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Deux concepts à contre-courant

« Appreciative Inquiry » et « Effectuation »

  La boite à outils pour diriger n’est pas immuable ; sous l’effet des recherches, de nouveaux concepts ou paradigmes apparaissent qui, comme toute innovation, tendent à se substituer aux précédents ou seulement à les compléter ou, parfois, « ne faire que passer ». « L’Appreciative Inquiry » et l’effectuation sont deux nouveaux concepts qu’il faut connaître car ils constituent, chacun, un apport certain à la boite à outils du dirigeant.   1. « L’Appreciative Inquiry » ou Exploration appréciative.   Les tableaux ci-dessus résument l’innovation proposée par « L’Appreciative Inquiry ».   Appreciat.inq.1   Appreciat.inq.2   Appreciat.inq.3   1.1. L’approche traditionnelle. Face à un projet qui ne se réalise pas ou pas selon l’objectif fixé, la méthode généralement appliquée est décrite par le schéma 1 (en anglais et français) : on identifie le problème et le besoin, c’est-à-dire l’écart entre ce qui est vécu et ce qui est voulu ainsi que la réduction à opérer ; on recherche et analyse les causes ; on recherche les solutions possibles et on en choisi une ; on met en œuvre la solution retenue. Cette méthode est aujourd’hui dominante dans le monde du travail pour faire face aux dysfonctionnements courants comme pour élaborer des projets. L’hypothèse principale sous-jacente est que toute organisation se construit pour résoudre un ou des problèmes et se développe en surmontant les obstacles-problèmes qu’elle rencontre sur son chemin.   1.2. « L’Appreciative Inquiry ». Les tenants de « l’exploration appréciative » (Appreciative Inquiry) ne contestent pas que l’approche par la résolution des problèmes ait été utile et efficace mais ils font observer, qu’elle tend de plus en plus à produire les conséquences indésirables suivantes : -La réflexion est souvent centrée sur un problème précis prédéfini concernant un fragment de l’ensemble, ce qui tend à réduire la qualité du diagnostic et la créativité des solutions. -L’accent est mis sur les dysfonctionnements en cours, ce qui tend à déclencher des réactions défensives. -Tous les intéressés par le problème et la solution ne sont pas sollicités, ce qui tend à expliquer les résistances au changement. Ces tenants concluent qu’une autre méthode de travail est préférable. Elle doit reposer non pas sur les problèmes à surmonter mais sur les réussites, sur les facteurs qui ont assuré le succès, sur ce que l’équipe a été capable de réaliser « au meilleur de sa forme », car c’est ce « noyau de réussite » qui est le plus à même de stimuler le dynamisme et la créativité. L’hypothèse de base sous-jacente est que l’entreprise est une aventure sociale dont le succès reste mystérieux mais qui dépend de la création collective, de la motivation et de la synergie des membres. Les étapes de la mise en œuvre de la méthode sont données par les schémas 2 et 3, schéma dit en « 4D » qui se développe une fois l’objet à étudier défini : Découvrir : ce que nous avons de mieux et savons faire le mieux ; Dream (mieux que « Devenir ») = imaginer, rêver les futurs possibles ; Design (mieux que « Décision ») = construire collectivement le futur désiré ; Déployer (mieux que « Destiny) = ajuster, soutenir la mise en œuvre. La méthode se veut « positive » au sens où l’enquête initiale vise à remémorer les succès et à mettre en évidence les points forts, et non les insuffisances ou échecs ; elle se veut aussi « participative » parce qu’elle ne se limite pas au seul  lieu  ou niveau de décision où se manifeste le problème mais explore aussi son amont et son aval ; elle se veut « contributive » parce qu’elle incite très fortement à l’engagement et à la créativité en mobilisant l’imagination collective et en construisant une vision commune du futur Pour les tenants de l’exploration appréciative, les organisations sont des centres de relations humaines et ces relations ne prospèrent que quand chacun voit le meilleur de l’autre, quand tous sont connectés et partagent leurs rêves etLa boite à outils pour diriger n’est pas immuable ; sous l’effet des recherches, de nouveaux concepts ou paradigmes apparaissent qui, comme toute innovation, tendent à se substituer aux précédents ou seulement à les compléter ou, parfois, « ne faire que passer ». leurs préoccupations. 1.3. Conclusion. Cette nouvelle approche ne semble pas vouée à remplacer l’approche traditionnelle ; par contre elle rappelle fortement ce que la méthode traditionnelle tend souvent à faire oublier. C’est toujours le problème, l’écart entre le vécu et le voulu, qui domine la vie professionnelle. Mais c’est toujours l’accord sur le diagnostic, la participation à la recherche de solutions et l’accord sur le choix de la solution qui déterminent l’adhésion et la contribution à la réussite de tout projet collectif. 2. L’effectuation Les tableaux ci-dessus résument l’innovation proposée par « L’Effectuation ».   Modèle.Entrep Effect.2 2.1. L’approche traditionnelle Aujourd’hui, tout candidat à la création d’une entreprise est invité a tester son idée, sa vision, avant de se lancer. Il lui est recommandé de construire son modèle d’affaire (Business model ou BM) et une fois assuré que son projet a de bonnes chances d’être viable et rentable, de rédiger son Plan d’affaire (Business Plan ou BP), puis de chercher à obtenir les coopérations nécessaires, financières en particulier. BM et BP ayant fait, chacun, l’objet de plusieurs articles dans ce blog, on se contentera de quelques rappels.   2.1.1.Construire le BM conduit à réaliser les opérations suivantes (voir schéma 1 ci-dessus) -Choisir et valider les pièces de l’ensemble « commercialisation-offre » : l’offre à un segment de marché et les besoins à satisfaire mieux que la concurrence ; les canaux de distribution à retenir et les relations à établir avec les clients et prospects ; les flux de revenus à espérer comme conséquence des choix précédents ? -Explorer les effets des choix précédents sur l’ensemble «fournisseurs-production-offre» : les attributs nécessaires du produit ; les activités et ressources clés requises pour réaliser la production, la distribution, la relation avec le client et la génération des flux de revenus ; les coûts résultant de cet ensemble de choix ; -Etablir la viabilité, la rentabilité et les financements nécessaires. L’objectif de cette préparation n’est pas d’obtenir une certitude hors de portée mais de réduire l’incertitude et d’obtenir les ordres de grandeurs à partir desquelles on puisse dire : « c’est impossible ! », « c’est jouable ! »,  » ce n’est possible qu’à telles conditions..! « .   2.1.2. Rédiger le BP conduit à présenter un dossier aux personnes dont on sollicite la collaboration : associé, banquier, clients principaux, fournisseurs, collabotrateurs, etc. Ce dossier doit convaincre que le projet a de fortes chances de viabilité et de croissance et que le porteur possède la détermination et les atouts pour le réaliser.   Les difficultés de la construction des BM et BP, la lourdeur et le coût de cette construction, la vanité de la prétention de prévoir tous les détails et…les fréquents irréalismes de ces plans ont conduit à faire apparaitre une méthode plus légère et plus pragmatique, en particulier pour les startups, le « lean startup ». L’effectuation va plus loin et remet en cause la validité et la pertinence de l’approche traditionnelle   2.2. « L’effectuation » Développée en France par P.Silberzhan (Ecole de Management de Lyon), cette approche a été initiée par S. Sarasvathy (Université de Virginie) sur la base d’enquête faites auprès de nombreux entrepreneurs ayant, chacun, créé plusieurs entreprises. Il résulte de ces enquêtes et études que la démarche effectivement pratiquée tend à invalider l’approche traditionnelle et à préconiser une méthode plus modeste et plus pragmatique.   2.2.1. « L’invalidité » de l’approche par le BM et le BP. La célébration des parcours et qualités de quelques entrepreneurs extraordinaires a masqué la réalité et faussé la vision; en réalité, la plupart des entreprises, y compris beaucoup des plus grandes d’aujourd’hui, ont commencé « petit », sans BM et BP et sans idée initiale géniale ; elles ont mis beaucoup de temps à décoller, parfois sur une base autre que l’idée initiale. En réalité c’est le processus du schéma 2 qui a été mis en œuvre : -Le porteur d’un projet de création définit ce qu’il peut faire d’abord, compte tenu des moyens qu’il peut réunir ; puis il entre en interaction avec des prospects, fournisseurs, financeurs etc. pour savoir s’il peut obtenir leur adhésion et leur collaboration. -S’il est conforté par l’adhésion des partenaires sollicités et en particuliers par les clients, il peut établir des buts et objectifs plus ambitieux ou différents ; sinon le projet est abandonné. -Le développement du projet se réalise par reproduction élargie du processus : accroissement des apports des partenaires (clients, distributeurs, fournisseurs, financeurs…) ; établissement d’objectifs plus ambitieux ou nouveaux, etc. Les fondements de cette démarche sont les suivants : – ce sont les ressources disponibles toujours rares qui, le plus souvent, déterminent les objectifs et non ce qui est postulé par la méthode traditionnelle : les objectifs déterminent les moyens à réunir ; – la création est un processus émergent qui se construit en continu par l’action, par l’essai et l’erreur, comme le montre le schéma 2, et non pas avant toute action et une fois pour toutes ; – la création est un processus social ; son succès dépend de l’adhésion des autres acteurs (clients, financeurs, fournisseurs, etc.), ce qui n’est jamais donné d’emblée et ne peut être conquis que progressivement.   2.2.2. Les préconisations. L’approche de l’effectuation préconisent d’appliquer les 5 principes suivants :   -« Un tiens vaut mieux que 2 tu l’auras » = Démarrer avec ce qu’on a. On étudie ses ressources et d’abord ses capacités et ses relations (qui je suis, ce que je connais, qui je connais) et au lieu d’imaginer ce qu’on pourrait faire avec les ressources qu’on n’a pas, on imagine les possibilités que ces ressources ouvrent et on commence à agir ; une idée n’est rien sans action, tests et essais de mise en œuvre.   Définir la perte acceptable. Au lieu de viser un gain attendu affecté d’une grande incertitude, on limite le risque de perte en fixant une limite de temps et d’argent à consacrer au projet. On peut aussi limiter la perte en partageant le risque avec d’autres. Construire son projet comme on fait un patchwork à plusieurs (Assemblage de plusieurs morceaux de tissus pour réaliser une pièce ou de plusieurs partenaires pour faire un groupe, etc.) Au lieu de définir a priori un résultat final, on considère a priori qu’il va varier selon la concurrence, les partenariats possibles, les opportunités, les ressources nouvelles, etc. -« Si on nous envoie des citrons, on fait de la citronnade » =Tirer parti des surprises.  Au lieu de tenter d’éviter les mauvaises surprises, on regarde toute surprise, bonne ou mauvaise, comme un indice d’opportunité nouvelle et on se prépare à en tirer parti. -« Le pilote dans l’avion » = Choisir la destination et la trajectoire, construire le futur. Au lieu de chercher à prévoir comment les forces du marché produiront le futur, on se concentre sur les actions qu’on peut lancer et contrôler pour obtenir les résultats désirés ; on cherche à transformer l’environnement car le futur se construit plus qu’il ne se prévoit. 2.3. Conclusion

Tout créateur sait bien, au fond, qu’au début de son projet et au début de certaines étapes de développement, il a « fait de l’effectuation » et appliqué tout ou partie des principes de cette méthode ; cela a été le cas lorsque l’incertitude était grande parce que le marché était nouveau ou qu’il fallait faire un saut dans l’inconnu. Mais il sait aussi qu’à d’autres moments de la préparation du projet ou de la vie de l’entreprise, il lui a fallu mettre sa vision et sa stratégie au clair, c’est-à-dire faire le BM et le BP qui conditionnent l’adhésion des partenaires et/ou qui servent de guide à l’action de l’ensemble des membres de l’entreprise.

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan. 4/12/2014

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