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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Besoin – Désir – Achat Besoin – Désir – Achat

Besoin- Désir- Achat.

Ces mots, nous les entendons ou utilisons souvent ! Sommes-nous sûrs de leur sens ?

Ce sont des notions, des représentations mentales, construites pour comprendre des situations ou des comportements, communiquer des résultats d’analyse, prendre des décisions, etc. et il est bon de faire un point de temps en temps sur leur définition.

Nécessaire à toute personne cultivée, ce point est indispensable à tout dirigeant et cadre désireux de mieux comprendre et décider en matière de relations avec les autres, relations commerciales avec les prospects et clients ; relations avec les partenaires de l’entreprise, relations avec le personnel, etc.

 

  1. Les motifs et buts des comportements.

On sait qu’il est très difficile d’identifier clairement les motifs et les buts associés à un comportement. Tout responsable commercial doit, cependant, au moins « approcher » cette explication et peut le faire grâce à l’utilisation des modèles explicatifs accumulés par la recherche.

1.1. Les hypothèses de base du modèle explicatif.

-Des pulsions nous pousse à agir…ou à ne pas agir ; elles mobilisent notre énergie et l’oriente vers un objet, vers une autre personne ou vers soi-même et d’une manière déterminée.

-La pulsion est déclenchée par un sentiment de manque, un état d’insatisfaction, un besoin, un problème, bref un « écart entre ce qu’on vit et ce qu’on veut » et elle vise la suppression ou l’atténuation de cet écart (Principe de plaisir), éventuellement le report, le refoulement ou la sublimation (Principe de réalité).

-Les modalités du comportement sont déterminées par des valeurs, des délibérations et des choix mais ce processus n’est que partiellement raisonné et conscient.

1.2. Le modèle

La pulsion, la motivation, est ce qui nous pousse à entreprendre des actions porteuses de promesse de satisfaction, de réduction d’insatisfaction, de report ou de déviation, etc. et ce, d’après nos valeurs.

C’est l’état d’insatisfaction ou la crainte de cet état qui est le déterminant du comportement, du moins lorsque l’intensité de cet état atteint un certain seuil ; c’est l’interprétation de l’état ou de la crainte qui désigne le but et l’orientation de l’action mais c’est l’espérance de satisfaction et l’espérance de succès de l’action qui fait déclencher l’action. La délibération préparatoire sera plus ou moins consciente et plus ou moins difficile car il peut y avoir conflit entre les buts, entre les moyens et entre un but et les moyens à utiliser.

Examinons les 3 étapes du processus : les besoins ou motifs génériques d’action ; les désirs ou identification des moyens de satisfaction, l’achat ou acquisition de l’objet du désir.

 

  1. Les besoins ou motifs génériques d’action.

Les « types » suivants de besoins ou motifs génériques d’action résument l’essentiel des modèles présentés dans ce domaine : besoins primaires, besoins d’interactions sociales, besoin de réaliser ses aspirations.

2.1. Les motifs liés aux besoins primaires.

Nous avons des besoins et des instincts fondamentaux ; leur expression est rendue «socialement correcte» par l’éducation et la socialisation mais ils restent vivaces et, parfois, s’expriment avec la violence originelle. On peut citer les instincts et pulsions basiques suivants :

– Les instincts de conservation, de reproduction, d’agression, de possession, de domination, etc.

– Les pulsions d’acquérir, de maintenir, de préserver (soi, les siens, ses ressources, son statut), d’apprendre pour comprendre, de se relier à autrui, de réaliser, etc.

Nos motifs d’action primaires  concernent nos besoins fondamentaux : besoins biologiques (faim, soif, sexualité, respiration, sommeil, etc.) et besoins de sécurité (physique et psychologique)

Leur insatisfaction peut conduire à des comportements de coopération, de soumission  ou d’agression.

2.2. Les motifs liés aux besoins d’interactions sociales.

On peut distinguer les besoins d’appartenance sociale, de reconnaissance sociale et de pouvoir.

-Le besoin d’appartenance.

C’est le besoin de se sentir membre d’un groupe, rattaché à un réseau relationnel ; le besoin de donner et recevoir de l’aide, des idées, de la stimulation, de l’affection, de l’amitié, de l’amour, de la protection, etc.

L’insatisfaction peut ici conduire à un comportement de repli sur soi ou de provocation pour attirer l’attention.

-Le besoin de reconnaissance.

Ce sont les signes émis par les autres qui nous indiquent notre valeur à leurs yeux et contribuent à la construction et la maintenance de notre estime de soi et de notre confiance en soi.

L’insatisfaction ici provoque en général un degré plus ou moins grand de révolte.

-Le besoin de pouvoir.

C’est ce qui nous incite à exercer l’influence sur les autres et à rechercher un statut d’autorité. Notons, ici, que cette influence et ce statut peuvent être recherchés pour contraindre les autres à l’obéissance ou pour aider les autres à progresser.

L’insatisfaction peut ici conduire à un comportement de frustration et/ou  « d’exhibition»

2.3. Les motifs liés aux aspirations, aux besoins de se réaliser

C’est ce qui nous pousse à aller au bout de nos possibilités, à réaliser notre rêve, à réussir notre vie, à agir selon nos valeurs et  nos goûts.

 

Chacun des trois types de besoins-motivations cités ci-dessus est commun à tous mais l’ensemble peut former pour chacun un système spécifique de motivations, résultant de la combinaison de ses instincts, de la socialisation reçue, de sa situation et de ses expériences, en particulier de celles vécues dans la jeunesse.

Cette combinaison spécifique explique les différences entre les personnes ou les groupes en matière de hiérarchie entre les besoins.

Elle explique également la différence entre les désirs, moyens recherchés pour résoudre le même type de problème, réduire le même type « d’écart entre ce qu’on vit et ce qu’on veut ».

 

  1. Les désirs ou identification des moyens de satisfaction.

Le besoin de manger ne déclenche pas chez toutes les personnes, en tendance, le même désir d’aliments ou de composition d’aliments et il en va de même pour tous les besoins, motifs génériques d’action, qui peuvent déclencher des désirs de moyens de satisfaction très divers selon les personnes ou groupe de personnes.

En plus de la représentation du but à atteindre, le désir comporte une représentation du ou des moyens d’atteindre ce but et le souvenir d’avoir eu satisfaction grâce à ce ou ces moyens ou la croyance qu’il va en être ainsi. On voit bien qu’il ne s’agit plus de biologie mais de psychosociologie, de valeurs, voire de psychanalyse.

Notre système de motivations exige, en effet, que le moyen de satisfaction préféré et recherché respecte les contraintes suivantes :

-qu’il remplisse sa fonction de supprimer ou réduire, etc. l’état de manque (dimension fonctionnelle) ;

-qu’il procure des émotions connues ou nouvelles (dimension émotive) ;

-qu’il donne à soi-même et aux autres une image de soi conforme à ses valeurs (dimension psychosociale).

Il est clair que nos désirs résultent peu de nos besoins biologiques mais bien plus de notre culture, de nos valeurs, de nos expériences et apprentissages passées et de la tendance d’évolution de notre situation.

Notre culture, c’est l’ensemble de nos manières habituelles de penser, de sentir et d’agir et nos valeurs sont les références qui nous servent de critères de sélection ou d’évaluation de nos choix. Pour chacun de nous, culture et valeurs résultent de notre « héritage social » (formation, socialisation etc.) et de la « pression sociale » que notre environnement exerce sur nous, ce qui tendra à nous faire avoir les mêmes types de désirs que ceux de notre groupe social d’appartenance.

Mais sont aussi d’importants facteurs explicatifs nos expériences et apprentissages, en particulier les expériences affectives vécues dans la petite enfance (expérience œdipienne, expérience du sentiment d’infériorité, de la compétition pour la recherche du pouvoir, du refoulement, de la sublimation, etc.)

Et comptent également et parfois beaucoup nos caractéristiques personnelles (sexe, âge, situation géographique ou de famille, niveau de formation, niveau de revenu) et leur tendance prévue d’évolution.

 

  1. L’achat ou acquisition de l’objet du désir.

Chacun a pu expérimenter, comme consommateur, les types d’achat et le procesus d’achat définis par les schémas suivants :

Besoin

Source = Edulib – Hec Montreal – Introduction au marketing.

4.1. L’achat « réfléchi » et les autres.

Concentrons-nous sur ce type d’achat exigeant la préparation et la délibération les plus difficiles, car il permet de mieux comprendre les autres types d’achat, par différence.

Tout acheteur « réfléchi » parcoure plusieurs étapes, plus ou moins consciemment :

-prise de conscience du besoin et du désir ; perception d’un état de manque et identification d’un ou de plusieurs moyens de satisfaction ; ce qui fait apparaître une motivation, un but et un champ de recherche.

-recherche et exploration des alternatives ; préparation d’autant plus longue que le choix implique d’expertise ; ce qui introduit le rôle des prescipteurs et modèles identitaires dans le processus.

évaluation des alternatives et décision d’achat ; définition des principaux attributs exigés des objets achetables et comparaison des objets sur la base de ces attributs-critères et des coûts d’achat .

réalisation de l’achat; choix de la quantité et de la modularité de livraison ; choix des services annexes ; choix des modes et moments de livraisons, etc.

évaluation de l’achat post-achat ; identification des « écarts » entre la réalité et le « pari » initial et accumulation des résultats de l’expérience.

Les autres types d’achat différent peu, finalement, de l’achat « réfléchi ».

L’achat par habitude est un achat réfléchi, validé et non remis en question. Les deux autres types d’achat font moins de place aux facteurs cognitifs mais n’en sont pas moins « rationels » au regard de l’acheteur et plus ou moins préparés ; tout achat relève plus ou moins de l’émotion et une impulsion surgit le plus souvent d’une lente et inconsciente préparation.

 

4.2. Un critère de choix limité : le rapport qualité/prix.

On a vu ci-dessus que chaque objet de désir tend à respecter plusieurs contraintes :

-supprimer ou réduire, etc. l’état de manque  (dimension fonctionnelle) ;

-procurer des émotions connues ou nouvelles (dimension émotive) ;

-donner à soi-même et aux autres une image de soi conforme à ses valeurs (dimension psychosociale).

Tout achat tient compte de ces contraintes en évaluant, plus ou moins consciemment, les attributs de l’objet à acheter mais il doit aussi tenir compte du coût de l’obtention de l’objet, des ressources à engager.

La décision d’achat est prise après comparaison entre satisfactions et ressources à engager, ce que le language courant appelle le rapport qualité / prix.

Tout achat étant un pari et ne concernant pas que l’objet du désir, il vaut mieux appeler ce rapport «services espérés / contraintes probables».

Le client achète ce que le produit permet de faire mais aussi un ensemble d’autres

« valeurs » : une marque (réputation de l’offreur et marqueur de différentiation pour le client) ; une qualité de livraison, d’installation, de formation du personnel utilisateur;  une facilité d’utilisation ; la robustesse et la durée de vie du produit ; la facilité de son remplacement par un produit plus puissant ou nouveau ; un service après-vente et une garantie ; parfois des facilités de  financement, etc.

Et les contraintes qui sont imposées par l’acquisition du produit ne se réduisent pas au simple prix d’achat ni même au coût de l’achat ; elles recouvrent aussi la plus ou moins grande difficulté de l’utilisation, de la maintenance, de la formation des utilisateurs, de l’assurance, etc.

C’est bien, le rapport «services espérés / contraintes probables à subir » qui est le critère de choix.

Et ses limites sont claires : il ne s’applique qu’à la comparaison entre différents objets résolvant le même type de problème et son résultat ne sera pas le même pour tous les acheteurs potentiels ni à tout moment pour le même acheteur car la valeur de l’objet et de la perte de ressource dépendent des valeurs, du projet et des ressources de l’acheteur.
En fait, pour tout acheteur, la difficulté la plus grande est de choisir entre les types de besoins du moment d’une part et, d’autre part, d’ordonnancer les résolutions de problèmes dans le temps. Le seul calcul économique « gains/perte » est alors d’un faible secours. Les choix se fondent sur les valeurs.

PS = On trouvera dans blog d’autres articles traitant de ce sujet.

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan.10/06/2014