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convaincre et persuader sont tout aussi diverses, souvent pratiquées intuitivement, parfois utilisées comme recettes préconisées mais rarement bien comprises malgré des résultats de recherche très nombreux et bien établis en matière de psychologie. Après avoir défini ce que vouloir convaincre et persuader exige de réaliser, nous verrons comment se donner plus de chances de réussir en prenant appui sur les normes sociales et en utilisant quelques techniques d’influence sociale.  

  1. Convaincre et persuader.
Convaincre ou persuader quelqu’un, c’est l’amener à faire sienne une nouvelle manière de penser, de sentir ou d’agir, manière qui est la nôtre ou que l’on croit bonne pour lui. En principe, la différence entre les deux mots ne concerne que le type d’argument utilisé ; on cherche à convaincre par des arguments rationnels, en s’adressant à la raison de l’interlocuteur ; on cherche à persuader par des arguments émotionnels, en s’adressant au « cœur » ou « aux tripes » ou à l’imagination de l’interlocuteur. Dans la pratique, on tend plutôt à retenir que convaincre c’est amener à comprendre, à adhérer et à faire siennes les raisons de faire alors que persuader, c’est amener à faire, à avoir le désir de faire en plus des raisons de faire.   1.1. Convaincre Amener quelqu’un à reconnaître une manière de penser, de sentir ou d’agir comme plus pertinente ou nécessaire exige de suivre les étapes suivantes et d’obtenir l’accord de l’interlocuteur à chacune d’elles : la définition du problème, c’est-à-dire l’écart entre ce que l’on vit et ce que l’on veut ; l’exploration des diverses voies de solutions, moyens de résorber l’écart ; le choix raisonné d’une des solutions possibles. C’est ce que montre le schéma ci-dessous. Idee.1 On reconnait là la méthode classique de la démonstration. Elle surmonte les difficultés principales en recourant à l’alternative pour faciliter la définition du problème ou le choix, à l’analogie pour faciliter le raisonnement et à l’exemple ou la référence pour remplacer la preuve manquante. 1.2. Persuader Amener quelqu’un à faire exige de donner le désir de faire en plus des raisons de faire. Ici, la première étape est de comprendre ce qui détermine chez l’interlocuteur l’équilibre entre deux types de motivations : d’une part, l’envie ou le besoin de faire et d’accepter le changement, le coût et le risque correspondants ; d’autre part la crainte de faire, la résistance au changement, au risque et à l’inconnu, ou la priorité accordée à autre chose, etc. Une fois fait ce diagnostic, la force de persuasion d’une personne dépend de sa capacité de modifier, immédiatement ou progressivement, l’équilibre en cours au bénéfice de l’envie de faire. Ici, on sait que la grandeur d’un leader tient à sa capacité de jouer les rôles suivants de façon performante : –   celui de « prophète » : pour dire « quoi faire », combien il serait « bien, beau, etc. » de le faire et dangereux de ne rien faire ; –   celui de « formateur-entraineur » pour dire « qu’il est possible, facile, de réussir à le faire » et « comment se préparer, y parvenir, etc. ». Il s’agit bien de prendre appui sur les émotions et non plus sur la seule raison et comme l’éclaire le schéma ci-dessous inspiré de « La roue des émotions » du psychologue américain R. Plutchik, d’activer les émotions d’approche et d’accomplissement (droite du tableau) et de réduire les émotions antagonistes et de résignation. Oui.2 Source = O. Leroux     http://www.comment-convaincre.com/fe/12560-les-3-piliers-de-la-persuasion  
  1. Prendre appui sur les normes sociales.
(http://www.youtube.com/watch?v=u983lNS5fS0&list=TLTLg5tUPckbc) Une norme sociale est une règle de conduite en société, une règle non légale mais très puissante socialement.  Ces normes définissent les comportements à tenir en société ;  par exemple, les manières de se comporter envers les autres mais aussi de s’habiller, de raisonner, de choisir, etc. et on est approuvé ou désapprouvé, voire exclu, socialement, (« remercié ou puni »par les autres) selon que l’on respecte ou transgresse la norme. Sur la base de la recherche en psychologie sociale, un des experts les plus réputés dans l’art de la persuasion au travail, Robert Cialdini, établit que la plupart d’entre nous suivons quelques règles de bon sens pour dire « oui » ou non ; que ces règles sont des normes sociales et qu’en comprenant et appliquant, avec intelligence et de façon éthique, les normes sociales on accroit considérablement ses chances d’obtenir le oui recherché. Voyons chacune des 6 règles proposées. 2.1. L’obligation de rendre. (Réciprocity). C’est la norme sociale qui, généralement, nous “impose” de rendre ce qu’il nous a été offert : un bien, un service, une faveur, une invitation, un type de comportement, etc. ; c’est ce qui nous fait dire qu’on est « l’obligé » de quelqu’un et qui rend pour nous socialement obligatoire de dire oui Cette norme est tributaire de l’importance de l’offre mais aussi et surtout de la manière d’offrir, de sa spontanéité, de la considération et de la confiance accordée à autrui. Le bon usage de cette règle est de donner d’abord, de façon personnalisée, spontanée et sans souci de réciprocité, avant de demander quoi que ce soit. Sur le plan professionnel,  on reconnait l’application de cette norme dans toute politique de « cadeau », petit ou gros, faits aux clients, aux prospects, aux partenaires, aux salariés, etc. ; et aussi dans la pratique de la concession au cours d’une négociation. 2.2. Le besoin de coopérer, de partager avec son groupe (Liking).  On tend plus volontiers à dire oui aux personnes que l’on aime ou pour qui on a de la sympathie ; à ceux qui nous aiment, qui nous ressemblent ou qui partagent nos projets, nos valeurs etc. Utiliser cette motivation conduit à commencer toujours par activer ou réactiver ce qui est commun, ce qui est partagé avec l’interlocuteur, avant de demander le oui recherché. Tous les bons vendeurs ou négociateurs savent qu’il faut commencer par là pour « rompre la distance psychologique » et créer le climat adéquat. 2.3. La confiance en l’expertise. (Authority). On tend plus facilement à dire oui à une personne reconnue comme autorité dans un domaine plutôt qu’à un novice ; par exemple, à un expert plutôt qu’à un amateur, à un médecin plutôt qu’à un infirmier, etc. C’est la crédibilité qui importe et il faut que l’autorité soit « attestée » par des réalisations (références), la réputation, le titre, la fonction ou la recommandation faite par un prescripteur crédible. Dans le domaine professionnel, on reconnait là l’importance des « références » et des prescripteurs. 2.4 Le besoin de cohérence. (Consistency). Nous avons besoin de cohérence, de consistance, dans notre comportement en particulier dans nos engagements ; faute de quoi nous ressentons un état de tension désagréable qu’on appelle « dissonance cognitive » et, de plus, nous perdons la confiance des personnes avec qui nous sommes en relation. Dès lors, une fois un choix fait, un engagement pris, nous ressentons une quasi obligation d’y conformer notre comportement. C’est ainsi qu’une fois accepté un petit engagement dans un domaine donné, il nous est très difficile de refuser une demande plus importante dans le même domaine. On sait que c’est le ressort principal utilisé par les sectes pour recruter. Sur le plan professionnel, on reconnait, par exemple, la pratique,  éthique celle-ci, consistant à proposer des « essais » gratuit avant achat. 2.5. Le besoin de faire comme les membres de son groupe social (Consensus). Nous avons tous un fort besoin d’appartenance à un groupe social ; besoin de briser la solitude, de donner et recevoir de l’aide, des idées, de la stimulation, de l’affection, de l’amitié, de l’amour, de la protection, etc. Et nous avons aussi une aspiration à « l’ascension sociale » c’est-à-dire à appartenir à un groupe considéré comme plus utile ou plus influent ou plus prestigieux, etc. Ce besoin fait que nos choix et comportements sont fortement influencés par notre groupe d’appartenance. Nous avons tendance à considérer comme bons les choix « majoritaires » faits par notre groupe social et cette tendance est particulièrement forte lorsqu’on est incertain quant au choix à faire. Ce ressort est fréquemment utilisé dans la vie privée mais aussi régulièrement actionné par les vendeurs et les entreprises citant des références ou des modèles identitaires. 2.6. Le besoin de réduire ses insatisfactions. (Scarcity) C’est la norme sociale la plus connue et la plus banale. Nos ressources sont toujours trop rares, qu’il s’agisse d’argent, de temps, d’amis, etc. et nous visons à réduire les insatisfactions les plus fortes au coût le plus faible. Tenter d’obtenir un oui à l’offre d’une satisfaction exige de montrer l’adaptation de l’offre au besoin mais aussi et surtout de mettre en évidence le manque provoqué par le rejet de l’offre.  
  1. Quelques techniques d’influence sociale.
(Joule et Beauvois « Petit traité de manipulation  à l’usage des honnêtes gens »)  Prises en toute liberté, nos décisions, et en particulier les actes que les autres voient, nous engagent plus que nous le pensons en général car nous avons, après, tendance à nous comporter conformément à ces décisions. Notre besoin de consistance va tendre à nous conduire à refuser les  autres choix possibles, à chercher notre autojustification et notre rationalisation a postériori même en présence de mauvais résultats ,  bref à tendre à persévérer… négligeant que « perseverare diabolicum » Nous savons reconnaître et rejeter les essais de manipulation visant notre opinion ou nos intentions mais nous tendons à négliger les petits engagements jugés insignifiants et acceptés comme naturels. En fait, ils sont le ressort principal des principales techniques d’influence sociale (manipulation ?) présentées ci-dessous. 3.1. « Le pied dans la porte » (Consistance) Obtenir satisfaction à une requête peu coûteuse ou anodine et que personne ne peut refuser accroit considérablement les chances d’obtenir un oui à une requête plus importante même si cette dernière n’est pas exactement du même type. C’est l’application du principe de consistance. Et comme nous avons tendance à donner à nos actes un sens de très haut niveau d’abstraction (par exemple, nous dirons « nourrir sa famille » alors qu’on achète du pain ; « aider la recherche médicale » alors que l’on donne une petite somme à une association, etc.) le demandeur a intérêt à donner à sa requête un étiquetage valorisant. 3.2. « La porte au nez » (Reciprocity) Faire d’abord une demande trop coûteuse pour être acceptée accroit considérablement les chances d’obtenir un oui à une requête beaucoup moins couteuse si les conditions suivantes sont réunies : la requête ne varie que sur le coût ; la deuxième requête est faite à la suite de la première, par la même  personne et en situation de face à face.  C’est l’application du principe de réciprocité (concessions réciproques) et aussi la crainte du sollicité d’être mal jugé par le demandeur. 3.3. Amorçage (The low-ball technique). Ici aussi s’applique le principe de consistance et de persévération de la décision. Si je donne mon accord pour faire X, je persévère même si la réalisation de X se fait à un moment très difficile, etc. Si mon choix spontané est A parce qu’il est « en vitrine » ou comporte un « bonus », j’ai tendance à ne pas changer de décision si on m’annonce que le bonus n’existe plus ou ne s’applique pas à moi. 3.4. Créer le bon contexte et faire la bonne formulation. 3.4.1. Quatre façons de créer un contexte interpersonnel propice à requête ; – Le toucher (bras, avant-bras, main) ; il tend à créer un contexte d’intimité. – Le « Pied-dans-la-bouche » ; c’est le climat créé au tout début de la rencontre (paroles et postures). – Le processus « crainte  puis soulagement » ; – L’étiquetage ;  par exemple : au lieu de dire à un client « l’innovation est la condition de la survie », il vaut mieux dire « soucieux d’innovation comme vous l’êtes, etc..). Bien plus efficace que les injonctions, les jugements des autres tendent à déterminer notre comportement. 3.4.2. Trois façon de « bonifier » la formulation de la requête – « et ce n’est pas tout » ; on annonce des « plus » pour défendre l’offre et surtout le prix. – « libre à vous de faire ou pas » ; on réduit le sentiment d’injonction en reconnaissant la liberté. – « le pied dans la mémoire » ou « vous n’êtes pas homme à vouloir X et à faire Y, etc. » ; on conduit la personne sollicitée à ressentir le risque ou l’expérience de la « dissonance cognitive » favorable au oui.  

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 18/09/2013

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