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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Les pratiques de recrutement dans la banque et la SSII. Les pratiques de recrutement dans la banque et la SSII.

Les pratiques de recrutement dans la banque et les SSII sont différentes.

Les modalités principales de recrutement de chaque secteur d’activité doivent être connues par le candidat à ce secteur. Leur connaissance pourrait aussi être utile au recruteur d’un autre secteur. Enfin, il est bon pour tous les acteurs de percevoir le lien entre type d’activité, taille de l’entreprise, choix du recruteur et pratique du recrutement.

Pour ce premier article nous avons choisi la Banque et les SSII mais la source de cette article traite également des pratiques de recrutement dans l’hôtellerie-restauration et dans la grande distribution, ce que nous tenterons de présenter dans un prochain article.

 

Présentons les pratiques à l’œuvre dans chaque secteur avant de tenter d’isoler le facteur principal de leur différence.

 

1.Les pratiques de recrutement dans le secteur bancaire.

Le secteur bancaire comporte deux grands types d’activité dont les pratiques de recrutement sont différentes :

-la banque de détail (BDD) qui propose aux particuliers et aux PME une gamme de produits financiers classiques (épargne, crédit, moyens de paiement, assurances) ; c’est l’activité la plus importante du secteur (70%).

-la banque de financement et d’investissement (BFI) qui propose aux grandes entreprises et investisseurs son intermédiation dans les opérations de « haut de bilan » (introduction en bourse, émission de dettes, fusions/acquisitions).

 

1.1. Les pratiques dans La BDD

Le tableau ci-dessous présente les 4 principaux métiers bancaires et certaines de leurs caractéristiques :  

 

 

 

 

 

 

 

Dans la BDD, et si on ne retient que les fonctions bancaires proprement dites (écartant les autres fonctions exercées dans la banque : techniques, RH, juridiques, etc.), on repère les fonctions principales suivantes :

– les chargés d’accueil et de services à la clientèle ; ce sont les postes d’entrée dans la BDD, qui sont plutôt à caractère commercial et peuvent donner lieu à recrutement sur contrat d’alternance. Ils sont généralement recrutés à bac +2.

– les chargés de clientèle ; ce sont les poste clés des agences car ils ont pour objectif de gagner la confiance des particuliers et de leur vendre les produits de la banque. C’est le poste de promotion des chargés d’accueil.

– les chargés de clientèle professionnelle ; ce sont des conseillers en patrimoine ; le poste sert de promotion aux chargés de clientèle mais il est parfois ouvert au recrutement externe.

On notera que tous ces postes sont de type commercial et que, hormis la première étape, on y accède par promotion interne.

-les postes de cadres, ; ce sont les responsables d’une agence ou d’un service transversal. Le poste est d’abord ouvert en interne avant d’être ouvert au recrutement externe et l’accès aux métiers de hauts cadres passent souvent par l’Institut Technique de Banque.

Ainsi les carrières de la BDD relèvent-elles d’un « marché du travail » interne d’entreprise.

On notera aussi les autres caractéristiques suivantes :

-la pyramide des âges prend la forme d’une « bobine » : beaucoup de chargés d’accueil, moins de commerciaux et beaucoup de cadres ; ce qui donne la direction des recrutements futurs ;

-le taux de féminisation, différent selon les postes, avoisine 56 % en moyenne, faisant craindre à la profession de devenir exclusivement « féminine »

 

1.2. Les pratiques dans la BFI.

Les fonctions dans la BFI sont les suivantes :

-les cadres commerciaux (opérateurs de marché et concepteurs/ conseillers en opérations et produits financiers) ;

-les techniciens de back et middle office, chargés du traitement de opérations et du support de l’activité bancaire ;

-les cadres juristes et financiers chargés du contrôle.

Pour les cadres de la BFI, le recrutement commence à bac+4 ou diplôme d’une grande école ; le suivi d’une formation organisée par une grande banque (exemple : training program de Goldman Sachs) donnant un avantage.

Le turnover est élevé et la mobilité d’une banque à l’autre fréquente Dans ce domaine, les réalisations d’un acteur bancaire sont visibles par toute autre banque et par des entreprises, ce qui facilite la reconnaissance des compétences par la profession dans son ensemble et par les entreprises et non pas le seul l’employeur.

La recommandation et les relations d’affaires sont les facilitateurs de cette mobilité. Mais la rareté de la ressource conduit à la cooptation et au recours aux cabinets de chasseurs de tête.

 

1.3. Les logiques de recrutement.

La BDD et la BFI pratiquent des méthodes de recrutement finalement peu différentes.

La logique du recrutement est fondée sur le diplôme, sur un processus de recrutement standardisé, et sur le contrôle réalisé par les services RH.

En BDD, c’est la construction d’une « pépinière managériale » qui est visée et soutenue par la promotion interne.

En BFI, c’est l’approche métier qui détermine la logique du recrutement et l’approche fidélisation qui permet de lutter contre le turnover.

 

  1. Les pratiques de recrutement dans les SSII.

Ce secteur comporte les SSII et autres entreprises informatiques mais aussi les entreprises du conseil en management et celles du conseil en technologies.

2.1. Les activités.

Cet ensemble d’entreprises réalisent trois types d’activité :

– le conseil en système d’information, en organisation, en conduite du changement, en technologie, etc. ;

– l’intégration de systèmes informatiques (architectures de systèmes d’information ; intégration de progiciels, notamment ERP ; développement d’applications spécifiques ; assistance technique…) ;

– l’infogérance pour la gestion des infrastructures, la maintenance, etc.

L’essentiel des effectifs se compte dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques et dans la maintenance de systèmes et d’applications informatiques où l’emploi s’est développé fortement, en particulier dans les grandes entreprises (cinq cents salariés et plus).

2.2. Les prestations.

Cet ensemble d’entreprises assure trois types de prestations :

-les prestations en régie ; les salariés du prestataire sont intégrés dans les services des entreprises clientes, maîtres d’œuvre, et travaillent sous leur autorité directe. Le prestataire a une obligation de moyens et facture sa prestation en jours-hommes.

-les prestations au forfait ; ici, c’est le prestataire qui est maître d’œuvre mais a une obligation de résultats.

-le centre de services proposé par les grandes SSII ; généralement hébergé dans la SSII, il réalise divers services commandés par des clients.

À l’exception de l’activité de centre de service, minoritaire, le travail se déroule chez le client et la plupart des salariés ne disposent pas de poste de travail personnel dans les locaux du prestataire.

2.3. Les caractéristiques

Les caractéristiques de l’activité de cet ensemble d’entreprises sont les suivantes :

– leur activité essentielle est le placement de leur main-d’œuvre très qualifiée ;

– leur objectif principal est le taux de placement de leurs salariés et la réduction des « intercontrats » ;

– leur objectif second est de réduire le taux très élevé de turnover ; ce qui les oblige à conduire une veille du marché du travail pour repérer des profils employables ;

– la pratique de la cooptation est importante ;

– la main-d’œuvre recrutée est jeune, masculine et plutôt très diplômée.

– en mission, le travail est marqué par des rythmes de travail élevés, une forte amplitude horaire et un niveau de stress important, particulièrement dans les prestations au forfait. L’enchaînement des missions impose adaptation à un nouvel environnement de travail et à des besoins nouveaux ; ce qui fait de l’adaptabilité et de la capacité à mener à bien un projet les qualités centrales pour travailler dans une SSII ou équivalent ;

– les SSII sont les premiers employeurs de jeunes ingénieurs en informatique et constituent donc un véritable sas d’entrée dans le système d’emploi informatique ; mais c’est essentiellement sur le tas que les salariés de ces entreprises doivent acquérir une grande partie des compétences qui leur sont nécessaires dans le cadre de leurs missions.

-La population dominante est celle des consultants ayant le statut de cadre, sauf pour l’activité d’infogérance où dominent les titulaires de bac+2 ;

-Les sociétés de conseil et services en informatique et technologies licencient en général peu mais le taux de turnover est très élevé car les travailleurs du secteur font volontiers jouer la concurrence entre entreprises. Travailler à terme dans une entreprise traditionnelle est généralement pour eux un objectif de carrière.

2.4. Les logiques de recrutement

Le modèle de recrutement généralement pratiqué dans ce secteur peut être qualifié « d’entrepreneurial décentralisé » mais quelques grandes entreprises pratiquent un autre modèle, un modèle « global intégré »

2.4.1 Le modèle « entrepreneurial décentralisé »

C’est le modèle classique de la SSII ; il repose sur une forte décentralisation de l’organisation et du recrutement, d’une logique de centre de profit et de responsabilisation individuelle.

Cette configuration est le fruit de différents facteurs :

– Les prestataires de services soumis à un impératif de réactivité aux demandes des clients et aux appels d’offre, doivent avoir une organisation hiérarchique « plate » ;

– Les grandes SSII formées par croissance externe possèdent plusieurs unités autonomes en leur sein ;

– L’organisation du travail en unités autonomes (« Business Units ») dédiées à des marchés bien délimités, rend ces   unités très autonomes, du moins tant que leurs résultats satisfont leur direction générale ;

– Dans les petites SSII, les « commerciaux », sont presque des patrons de PME assurant le développement commercial de leur propre activité, le recrutement et le management d’une équipe de quelques dizaines d’ingénieurs, le tout avec autonomie tant que leurs résultats sont bons.

C’est en ce sens que le modèle est qualifié « d’entrepreneurial ».

– Ces business managers sont rarement des cadres seniors ou des ingénieurs. Ils sont en général issus de « petites » écoles de commerce. Ils ont par ailleurs une expérience professionnelle assez limitée et, la plupart du temps, acquise en dehors de l’entreprise. Un jeune diplômé peut être recruté comme business manager, même si le périmètre qui lui est confié au départ est naturellement restreint.

Les business managers sont donc doublement « différents » des ingénieurs.

– leur activité se déroule essentiellement dans les locaux de l’entreprise ;

– Ils ont une formation technique plus faible et ne peuvent pas assurer la fonction de chef de projet opérationnel.

Le nouveau business manager consacre l’essentiel de son temps au développement commercial : il doit, d’abord, se forger une clientèle, sa clientèle. Une partie importante de son temps est également consacrée au recrutement veille permanente sur les profils disponibles.

Au fur et à mesure de la montée en charge de sa clientèle et de son équipe de consultants, le business manager se consacrer à ses fonctions de management, c’est-à-dire faire en sorte que ses consultants enchaînent les missions sans intercontrat, que les plus employables soient rémunérés à un taux de salaire qui écarte le risque de les voir partir et, autant que faire se peut, qu’ils soient placés sur des missions qui les intéressent.

2.4.2. Le modèle global intégré.

Dans ce modèle, la responsabilisation individuelle reste forte et l’on raisonne également en centres de profit, mais l’activité est encadrée par des procédures très standardisées, pensées à l’échelle mondiale.

Les sociétés qui sont proches de ce modèle sont en général des multinationales d’origine américaine dotées d’une forte « image employeur » et qui occupent des positions dominantes.

Dans ce modèle, il y a des procédures à respecter et des chaînes de validation très formalisées.

Dans ces multinationales, le centre « global » (plus ou moins mondial) assure la cohérence et l’intégration de l’ensemble.

La plupart des décisions se prennent à des niveaux nationaux ou internationaux et les managers sont à la fois encadrés, contrôlés et responsabilisés.

Ces entreprises développent un véritable marché du travail interne où les possibilités de carrière sont réelles.

Les consultants ingénieurs peuvent devenir managers, puis prendre de plus en plus de responsabilités commerciales.

 

  1. Le facteur déterminant de la différence.

En fait, en matière de recrutement comme dans les autres méthodes de management, c’est la taille de l’entreprise qui est le facteur déterminant.

Un petit commerce ou une startup débutante recrute « à l’unité » et souvent en urgence un collaborateur plus ou moins provisoire (turnover) ce qui détermine son mode « entrepreneurial » d’attraction des candidats et son processus de sélection par le seul directeur.

Une grande entreprise a besoin de manager une population plus nombreuse, plus diverse et plus pérenne ; besoin de construire son capital humain autant que sa notoriété commerciale.

Ce qui exige plutôt une politique de « pépinière » de collaborateurs : une collaboration organisée avec les sources de candidatures, des méthodes d’attraction des candidats, de sélection rigoureuse et de fidélisation.

 

(Source : Pratiques de recrutement et sélectivité sur le marché du travail (archives-ouvertes.fr))

Pour aller plus loin sur le recrutement, voir les articles et documents suivants :

https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01066194/document?msclkid=b7b28a98ce9b11ecbb15acb413f74699

https://outilspourdiriger.fr/les-criteres-qualitatifs-de-recrutement/

https://outilspourdiriger.fr/reussir-le-recrutement/

https://outilspourdiriger.fr/renover-le-recrutement/

https://outilspourdiriger.fr/les-incertitudes-du-recruteur/

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur.  A. Uzan. 6/06/2022.