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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Approche actuelle de la stratégie.2 Approche actuelle de la stratégie.2

Approche actuelle de la stratégie.2

 (Source principale : P. Silberzahn, http://philippesilberzahn.com)

Toute entreprise pratique une stratégie plus ou moins explicite pour assurer sa survie et sa croissance dans un univers concurrentiel et un environnement changeant ; elle est censée le faire en mettant en œuvre des choix coordonnés d’objectifs et de moyens :

– des choix de raisons d’exister et d’objectifs à atteindre : sa mission, son projet, ses buts, son type d’offre et son champ d’action ou terrain d’échanges avec son environnement.

– des choix de moyens de réussir : ses capacités spécifiques, ses avantages concurrentiels, ses moyens de faire face aux menaces et opportunités créées par son environnement.

On a montré dans plusieurs articles de ce blog (en particulier dans « Approche actuelle de la stratégie.1») que les sources d’inspiration et de méthodes d’élaboration de la stratégie ont évolué dans le temps : l’influence prédominante de M. Porter préconisant la construction d’une stratégie délibérée préalable à toute mise en œuvre a tendu à laisser place à une attitude plus empirique, à une stratégie plus « émergente » s’adaptant aux changements de l’environnement ; certains auteurs vont même plus loin et préconisent une stratégie « non prédictive » ( P. Silberzahn , http://philippesilberzahn.com/)

Voyons l’essentiel l’essentiel de cette évolution depuis Porter avant de nous centrer sur la stratégie « non prédictive »

 

  1. De l’approche de M. Porter à l’approche de « l’hyper-compétition. (« Approche actuelle de la stratégie»)

1.1. L’apport de M. Porter. (https://outilspourdiriger.fr/deux-approches-de-la-strategie-1-m-porter/)

Le potentiel de profitabilité d’un marché ou d’une industrie et le partage de cette profitabilité entre les acteurs concernés dépend de 5 types de force : l’intensité de la concurrence entre acteurs en place, la menace de nouveaux concurrents, la menace des produits de substitution, le pouvoir de négociation des clients, le pouvoir de négociation des fournisseurs.

Définir son positionnement et sa stratégie, c’est repérer, comprendre et prévoir les forces qui façonnent et façonneront son environnement, évaluer ses capacités à y faire face et choisir des objectifs et des moyens qui assure la « place » souhaitée et tenable dans son marché.

L’idéal est facile à imaginer (marché en croissance, position dominante, faible menace d’entrées nouvelles, etc.) mais la situation la plus fréquente est nettement moins favorable et il faut choisir un positionnement conforme à sa force compétitive ou aller là où les forces compétitives sont moins intenses.

Trois positionnements ou stratégies génériques sont possibles : la stratégie de domination par les coûts, la stratégie de domination par la différentiation, la stratégie de niche.

L’apport principal de cette approche est d’éclairer très finement la « bataille » pour le partage de la valeur  générée par un marché existant, en signalant l’action de tous les acteurs concernés et pas seulement celle des concurrents en place.

Les critiques de cette approche ont porté sur deux types de points :

– la faiblesse de l’éclairage sur les conditions à remplir pour créer un marché et y prendre une position dominante.

– l’élaboration de la stratégie : est-elle le choix délibéré d’un positionnement avant toute mise en œuvre, comme le dit M. Porter, ou un processus pragmatique fondé au début sur une compétence distinctive et se construisant progressivement, comme le dit H. Mintzberg. ?

1.2. Les apports de W.C.Kim et R.Mauborgne : l’approche « Océan bleu ». (https://outilspourdiriger.fr/deux-approches-de-la-strategie-2-ocean-bleu/)

Au lieu de se lancer dans la bataille pour la part du marché existant, bataille où la concurrence fait de plus en plus de « morts » qui « rougissent » l’océan (Océan rouge) , les auteurs préconisent de se construire une place dans « l’Océan bleu », l’espace de la création d’une demande nouvelle, espace où on est seul.

C’est une stratégie de la concurrence par l’innovation. On peut la mettre en œuvre par la création d’un produit entièrement nouveau permis par une technologie émergente mais on peut aussi recourir à la recomposition d’une offre existante.

Contrairement à ce qu’enseigne la stratégie classique de la différentiation, on peut créer plus de valeur pour le client sans accroître ses propres coûts, en recourant aux moyens suivants :

réduire ou éliminer les attributs de l’offre en cours, en particulier les moins déterminants pour le client;

-trouver et ajouter des attributs qui ne sont offerts par personne.

C’est ce que font les acteurs qui transforment un produit « haut de gamme » en un produit pour « tous et de tous les jours » (par exemple, la voiture avec Ford hier et Renault aujourd’hui, le « low-cost ») ou qui « réinventent » « rajeunissent » une activité traditionnelle (le spectacle de cirque, le téléphone, le taxi, la location de chambre, etc.).

Le choix stratégique est un acte de création qui « sort » l’entreprise du marché en cours ou crée un marché nouveau.

1.3.  Choix délibéré préalable ou stratégie « émergente » ?

La controverse qui a régné dans le monde des affaires comme dans le monde militaire peut se résumer dans la question suivante ; « ends, ways, means » ou  « means-ways-ends» ? :

-commencer par définir le positionnement à atteindre (ends), puis les voies pour y parvenir (ways) puis les moyens et compétences nécessaires (means) ;

-ou commencer par définir ses compétences spécifiques (means), puis ce qu’il est possible de réaliser avec ces compétences (ways), puis, progressivement, aboutir à un positionnement (ends).

Tabler d’abord sur sa compétence spécifique puis tâtonner pour trouver ou créer le marché est très souvent ce que fait un créateur d’entreprise ou une entreprise innovatrice.

Et contrairement à l’importance accordée par M Porter à « l’extérieur » de l’entreprise dans la définition de la stratégie et l’obtention du succès, de nombreux experts soulignent l’importance des capacités internes, des compétences particulières, comme déterminants principaux de la réussite.

Comme le dit K. Moore, professeur à la McGill University, ancien dirigeant et formateur de dirigeants,

(https://www.forbes.com/sites/karlmoore/2011/03/28/porter-or-mintzberg-whose-view-of-strategy-is-the-most-relevant-today/#1c6e66a958ba) :

– « les idées de Porter ont longtemps dominé et restent utilisées par de nombreuses entreprises mais le  monde a changé et nous ne pouvons plus contrôler les variables à prendre en compte ; l’idée de plan à 5 ans, voire à 2 ans, est devenue irréaliste ; il faut être rapide et flexible ;  en fait, la stratégie émergente est la réalité dans la plupart des secteurs économiques que je côtoie ».

La mondialisation de la concurrence et la montée en puissance des acheteurs tend à induire les impacts suivants :

– La stratégie de domination par les coûts va tendre à disparaître dans les pays industrialisés pour laisser place à la stratégie de différentiation.

-Dans un monde en « hyper compétition » » (R. D’Aveni « Hypercompetition: Managing the Dynamics of Strategic Maneuvering ») https://www.strategy-business.com/article/14886?gko=c7ef4), tous les avantages compétitifs s’érodent rapidement et la stratégie doit devenir une capacité de développer et de maintenir une succession rapide d’avantages concurrentiels temporaires.

 

  1. L’approche de la stratégie non prédictive.

Cette attitude va plus loin que celle de K. Moore ; la stratégie délibérée et préalable est impossible pour une raison simple : la prévision du futur est devenue impossible et, sans doute, l’a toujours été.

2.1. La difficulté sinon l’impossibilité de prévoir.

Décider, choisir une stratégie, exige de prévoir l’évolution de l’environnement mais le domaine de l’imprévisible tend à s’élargir à l’infini.

Dans certains marchés « stables », on peut, certes, tenter de prendre appui sur les tendances du passé récent, d’explorer des scénarios ou d’utiliser des modèles, mais aujourd’hui la « rupture de tendance », le changement, peut surgir très rapidement (petit changement ayant un impact très considérable, présenté par l’universitaire N. Taleb comme le « cygne noir »); c’est l’incertitude qui domine la plupart des décisions d’entreprise et pas seulement les décisions de création.

Comme l’explique F. Knight, prix Nobel d’économie, l’incertitude caractérise l’environnement dans lequel il est impossible de connaître les événements futurs possibles, où des situations radicalement nouvelles sont provoquées par des ruptures, technologiques, scientifiques, sociales, politiques, etc. même dans les marchés les plus traditionnels.

La prédiction reste incontournable pour éviter la certitude de l’échec mais elle ne permet que de définir l’espace des choix possibles et de se préparer à limiter les impacts de l’échec.

Si la prévision n’est pas possible, il faut déployer des outils stratégiques qui ne reposent pas sur elle.

2.2. La stratégie non prédictive.

On n’est pas ici dans le domaine des sciences exactes mais dans celui des systèmes sociaux.

En général, l’analyse incite à séparer les facteurs d’une situation mais fait oublier l’importance de la synergie entre eux ; les rapports de cause à effets ne sont pas stables et sont parfois « pervers » ; la définition des problèmes et des facteurs déterminants dépendant beaucoup de la culture du stratège.

C’est ce qui explique la quasi impossibilité de la prévision et justifie de recourir à des méthodes centrées sur le présent et le futur immédiat plutôt que « d’inventer un futur lointain ».

La prédiction étant illusoire et dangereuse, il vaut mieux se concentrer sur la compréhension du présent et du futur immédiat en se posant principalement les quatre questions suivantes :

-Que savons-nous (K pour knowledge)?

-Que supposons-nous (P pour Presume)?

-Qu’est-ce qui est inconnu? (U pour unknown) mais qui pourrait peut-être être découvert ?

-Qu’est-ce qui est inconnaissable (U pour unknwoable ) ?

C’est le modèle KPUU construit par P. Silberzahn et M. Jones  consultant et professeur d’université.

Cet effort pour comprendre plus profondément le présent est plus précieux que la plupart des efforts visant à sonder les profondeurs d’un avenir incertain. Il consiste principalement à se concentrer :

– sur le contexte actuel, sur ce qu’on peut faire maintenant et sur les conséquences probables des choix et actions souhaitables sur le futur immédiat.

– sur l’atténuation de l’impact des surprises éventuelles, même si cet effort est de valeur limitée.

Donc, en résumé, clairement répondre en détail aux deux questions suivantes « Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? » et : « Qu’est-ce que cela veut dire pour le futur ? » puis envisager de réfléchir à la dernière question: « Que pouvons-nous faire? » et non pas « Qu’est-ce qui va se passer dans l’environnement? » 

2.3. Fausses et vraies stratégies.

Ce type d’attitude est aussi retenu par un autre expert, R. Rumelt professeur à UCLA  et auteur de « Good Strategy/Bad Strategy » (https://www.mckinsey.com/business-functions/strategy-and-corporate-finance/our-insights/the-perils-of-bad-strategy)

La stratégie n’est pas l’expression d’une ambition ou d’une vision et encore moins de souhaits.

C’est une démarche pour surmonter un obstacle, pour relever un défi. Si le défi n’est pas défini, les obstacles pas identifiés, alors ce n’est pas une stratégie, mais un but ou un souhait ; et de plus il devient  impossible, d’évaluer la qualité de la stratégie, d’en rejeter une mauvaise ou d’améliorer une bonne.

Beaucoup d’entreprises présentent ainsi ce qu’elles appellent leur « stratégie » :

La vision est souvent exprimée en termes généraux du type : être ou devenir le meilleur, etc.

-La mission ne fait que présenter les buts en termes ronflants.

-Les valeurs retiennent toujours des mots indiscutables du type « l’intégrité », « respect » et « l’excellence.

-La « stratégie » se résume à énoncer des aspirations.

Il s’agit plus de vœux pieux et de rhétorique vide que de stratégie.

Une bonne stratégie définit le défi critique que l’entreprise rencontre ou va rencontrer à court terme et les moyens nécessaires qu’il faut concentrer sur le défi pour réussir

– Le diagnostic : une définition du ou des défis critiques parmi tous les problèmes que l’entreprise doit surmonter.

– La politique ou types d’actions choisis pour affronter ou surmonter les obstacles critiques identifiés.

– Le plan de mise en œuvre des actions : étapes et coordinations.

Le diagnostic devrait être exprimé dans des termes du type suivant : « Nous perdons la course de l’attractivité commerciale ou de la performance technique ou du coût de revient, ou du climat social, etc. »

La politique et le plan de mise en œuvre devrait indiquer précisément les moyens à mobiliser et les étapes de mise en œuvre.

 

Au fond ces deux derniers auteurs nous ramènent à la simplicité qu’on n’aurait jamais dû oublier :

-en stratégie comme ailleurs, la méthode de base et la méthode de résolution de problème : diagnostic, choix de voies de solution, plan de mise en œuvre ;

-en stratégie comme ailleurs, il s’agit de décision en futur incertain et donc d’une construction qui s’opère pas à pas.

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan.3/03/2018

 




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