Extrait d’un guide à paraître intitulé « Trouver son 1er emploi d’ingénieur ou de cadre en entreprise »
En matière d’entretien de face à face, ce sont les hypothèses faites sur l’interlocuteur qui déterminent notre comportement et… notre succès ou notre échec à emporter son adhésion.
Il est clair, en effet, qu’on ne se comporte pas de la même façon devant ce que nous croyons être un(e) ami(e) à « gagner », une personne qui nous a trahis, un client potentiel, un « adversaire » politique, un policier, un juge, etc.
Notre discours et, surtout, le « langage » de notre corps (posture, mimiques, ton de la voix etc.) seront très différents selon les hypothèses que nous faisons sur notre interlocuteur et les objectifs de l’entretien.
Et il est douloureux de constater après-coup que nos hypothèses étaient fausses et avaient provoqué un comportement contre-productif.
Cela est particulièrement vrai concernant l’entretien de recrutement de face à face et, plutôt que de « prendre pour argent comptant » tous les conseils incitant à se « promouvoir » voire à se « survaloriser » pour « conquérir » le recruteur, il vaut mieux vérifier ses hypothèses sur ce dernier.
Tentons d’abord de bien comprendre les attentes et contraintes du recruteur avant de définir les attitudes à écarter et celle à retenir.
- Les attentes et contraintes du recruteur.
Avant de me rencontrer, sa situation peut ainsi être résumée :
-Il m’a sélectionné sur la base de mon CV et a besoin de me rencontrer pour vérifier ses hypothèses et impressions, pour évaluer, en situation de face à face, dans quelle mesure je corresponds à ses attentes sur chacun des plans suivants :
– motivation pour l’entreprise ;
– motivation pour le poste ;
– compétences techniques ;
– compétences relationnelles.
-Il sait très bien qu’il est en position de force lors de l’entretien mais aussi qu’il doit créer un climat de compréhension s’il veut mieux me connaître et évaluer en connaissance de cause.
-Il sait aussi qu’il ne pourra pas m’observer en situation professionnelle réelle mais, au mieux, en situation simulée au cours de l’entretien ou par des questions me poussant dans mes derniers retranchements.
-Il sait que, finalement, il devra se contenter de fonder ses évaluations essentiellement à partir de mes réactions verbales et posturales et de mes questions.
Il est clair, dès lors, que la situation de force du recruteur n’est qu’apparente.
Il semble se comporter comme un juge parce qu’il m’évalue à la lumière des critères qu’il a retenus mais, à la différence de ce qui se passe dans un tribunal, il n’y a pas de méfait et finalement peu de critères objectifs (peu de « faits ») ; la plupart des critères concernent les attitudes, les valeurs, les capacités, éléments difficiles à évaluer et dont la nécessité pour réussir dans un poste de cadre n’est pas établie avec certitude.
Ainsi décrite, la situation du recruteur fait plutôt penser à celle d’un client à la recherche d’un bien difficile à choisir.
Ce client sait grosso-modo ce qu’il cherche ; il s’est donné des critères ; il peut facilement vérifier les critères objectifs mais il éprouve le besoin d’aller consulter un ou plusieurs vendeurs pour avoir un avis sur les autres aspects du produit et, plus généralement, vérifier qu’il ne fait pas d’erreur et avoir des suggestions.
Et, comme chacun de nous, il fera très vite la différence entre le vendeur qui ne cherchera qu’à vendre et celui qui cherchera à l’aider à résoudre son problème.
- Les attitudes à écarter.
L’analyse précédente nous conduit à écarter d’emblée deux attitudes risquant d’être fortement contreproductives :
– celle qu’on adopte quant on pense passer un examen ou passer en jugement et qu’on appellera « L’attitude du jugé » ;
– celle qui consiste à vouloir « se « survaloriser « ou « se vendre.» et qu’on appellera «L’attitude du mauvais vendeur »
L’attitude du jugé tend à être défensive sur le plan des réactions verbales comme posturales.
La crainte de la rencontre peut affecter la posture dès le premier contact et, si le candidat tend à penser a priori qu’une seule réponse est « juste », il sera très mal à l’aise devant les questions ouvertes du recruteur et, par exemple, devant les suivantes :
Parlez-moi de vous ! Quel est votre atout majeur ? Qu’est-ce qui vous fait penser que vous allez réussir dans ce poste ? Parlez-moi des réactions que vous avez eues lorsque votre travail ou vos idées ont été critiqués ? Où vous voyez-vous dans cinq ans (poste, pays etc.) ?
L’attitude du « mauvais » vendeur est souvent pensée comme « conquérante » par le candidat parce qu’il cherche systématiquement à présenter lui-même ses atouts et qualités et à se « valoriser » aux yeux du recruteur.
Les risques de cette attitude sont connus. La posture peut apparaître comme arrogante et le recruteur peut avoir l’impression qu’on lui dicte les évaluations à retenir.
Plus généralement, le recruteur peut penser qu’un candidat ayant fréquemment une telle attitude représente un danger pour le climat de travail de l’entreprise.
- L’attitude du « bon vendeur »
Pour le bon vendeur, l’objectif n’est pas d’abord de vendre son produit mais d’abord de bien comprendre ce que cherche le client, puis de présenter à ce dernier des éléments de nature à réduire son incertitude ou ses craintes et à faciliter sa prédiction de satisfaction.
Il adopte une attitude de compréhension et d’aide à la décision.
C’est l’attitude la plus adéquate lors de l’entretien de recrutement comme dans la vie professionnelle courante d’un cadre.
Elle me conduit à appliquer le plan suivant :
– Je cherche d’abord à vérifier, avec l’aide du recruteur que le poste me convient bien et je considère toute question du recruteur comme une opportunité de mieux comprendre ce qu’il cherche, de mieux me faire connaître de lui et de progresser dans ma vérification.
Dès lors, ma posture devrait traduire mon plaisir, mon intérêt et ma motivation pour la rencontre (et non la crainte) et ce dès le premier contact déterminant du climat de l’entretien.
Et mon attitude principale, être celle de la compréhension de mon interlocuteur.
– Si j’ai la confirmation que le poste me convient et que je peux y réussir, mon objectif est alors de persuader le recruteur que je représente une bonne solution à son problème.
Il ne me suffira pas alors de faire état de ma motivation, de mes acquis, etc. mais il me faudra dire, par la parole et la posture et sans arrogance, en quoi et pourquoi ma motivation et mes acquis sont prédicteurs de succès dans le poste.
Notons tout de suite qu’on ne peut espérer persuader que si l’on est soi-même persuadé mais aussi qu’il est impossible de persuader un convaincu comme le montrent, par exemple, les débats politiques.
L’argumentation doit alors recourir aux méthodes suivantes :
–
La référence : je cite une personne ou une expérience censées « prouver » ce que j’avance; (exemple : comme vous pouvez le vérifier auprès de X, mon directeur de stage, on m’a reconnu une bonne capacité de …….
–
L’analogie : j’utilise une ou des situations analogues à la mienne comme moyen de soutenir ce que j’avance. (Exemple : beaucoup d’anciens de mon école sont aujourd’hui chefs de projet de …; vous avez surement dans votre entreprise des cas semblables au mien, etc.).
–
L’alternative : je présente les termes du choix qui doit être fait, par exemple, entre un candidat expérimenté et un candidat débutant en tentant de montrer que le choix d’un débutant présente des avantages.
–
La réduction de l’incertitude et des craintes du recruteur.
Le recruteur a surement des convictions inébranlables sur certaines exigences du poste mais on peut penser qu’il a aussi quelques incertitudes : par exemple, sur la nécessité d’un diplôme de tel niveau plutôt que de tel autre; d’une expérience préalable ou pas; de tel ou tel trait de personnalité plutôt que tel autre, etc.
Ce sont ces points qu’il faut repérer et sur lesquels il faut faire porter l’argumentation.
Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan. 9/01/2013
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