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Manager la rémunération du personnel ne se résume pas à assurer la paye. Certes, assurer cette paye, c’est répondre à la première et incontournable attente des salariés mais, pour l’entreprise, c’est aussi engager la partie la plus importante de ses coûts courants et dans ce domaine, encore plus que dans les autres, aucune décision ne devrait être prise sans connaissance des objectifs poursuivis et sans anticipation des coûts et des effets des moyens engagés, en l’occurrence des moyens de rémunération.

Aussi, et comme le rappelle le schéma ci-dessous, manager la rémunération du personnel est l’un des trois leviers mobilisés par la direction des ressources humaines (DRH) pour réaliser les objectifs de l’entreprise, les deux autres étant le recrutement et le management de la performance (traités dans deux articles précédents).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voyons d’abord quels objectifs doit poursuivre la rémunération du personnel. Nous listerons, ensuite, les éléments de la rétribution globale, leviers potentiels de la politique de rémunération, puis repérerons les contraintes de leur utilisation. Enfin, nous tenterons de réunir les éléments d’une stratégie de la rémunération.

 

  1. Les objectifs de la rémunération

On peut les ramener aux quatre objectifs génériques suivants :

1.1. Attirer les compétences requises par l’entreprise.

La priorité accordée à cet objectif dépend des besoins de l’entreprise (croissance, turn-over etc.) et de la situation de son bassin de recrutement. La rémunération est le facteur principal de l’attraction mais d’autres variables comptent également (conditions de travail, climat social, réputation, chances de promotion, etc.)

1.2. Fidéliser les compétences recrutées.

On sait que les compétences du personnel sont la source principale de l’avantage concurrentiel. La rémunération est un facteur important de cette fidélisation mais d’autres aspects de la politique sociale de l’entreprise y contribuent également

1.3. Impliquer le personnel.

Impliquer le personnel, c’est obtenir l’engagement et la loyauté des salariés envers l’entreprise : l’attachement à ses buts et valeurs, le sentiment de dette morale à son égard, ou la peur de perdre des avantages en cas de départ volontaire ou subi. Ici, aussi, de multiples facteurs interviennent, dont des facteurs non financiers.

1.4. Soutenir la performance du personnel.

On sait que manager la performance du personnel c’est obtenir qu’il se comporte de façon telle qu’il réalise les objectifs définis par l’entreprise.  On sait aussi que ce management comporte des actions diverses mais il est logique que manager la rémunération du personnel lie la rémunération à l’évaluation des résultats, même si ce n’est pas de façon mécanique.

Toute entreprise poursuit nécessairement ces quatre objectifs principaux mais choisit les moyens principaux de rémunération qu’elle pratique, de façon permanente ou passagère, choisit sa stratégie de rémunération, sa manière de manager la rémunération du personnel en fonction de sa situation interne, de ses valeurs et de l’environnement dans lequel elle est immergée.

En suivant F. Biétry, IAE de Caen, tentons de lister les différents éléments de la rémunération salariale globale pour mieux prendre conscience des leviers d’actions possibles.  Si on inclue aussi des éléments non monétaires, il vaut mieux parler de rétribution globale.

 

  1. Les composantes potentielles de la rétribution globale.

On distinguera les rémunérations décidées par l’entreprise, l’Etat, ou les partenaires sociaux composant la rémunération salariale globale, des « récompenses intrinsèques » ou avantages qualitatifs perçus par le salarié dans son travail et son milieu de travail ; l’ensemble composant la rétribution globale 

2.1. Les éléments de la rémunération salariale globale.

On peut repérer les six types d’éléments suivants :

-Les primes contractuelles qui figurent dans le contrat de travail, la convention collective ou l’accord d’entreprise.

-Les primes qui relèvent d’un usage et qui sont obligatoires.

-Les primes bénévoles, décidées et, éventuellement, supprimées par l’employeur.

-Avantages à caractère individuel et généralement réservés aux cadres :  remboursement des frais de représentation ou de déplacement, logement de fonction, cadeaux, voiture et téléphone de société ;

-Avantages à caractère collectif : remises sur les produits de la société, prêts au personnel, conseils juridiques et financiers, participation aux repas, bourse d’étude des enfants, etc.

2.2. Les récompenses intrinsèques

Ce sont les avantages perçus par le salarié dans la situation qui lui est faite dans l’entreprise.

On peut citer les éléments principaux suivants ;

-Les perspectives de développement attachées au poste occupé.

-Le statut social et les symboles attachés à la fonction occupée et/ou à l’image de l’entreprise.

-L’intérêt du travail et des relations qu’il entraine.

On notera que cette notion de perception par le salarié intervient dans l’évaluation de tous les types de rémunération et peut être très différente de l’évaluation faite par l’entreprise.

C’est dire que le levier de la rémunération ne peut produire ses effets que s’il est expliqué et compris par le salarié ; que le management de la rémunération exige d’être soutenu par une information adéquate continue.

 

  1. Les contraintes du choix des moyens

La liberté de choix des moyens de rémunération est limitée par deux séries de facteurs :

– par les dispositions du code du travail et souvent du droit conventionnel ;

– par des contraintes externes et internes à l’entreprise.

3.1. Les principales contraintes légales

Les rémunérations sont déterminées soit par le contrat de travail, soit par une convention collective, soit par un accord d’entreprise ou d’établissement, sous les réserves suivantes :

-respect de l’égalité de salaire entre hommes et femmes pour une même tâche réalisée ;

-interdiction d’indexer les salaires sur un indicateur qui ne soit pas propre à l’entreprise ; ce qui n’interdit pas de suivre attentivement l’évolution de l’inflation et ses effets sur le pouvoir d’achat des salariés ;

-interdiction de pratiquer un taux horaire des salaires inférieurs au SMIC ou au salaire minimal fixé par la convention collective de la branche ;

-obligation pour l’employeur d’instaurer une négociation annuelle sur les salaires dans toutes les entreprises ayant au moins une section syndicale ;

-interdiction d’allouer aux intérimaires et personnel en contrat à durée déterminée une rémunération inférieure à celles que percevrait un salarié en contrat à durée indéterminée, de qualification équivalente et occupant les mêmes fonctions après période d’essai ;

-interdiction pour l’employeur d’imposer unilatéralement à un salarié une modification du contrat de travail (et donc de la rémunération) mais liberté d’imposer un changement des conditions de travail. Les « Accords de maintien dans l’emploi » permettent à l’entreprise de passer une période difficile en préservant l’emploi (maintien de l’emploi contre baisse des salaires et/ou d’une modification du temps de travail).

3.2. Les autres contraintes externes et internes

Selon F. Biétry, IAE de Caen, on peut en repérer plusieurs types :

3.2.1. Contraintes relevant de l’environnement.

– Les pratiques sectorielles de rémunération ; elles servent de référence aux employeurs ;

– Les politiques fiscales ; en particulier les allégements de charges, sur certains aspects de la rémunération ;

– Les cultures nationales ; par exemple, portant sur l’écart tolérable entre les rémunérations ;

– Les marchés financiers qui réagissant rapidement à la modification du partage de la valeur ajoutée ;

– La situation du marché du travail de l’entreprise.

3.2.2. Contraintes relevant du contexte interne à l’entreprise

-La stratégie de l’entreprise détermine la stratégie de rémunération, même si c‘est de façon non mécanique.

-Le stade de développement et l’histoire de l’entreprise exercent également une influence. En début de vie, l’importance des besoins de trésorerie et la faiblesse des ressources tendra à faire privilégier la rémunération différée (par exemple de stock-option) sur la rémunération financière immédiate alors que c’est l’inverse pour entreprise mature.

– La répartition des compétences salariales et le type de contrôle des performances possible tendra à faire privilégier une rémunération plus moins individualisée.

 

  1. Les éléments d’une stratégie de la rémunération

En suivant L. MORIN, de l’ESG UQAM, repérons ce qui est avéré en matière d’effets des types de rémunération et tentons d’énoncer les principes de stratégie à retenir.

4.1. Les effets avérés des types de rémunération

Ce sont les effets validés par les recherches universitaires. On distinguera ceux de la rémunération financière de ceux de la rémunération non financière après avoir écarté les fausses croyances.

4.1.1. Les fausses croyances à écarter.

On se limitera aux deux principales qui concernent la fidélisation :

-L’augmentation de salaire ne fidélise pas le personnel.

La principale raison pour laquelle les employés quittent leur poste tient à qu’on ne manifeste aucune reconnaissance de leur travail, qu’ils ne reçoivent aucune rétroaction, qu’ils ne peuvent pas se développer et qu’ils ne peuvent faire confiance aux dirigeants en place.

-La formation ne représente pas un coût mais plutôt un investissement.

Les employés perçoivent les occasions de développement et d’avancement professionnel comme des raisons qui les motivent très fortement à continuer de travailler pour leur employeur.

4.1.2. Les effets de la rémunération financière

On repère les effets principaux suivants :

– Un salaire de base supérieur à ceux du marché aide à attirer les meilleurs candidats mais pas à les retenir.

– Les diplômés et experts préfèrent une rémunération directe accordée au mérite.

– La rémunération au mérite facilite la fidélité à l’entreprise.

– Pour encourager les employés à innover, une rémunération variable tolérante aux erreurs au début et récompensant le succès à long terme est beaucoup plus efficace qu’une rémunération fixe ou une rémunération avec bonus de performance.

– La satisfaction qu’un salarié retire de la rémunération qu’il reçoit dépend de ses attentes.

4.1.3. Les effets de la rémunération non financière

La rémunération non financière fait référence à tout ce qu’un emploi procure sur le plan psychologique : travail intéressant et diversifié, possibilités d’avancement, occasions de se développer, participation à la prise de décision, reconnaissance et statut, etc.

– Elle joue un rôle majeur dans l’attraction et la fidélité des employés.

– Elle entraîne un engagement plus grand de la part des employés.

– Un environnement de travail dynamisant constitue un facteur d’attraction quasi-universel.

– La pratique systématique de la reconnaissance entraine des effets très positifs ; elle consiste à :

— valoriser et honorer les employés qui s’investissent pleinement dans leur travail ;

— mettre en valeur les meilleurs projets et leurs auteurs ;

— valoriser et soutenir le transfert de compétences assuré par les employés expérimentés.

4.2. Les principes stratégiques à adopter. 

4.2.1. Le principe de base

Aujourd’hui, en échange de leurs efforts, les employés ont de nouvelles attentes : aller au-delà de l’échange économique « travail contre salaire » et pratiquer l’échange social « engagement contre considération et soutien ».Manager la rémunération du personnel doit être guidé par ce principe de base.

4.2.2. Se mettre à l’écoute pour innovez.

La recherche du meilleur système de rémunération passe par l’écoute des employés et le repérage des meilleures pratiques des autres entreprises.

Les employés peuvent « dire », directement ou par enquête, comment mieux les rétribuer pour leurs efforts.

On peut aussi s’inspirer des pratiques de rémunération des autres entreprises.

4.2.3. Maximisez l’équité à l’interne et à l’externe

Une des dimensions les plus importantes de la rémunération est l’équité ressentie par les salariés.

Une perception de forte équité produit les effets positifs suivants :

– Satisfaction au travail et implication.

– Adhésion aux décisions et confiance envers la direction.

Générer le sentiment d’équité résulte principalement des facteurs suivants :

-de la clarté du fondement et de l’explication des décisions relatives à la rémunération ;

-de la clarté et de la pertinence des procédures d’attribution des rémunérations ;

-de l’attitude du manager lors de la communication de la décision au salarié.

 

Sources :

-Human Resource Management : Managing Employee Compensation, Université du Minnesota)

https://www.coursera.org/learn/compensation-management/home/welcome

-Stratégies de rémunération. Franck Biétry. IAE de Caen

http://iaelearning.unicaen.fr/depot_iae/1617/M2RH/001_6001/pub/001_6001_M01/pdf/001_6001_M01.pdf

-Votre stratégie de rémunération. L. MORIN, ESG. UQAM

https://www.technocompetences.qc.ca/wp-content/uploads/2018/11/Fascicule_Serie_Retention_Remuneration.pdf

 

Nous avons déjà publié :

https://outilspourdiriger.fr/manager-la-performance-du-personnel-1/ et 2.

https://outilspourdiriger.fr/reussir-le-recrutement/

https://outilspourdiriger.fr/le-bonheur-au-travail/

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur.  A. Uzan. 28/06/2021