décision.
Ce premier article concerne les quatre types de choix et d’outils marketing suivants (Source : Mooc EdX « Marketing Analytics : produits, distribution et vente ». Berkeley ) :
-Le choix des « bons » attributs de l’offre et de la segmentation ; par l’analyse conjointe ;
-Les choix du « bon » projet de développement ; par l’arbre de décision ;
-Le choix de la « bonne » allocation des ressources entre produits ; par les matrices ;
-Le choix du « bon » emplacement du point de vente au détail.
Les articles prochains seront centrés sur l’évaluation des actions commerciales, sur le choix du prix de vente, sur l’évaluation des actions de promotion.
- Choisir les « bons » attributs de l’offre et segmenter. L’analyse conjointe.
Pour un prospect, acheter un produit ou un service, c’est acheter les effets que son achat peut produire sur sa situation actuelle ou future. On sait que c’est un pari fait sur le rapport entre « avantages espérés et coût probables à subir » ; que les avantages espérés peuvent être fonctionnels (ce que le produit ou service permet de faire techniquement et économiquement) ; expérientiels (les émotions, sentiments, qu’on a ressenti tout au long du parcours de l’achat et de l’utilisation) ou symboliques (l’image de soi qui est donnée par la possession du produit) ; et que les coûts probables dépassent largement le seul prix d’achat.
Les termes de ce pari sont toujours considérés lors de la préparation de l’achat, de façon plus ou moins explicite, au regard des caractéristiques ou attributs du produit ou du service considéré ; plus exactement, au regard de la configuration d’attributs qu’il offre.
Il est sûr que tout offreur doit choisir une configuration d’attributs pour son offre mais il est tout aussi sûr que toute configuration ne peut pas être également désirable pour tous les prospects.
L’analyse conjointe est l’un des outils marketing pour choisir la bonne configuration d’attributs et/ou segmenter
La démarche est la suivante :
On identifier les attributs principaux de l’offre ou caractéristiques que les prospects prennent en considération lors de l’évaluation (capacité, vitesse, prix, etc.) ; et on en repère les niveaux (capa. 1, 2 ; vitesse 1,2 ; prix 1,2), etc.)
On forme des configurations d’attributs et de niveaux susceptibles de plaire et on les soumet au choix d’un panel de prospects.
On code, traite les réponses et les utilise pour configurer les attributs ou/et segmenter.
Voici un exemple d’application de la méthode pour une offre de cafetières haut de gamme.
-Les attributs principaux retenus sont : la vitesse de production d’une tasse ; la capacité de production ou taille de la tasse, le prix de vente au détail ; et pour chaque attribut sont retenus 2 niveaux ; ce qui donne huit configurations d’attributs (ou cartes d’attributs) à soumettre au panel de prospects :
(Source : EdX « Marketing Analytics »)
Le panel de prospect peut être invité à choisir en comparant des paires, ou en classant les « cartes » ou en évaluant chaque « carte ». Et on ne manquera pas de collecter auprès de chaque prospect des réponses utiles au marketing ultérieur telles que son âge, sa situation professionnelle, le problème qu’il cherche à résoudre, sa localisation, ses motivations et valeurs etc.
On peut, si nécessaire, coder les réponses et les traiter statistiquement :
-procéder à une régression multiple pour définir le « poids » que tout ou partie des répondants donnent à chaque attribut : on peut aboutir à une équation de type : 2 (constante) plus 1,75 Vitesse 1, moins 0,75 Capacité 1, plus 1,25 Prix 1 ; pas de surprise : les prospects préfèrent la vitesse rapide et le prix faible mais ne donnent pas d’importance à la capacité forte.
-identifier les ensembles de prospects ayant des préférences communes ; ce qui sera utile pour cibler un ou plusieurs ensembles de prospects en adaptant les attributs et la promotion à leurs attentes et se servant de leurs caractéristiques pour évaluer les marchés potentiels.
(Voir : https://www.qualtrics.com/fr/gestion-de-l-experience/research-core/analyse-conjointe/)
Notons qu’on pourrait utiliser le marketing des moteurs de recherche (Search Engine Marketing) pour repérer les bons attributs d’une offre comme le montre le graphique ci-dessous.
(Source : EdX « Marketing Analytics »)
Ici, ont été testées trois annonces via Google AdWords, chacune mettant en avant un attribut du produit (un aspirateur) : la puissance d’aspiration des tapis, le filtre anti-allergie, la facilité de nettoyer les rideaux.
Et ce sont les clicks et surtout les achats qui révèlent les préférences des prospects.
- Choisir le bon projet de développement. L’arbre de décision.
Le schéma ci-dessous présente un exemple de choix fréquent en entreprise, dans les termes de l’outil marketing la méthode de l’arbre de décision.
(Source : EdX « Marketing Analytics »)
Pour un projet de développement, trois options s’offrent au choix : développer un nouveau produit en y consacrant les moyens nécessaires (A), développer un nouveau produit au moindre coût possible (B), rajeunir un produit existant par des attributs nouveaux (C).
La rationalité doit faire choisir l’option la plus rentable, la plus grande différence entre revenus potentiels espérés et coûts de développement.
Les coûts peuvent être plus facilement estimés que les revenus espérés car ces derniers dépendent de l’accueil du marché ; aussi faut-il faire 3 hypothèses d’accueil : fort, moyen et faible.
Sur la figure, le nœud de décision (décision node) est le « lieu » du choix entre options ; les « nœuds aléatoires (random node) sont les « lieux » à résultats incertains.
L’estimation des revenus potentiels espérés donne les résultats suivants pour les options A et B :
(Source : EdX « Marketing Analytics »)
Les revenus potentiels espérés (en 1.000) pour l’option A = (800*0.3) + (200*0.4) + (20*0.3) = 326.
Un calcul semblable donne pour l’option B = 152 et pour l’option C = 63.
Les coûts respectifs de développement sont (en 1.000) : 200 – 100 – 40.
Finalement et sur la base des informations prises en compte, c’est l’option A qu’il faut choisir.
Cependant, avant de décider, on doit se demander quelles autres contraintes et effets non quantifiables peuvent changer la décision.
- Choisir la bonne allocation des ressources. Les matrices BCG, McKinsey, etc.
Pour une entreprise qui gère un portefeuille de produits et services, les questions principales sont les suivantes : Lequel promouvoir et lequel abandonner ? Comment répartir, allouer ses ressources de financement entre les produits ?
Les produits peuvent être différents quant aux facteurs-clés de succès mais le sont quasi toujours quant au stade de leur développement. Et on sait que tout produits naît, se développe et meurt.
Ici, les outils marketing pour choisir ont été développés par deux grands cabinets de conseil américains : le Boston Consulting Group (BCG) et McKinsey.
3.1. La matrice BCG.
Elle conduit à classer les produits d’un portefeuille en 4 groupes, en « croisant» deux variables : le taux de croissance du marché du produit et la part de marché détenue par le produit (en % de celle du leader), comme le montrent le tableau et le graphique ci-dessous :
(Source : EdX « Marketing Analytics ») (Source : manager-go.com)
On voit que le produit A détient une part de marché relative de 2 (deux fois la part de son principal concurrent) et connaît un taux de croissance rapide de 12%. C’est une « Etoiles » ou « Vedette » (Star) qui contribue le plus fortement à la croissance de l’entreprise et qui doit mobiliser prioritairement les ressources de financement.
A l’inverse le produit B ne représente que 20% de la part de marché de son principal concurrent et ne progresse que de 1% par an. C’est un « Poids mort » (Dog), en fin de vie, qu’il faut abandonner…sauf rajeunissement ou complémentarités nécessaires avec les autres produits.
Le produit C ne progresse plus que lentement (5%) mais reste leader sur son marché. C’est une « Vache à lait » (Cash Cow) car il génère une forte rentabilité et des ressources de financement à récolter (Harvest).
Le produit D est appelé « Dilemme » (Question mark) parce qu’il peut devenir « Vedette» ou « Poids morts » selon qu’il est possible ou pas de le développer ; ce qui exige une analyse particulière.
Ainsi le processus de développement qui doit guider l’allocation des ressources est donc le suivant : au début on crée un « dilemme » ; on finance sa transformation en « vedette » puis en « vache à lait » ; on utilise les financements générés par cette dernière pour recommencer le cycle, après avoir abandonné le « poids mort ».
3.2. La matrice McKinsey
Comme le montre le graphique ci-dessous, cette matrice retient et croise deux axes qu’on peut trouver plus pertinents que ceux du BCG et qu’on peut résumer ainsi : Attrait du marché – Atouts du produit.
L’attrait du marché prend en compte le taux de croissance mais aussi les résultats des analyses de l’environnement et des « Cinq forces » de M. Porter qui déterminent le marché.
Les atouts du produit se basent sur la position concurrentielle du produit.
Les résultats et les recommandations sont semblables à ceux de la matrice BCG :
-quand les deux variables sont élevées ou moyennes (orange foncé) : on maintient sa position ou on investit ;
-quand les deux variables sont moyennes (orange clair) : on se protège, se recentre et on devient sélectif ;
-dans les autres cas, on devient très sélectif et on se prépare à abandonner.
3.3. Le « Quadrant de réussite du produit » (Product success quadrant)
C’est une matrice qui ressemble à la matrice BCG mais qui peut être utile si les parts de marché des concurrents ne sont pas connues. Elle croise l’ampleur du marché avec l’ampleur de la rentabilité.
(Source : EdX « Marketing Analytics »)
Comme on le voit sur les graphiques ci-dessus, on peut distinguer quatre types de produits :
Le type A génère une forte rentabilité (Haut revenu – faible coût = forte marge brute) ; c’est une « super Star »
Le type B est une « Niche star » générant une bonne marge unitaire mais une faible marge globale.
Le type C est un produit de « Mass Market » générant une faible marge unitaire mais vendu à un public de masse.
Le type D est un produit à problèmes « Concern areas »car il coûte cher et se vend peu.
Le processus de développement qui doit guider l’allocation des ressources est le même que celui suggéré par la matrice BCG.
- Choisir le bon emplacement de son point de vente au détail.
La démarche rationnelle est simple :
-On repère la zone géographique la plus peuplée en prospects visés.
-On repère dans cette zone les emplacements de point de vente au détail les plus pertinents.
-On sélectionne le site géographique le plus probablement attractif et rentable.
Les modèles d’aide à la décision dans ce domaine sont divers.
4.1. Le modèle de gravité
L’hypothèse centrale de ce modèle est la suivante : les prospects sont attirés par les points de vente de la taille la plus pertinente pour eux et qui sont situés dans la zone la plus riche en clients potentiels.
La taille représente le potentiel de choix et de prix ; la zone représente le potentiel de regroupement d’achats et de concurrence.
Le modèle de gravité indique que la probabilité d’attraction d’un point de vente résulte de l’équation figurant dans le schéma ci-dessous :
(Source : EdX « Marketing Analytics »)
Ici, trois projets d’implantation, A, B et C, ont été définis et on veut choisir le plus probablement attractif.
« Size » est la surface. « Distance » est l’éloignement de la zone la plus riche en clients potentiels.
Selon ce que l’on sait des préférences des prospects visés, on peut « minorer » ou « majorer » l’une ou l’autre des 2 variables en leur appliquant un coefficient (respectivement alpha et béta).
Le numérateur de la formule est égal à (taille*alpha /distance*beta)= résultat pour chaque projet.
Si on admet l’indifférence des prospects et donc que alpha et béta sont égaux à 1, le résultat de chaque projet est : -projet A = (5*1/4*1) = 1.25 ; projet B = 10/5 = 2 ; projet 3= 15/8= 1.88.
Le dénominateur est égal à la somme de ces résultats = 1.25+2.0+1.88 = 5.13
La probabilité d’attraction de chaque projet est égale à :
Projet A = (1.25 / 5.13) = 0.24 ; projet B = (2/5.13)= 0.39 ; projet C = (1,88/5.13)= 0.37
Le projet B est le meilleur parce qu’il optimise la combinaison « taille, distance » dans l’hypothèse admise quant aux préférences des prospects.
Le modèle est simple à utiliser mais ne retiens que peu de déterminants.
4.2. Le modèle de la part de marché.
Le choix entre projets doit résulter de la comparaison des rentabilités probables et ce critère est dépendant de la part de marché qui peut être conquise dans une zone de chalandise.
Il faut alors collecter les principales informations suivantes :
-Le nombre de prospects résidants dans la zone de chalandise ; ce qui peut être estimé d’après le nombre d’habitants ou d’habitations-ménages de la zone.
-La consommation de l’offre de l’entreprise par habitant ou par ménage ; ce qui peut être estimé d’après les résultats de l’entreprise ou d’après la consommation moyenne nationale du type de produit ou du secteur d’activité de l’entreprise.
-Le chiffre d’affaires des concurrents présents dans la zone ; ce qui peut être estimé à partir des déclarations légales, des sources internes à l’entreprise ou d’autres sources.
Si le nombre de prospects dans la zone est 100 et que la dépense moyenne par prospect est de 500 par an ; le CA total de la zone peut être estimé à environ 50.000. Si le CA des concurrents situés dans la zone est de l’ordre de 40.000, on peut estimer le CA potentiel du lieu de vente à 10.000, soit une part de marché de 25%.
On peut aussi prendre pour référence la part de marché et le CA obtenu par un point de vente semblable dans une zone de chalandise semblable.
On peut aussi partir de l’estimation de la part de marché pouvant être conquise pour déterminer le CA.
Et une fois faite l’estimation du CA du point de vente, on peut calculer la marge brute puis le résultat net.
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 9/02/2020