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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

La  « numérisation » du magasin La  « numérisation » du magasin

C’est le quatrième et dernier article inspirée par le mooc de Coursera « Marketing in a Digital World ». Il aborde les effets du nouveau comportement du consommateur sur le commerce physique.

 

Source de collaboration en matière d’innovation, source possible de dénigrement en matière de marque, collaborateur de plus en plus incontournable de la promotion (voir les trois articles précédents), le  consommateur, acteur de plus en plus puissant du marché, attend un renouveau du commerce physique, sa « numérisation », et commence à le trouver. Mais, pour le magasin, un autre obstacle plus important se profile : l’impression 3D.

 

L’expérience d’achat ci-dessous, fictive et sans doute encore un peu futuriste, tente de traduire cette attente du renouveau du commerce physique, attente que les consommateurs considèrent désormais comme normale eu égard aux outils et médias numériques disponibles.

Annie, 30 ans, a besoin de vêtements pour les vacances qu’elle prépare. Il y a 5 ans, elle serait allée tout de suite au Centre commercial. Aujourd’hui, elle commence par s’installer dans son canapé avec son PC, sa tablette ou son smartphone et lance une vidéoconférence avec sa vendeuse-conseillère de sa boutique favorite. Sa conseillère propose plusieurs modèles et, pour faciliter le choix, superpose chaque modèle sur la représentation numérique d’Annie figurant sans son ordinateur. Annie fait un premier tri, met sa conseillère en attente et lance une recherche sur internet avec un double objectif = avoir les avis d’internautes et d’autres prix sur les articles retenus ; voir si de meilleurs choix peuvent se trouver chez un autre détaillant. Finalement, elle commande partie de ses achats dans un e-commerce, partie dans sa boutique favorite et y part en voiture pour faire les essais et prendre ou demander livraison de sa commande.

A son arrivée, sa conseillère l’accompagne dans un vestiaire où ses vêtements sont prêts mais aussi une paire de chaussures et une robe de cocktail. Elle scanne les codes-barres de ces articles avec son smartphone, vérifie sur internet les prix des concurrents et envoie à des amies stylistes une photo pour avoir leurs avis. Les chaussures sont trop chères mais la conseillère accepte de s’aligner ; la robe est rejetée parce que les avis des amis sont défavorables. Annie rassemble ses achats, paye avec son smartphone et se dirige vers la sortie. Là, un écran grandeur nature la salue et la montre portant une robe d’été irrésistible. Annie sourit, vérifie son budget en ligne et paye par téléphone pour livraison dans la soirée.

Source d’inspiration = (https://hbr.org/2011/12/the-future-of-shopping   D. Rigby . Global Retail and Global Innovation practices)

 

Aujourd’hui, le commerce physique est  encore assez loin de satisfaire toutes ces attentes mais son renouveau est amorcé alors que le pur commerce numérique tend à montrer ses limites. « Le magasin n’est pas mort » (http://catherinebarba.com/fr/actu/2020-la-fin-de-le-commerce-histoire-enjeux-et-perspectives-de-le-commerce-en-france-et-en);  il a commencé sa « numérisation » et doit la poursuivre mais aussi… se préparer à la révolution de l’impression 3D.

 

  1. Le déclin du commerce physique face à l’innovation du commerce en ligne. 

1.1. L’innovation du commerce en ligne.

Le commerce en ligne a été rapidement très attrayant pour le consommateur « armé » de l’internet et des autres outils numériques ; rappelons rapidement ses attraits principaux :  

-Vaste choix de produits et exploration remarquablement facilitée;

-Avis et conseils des utilisateurs sur les produits, leur utilisation, entretien, réparation ;

-Possibilité de dialogue avec le site d’e-commerce ;

-Prix moins élevés que dans le commerce physique et facilement comparables ;

-Commodité de la recherche, de la commande, du règlement et de la livraison, opérations faites depuis chez soi ou de n’importe où et à partir de tout outil numérique ;

-Facilité et gratuité des retours de produits inadéquats.

Le consommateur pouvait ainsi mieux connaître les possibilités offertes à son choix ; mieux fonder son choix ; mieux partager des informations et opinions sur les produits (plus aujourd’hui : mieux échanger des biens ou services avec d’autres) ; mieux utiliser son temps en réduisant ses déplacements ménagers.

Il pouvait ainsi réduire le coût de l’obtention de l’ « objet » de son choix ; réduire les inconvénients de son lieu de résidence (si « désert commercial ») ; satisfaire ses « préférences minoritaires » généralement délaissées par le commerce physique. (Voir l’article =  Commerces «en ligne» ou/et «en dur» ?) 

1.2. Le retard de réaction du commerce physique.

Pendant ces dernières années, le commerce physique a persisté à croire en ses hypothèses de base et à en négliger leurs limites :

-Admettre qu’attirer le consommateur est affaire de choix des produits, de publicité générale, de mise en valeur en  magasin et de conseil de vendeur, reste vrai aujourd’hui mais insuffisant ; le choix des produits est forcément limité par la surface et les risques de mévente ; la publicité générale ne remplace pas la prescription ;  la mise en valeur en magasin ne suffit pas à fonder un choix rationnel, le conseil du vendeur peut être « intéressé » et le déplacement du consommateur peut être une corvée coûteuse.

-Admettre que la rentabilité est affaire de taux de marge reste vrai aussi mais néglige les bénéfices du volume des ventes, les coûts de la rotation des stocks et surtout les effets négatifs des prix élevés ; de plus, en cas de ralentissement d’activité, la réaction ne peut être que réduction du personnel, de la publicité et de la qualité du service.

On sait combien le commerce physique a été mis en difficulté, ces dernières années, par sa « fixation » sur ses bases  traditionnelles. Mais le pur commerce numérique semble trouver ses limites et le commerce physiques les faveurs des consommateurs en particulier grâce à sa numérisation.

 

  1. La renaissance du commerce physique.

2.1. Les limites du commerce numérique.

Le pur e-commerce tend à décliner ou se faire absorber par les commerces physiques parce qu’il ne trouve pas sa rentabilité sous les effets de sa course effrénée à la part de marché, des faibles barrières à l’entrée et de la concurrence par les prix. L’audience de la plupart des gros sites d’e-commerce stagne. Aussi et à l’instar d’Amazon, ces sites tendent-ils aujourd’hui à devenir des « places de marché », des espaces de vente proposant les offres en ligne des producteurs adhérents.

Par contre,  parmi les 15 premiers sites français visités par les internautes, on trouve beaucoup des enseignes issues du commerce physique et, de façon générale, le magasin retrouve da la vigueur.

On peut distinguer trois axes du renouveau de ce commerce ; la numération, axe principal, l’adjonction d’une dimension divertissante et l’adoption d’un caractère éphémère.

2.2. La « numérisation » du commerce physique.

Il est clair que le consommateur « numérique »  attend de bénéficier des avantages des deux types de commerce ; de ceux du commerce numérique pour le choix, les prix, les avis, les commodités, et de ceux du commerce physique pour l’interaction avec le vendeur, la possibilité d’essayer et, plus généralement le plaisir du « shoping ». Et c’est ce qu’a cherché à faire le commerce physique, y compris les petits commerçants en se regroupant en association.

Le site web s’est généralisé offrant des produits et de l’information, voire des avis de clients, etc.

La gamme des produits offerts en ligne peut être différente de celle offerte en magasin, plus vaste ou plus personnalisable.

La promotion devient plus directe et plus basée sur la prescription.

La possibilité de rechercher un produit ou un prix peut parfois être offerte par et dans le magasin.

La commande, le règlement, la livraison et les retours sont devenues beaucoup moins contraignants.

Notons quelques innovations plus originales :

-« The Best Buy Vending Machine ». Best Buy est un gros distributeur américain de matériel électronique qui a installé des distributeurs automatiques de ses produits (smartphones, appareils photo et casque, etc.) dans des endroits tels que les hôtels, les aéroports et les gares.

– Les magasins virtuels  de Tesco. Tesco est un très gros distributeur anglais qui a installé, à Séoul, un ensemble de boutiques virtuelles aux arrêts de bus et stations de métro ; un grand écran affiche les produits ; on peut par smartphone scanner le code-barres du produit désiré, le payer et se faire livrer à son domicile.

– Des caddies « intelligents » commencent à apparaître aux USA qui suivent les achats des clients grâce aux codes à barres et peuvent « annoncer » au client des promotions personnalisés.

– Des « miroirs virtuels » sont expérimentés permettant aux clients de se voir dans tel vêtement ou lunette ou avec tel maquillage et de bénéficier de conseils.

-Une vitrine banale peut être remplacée par un écran interactif à usages multiples : passer une  commande si on arrive trop tard devant un magasin ; afficher un avis ; inviter à assembler des éléments pour réaliser une création et l’afficher aux yeux de tous, etc.

 

2.3. Les 2 autres axes de renouveau

2.3.1. Transformer l’achat en une expérience agréable pour soi ou pour sa famille.

Les commerces avaient déjà souvent ouvert des centres d’essai, de tests etc. et cherché à  « théâtraliser » leur offre en mettant en scène les produits et en les complétant par des services spéciaux, de démonstration, d’essai, de conseils, de formation, de personnalisation, voire de repos ou de restauration, etc.

Aujourd’hui, de nombreux centres commerciaux partout dans le monde sont aussi des centres de divertissement, avec manèges, toboggans, etc. conduisant à parler de

« entertailing », pour souligner le rapprochement entre spectacle (entertainment) et commerce (retailing).

Disney, par exemple, réinvente ses magasins de ventes au détail en tant que centres de divertissement avec une variété d’expositions interactives qui séduira tous les segments de la famille à visiter plus souvent et rester plus longtemps.

2.3.2. L’offre « éphémère ».

On ne peut pas considérer vraiment comme facteur de renouveau les magasins éphémères, de petite taille, qui ouvrent à un endroit choisi, pour une période très limitée et pour l’un des objectifs suivants :

– marquer un anniversaire ou saisir l’opportunité d’une actualité pour se promouvoir :

– écouler un produit saisonnier ou des stocks sans « parasiter » ses points de vente.

– tester le potentiel d’achat d’un quartier avant d’ouvrir un commerce permanent ou tester un concept ou une marque à moindres frais.

Le facteur de renouveau serait le commerce stable mais dont l’offre serait éphémère et donc quasi totalement renouvelée plusieurs fois par an.

 

  1. La révolution de l’impression 3D

Une imprimante 3D est un outil qui transforme un modèle numérique en un bien physique en utilisant une grande variété de matériaux. Les imprimantes tendent à devenir plus petites et peu chères (aujourd’hui de l’ordre de 3000 $) ; elles pourront bientôt s’acheter comme une imprimante de bureau et permettre de produire des objets à un coût plus faible, au moment et au lieu de son choix et, surtout, des objets conformes à ses goûts, le modèle numérique étant plus facile à modifier que le bien physique.

Ces imprimantes commencent à être utilisées dans le monde médical (prothèses diverses), celui de l’habillement et celui de l’industrie où l’outil déborde la confection des seuls prototypes.

Il est très probable qu’une telle innovation conduise à une modification sensible des relations entre fabricants, transporteurs, commerce et consommateurs, tendant à accroître le pouvoir des fabricants et des consommateurs… sauf surprises fréquemment produites par les innovations.

L’offre des fabricants se modifiera-t-elle au bénéfice des modèles numériques et au détriment des produits finis et, dans le premier cas, les modèles numériques seront-ils vendus au consommateur directement ou par des distributeurs ?

Les transporteurs et les commerçants tendront-ils à devenir plutôt imprimeurs ?

La question mérite un examen plus précis et un prochain article spécial.

 

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 29/06/2015