(Source principale = http://blogs.hbr.org/2014/06/everything-you-need-to-know-about-negative-feedback/)
Tout groupe organisé exige de ses membres que chacun réalise sa part de la tâche, que tous coordonnent leurs actions et développent leur synergie et que soient réduits le plus possible les comportements néfastes pour le groupe et la réalisation de son objectif.
La mission de manager étant de veiller au bon fonctionnement du groupe, la question se pose de savoir quoi faire face à un subordonné qui ne réalise pas ce qui est attendu de lui.
Tous les managers pense que la réaction (le feedback) à cette défaillance devrait être franche, mais, en général et en France en particulier, la plupart tentent d’éviter cette franchise par crainte des effets qu’elle peut produire : détérioration de la relation avec le subordonné, accentuation de sa défaillance, détérioration du climat du groupe, etc.
Cette crainte conduit à adopter des pratiques qui échouent. La raison de ces échecs ne tient pas au caractère plus ou moins franc du feedback mais à la conception que le manager se fait de son rôle et de sa responsabilité.
D’autres pratiques sont nécessaires.
- Les pratiques courantes qui échouent.
On peut résumer chacune d’elle par une formule. « Le feedback sandwich » – « Eloge en public et critique en privé » – « Il n’y a qu’un chef » – « Traiter tout le monde pareillement »
1.1. Le feedback sandwich.
On place la critique entre deux compliments ou équivalents pour les raisons suivantes :
– on tente de dire que la critique n’est qu’une partie de l’évaluation de la performance ;
– une telle critique est plus facile à faire et on pense qu’elle sera plus facile à accepter.
En réalité, on masque que le véritable objectif est la critique, ce qui trompe peu de monde et donne le sentiment de l’hypocrisie, voire de la couardise, en particulier aux subordonnés performants qui croient en l’utilité du franc feedback pour eux.
1.2. La critique en privé
En privé, le degré de franchise peut être plus grand mais le diagnostic et la résolution du problème sont rendus plus difficiles sinon insolubles en l’absence des autres membres de l’équipe. Le subordonné peut imputer sa défaillance en tout ou en partie aux comportements des autres membres et s’il accepte un changement de son comportement cela peut induire pour les autres membres des problèmes nouveaux inconnus du manager.
En fait, diagnostic et résolution du problème doivent se faire dans et avec l’équipe et critiquer en privé tend à réduire la qualité du diagnostic et de la résolution mais aussi la responsabilité des autres membres, la capacité de l’équipe de gérer l’interdépendance de ses membres pour réaliser son objectif.
En réalité, on envoie alors à l’équipe le message selon lequel chacun ne doit rendre des comptes qu’au manager, que l’équipe n’a pas à gérer sa mutuelle dépendance, que le manager est le seul responsable.
1.3. Il n’y a qu’un chef
Il est vrai que le manager est le responsable des résultats de son équipe mais il n’y est ni acteur permanent ni observateur permanent de son fonctionnement. Sa fonction est de créer les conditions de nature à permettre à l’équipe de se gérer avec compétence. Il doit faire partager l’objectif, la répartition du travail, les normes et si possibles les valeurs ; aider les membres de son équipe à créer et maintenir la confiance et la solidarité entre eux et … laisser agir les leaders informels et la pression du groupe sur les déviations non désirées. La capacité de donner du feedback et d’obtenir des résultats est largement répartie.
1.4. Tous également traités
La critique du subordonné défaillant doit tenir compte des raisons de la défaillance et des besoins de la personne concernée.
S’agit-il d’un subordonné difficile ou en difficulté ?
Un subordonné difficile, voire insupportable, est celui dont la défaillance est persistante et induit d’importants dysfonctionnements de l’équipe et obstacles à la réalisation des résultats.
Un subordonné en difficulté est celui qui fait face à une situation personnelle ou professionnelle difficile pour lui mais qu’il est susceptible de surmonter, avec ou sans aide.
Quelle valeur le subordonné attribue-t-il au feedback négatif ?
Les recherches en ce domaine montrent que plus on est expert plus on est demandeur de critiques, souvent conditions du succès et on peut aussi penser qu’il en va de même pour tous ceux qui sont désireux d’apprendre et de progresser.
A l’examen des méthodes ci-dessus, assez généralement appliquées, on voit que la correcte résolution du problème posé par le subordonné défaillant relève surtout de la conception que le manager se fait de son rôle et de sa responsabilité. La fonction de leader n’implique pas seulement d’être « gendarme » ; elle demande plus encore d’être « instituteur » et « prophète », c’est-à-dire formateur et entraineur vers un avenir meilleur, coach de son équipe et de son subordonné défaillant.
- Les pratiques à retenir.
On retiendra le coaching d’une équipe, d’un subordonné en difficulté, d’un subordonné difficile, d’un subordonné performant après un revers.
2.1. Coacher une équipe.
L’objectif est ici de rendre son équipe capable de gérer la responsabilité du fonctionnement courant, ce qui conduit à réunir les conditions suivantes :
–Définir, collectivement et aussi complètement que possible, comment gérer la coordination du travail, la qualité et les délais, et, plus généralement, comment se donner du feedback ouvertement et de manière constructive.
–Accorder, autant que possible, les moyens et assurances demandés par les membres pour le partage de cette responsabilité ; en particulier une formation sur les méthodes de feedback non agressif.
–Evaluer régulièrement et améliorer la mise en œuvre de ce plan lors des réunions collectives périodiques.
-Toujours mettre sur la table et traiter collectivement les défaillances non résolues.
-Décider collectivement, des situations relevant de la rencontre particulière entre subordonné et manager et des décisions qui s’en suivent.
Le partage de la responsabilité ne peut être espéré que du partage de l’objectif et du plan de mise en œuvre. Le feedback devient un moyen d’échange entre égaux pour progresser vers l’objectif commun.
2.2. Coacher un subordonné en difficulté
Un feedback peut être reçu comme agressif ou attentionné selon la personne qui le donne et la formulation et le ton retenus, c’est-à-dire selon l’intention perçue par le subordonné : déprécier et sanctionner ou faire confiance et aider.
C’est cette deuxième attitude qu’il convient de retenir devant un subordonné en difficulté ; elle conduit à respecter les règles suivantes :
-D’abord réduire l’écart de statut en demandant l’accord du subordonné pour une rencontre et une discussion et non pas en lui lançant une « convocation » ; il ne s’agit pas de confrontation tout à fait déplacée à ce stade mais de conversation et de confiance;
-Décrire clairement la défaillance observée mais l’aborder comme un problème professionnel, en montrant l’impact sur le travail et les résultats collectifs, et non comme une accusation personnelle ;
-Considérer que ni les causes ni la solution du problème ne sont encore connues et soumettre la présentation de la défaillance à l’accord, à l’explication et aux suggestions de solution de l’intéressé.
-Ne pas oublier que coacher par la motivation pour le futur désiré c’est-à-dire, concentrer l’attention de l’interlocuteur sur ses espoirs, voire ses rêves, est la meilleure façon de l’ouvrir à la discussion, à l’apprentissage et à la progression ; alors que coacher plus ou moins par la contrainte, concentrer l’attention sur les corrections à faire, bloque les capacités cognitives et perceptuelles et met en posture de défense, de repli sur soi.
-Si l’accord est fait sur le changement de comportement à opérer, programmer les étapes à parcourir et les rendez-vous d’évaluation de la progression.
2.3. Coacher un subordonné difficile.
L’hypothèse retenue ici est que la défaillance bien que répétée n’est pas irrémédiable.
Les règles présentées ci-dessus s’appliquent aussi à cette situation mais la difficulté principale concerne la définition de l’objectif initial de l’entretien.
Il doit être limité à obtenir du subordonné difficile une prise de conscience des effets professionnels de sa défaillance et son acceptation d’en rechercher les causes.
L’accusation ne sert qu’à étayer une sanction et le changement de comportement ne peut résulter d’un simple entretien. Seule la prise de conscience des effets négatifs de la défaillance sur les autres et sur soi-même peuvent servir de base au redressement.
2.4. Coacher un subordonné performant après un revers.
Les subordonnés performants qu’on désire retenir ont besoin de reconnaissance et peuvent être très affectés par le moindre soupçon portant sur leurs capacités.
Le coaching doit ici veiller aux points suivants :
-Féliciter et remercier pour le travail accompli, pour les efforts consentis et pas pour les qualités personnelles ; aborder les éventuels coûts personnels, familiaux, relationnels induits par les efforts consentis ;
-Définir ensemble les objectifs et moyens de l’étape professionnelle suivante en faisant en sorte que le subordonné se sente « plus grand » en sortant de l’entretien.
Après un revers (échec, perte de face, etc.) :
-Rappeler combien son travail est apprécié ;
-Inciter à faire une pause et non à redoubler d’efforts
-Inciter à se ressourcer à partir d’activités hors travail valorisantes
Une culture du feedback.
Nous avons tous besoins de feedback pour vérifier que nous réalisons bien notre travail, que nous n’avons pas d’impact négatif sur les collègues, que nous sommes un membre reconnu et apprécié de notre groupe et de notre hiérarchie. Mais le plus souvent nous devons nous contenter d’interpréter des indices, en attendant les évaluations périodiques faites par notre hiérarchie.
Donner couramment un feedback clair, positif ou négatif, dans un groupe ou dans une relation interpersonnelle, n’est pas spontanément facile mais peut être plus ou moins facilité par l’organisation où nous travaillons.
Développer une culture du feedback implique les éléments suivants :
-Créer un climat de confiance et de sécurité incitant à se connaître les uns les autres et à accepter de parler de ses ressentis.
-Rendre normal et fréquent le feedback positif et le feedback négatif mais non agressif, alors que, souvent, le premier est perçu comme complaisant et le second comme indélicat ;
-Faire que les managers donnent l’exemple en étant demandeurs de feedback clair et fréquent sur leur action.
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan. 15/07/2014