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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Effet et industries de réseau Effet et industries de réseau

 

Sources principales = Mooc Coursera – T.Kretschmer (LMU Munich)  “Advanced Competitive Strategy”

T.Penard (Université de Rennes) « Economie des réseaux et services en réseaux »    http://perso.univ-rennes1.fr/thierry.penard/biblio/europe1.pdf

 

On résume souvent par quelques mots, par une locution, des phénomènes complexes qu’il nous faut connaître pour comprendre et agir. C’est ainsi, qu’en entreprise, on parle depuis longtemps des effets suivants : « l’effet de synergie » « l’effet d’échelle » « l’effet de gamme » « l’effet d’externalités ». A cette liste il faut aujourd’hui ajouter « l’effet de réseau ».

 

  1. Les effets

1.1. L’effet de synergie est bien connu ; il se résume par la formule 1 + 1 = 3 et désigne le fait d’expérience que plusieurs acteurs, facteurs ou influences agissant ensemble créent un effet plus grand que la somme des effets de chacun d’eux pris isolément. C’est cet aspect positif qu’on appelle synergie mais l’effet peut aussi être négatif, 1+1 donnant 0 voire moins X, le résultat dépendant de la façon de regrouper et de coordonner les acteurs, facteurs ou influences. Cet effet est déterminant en matière de mobilisation d’hommes, par exemple dans les sports collectifs et les groupes de travail.

1.2. L’effet d’échelle ou « économie d’échelle » est déterminant lui en matière de combinaison et de coordination homme-équipement. Dans une entreprise et pour un produit donné, cet effet désigne la baisse du coût unitaire moyen de production généralement observée lorsque s’accroit la quantité produite, l’échelle de production.

Cet effet est le résultat de plusieurs facteurs et en particulier des deux principaux suivants :

-la fixité des coûts globaux de la capacité de production installée (abri, équipement, personnel, etc.) ; ces  coûts globaux sont dits « fixes » parce qu’ils ne varient pas avec le nombre de produits réalisés ; par contre  plus s’accroit le taux d’utilisation de la capacité installée plus baisse le coût unitaire du produit.

– l’effet d’apprentissage ou d’expérience ; l’accroissement de l’échelle de production engendre également des progrès de productivité en matière de travail et d’utilisation des moyens de production.

1.3. L’effet de gamme ou « économie de gamme » est déterminant en matière de relation entre management et diversification de la production. Cet effet indique qu’il est moins coûteux de gérer une gamme de produits sous le même toit ou la même direction plutôt que dans des unités et sous des directions séparées ; regrouper génère des économies de coût, principalement des coûts de management, de commercialisation (marque unique, etc.) d’approvisionnement (inputs communs, volumes d’achats), etc.

Notons que comme tout effet de synergie, les effets d’échelle et de gamme ont des limites au-delà desquelles elles peuvent devenir des « déséconomies », entrainer des surcoûts pour des raisons de rémunération, de bureaucratie, de commercialisation, de « dérives autonomistes », de « guerre de clans », etc.

1.4. L’effet d’externalité concerne la relation entre une entreprise et son environnement et peut se résumer par la formule « Tout coûte mais tout ne se paie pas ».

Une entreprise peut en effet produire des externalités négatives, c’est-à-dire des coûts pour autrui, sans les payer. La pollution de l’environnement physique est l’externalité négative la plus connue mais d’autres effets négatifs doivent aussi être cités et, par exemple, les effets nocifs du type d’activité ou de management sur la santé des salariés, les effets négatifs des pratiques monopolistiques sur la collectivité, etc.

Des externalités positives peuvent aussi être produites et bénéficier gratuitement à l’environnement. Beaucoup d’entreprises ont été dans leur région d’implantation des « pôles de développement » d’activités économiques mais aussi d’activités culturelles, éducatives, etc. Les entreprises d’un pays contribuent largement à son rayonnement international.

1.5. L’effet de réseau est un effet d’externalité particulier qui concerne la demande qui s’adresse à certains secteurs d’activité et, plus précisément, l’utilité qu’un prospect peut trouver aux produits de ces secteurs.

On sait que l’utilité trouvée à un produit dépend principalement des besoins et désirs de chaque prospect même si ces derniers subissent des influences socioculturelles nombreuses. On sait aussi que c’est la baisse des prix des produits qui, généralement, accroit le nombre de demandeurs.

Mais on constate que pour certains types de produits, l’utilité trouvée par le prospect et, par suite, la demande du produit croissent surtout avec le nombre d’utilisateurs de ce produit ou de produits complémentaires, le prix et l’influence socioculturelle n’intervenant que lors du choix entre les produits du même type.

L’exemple classique de cet effet de réseau est le téléphone ; plus il y a de détenteurs de téléphone plus cet appareil  est utile à chacun en raison de l’accroissement des possibilités de communications qui est ainsi ouvert. Il en va de même de l’internet et des réseaux sociaux dont l’utilité pour chacun croit avec le nombre d’utilisateurs. On pourrait aussi citer la maitrise de la langue dominante du moment, l’anglais aujourd’hui, car plus nombreux sont les gens qui la parlent plus elle est utile pour chacun.

Cet effet joue aussi pour les réseaux de télédiffusion (émission, réception), les réseaux de transports (densité, interconnections) ou les cartes bancaires (payeurs, récepteurs).

Au fond, cet effet traduit le fait qu’il y a beaucoup d’avantages à utiliser tous les mêmes moyens et méthodes lorsqu’on veut communiquer et partager.

La recherche de ces avantages stimule les innovations mais aussi fait courir les risques de pratiques monopolistiques. C’est que montrent les caractéristiques des industries de réseau.

 

  1. Les industries de réseau.

Innovations et effets de réseau ont contribué au très rapide développement de ces industries mais aussi à leur tendance à la concentration, faisant apparaître des leaders mondiaux très puissants.

2.1. Le processus de développement.

Ce sont des entreprises nées d’innovations et devenues rapidement de taille nationale sinon mondiale.

L’effet de réseau a rendu leur développement exponentiel. On sait qu’en matière d’innovation, la condition initiale du succès est de conquérir les « adopteurs précoces », ceux qui sont friands d’innovation, mais que c’est la masse des « adopteurs intermédiaires » qui provoquent le décollage et, alors, l’effet de réseau et certains des autres effets décrits ci-dessus peuvent être tels que les leaders du moment sont supplantés.

Le processus cumulatif de développement se réalise rapidement, une fois la taille critique atteinte :

-les effets de réseau indirects incitent le réseau ainsi que les fournisseurs actuels ou potentiels du réseau à développer leurs offres de services ;

-les économies d’échelle possibles pour le réseau comme pour les fournisseurs de biens complémentaires permettent de pratiquer des prix de pénétration ;

-les effets de réseau et les effets d’apprentissage pour les utilisateurs du réseau rendent ces derniers plus fidèles ;

-les groupes de références des utilisateurs de réseau jouent leurs rôles de prescripteurs ;

-l’ampleur de la mise de fonds initiale et du succès initial constituent des « barrières » croissantes à l’entrée de nouveaux concurrents.

En fait, dans ce secteur plus que dans les autres, on connait l’échec précoce ou le succès rapide ; beaucoup de types d’effets renforcent les forts et affaiblissent les faibles, ce qui peut aller jusqu’à la monopolisation de l’offre.

 

2.2. Les choix stratégiques majeurs.

2.2.1. Interconnexion

C’est le choix entre effets de réseau et effets de concurrence.

Accepter l’interconnexion avec un autre opérateur et permettre, ainsi,  l’accès réciproque aux services, c’est bénéficier  d’un plus grand effet de réseau et sans doute éviter une guerre des prix mais c’est aussi renoncer aux bénéfices de la concurrence.

L’interconnexion peut être choisie par un opérateur débutant puis dénoncée mais réussir cette opération est très difficile.

2.2.2. Compatibilité ou guerre des standards technologiques

C’est le choix entre coopération, voire soumission (effets de réseau) et guerre des standards (effets de concurrence).

Adopter la technologie d’un leader du marché ou coopérer avec lui fait économiser des coûts de recherche et développement (effet de synergie et économie d’échelle) et bénéficier des effets de réseau mais accroît sensiblement la dépendance.

Engager et maintenir la guerre des standards limite les effets de réseau et soumet à la guerre des prix. Au final, la concurrence peut aboutir soit à la domination d’un standard, soit à la coexistence non pacifique mais durable de quelques opérateurs, situation dénommée « Equilibre de J.F.Nash » (économiste et mathématicien américain) et qui se caractérise ainsi ; chaque acteur connait la stratégie des autres et chacun d’eux sait qu’il ne peut modifier seul sa stratégie sans affaiblir sa position personnelle.

2.3. Conquête et conservation des clients.

Pour imposer leur standard et assurer le succès de leurs services les opérateurs recourent à des techniques de marketing connues mais en leur donnant une place dominante.

2.3.1. Facilitation d’accès et  fidélisation des clients.

Conquérir de nouveaux clients conduit les opérateurs à offrir des prix et des primes de bienvenue initiale, en particulier aux personnes les moins fortunées ou les moins disposées à payer. C’est le cas des offreurs de bouquets de télévision et de téléphonie mobile, opérateurs qui se livrent bataille sur ce terrain.

Limiter la versatilité des clients conduit à tenter de les « verrouiller » par des contrats longs, des primes de fidélité avec délai de carence et montant croissant avec le temps, des offres de produits complémentaires spécifiques et surtout par les refus d’interconnexion ou de compatibilité avec les concurrents, l’ensemble rendant pour le client le départ nettement plus couteux.

2.3.2. Diversification tarifaire

Attirer des clients de capacités financières ou de motivations différentes conduit à moduler les offres tarifaires:

-en combinant prix et quantité ou qualité : formule économique ou formule intensive ;

-en différenciant les tarifs selon tel ou tel critère : d’âge, de statut professionnel, de revenu, de résidence, de nationalité, de période ; etc.

-en pratiquant une tarification non linéaire ou en combinant partie fixe et partie variable.

2.3.3. Versions

Compte tenu de la facilité d’adapter la qualité des services en réseau, les opérateurs offrent de nombreuses versions d’un même service, permettant à l’utilisateur d’accéder ou de se raccorder aux réseaux avec des qualités (débit, sécurité, etc.) et des facilités d’usage différentes (usage instantané ou différé, etc.)

2.3.4. Ventes liées

L’hétérogénéité des besoins des consommateurs conduit à proposer des offres en bouquet ou en paquet qui optimisent la marge commerciale. C’est le cas des opérateurs de télévision, de téléphonie mobile ou de l’industrie informatique.

 

L’effet de réseau est un effet nouveau et spécifique.

Par l’innovation et l’effet de réseau, les industries de réseau se sont développées très rapidement et ont contribué très fortement à la transformation des autres industries et de la société.

Les effets bénéfiques de leur influence ne sont pas contestables mais la tendance à la concentration qu’elles connaissent donne à un très petit nombre d’entreprises une puissance qui doit être régulée par les pouvoirs publics.

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan.11/09/2014