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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Le dénigrement de la marque Le dénigrement de la marque

C’est le deuxième article inspirée par le mooc de Coursera « Marketing in a Digital World ».

Il aborde le potentiel aspect négatif de l’accroissement du pouvoir du consommateur, le dénigrement de la marque et les axes d’une réaction adaptée.

 

  1. Le dénigrement de la marque (« Döppelganger Brand Image »)

http://www.acrwebsite.org/web/acr-content/771/emotional-branding-and-the-strategic-value-of-the-d%C3%B6ppelganger-brand-image.aspx

Le consommateur n’est pas ce que la théorie classique nous a décrit : un être individuel, mu par sa seule raison et acteur passif du marché dominé par les entreprises. Son pouvoir d’action sur le marché s’est considérablement accru sous l’effet de sa volonté de se faire respecter, de sa capacité à utiliser les nouveaux outils numériques et de sa tendance à s’organiser en communautés de personnes.

C’est pourquoi le crowdsourcing constitue une ressource pour l’entreprise, en particulier en matière d’innovation (Voir  l’article « Crowdsoucing et innovation »), mais aussi pourquoi les communautés peuvent aussi être une menace, la source d’une campagne de dénigrement, développant une « Döppelganger Brand Image » ou image sosie parodique d’une marque créée par des opposants, comme l’illustrent les images ci-dessous concernant Pepsi et Botox

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(Sources diverses)

Tout manager de marque sait que le consommateur n’est pas mu par sa seule raison mais davantage par ses émotions et ses valeurs comme le confirme partiellement les réponses collectées par le Credoc à la réponse « Pour vous qu’est-ce qu’une bonne marque ? »

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C’est pourquoi les entreprises s’efforcent de prendre en compte ces dimensions émotionnelles et de valeur en plus des dimensions fonctionnelles, technico-économiques, de leurs offres, et ce d’autant plus qu’elles offrent des biens de consommation.

Chaque marque s’efforce de démonter qu’elle respecte ses clients et partage leurs valeurs, qu’elle mérite la confiance parce qu’elle tient ses promesses, qu’elle mérite d’être « aimée » parce qu’elle manifeste une compréhension empathique des besoins, espoirs et rêves de ses clients, etc.

Toutes les marques n’ont pas, cependant, le même charisme ni la même légitimation aux yeux des consommateurs et aucune ne peut espérer conserver indéfiniment sa « bonne » image.

Des réactions négatives et parfois des attaques organisées peuvent provenir des facteurs suivants :

-l’entreprise ne respecte pas ou mal ou plus toutes ses promesses ;

-des valeurs nouvelles prennent de l’importance dans la société (par exemple, l’écologie, la coopération,  l’échanges entre égaux, la transparence, etc.) que la marque ne respecte pas ou pas assez ;

-la marque soulève un des traditionnels conflits entre technophiles et naturophiles ou réactive le conflit entre idéologues (capitalistes ou libéraux et leurs antagonistes).

Les deux « Döppelganger Brand Image »(DBI) ci-dessus visent à dénoncer les dangers du Pepsi et du Botox pour la santé. Starbucks a été attaqué par certains consommateurs qui lui reprochent de ne pas offrir une expérience de café authentique ni une relation authentique avec un propriétaire de café, alors que ces deux « valeurs » sont affirmées par sa marque. Coca-cola, Pepsi, MacDonald et autres fournisseurs de produits alimentaires, ont été critiqués pour les effets néfastes de leur produit sur la santé. Les produits technologiques sont systématiquement  critiqués par les technophobes et les produits consommateurs d’énergie par les écologistes ; sans compter, les anticapitalistes….

La « Döppelganger Brand Image » est un ensemble  de caricatures, de critiques et d’histoires dévalorisantes portant sur une marque ; ensemble lancé et diffusé par un réseau plus ou moins organisé d’internautes consommateurs, d’activistes anti-marques, de blogueurs, de journalistes de l’information ou du divertissement qui affaiblit la portée de la marque et peut finir par la dévaloriser.

L’ignorance de ces  parodies et critiques peut être dangereuse et les actions judiciaires pour les combattre sont inefficaces sinon contre-productives. Aucune marque ne peut espérer une légitimation unanime mais aucune ne peut non plus négliger ces « alertes ».

Dès lors, la démarche suivante parait nécessaire :

-Repérer et analyser les caricatures et les types de groupe qui les lancent ou y adhèrent.

Il s’agit de comprendre ce que les indices « disent » avec quelle fréquence et quelle intensité ; s’ils révèlent une défaillance provisoire ou structurelle de l’entreprise ; s’ils relèvent de valeurs plus ou moins mal prises en compte ou contraires à celles de l’entreprise ; s’ils concernent l’un des conflits classiques entre technologie et nature ou entre idéologues.

Et il faut aussi d’identifier les types de personnes ou de groupes qui sont émetteurs de ces caricatures ainsi que ceux qui y adhérent.

A l’issue de cette étape, on devrait avoir repéré les attributs de la marque qui sont concernés.

-Corriger les défaillances ou tenter une nouvelle construction plus attractive.

Contrairement aux irréductibles militants anti-marques,  les clients et prospects normaux seront sensibles aux intentions de l’entreprise de prendre en compte leurs attentes.

 

  1. Les enseignements tirés de l’expérience du Botox Cosmétique https://www.academia.edu/3796973/How_Doppelgänger_Brand_Images_Influence_the_Market_Creation_Process_Longitudinal_Insights_from_the_Rise_of_Botox_Cosmetic

 

On peut décrire l’acceptation d’une innovation technique comme un processus de légitimation sur un marché et la « Döppelganger Brand Image » comme le signe que l’innovation n’est pas conforme aux normes sociales, valeurs et institutions dominantes, qu’elle active la contradiction entre technologie et nature ou entre situation nouvelle et habituelle.

L’attitude envers la technologie et ses produits (machines, logiciels, médicaments, etc.) varie entre les deux extrêmes suivants :

-l’attitude technophile qui célèbre la technologie comme moyen de progrès sociétal, comme clé du plaisir individuel et comme moyen de l’efficacité productive ;

-l’attitude technophobe qui définit la « nature » comme le bien suprême et impute à la technologie les désastres sociaux, les dépendances et isolements, les exploitations et l’épuisement des ressources.

Aucune de ces deux discours ne l’emporte complètement, bien qu’aujourd’hui  la balance tende à pencher en faveur de la « nature ».

C’est ainsi que l’image du Botox comme technologie légitime du rajeunissement a été systématiquement sapée par des images et histoires négatives parlant de poison mortel, de chairs congelés, de mutilation et d’addiction. Mais Botox est parvenu à neutraliser les remarques technophobes et à se faire accepter en changeant la promotion de sa marque.

Le processus de légitimation d’une marque technologique nouvelle ou de revitalisation d’une image de marque attaquée comporte les quatre étapes suivantes :

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(Source= article cite)

2.1. Diagnostiquer (Problematization).

Une image de marque est légitime et devient durable quand les consommateurs la considère comme une solution de leur problème, une résolution de leur dilemme entre nature et technologie (ou entre situation en cours et situation souhaitée) mais aussi comme une solution qu’ils se sentent capables de justifier devant les autres.

La première étape dans le combat contre une « doppelgänger », ou la prévention de ce combat,  est donc de définir si la marque peut être ce type de solution. Cette définition implique d’abord l’étude des marques concurrentes et de leur façon de résoudre le dilemme,  puis l’identification du meilleur moyen de légitimer la marque.

Au début, Botox s’est positionné comme un « jeu agréable » pour les femmes (“pleasurable play”) et des  “Botox parties,” entre femmes servirent de moyen de promotion.

L’étude des « doppelgängers » fit apparaître entre les promesses de la marque et les critiques les quatre types suivants d’opposition : poison contre plaisir – visage « congelé » contre miracle de la médecine- effet Frankenstein contre enjoliveur – droguant contre dynamisant.

Botox a été ainsi conduit à démontrer que les rides sont une maladie qu’il est légitime de combattre et pas seulement un désagrément naturel qu’il est illégitime de ne pas accepter ; que Botox est un moyen pour les femmes de s’exprimer librement (libération de la femme), qu’en vieillissant on peut « garder la sagesse sans garder les rides » et que Botox peut aussi guérir les migraines, incontinences urinaires etc.

2.2. Susciter l’intérêt (Interessement).

C’est le groupe d’actions retenues pour susciter l’intérêt et imposer la nouvelle identité définie. Le recours aux références et aux groupes de soutien s’impose ici.

C’est ainsi que Botox a mobilisé des médecins et des experts pour soutenir qu’il représente un soin médical et qu’il a mobilisé des ligues féminines pour soutenir qu’il représente une arme de libération de la femme plutôt qu’une source d’addiction.

2.3. Créer un réseau de prescripteurs (Enrollment)

Les deux étapes précédentes peuvent réduire la crédibilité de la « doppelgänger » mais la marque doit montrer son efficacité opérationnelle pour le client.

Le recours est ici fait à des représentants choisis des segments de client visés, personnes connues pouvant être des modèles identitaires et des prescripteurs. Ici, Botox a sollicité des actrices et des athlètes célèbres pour décrire les effets bénéfiques qu’elles constataient sur elles.

2.4. Promouvoir (Mobilization)

C’est alors le temps de la promotion, de la publicité, des relations publiques, etc. mais aussi de l’animation des réseaux sociaux autour de la marque pour tenter de la rendre culturellement dominante.

 

Conclusion

Pour être acceptée, une image de marque doit être légitime aux yeux du client et facilement justifiable par lui autour de lui mais elle ne peut espérer rester légitime et justifiable sans s’ajuster à l’évolution des valeurs et normes sociales.

Les « doppelgänger » traduisent la volonté et la nouvelle capacité du consommateur de se faire respecter et doivent être vues comme des signaux d’un désajustement à corriger.

 

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 15/06/2015