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l’hypothèse prédominante reste bien que le client n’est actif dans le processus, au mieux,  que lors du test du prototype ou équivalent. On peut comprendre que les exigences de secret, de compétences, de coordination des équipes, conduisent les entreprises à vouloir un contrôle strict du processus d’innovation mais d’autres exigences deviennent de plus en plus importantes : l’innovation est faite pour des utilisateurs et il est trop dangereux de ne prendre en compte leurs avis qu’à la fin du processus ; les prospects ont le désir et les moyens digitaux (réseau, etc.) de prendre part à l’innovation et peuvent soit en assurer la diffusion soit l’ignorer, soit la combattre. Aussi, recourir au crowdsourcing (on parle aussi « d’open innovation ») est une tendance aujourd’hui déjà assez forte pour justifier l’existence d’une « industrie » ad hoc, des plateformes en ligne d’innovation ouverte ou de marketing participatif. Sur la base de trois études retenues comme sources, on abordera les trois points suivants -les principales formes actuelles prises par le crowdsourcing ; -les types possibles de co-création de l’innovation avec le client ; -les caractéristiques actuelles de « l’industrie » de l’open innovation.  

  1. Les formes actuelles du crowdsourcing. (https://hbr.org/2013/04/using-the-crowd-as-an-innovation-partner)
On peut en distinguer trois formes, chacune mieux adaptée à un type de défi. 1.1. Les concours  (« Crowd Contests »). Une entreprise rencontrant un problème spécifique lance une invitation à lui présenter des solutions et promet une rémunération pour toute solution retenue. La méthode est particulièrement adaptée lorsque sont mal connues l’approche à retenir, les compétences nécessaires et les expériences à conduire ou que doit être évitée la « subjectivité » des collaborateurs. Les solutions proposées peuvent révéler des pistes fructueuses et au moins les limites des solutions possibles. Pour le manager qui diffuse un tel besoin, les difficultés concernent la sauvegarde du secret, le choix des sources de chercheurs de solutions et leur motivation, les problèmes de propriété intellectuelle. Pour cet objectif, l’article cite les plateformes américaines suivantes : TopCoder (informatique)  Kaggle (Science des données) et InnoCentive (biomédical et pharmacie). 1.2. Les communautés collaboratives. L’exemple le plus connu est Wikipédia, collaboration organisée d’une multitude de rédacteurs, mais les communautés collaboratives sont innombrables et diverses dans le monde des affaires et dans les réseaux sociaux. L’entreprise peut être membre d’une de ces communautés ou en créer une autour d’elle, selon l’objectif qu’elle poursuit ; bénéficier des résultats produits par une large collectivité ou disposer d’une source propre et spécifique d’avis, suggestions ou de bancs d’essais. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprise gèrent une communauté propre de clients et prospects et organise les échanges avec eux et entre eux ; de plus, elles créent des communautés  particulières sur les réseaux sociaux. Certaines communautés, comme celles qui entourent Apple ou Ibm, sont composés de membres qui produisent des innovations complémentaires aux produits d’Apple ou d’Ibm mais toutes sont considérées, aujourd’hui, comme incontournables pour repérer les besoins latents, collecter des idées nouvelles et servir de bancs d’essai. Toute communauté étant, généralement, sans cohésion et difficile à contrôler, la difficulté de mise en œuvre est de trouver le bon équilibre entre liberté et orchestration et le bon système de valorisation des contributeurs. 1.3. Les plateformes d’open innovation (« Crowd Labor Markets » ou externalisation de l’innovation) C’est la professionnalisation du crowdsoucing et de l’externalisation de l’innovation ; l’offre faite aux entreprises d’utiliser une communauté d’experts professionnels ou de consommateurs et de prendre en charge tous les problèmes liés à ce recours. Les offreurs sont plus ou moins spécialisés dans les catégories familières que sont le développement web, le développement de logiciels, la conception multimédia, le design, le marketing, etc. et, aux dires de l’auteur de l’article source, les coûts du recours sont faibles. Pour cet objectif, l’article cite les plates-formes américaines suivantes : Elance (informatique et marketing) Upwork (idem + consultants et comptables), Guru (sous-traitance en tous genres) ,  Clickworker, ShortTask, Samasource, Freelancer et CloudCrowd, Amazon Mechanical Turk.  
  1. Les types de co-création de l’innovation avec le client ?
  2. Rindfleisch, MS.OHhern http://propellingbrands.files.wordpress.com/2009/01/ohern-rindfleisch-120108.pdf
C’est le besoin de connaitre mieux et plus tôt les besoins latents des prospects, le désir et les moyens digitaux de ces derniers de prendre part à l’innovation et leur tendance à devenir imperméables à la promotion des ventes qui a conduit de plus en plus d’entreprises à aller vers la co-création avec le client ; mais cette dernière peut prendre des « degrés » divers, allant de la simple proposition à la collaboration, comme l’indique les tableaux ci-dessus :   Crowdsourcing.2Crowdsourcing.1

²²(Source citée ci-dessus)

L’entreprise peut, en effet, choisir la caractéristique de chacune des deux variables suivantes : -la contribution du client ou prospect sera-t-elle ouverte (librement choisie et proposée) ou fermée. -la sélection des contributions sera-t-elle décidée par l’entreprise ou par les contributeurs. On peut ainsi distinguer quatre types dans l’ordre décroissant des degrés de collaboration. 2.1. La collaboration (« Collaborating ») C’est la forme de co-création qui offre au client la plus grande latitude de contribution et la plus grande participation au choix des caractéristiques de l’innovation. L’exemple type est le monde du logiciel open source (Linux, Apache, etc.) ou celui des entreprises de logiciels qui s’entourent d’une communauté de collaborateurs (Apple, Ibm, Sun Microsystems, etc.) Les compétences généralement élevées des collaborateurs et la force de leur motivation, soutenue ou pas par une rétribution, élargissent les ressources de créativité, réduisent nettement les coûts de l’innovation et constituent une base permanente de l’amélioration continue des produits. C’est la solution la plus adaptée pour les applications les plus complexes. La difficulté principale à surmonter concerne le relâchement nécessaire du contrôle du management sur le processus d’innovation et sur la propriété intellectuelle, le difficile équilibre à trouver entre contrôle et ouverture. 2.2. Le co-développement du produit (« Tinkering ») C’est une forme de collaboration réduite à l’amélioration des produits existants et laissant à l’entreprise le contrôle sur les choix des contributions. Elle s’observe dans les industries numériques du jeu, de la musique ou de la vidéo,  où les utilisateurs sont encouragés à effectuer des modifications plus ou moins importantes et se voient offrir des outils de conception gratuits ou peu coûteux. La méthode est particulièrement adaptée à une stratégie de différentiation des produits et à la diffusion à tous les clients des solutions nouvelles apportées par certains. Ses difficultés d’application concernent les trois points suivants : -le niveau d’expertise que les contributeurs doivent avoir concernant le produit à améliorer ; -le risque que les collaborateurs deviennent des concurrents ; -le risque que certains collaborateurs produisent des applications ayant un impact négatif sur la marque. On comprend que l’entreprise doive garder un haut niveau de contrôle sur tous les choix à faire. 2.3. La co-conception (« Co‐designing ») Le processus réserve à un petit nombre la participation à la conception de l’innovation mais ouvre à un plus grand nombre la participation aux choix à retenir. Un fabricant de tee-shirts (voir « Threadless.com ») peut solliciter des dessins originaux qu’il met en ligne puis inviter tous ses clients à en sélectionner une courte liste soumise aux décisions de l’entreprise. Cette approche est utilisée pour plusieurs types de produits ; ici, l’entreprise doit être directive sur la nature et le format des contributions mais laisser une large autonomie aux participants à la sélection. Les avantages de la formule sont les suivants : -réduction du risque d’échec de l’innovation ; -réduction des coûts de conception, fonction plus ou moins largement sous-traitée aux clients ; -accélération du rythme de lancement de produits nouveaux ou renouvelés ; -création d’un plus fort sentiment de communauté entre les clients. Les principales difficultés de mise en œuvre sont les suivantes : -attirer un nombre de co‐concepteurs suffisant pour avoir une contribution et une sélection de qualité ; -maintenir la qualité de son réseau à l’abri de la lassitude et de concurrence imitatrice. 2.4. La proposition (« Submitting ») Les clients proposent spontanément à l’entreprise des idées et des prototypes. L’entreprise peut indiquer des contraintes à respecter, solliciter par un appel d’offres ou un concours ou faire appel à une plateforme d’open innovation ; dans tous cas, elle conserve le contrôle total de la sélection. C’est le type de co‐creation qui donne le pouvoir le plus faible au client : échanges avec les équipes de l’entreprise en charge de l’innovation mais abandon de tous droits sur les améliorations retenues. La difficulté principale de mise en œuvre (hors plateforme professionnelle) est de maintenir la motivation et l’engagement des proposants et donc de les valoriser convenablement.  
  1. Les caractéristiques de « l’industrie » de l’open innovation. http://www.idexlab.com/blog/fr/tag/plateforme-de-crowdsourcing
Lancées au début des années 2000, les plateformes d’Innovation Ouverte  connaissent une croissance rapide. Voyons quels sont les types principaux et les caractéristiques de leur activité. 1.1. Les types de plateforme. Les plates-formes d’innovation ouverte peuvent être regroupées en deux grandes familles: -Les plates-formes d’idéation qui font appel soit à un large public (voir les solutions de Spigit, Studyka etc…), soit à une ensemble défini de personnes, employés d’une société (social intranet comme Jive), clients  d’une marque, etc. en organisant par exemple des concours d’idées. -Les plates-formes de solutions qui proposent de prendre en charge le problème précis d’une entreprise. Elles offrent de soumettre le problème aux experts de leur réseau ou d’ailleurs et d’assurer la gestion de tous ses aspects du processus. Certaines sont de type places de marché ; par exemple : Innocentive, Innoget, etc. D’autres sont de type recherche d’expert : par exemple : ideXlab. 1.2. Les caractéristiques de leur activité (résultats établis sur la bases des données publiques des plates-formes de solutions:  ideXlab, Innocentive, Innoget et Ninesigma). -L’activité a connu une croissance de près de 100% par an, le nombre de problèmes posés s’élevant désormais à environ 5000 depuis leur création. -Environ 50% des problèmes posés s’accompagnent d’une offre de récompense. -Le contrat moyen, estimé à 20.000 € en 2013, a tendu à baissé à 10.000 € comme suite à une utilisation plus large des plateformes pour la résolution de problèmes plus nombreux et moins importants. -La durée moyenne d’un contrat est de 90 jours mais avec une grande variabilité (6 à 24 semaines) -Les répartitions des problèmes posés par domaine et par type de contrat sont donné par les graphiques ci-dessous (elles ne concernnet que les plates-formes d’innovation ouverte généralistes mais ces dernières  reçoivent la part la  plus grande des demandes) : Crowdsourcing.3 Crowdsourcing.4   -Les domaines dominantes sont les sciences de la vie et celles de l’électronique-informatique . -Les types de contrat dominants sont la « recherche sous contrat » (une entreprise financer la mise en œuvre d’une technologie issue de recherches antérieures) et la licence de technologie.   Conclusion principale. La capacité d’une entreprise à atteindre et maintenir un avantage concurrentiel repose sur ses ressources et ses capacités . On savait que ses partenaires figuraient parmi ces ressources mais il faut aujourd’hui compter aussi sur les connaissances et les compétences de ses clients et prospects et il est plus facile d’y recourir. Ces derniers tendent à s’organiser en communautés de personnes qui partagent une affinité commune pour une marque ou un intérêt commun pour un thème ; et ces communautés deviennent une « force » croissante dans tout marché, représentant pour l’entreprise  soit une ressource soit une menace selon qu’elle sait les mobiliser en sa faveur ou qu’elle les dresse contre elle.  

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 6/06/2015

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