Sources = http://www.cairn.info/revue–de-l-entrepreneuriat-2004-1-page-1.htm
http://www.cairn.info/revue-management-2009-1-page-28.htm
Avoir l’intention de créer une entreprise c’est avoir le dessein, la volonté de créer une entreprise. Cette intention et cette volonté sont plus ou moins fermes, la réalisation de l’intention est à faire et peut susciter quelques interrogations mais le
choix est fait ; celui de vivre une aventure entrepreneuriale plutôt que de devenir ou de rester salarié, par exemple.
Le comportement réel dépendant étroitement de l’intention, il importe à tout
candidat à la création d’entreprise de s’interroger sur la clarté et la fermeté de son intention, à tout
conseiller du créateur d’aider à cette clarification, à tout
partenaire ou financeur d’évaluer l’intention.
Dès lors, les uns et les autres doivent avoir une claire vision des
facteurs qui déterminent l’intention de créer et, au moins, connaître ce qu’a apporté la recherche dans ce domaine sur le plan des modèles explicatifs comme sur celui des résultats d’enquêtes.
- Les modèles explicatifs de l’intention. (http://www.cairn.info/revue–de-l-entrepreneuriat-2004-1-page-1.htm)
Les deux modèles ci-dessous disent l’essentiel :
1.1. Les déterminants du comportement planifié (figure 1)
Le comportement planifié est principalement déterminé par l’intention, c’est-à-dire par le dessein, mais aussi par la « contrôlabilité » perçue de l’action, c’est-à-dire le contrôle que l’on pense pouvoir exercer sur la réalisation effective du comportement et de ses résultats.
La figure 1 montre que l’intention est le facteur
principal et qu’elle est déterminée par 3 types de variables :
-l’
attitude de l’acteur envers le comportement choisi c’est-à-dire l’importance du dessein pour lui ;
-la
norme sociale perçue, c’est-à-dire la perception de ce que les gens importants pour l’acteur pensent de son dessein ; le degré d’incitation à créer que le créateur perçoit dans son environnement social. Notons que ce facteur peut faire tendre à la conformité ou à la déviance.
-le
contrôle perçu, c’est-à-dire la capacité que l’acteur ressent de pouvoir réaliser effectivement le comportement et ses résultats ; ce ressenti dépend de plusieurs facteurs : de la perception de la présence ou de l’absence d’opportunités d’action, des ressources requises, du degré de son efficacité personnelle, de la confiance qu’il a dans sa capacité de réussir son dessein.
Ces trois variables sont déterminées par les
croyances de l’acteur :
-croyances en les
effets de l’action projetée ; confiance en ce qu’il sait de la relation entre action et résultats ;
-croyances
sociales ; importance de l’opinion de « modèles », conseillers ou amis choisis et besoin de ce type de validation de son dessein ;
-croyances en son
efficacité, en sa capacité de réaliser son dessein et de surmonter les obstacles.
Les croyances sont fondées sur les traits de personnalité de l’acteur et sur son histoire et sa situation. Contrairement à que laisse percevoir la figure 1, les traits de personnalité, les tendances, les motivations de l’acteur conditionnent toutes ses croyances, croyances normatives (motivation d’action, besoin d’approbation, etc.) mais aussi ses autres croyances (par exemple, effets de ses besoins d’accomplissement et de prise de risque sur ses croyances comportementales et ses croyances de contrôle)
De la même manière, l’histoire et la situation de l’acteur conditionnent tous les types de croyances ; le milieu dont on est issu, la formation reçue, l’âge, les expériences et la situation du moment influencent la croyance comportementale comme les deux autres types
1.2. Les déterminants du choix de la création d’entreprise (figure 2).
L’Intention de créer une entreprise est déterminée par la combinaison des variables suivantes :
-la perception de la
désirabilité de l’acte ;
-la perception de la
faisabilité de l’acte ;
-la possession d’un degré suffisant de
propension à l’action.
Ces variables dépendent des expériences vécues par l’acteur, c’est-à-dire de son histoire et de ses traits de personnalité.
L’intention ne se traduisant pas nécessairement en action, la création est favorisée par la perception d’une situation précipitant l’acte entrepreneurial ; le terme de «
déplacement » doit ici être compris ainsi : changement de trajectoire de vie par suite d’un évènement heureux ou malheureux tel qu’une qualification nouvelle, un licenciement, un héritage, etc.)
1.2.1 – La «
désirabilité » de l’acte de création.
C’est le degré d’attrait qu’un acteur perçoit pour l’acte de créer et les déterminants sont présentés, ici, de façon légèrement différente de celle de la figure 1 :
-Plutôt que l’attitude, simple penchant pour l’action, c’est le
désir de créer qui est considéré comme le déterminant de l’intention, le désir traduisant mieux le degré d’engagement contenue dans l’intention. La «
désirabilité perçue », c’est l’attrait que représente l’engagement dans une création d’entreprise.
-La
norme sociale décrite ci-dessus est aussi une dimension de la « désirabilité » de l’acte de créer mais nettement plus faible que le désir de créer. Certains chercheurs préfèrent retenir comme variable la notion de
rôle professionnel perçu ou de
norme morale personnelle, meilleur prédicteur de l’intention, prescrivant ce qui devrait être fait dans une situation donnée, ce qui constitue une conduite moralement approuvée dans une situation donnée, une responsabilité à prendre ou à refuser. Certaines personnes peuvent considérer le rôle de chef d’entreprise comme un idéal ou comme une mission et d’autres comme une déchéance ou comme une action nuisible.
1.2.2 – La «
faisabilité »de l’acte de création.
Le modèle ici est peu différent du celui de la figure 1.
La faisabilité perçue est peu différente du contrôle perçu mais exprimé dans un langage plus courant. C’est la capacité que l’acteur ressent de pouvoir réaliser effectivement le comportement voulu et ses résultats ; le sentiment d’avoir le degré adéquat
d’efficacité personnelle ; la
confiance dans sa capacité à réussir son dessein.
1.2.3. La
propension à l’action.
C’est la tendance à être centré sur
l’action, sur l’essai de changement de la situation, et non sur
l’analyse de la situation. Cette tendance renforce ou affaiblit les déterminants de l’intention ; lorsque la propension à l’action est forte, elle facilite l’établissement de l’intention et la protège d’intentions concurrentes ; lorsqu’elle est faible, elle affaiblie la faisabilité perçue.
- Les résultats d’enquêtes : la hiérarchie des facteurs.
Les nombreuses enquêtes conduites ont nettement validé l’essentiel des modèles explicatifs ci-dessus et permettent de détailler et de hiérarchiser les déterminants.
Présentons trois de ces enquêtes.
2.1. Les facteurs déterminant la création d’entreprise par les
chercheurs publics.
(S. Emin, Université d’Anger
http://www.cairn.info/revue–de-l-entrepreneuriat-2004-1-page-1.htm
Les résultats, reposant sur 853 réponses de chercheurs publics, sont les suivants :
-l’intention de créer une entreprise est nettement expliquée (70%) par les variables du modèle ;
-c’est le désir de créer qui est le facteur direct le plus déterminant ;
-la faisabilité de la création est aussi un facteur direct mais 2 fois plus faible ;
-la norme sociale et le rôle professionnel sont des facteurs plutôt indirects, renforçant ou réduisant le désir de créer.
Comme on le postulait jusqu’ici, ce n’est pas la capacité de créer et de réussir une entreprise qui dissuade les chercheurs publics français mais bien le
faible attrait qu’ils éprouvent pour cette création et, dans une plus faible mesure, leur norme morale et professionnelle. On sait qu’il n’en va pas de même dans d’autres pays et en particulier aux USA.
2.2. Les déterminants de l’intention de créer une entreprise chez les
étudiants
J.P. BOISSIN Université PMF Grenoble, B.CHOLLET Université de Savoie, S.EMIN Université d’Angers
http://www.cairn.info/revue-management-2009-1-page-28.htm
Reposant sur 655 réponses d’étudiants grenoblois de diverses formations et niveaux d’études, les résultats globaux sont les suivants :
-l’intention de créer est moyennement expliquée (40%) par les variables du modèle ;
-c’est l’attrait de la création qui est le facteur direct le plus déterminant ;
-la capacité perçue de créer est aussi un facteur direct mais 2 fois plus faible ; par contre, son impact s’accroit avec le niveau d’étude ;
-la norme sociale n’a pas d’influence.
2.2.1. Les déterminants de l’
attrait et leur hiérarchie.
Les déterminants de l’attrait pour la création, figurant dans le tableau 4 ci-dessous ont été regroupés en 6 ensembles cohérents qui ont été rapprochés de l’intention de créer (tableau 2).
On voit clairement que «
Etre indépendant » (désir de pouvoir, d’autonomie, de responsabilité) est le premier déterminant de l’attrait ; le désir de «
rétribution élevée » et de «
réalisation de soi par le travail » venant en second et troisième alors que la recherche de la « stabilité professionnelle » et « l’évitement des responsabilités » sont réducteurs de l’attrait.
2.2.2. Les déterminants de la
confiance en sa capacité et leur hiérarchie.
Les tâches critiques de la création d’une entreprise figurant dans le tableau 5 ci-dessous ont été regroupés en 4 ensembles cohérents qui ont été rapprochés de la confiance en la capacité (tableau 3) et non de l’intention de créer
On voit que les déterminants les plus importants de la confiance en la capacité de créer sont la capacité de «
s’engager personnellement dans le projet » et celle «
réaliser une bonne étude de faisabilité », les autres ayant deux fois moins d’impact.
2.3. Les déterminants de l’intention de créer chez les
jeunes.
(Sondage d’Opinion-Way pour l’APCE,2010.
http://media.apce.com/file/41/6/intention_entrep_jeunes.29416.pdf)
3 % des jeunes de moins de 30 ans déclarent être en cours de création d’une entreprise ; 10% aimeraient le faire dans les deux années à venir et 34% dans plus de 2 ans. L’intérêt pour l’entrepreneuriat est de plus en plus fort chez les jeunes français mais on sait que l’intention entrepreneuriale n’est pas stable à cet âge.
Les principaux déterminants de l’attrait pour la création d’entreprise sont les désirs suivants, dans l’ordre décroissant : être indépendant, s’épanouir, réaliser un rêve, se lancer un défi, gagner de l’argent.
Concernant la confiance en sa capacité, on relève les deux facteurs suivants :
-une connaissance, voire une expérience de la création et une formation adéquate ;
-le sentiment de posséder les qualités requises par la création = être autonome, savoir décider, travailler beaucoup et savoir gérer le travail administratif.
Par contre, les jeunes qui n’éprouvent pas d’attrait pour la création évoquent soit leur préférence pour le salariat soit le manque d’argent et le risque, soit l’importance du travail nécessaire.
Finalement ce travail de modélisation et de mesure semble venir
confirmer et clarifier ce que chacun concevait intuitivement.
En réalité, l’apport le plus important tient à la
hiérarchie des déterminants ; ce n’est pas, comme on l’a longtemps cru, les manques de financement ou de formation, les manques d’atouts, qui constituent les freins principaux à la création d’entreprise mais le manque d’attrait. On peut même affirmer avec les tenants de l’effectuation (voir mon article « Deux concepts à contre-courant ») que l’attrait, le degré de motivation pour la création, est la condition de la réunion des atouts principaux que sont les partenaires.
Rendre d’abord la création d’entreprise attrayante devrait être le premier des objectifs de tous les acteurs concernés par ce domaine.
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan. 6/01/2015
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