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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

 

Etre nommé Chef de service confère un statut d’autorité  mais non l’autorité réelle, la capacité réelle de diriger. Pour avoir cette capacité il faut être reconnu comme chef de service par ses supérieurs, ses homologues et ses subordonnés, ce qui ne se décrète pas ni ne s’obtient en un jour mais doit être « gagné ».

Comment « gagner » cette autorité, ce leadership de Chef de service « réel »? Plutôt que d’improviser,  il vaut mieux disposer d’un schéma de comportement pertinent parce qu’inspiré par la théorie et validé par la pratique.

 

  1. Les fonctions à remplir et les contraintes à surmonter

-Un service est un des postes du réseau de « transformateurs » qui composent l’entreprise ; il reçoit de l’extérieur ou des autres services des « entrées » attendues ; il livre des « sorties » attendues par les autres services ou l’extérieur et doit réaliser cette « transformation –valeur ajoutée » au moins aux conditions définies par la direction.

Tout service remplit donc des fonctions de client et de fournisseur vis-à-vis des autres services ou de l’extérieur ;

-Le chef du service reçoit de sa direction (ou négocie avec sa direction) les objectifs assignés au service et les moyens qui lui sont attribués et doit faire en sorte que les membres du service réalisent ces objectifs à la satisfaction de tous, direction, autres services et  membres eux-mêmes ;

Tout chef de service a donc un rôle de chef d’orchestre chargé de faire jouer tous ses musiciens ensemble, en harmonie, sans fausse note et à la satisfaction générale.

– Les contraintes à surmonter.

Au début, le chef de service n’est qu’un nouveau venu dans un milieu qu’il ne  connait pas ou pas assez ; il va devoir diriger un personnel qu’il n’a pas recruté, dans un service qui a fonctionné, sans lui, sous la direction de quelqu’un d’autre et qui, donc, possède une  histoire, une culture et un climat donnés qu’il a pas vécus.

De la même façon, il va devoir établir des relations avec les autres services ou/et l’extérieur de l’entreprise, partenaires avec qui des relations particulières, souvent « non dites » ont été établies par le passé et par un autre que lui, histoire qu’il ne connait pas non plus.

Bref, s’il ne veut pas débouler dans ce milieu comme un chien dans un jeu de quilles, avec le risque que les quilles lui retombent rapidement sur le nez, il vaut mieux qu’il ait un schéma de comportement initial pertinent.

Ce schéma comporte trois étapes  à réaliser en 5 semaines environ.

  • Rassurer et comprendre son environnement.
  • Lancer et réussir un ou quelques changements immédiats « exemplaires ».
  • Mobiliser les collaborateurs sur un projet à plus long terme de réorganisation du service.

 

  1. Rassurer et comprendre son environnement.

2.1. Se faire connaitre, rassurer, soutenir.

Tout nouveau venu dans un groupe apparait toujours comme une ressource et/ou une menace pour les autres ; source d’opportunités nouvelles pour les uns, source de changements douloureux à venir pour d’autres. Et cela est d’autant plus vrai que le nouveau venu est inconnu et dispose de pouvoir.

La première étape à engager est, donc, de réduire les méfiances et inquiétudes produites par cette  inconnue et ce pouvoir ; de préserver ce qui fonctionne  et d’avoir des échanges visant à créer les conditions d’un climat de confiance et de coopération.

Le chef de service devra ainsi :

– se présenter à tous pour se faire connaître et présenter clairement sa mission et son ambition pour le service ;

– affirmer qu’il sera à l’écoute de chacun, qu’il soutiendra sans réserve ceux qui font leur travail, qu’il compte sur tous pour que le service réussisse et n’oubliera personne au moment des évaluations.

2.2. Observer

Tout nouveau venu dans un milieu social, souffre de quelques handicaps  lorsqu’il cherche à comprendre la situation et le rôle de chaque acteur. On peut trouver des indications en étudiant les résultats passés et les incidents recensés mais il sera difficile sinon impossible de trouver des explications sur les « non-dits » et « autres signaux non verbaux» émis par les comportements.

Prendre le temps d’observer les situations, de décoder ce que « disent » les comportements des collaborateurs, d’interroger son prédécesseur, tout cela est nécessaire pour :

comprendre le climat régnant, les règles réelles du jeu des acteurs, les éléments de culture interne, les valeurs partagées, les  jargons utilisés, les relations informelles de pouvoir, les réseaux de relations, les conflits larvés ;

repérer l’état des  compétences, le degré d’implication des personnels,  les synergies en place ;

repérer ce qui fonctionne bien, les dysfonctionnements, les soutiens spontanés sur qui il peut compter et les résistances qu’il va rencontrer.

2.3. Ecouter.

Ici l’objectif est d’avoir la réponse du plus grand nombre de collaborateur à la question suivante : « Que faut-il changer, d’après vous, pour que cela marche mieux ? »

On peut collecter ces réponses lors des contacts précédents ou de façon plus systématique mais en évitant les réunions collectives où certains peuvent craindre de s’exprimer ou qui peuvent se transformer en séance de revendications.

2.4. Rassurer et comprendre les partenaires du service

Ici aussi, il s’agit d’abord de réduire l’incertitude sinon la « menace » » lié à l’arrivée d’un nouvel acteur et de repérer les améliorations souhaitées par les partenaires dans leurs relations avec le service.

La méthode à retenir doit être adaptée au type de partenaire, au  nombre de partenaires, mais dans tous les cas, il faudra au chef de service :

se présenter à tous pour se faire connaître et présenter clairement sa mission et son ambition pour le service

affirmer qu’il compte maintenir et améliorer les relations actuelles avec les autres services et qu’il est à l’écoute de toute suggestion allant dans ce sens ;

affirmer qu’il soumettra à discussion préalable tout projet de modification de ces relations.          

2.5. Repérer les limites de son action.

A l’issue de cette étape, le chef de service s’est fait une première opinion sur les forces et faiblesses de son service et sur les axes d’améliorations à retenir, d’actions à entreprendre.

Mais ce premier plan d’action peut induire pour la direction de l’entreprise des engagements plus ou moins « lourds » sur le plan financier comme sur celui du personnel et conduire cette direction à ne pas soutenir son chef de service.

Dès lors, si le chef de service veut connaître les limites de son action, il vaut mieux pour lui  de « tester » son directeur assez tôt et de préparer au moins 2 versions de son plan ou un échelonnement de sa mise œuvre

Rassurer et comprendre son environnement est l’étape nécessaire à la création d’un climat de confiance, mais c’est aussi, aux yeux de tous, un indicateur très important de certains aspects de la capacité de diriger ; refus de décider sans comprendre ; refus de changer sans connaitre; respect de ce qui a été réalisé jusqu’ici ; soutien à ceux qui font leur travail, etc.

Mais une autre dimension du leadership est également nécessaire ; la capacité d’introduire et de faire accepter les changements nécessaires.

 

  1. Lancer et réussir un ou quelques changements immédiats « exemplaires »

On sait que les meilleures conditions du succès d’une innovation sont réunies si la préparation, la définition et la réalisation sont faites en concertation avec les intéressés.

Ajoutons que pour une première opération de changement, il serait bon, de plus, que le projet retenu soit tel que ses effets soient mesurables à termes courts et qu’il représente un succès indéniable

A cette étape l’exemplarité sociale du succès est aussi importante que son efficacité économique

Le chef du service démontre ainsi sa capacité de diriger vers le succès ; de trouver des objectifs communs pertinents, de répartir les tâches de mise en œuvre, etc.

La méthode de mise en œuvre de ce principe peut être diverse.

C’est le recensement des améliorations à introduire qui sert de base à l’opération.

Le choix des  changements immédiats peut être fait de diverses manières mais le mieux est de le faire faire par l’ensemble des intéressés.

Par ailleurs, il serait idéal que le choix ainsi fait soit dicté par un plan de développement à long terme mais l’objectif de fonder aux yeux de tous la capacité du chef de service de conduire et de réussir le changement et de faire accepter son style de direction doit primer à court terme même s’il est provisoirement contraire au plan.

 

4. Mobiliser les collaborateurs sur un projet de réorganisation du service

On peut, par exemple, retenir les deux points principaux suivants

  • Améliorer l’organisation en cours.
  • Améliorer la capacité du service à répondre aux besoins du contrôle de gestion.

4.1. Améliorer l’organisation en place

L’organisation en place résulte de choix délibérés ou/et d’évolutions incontrôlées  en matière de répartition du travail, de coordination des activités, d’évaluation du personnel et de formalisation des règles.

Les objectifs de ces déterminants de l’organisation sont les suivants :

-Répartir le travail de telle sorte que chaque tâche soit assurée par du personnel compétent  et que les ensembles de tâches soient définis de manière à faciliter la coordination interne au regroupement, d’en réduire les coûts fixes communs, de favoriser la formation inter-membres.

-Coordonner les actions ainsi réparties de telle sorte que les livraisons promises aux « clients » soient faites dans la qualité, la quantité et le délai convenus ainsi qu’au coût de revient prévu. La coordination intergroupe est assurée par le chef de service mais la coordination entre les sous-groupes peut l’être par des réunions d’égaux.

– Evaluer le personnel en vue de déterminer ses objectifs, sa rémunération, ses besoins en formation, etc.

– Formaliser par écrit les règles essentielles du jeu organisationnel pour que chacun les connaissent et s’y réfère si nécessaire mais en évitant qu’un trop grand nombre de règles et de procédures ne paralyse la réactivité.

4.2. -Améliorer la capacité de répondre aux besoins du contrôle de gestion

Le service réalise-t-il correctement les opérations suivantes :

– Contribuer à l’élaboration des objectifs de l’ensemble de l’entreprise ;

– Réaliser les objectifs qui lui sont assignés ;

– Anticiper à temps  les écarts entre objectifs et réalisations, corriger ces écarts et/ou informer les groupes qui peuvent en être affectés ;

– Trouver, grâce à son tableau de bord,  une explication correcte de ses performances et de ses dysfonctionnements ;

Cette analyse et le montage d’un projet de réorganisation peuvent être faits par le chef de service, seul, mais on sait très bien, aujourd’hui, que ce n’est pas la bonne méthode

On sait qu’il n’y a pas de système d’organisation parfait, que chacun d’eux a des avantages et des inconvénients et qu’il importe prioritairement que le système retenu soit adapté aux besoins du service, c’est-à-dire, finalement, souhaité et au moins accepté par le personnel intéressé.

Ce personnel est celui qui connait le mieux le fonctionnement du service et celui qui va finalement être chargé de la mise œuvre ; autant de raisons qui rendent nécessaire sa participation à l’élaboration du projet, sous la direction du chef de service.

 

Chef de service et leader

Le statut ne fait pas le leader. Le leadership, la  capacité de motiver les autres, de les rendre capables et fiers de réaliser tel projet résulte de la libre adhésion des autres dans une situation donnée.

C’est pourquoi toute autorité formelle n’est pas autorité réelle et que le leadership se gagne et se perd.

Les sources principales du leadership sont de 2 types :

-la capacité d’avoir une vision pertinente et attrayante du futur et du chemin pour y parvenir ;

-la capacité de faire accepter le chemin à parcourir en réduisant les craintes et en accroissant la motivation et les capacités des collaborateurs.

Tout chef de service doit être à la fois un leader et une autorité de droit

Pour le dire de façon imagée, il doit être capable de jouer les rôles du prophète, de l’instituteur et du gendarme !
–    prophète pour indiquer « où aller » et combien il serait « bien » d’y aller ;

  • instituteur pour dire « comment se préparer et réussir à y aller » ;
  • gendarme pour ramener les « brebis égarées » dans le droit chemin !

 

Aucune reproduction de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur. A.Uzan. 8/01/2013