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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Outils conceptuels du dirigeant d’entreprise (1) : Outils tournés vers l’extérieur de l’entreprise

 

Tout chef d’entreprise a pour fonction de conduire son entreprise vers la réalisation des objectifs retenus.

Cette fonction combine, en fait, deux types de sous-fonction :

-celle de « vendeur » tourné vers l’extérieur et visant à promouvoir ses produits et son entreprise aux yeux des clients, prospects, fournisseurs, environnement, etc. :

-celle de « chef d’orchestre » à l’intérieur, conduisant à choisir la taille et la composition de l’orchestre et à obtenir l’exécution de la pièce de musique sans fausse note et dans le tempo.

Cette double fonction n’est pas propre au dirigeant d’entreprise ; c’est, en fait, celle de tout dirigeant,  qu’il pilote une entreprise, une association, un service, ou toute autre organisation.

Remplir cette double fonction s’apprend par l’expérience mais l’apprentissage est plus rapide si le dirigeant dispose de la « boite à outils conceptuels » nécessaire, connaît les concepts pouvant l’aider à penser quels problèmes traiter, quelles analyses faire, quelles actions définir et mettre en œuvre.

Ce premier article est principalement tourné vers « l’extérieur » de l’entreprise ou de l’organisation. Un autre article se centrera sur l’intérieur de l’entreprise.

  1. Le concept de « politique générale »

C’est l’affirmation des intentions et ambitions de l’entreprise concernant la nature de son activité, son  métier, et la nature de ses relations avec les principaux acteurs externes (fournisseurs, clients, actionnaires, concurrents..) et internes (personnels et leurs représentants). Elle répond aux questions suivantes :

– Quelle est la vocation de l’entreprise, sa mission, son métier ?

– au service de quel(s) type(s) de besoins, d’aspirations l’entreprise se met-elle ?

– avec quel(s) type de savoir-faire ?

– avec quel  périmètre d’activité et envergure géographique ?

– Quels sont les buts ou fins qu’elle poursuit et les moyens d’y parvenir ?

– rechercher la pérennité, la croissance, le profit, l’indépendance, la sécurité, la    puissance, le prestige ?

– être compétitifs par les coûts, l’innovation, le sur-mesure (niche) ?

– Quels sont les principaux objectifs quantifiables et les principaux moyens qu’elle retient pour y parvenir

– Objectifs : La rentabilité financière ? La croissance ? La sécurité ?

– Moyens : L’indépendance financière ? La flexibilité de la production et de   l’organisation ? Le partenariat avec les autres ? La qualité du climat social ?

Ces définitions sont indispensables pour clarifier aux yeux de chaque collaborateur la direction à suivre et les critères à respecter ; elles ont été sommaires lors de la création ; sont devenues plus ou moins difficiles à établir par la suite mais doivent être construites progressivement et révisées de temps à autre.

  1. Le concept de positionnement 

C’est le choix fait par une entreprise des besoins du ou des segments de clientèle (sous-ensemble de prospects) que l’entreprise décide de satisfaire. C’est aux yeux des prospects et des clients le positionnement de l’offre de l’entreprise parmi les autres offres, au regard de leurs critères d’achat.

Dans les marchés de grande consommation, un produit de luxe ne sera pas positionné sur le même segment de prospects qu’un produit banal ; et dans chacun des deux segments chaque offreur devra se positionner différemment des autres sur les critères d’achat les plus importants pour les prospects.

Le positionnement est donc le choix du type de client que l’entreprise veut servir et du type de « place » que l’entreprise veut prendre parmi les offreurs aux yeux des prospects ; il est choisi pour se différencier des concurrents.

Ici aussi, s’impose le suivi régulier de la pertinence du ciblage initial et, éventuellement, sa révision, car l’offre et/ou  la perception des prospects peuvent changer.

La démarche initiale doit alors être reprise et conduit aux questions suivantes

– La segmentation retenue est-elle toujours pertinente ?

– Le segment choisi est-il toujours porteurs de potentiel ou faut-il se préparer à en changer ?

– Le segment choisi correspond-il à la stratégie de l’entreprise (voir plus loin) ?

– Si le segment choisi reste porteur, la politique commerciale (marketing-mix= Produit-Prix-Distribution- Promotion) doit-elle être revue ; dans quel sens et sur quel point ?

– Si un nouveau positionnement s’avère nécessaire ou souhaitable, quelles démarches et moyens nécessaires ?

  1. Le concept de « Cycle de vie et de portefeuille de produit ». 

3.1. Le cycle de vie du produit

Un produit naît et meurt. On distingue les quatre étapes suivantes de sa vie et les caractéristiques commerciales et économiques qu’il présente à chaque étape :

-Le lancement : le produit est nouveau ; les ventes sont faibles parce qu’il est difficile de prendre la place des produits anciens;  la politique commerciale vise surtout à faire essayer le produit ; les coûts unitaires sont élevés, surtout  les coûts unitaires fixes parce que la capacité de production n’est pas saturée ; les pertes d’exploitation sont, parfois, fortes.

-La croissance : les ventes sont fortement croissantes car le produit nouveau prend la place des anciens et les coûts unitaires baissent ; les coûts fixes grâce au volume et les coûts variables grâce à l’expérience, ce qui génère des profits.

-La maturité : les ventes sont maximales et la concurrence stable; les profits sont maximaux, surtout parce que les capacités sont utilisées à plein et les progrès de productivité très élevés.

-Le déclin : malgré des coûts et des prix faibles, le produit est remplacé par des produits nouveaux ; des bénéfices sont dégagés mais le produit n’a plus d’avenir, sauf mise en œuvre d’une politique de rajeunissement.

Le déclin peut en effet être retardé par la modification des caractéristiques techniques ou commerciales du produit (voir le lait ou le pain) ou la modification des lieux de vente (pays moins développés etc..) mais ne peut être éludé.

A chacune de ces phases, on peut associer des principes spécifiques de marketing-mix (PPDP)

Voici, par exemple, les principes concernant les deux premières phases :

Lancement.  L’objectif est alors de créer la demande ;

  • La gamme de produit est limitée et adaptée prioritairement au cœur de cible
  • Concernant le prix, on peut choisir entre l’écrémage par prix élevé ou la pénétration par prix bas.
  • On met en place un nombre restreint de points de vente ou de vendeurs qu’on rémunère bien et qui ont pour objectif principal de prospecter le cœur de cible.
  • La promotion cible les prospects les plus innovateurs et, comme la force de vente, vise prioritaire à faire essayer le produit.

Croissance. L’objectif est de développer la demande et de fidéliser les clients.

  • La gamme de produit est élargie et la qualité technique et commerciale des produits est améliorée selon les attentes du marché.
  • Le niveau de prix est baissé ou maintenu pour accélérer pénétration.
  • Le nombre de points de vente est maximisé pour servir plus de clients et accélérer la vitesse de livraison
  • La promotion est élargie et l’image de marque est renforcée et enrichie

3.2. Le portefeuille de produits

Compte tenu du cycle de vie des produits, une  entreprise ne peut assurer sa viabilité à  long terme qu’en gérant un « portefeuille » de produits à différents stades de leur vie.

Retenons l’essentiel de ce nous apprend le Boston Consulting Group (BCG) sur ce point.

On peut distinguer quatre types de produit suivants selon leurs contributions à la croissance d’une part et à la rentabilité de l’entreprise, d’autre part.

– L’ « Etoile » (Star) qui contribue fortement à la croissance de l’entreprise parce que le marché est croissant et qui contribue fortement aux bénéfices parce l’entreprise a une part importante du marché ;

– Le « Dilemme » qui  contribue à la croissance de l’entreprise mais qui est faiblement bénéficiaire, voire déficitaire, en raison de la faible part de marché conquise par l’entreprise ; on l’appelle « dilemme »  parce qu’il peut devenir « Star » ou « Poids mort ».selon qu’il se développe ou pas.

– La « Vache à lait » qui contribue peu à la croissance de l’entreprise en raison de la stagnation du marché mais qui génère une forte rentabilité grâce à la position dominante de l’entreprise.

– Le «Poids mort » qui ne contribue ni à la croissance ni aux bénéfices.

En fait, on retrouve ce que nous indique le concept de cycle de vie.

– La naissance d’un produit nouveau dans un marché croissant peut être un produit « Dilemme » ou « Star » selon que son lancement est réussi ou pas.

– Le vieillissement du produit en fait une « Vache à lait » puis un « Poids mort ».

Gérer un portefeuille de produits, c’est veiller au bon déroulement du processus suivant : créer régulièrement des produits nouveaux « Stars » ; tenter de faire durer les « Vaches à lait » ; se débarrasser des « Poids morts »

  1. Le concept « Opportunités et menaces de l’environnement ».

Pour toute entreprise l’environnement représente un ensemble de menaces et d’opportunités.

Les menaces.

Pour une entreprise agissant dans un secteur d’activité donné ou souhaitant y entrer, l’environnement présente  six types de menaces :

  • L’intensité de la concurrence. C’est la menace la plus connue ; elle n’est pas égale pour tous les acteurs d’un marché mais prise en compte par tous; elle est d’autant plus forte pour tous que le secteur est stagnant et d’autant plus forte pour les plus petits acteurs que la concentration y est développée.
  • Les nouveaux entrants. Entrer dans un secteur d’activité exige le respect de conditions prioritaires, financières, technologiques, règlementaires, de compétences, etc., plus ou moins dissuasives. De façon générale, plus faibles seront les « coûts d’entrée » et les « barrières à l’entrée » dans le secteur, plus forts seront les risques de voir venir de nouveaux concurrents.
  • Le Pouvoir de négociation des clients. C’est la capacité des clients d’imposer leurs conditions de prix, de services, de délais, etc. aux offreurs. Ce pouvoir est d’autant plus grand que les clients sont importants par rapport aux offreurs ; par exemple que la demande est exprimée par quelques grands acteurs à des offreurs nombreux et interchangeables.
  • Le Pouvoir de négociation des fournisseurs. C‘est la situation inverse de la précédente. Les fournisseurs importants, à marque connue, spécialisés et capables d’intégrer leurs aval, imposent leur loi à des clients petits et /ou non fédérés.
  • Les Produits de substitution

C’est probablement la menace le plus importante. Elle est produite par l’innovation réalisée par un des acteurs du marché ou par un acteur d’un autre marché, nouvel entrant « armé » d’un produit pouvant se substituer aux produits existants ou réduire le besoin de ces produits.

  • Le changement des valeurs et des règlements prévalant dans l’environnement.

Pour comprendre l’effet des changements de valeurs, il suffit de penser à l’importance qu’a prise, ces dernières années, la « valeur écologique » ; et le lien est fort entre l’évolution des valeurs, celle des forces sociales et celle de la réglementation publique.

L’analyse FFOM « Forces-Faiblesses-Opportunités-Menaces » (en anglais SWOT)

La taille d’un  marché et le type d’équilibre qui s’y établi ne sont pas immuables ; en fait, tout est  condamné à changer, plus ou moins rapidement, sous l’influence de quatre types principaux de facteurs :

–           les innovations technologiques ;

–           les changements réglementaires ;

–           les évolutions socio-économiques;

–           les évolutions culturelles (évolutions des valeurs, des comportements, etc.).

Mais les changements ne recèlent pas que des menaces ; ils présentent aussi des opportunités.

Pour les entreprises soucieuses d’anticiper pour se protéger ou lancer des projets, l’analyse FFOM préconise de réaliser les deux diagnostics suivants :

– un diagnostic interne, qui identifie les forces et les faiblesses de l’entreprise par rapport à la concurrence;

– un diagnostic externe, qui identifie les opportunités et les menaces présentes dans l’environnement.

Pour l’analyse interne, on examinera par exemples les forces et faiblesses des variables suivantes :

– secteur d’activité, positionnement, produit, marketing-mix, image de marque, etc.;

– état de l’équipement et de la compétence du personnel.

– système d’organisation, de coordination, de rémunération et de management.

– capacité d’innovation.

Pour l’analyse externe,  on prendre en compte, par exemple,  les menaces et opportunités tenant aux évolutions de la technologie, de la règlementation, des variables socio-économiques et des valeurs

  1. Le concept de stratégie

Alors que la politique générale est l’affirmation des intentions, des volontés, des objectifs généraux de l’entreprise, la stratégie est la définition des axes coordonnés d’actions pour réaliser ces volontés.

Le langage n’étant pas stabilisé, retenons le terme de stratégie pour désigner la gouvernance de l’ensemble de l’entreprise et le terme de politique pour désigner les axes d’actions dans un domaine particulier, par exemple,  la politique commerciale ou la politique de production ou d’innovation.

La stratégie est, en principe, élaborée et modifiée sur la base d’une analyse FFOM et vise créer, maintenir ou renforcer les « avantages concurrentiels commerciaux » et/ou les  « avantages concurrentiels organisationnels » que détient l’entreprise et qui sont les garants de sa compétitivité et de sa rentabilité sur le long terme.

Elle est définie par la direction de l’entreprise, engage l’entreprise sur un terme long et concerne les aspects «extérieurs » de l’entreprise comme les aspects « intérieurs ».

Les principales stratégies sont les suivantes.

  • Les stratégies génériques.

On distingue trois grands types de stratégies pour s’assurer viabilité et croissance durables :

– la domination par la taille, les coûts et les prix ; c’est celle qui est généralement

pratiquée par le leader du marché;  il dispose des moyens les plus importants, de la gamme de produits la plus large et des coûts les plus faibles  et, donc, de la plus forte capacité d’attirer le client et « d’agresser » les concurrents par des baisses de prix. Il se peut, par contre, que son adaptabilité au client soit plus faible ; qu’il ne s’intéresse qu’aux produits vendables en grosses quantités et qu’on puisse, en le copiant, acquérir sans frais son savoir-faire; autant de faiblesses donc de cette stratégie;

– la différentiation ;  elle vise à offrir un produit ou service qui soit ou qui

apparaisse aux clients comme « différent » sinon « unique » par sa conception, sa qualité, son SAV, etc. et permet de pratiquer un prix de vente plus élevé que la concurrence. Il se peut, bien sûr, que cette dernière fasse tout pour que le client trouve la « différence » négligeable et le « surprix » non justifié ;  ce qui peut affaiblir beaucoup cette stratégie.

– la concentration sur des « niches« ; elle vise à ne servir qu’un « segment de

marché », une partie spécifique de la clientèle possible, donc un marché étroit, mais à y être « dominant »  soit par la faiblesse du prix (domination par les coûts) soit par les qualités du produit (différentiation) ; les risques ici tiennent au petit nombre de clients et à l’entrée possible dans la niche des « gros acteurs » du marché.

   –     Les autres stratégies et les alternatives offertes.

– La stratégie de diversification ou la stratégie de spécialisation ou de recentrage

La diversification des activités peut prendre les formes suivantes :

-proposer de nouveaux produits aux clients actuels ;

-proposer les produits actuels à de nouveaux segments de prospects

-j’adjoindre des activités sans lien avec les marchés actuels, choisis pour leur rentabilité.

– La Stratégie d’intégration ou la stratégie d’externalisation.

L’entreprise absorbe une ou des entreprises situées soit à son amont soit à son aval soit au même niveau qu’elle pour accroître sa taille et, en principe, sa puissance et sa rentabilité.

L’externalisation, elle, vise à extraire des activités de son périmètre actuel ou à recourir à la sous-traitance.

-La stratégie de croissance interne ou de croissance externe ou d’alliances.

L’entreprise développe son activité en son propre sein sans chercher à absorber d’autres entreprises (fusions-acquisitions) ; elle peut aussi choisir de nouer des alliances au lieu d’absorber.

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan. 8/01/2013