Source principale d’inspiration: «People Analytics », mooc Coursera donné par The Wharton School (Univ.Pennsylvania)
Les anglo-saxons appellent « Analytics » l’usage intensif des statistiques et des modélisations pour comprendre des données numériques et les utiliser pour fonder les décisions. C’est, par exemple, ce que « Google analytics » permet de faire à tout animateur de site internet : mesurer les effets de son site sur un « lectorat », évaluer les « liens » perceptibles entre tel contenu et les types d’internautes attirés, éditer selon l’impact recherché ou changer de cible, etc. A l’instar de ce qui se passe en marketing et dans de multiples autres domaines de l’entreprise, People analytics est le nom donné aux méthodes visant à utiliser ces outils d’analyse et de prévision pour décider en matière de gestion des ressources humaines (GRH). Tout département de GRH produit une multitude de données sur le personnel de l’entreprise mais d’après les experts de la GRH eux-mêmes (The Society for Human Resource Management (SHRM)) ces données sont actuellement peu exploitées pour fonder les décisions alors que le « People analytics » va tendre à devenir la compétence la plus critique dans les années à venir. C’est que le scepticisme, voire l’aversion aux méthodes statistiques, restent forts ; certains craignent que ce type d’approche ne porte atteinte à leurs compétences et beaucoup continuent de penser que l’approche qualitative, subjective et intuitive, reste la meilleure solution et la plus acceptable socialement. En fait, la méthode People analytics n’est qu’une source de nette amélioration de la préparation de la décision et ne modifie que peu les autres aspects de la fonction. Toute décision est un pari basé sur une prédiction et se donner une meilleure chance de gagner le pari consiste à repérer le ou les bons prédicteurs. Ainsi recruter un candidat, c’est faire une prédiction sur sa performance professionnelle future dans l’entreprise ; faire cette prédiction selon l’approche qualitative voire intuitive du jugement ne veut pas dire opérer sans critère mais seulement opérer avec des critères implicites ou raisonnés, précieux parce que résultant de l’expérience, mais aussi susceptibles de biais et surtout non vérifiés ; et c’est la recherche de prédicteurs objectifs et vérifiés, spécifiques au problème à traiter, que représente la méthode « People analytics ». Le raisonnement ci-dessus, relatif au recrutement, peut s’appliquer à la promotion ou au turnover. Voyons quelles utilisations du People analytics ont été faites ou peuvent être faites sur chacun de ces points.- Des prédicteurs pour recruter.
Source : mooc People analytics
Du point de vue de la validité de prédiction de la performance professionnelle, les méthodes de recrutement se classent ainsi, de la meilleure à la pire :
-la simulation du travail (Works samples) présente la validité prédictive la plus grande ; elle est sans doute plus adaptée au travail d’exécution qu’au management.
-plus surprenant, les tests de capacité cognitive (Cognitive ability tests), tests d’intelligence générale viennent en second ;
-plus classiques, viennent ensuite les entretiens structurés (Structured interviews) qui visent à vérifier la présence chez le candidat de certains traits de personnalité et de certaines compétences et les tests de connaissance de l’emploi (Job knowledge tests) qui sont plus techniques mais remplissent la même fonction de vérification.
-le recours à la référence (Référence checks), sujet à trop de biais, voire d’intérêts personnels, est la méthode la moins valide mais certains seront surpris de constater la faiblesse prédictive des entretiens non structurés de type observation libre de groupe de discussion (Unstructured interviews) et des tests de personnalité (en particulier de la « conscientiousness » qui indique le candidat sérieux, qui aime bien faire, efficace, organisé, sur qui on peut compter mais plutôt conformiste)
Concernant les entretiens non structurés, l’auteur du mooc traite d’illusion de validité le sentiment qu’éprouvent les évaluateurs lors de l’observation directe alors qu’ils peuvent être victimes de biais cognitifs et de biais de jugements divers. Les entretiens directifs sont moins illusoires mais à condition que les attributs à vérifier soient précis et validés.
Appliquant ma méthode « People analytics » Google a renoncé à demander aux candidats les résultats obtenus à l’université (« GPA ») car il avait découvert que ces résultats perdaient toute valeur prédictive deux ans après la sortie de l’université.
Il est clair que les attributs prédicteurs à vérifier exigent de repérer et de comprendre ce qui détermine la performance au travail pour un poste donné et la méthode la plus simple, alors, consiste à comparer les meilleurs et les pires performers sur plusieurs attribut pour voir quels attributs sont les meilleurs prédicteurs. C’est là un travail statistique assez banal à condition d’avoir bien vérifié que la comparaison est valide (égalité de la durée dans l’emploi ou de l’expérience, de type de management, etc…)
Une autre méthode peut consister à comparer la prédiction faite lors de l’embauche avec les réalisations effectives au bout d’un temps donné.
Disons-le clairement, le travail à faire est long, minutieux et à résultats incertains mais c’est mieux que de se contenter de simples impressions d’entretien ; et on peut toujours espérer une progression de la recherche. Notons aussi qu’apparaissent des prestataires de services dans ce domaine.
- Des prédicteurs pour promouvoir.
- Des prédicteurs pour réduire le Turnover.
Source : mooc People analytics
-la première cause de départ est la qualité de la relation avec son superviseur ;
-viennent ensuite l’insatisfaction au travail, les conflits de rôle et les faibles opportunités de promotion ;
-contrairement à nos préjugés, la rémunération est la plus faible cause de départ (du moins aux USA)
Mais le processus décisionnel du départ est plus complexe ; il faut le penser comme un processus de recherche comme l’indique le schéma ci-dessous :
Source : mooc People analytics
Nous restons dans un emploi tant qu’il correspond à nos capacités et à nos préférences ; mais la vérification de cette correspondance demande du temps de pratique, temps à l’issue duquel on décide de poursuivre ou de chercher un autre job dans l’entreprise ou ailleurs.
C’est dire que la période la plus probable du départ se situe dans les premières années de travail, les risques de départ étant plus faibles chez les recrutés ayant une expérience du poste et le taux de turnover baissant à mesure que les collaborateurs vieillissent.
D’autres axes de recherche peuvent être explorés et, par exemple : les taux de départ sont-ils différents :
-selon que les collaborateurs sont les plus ou les moins performants ?
-selon que les collaborateurs sont plus ou moins désireux d’autonomie ou d’innovation, etc. ?
On veillera ici à tenir compte du temps de présence dans l’entreprise en distinguant les taux de départ à 6 mois, 1 an, etc.
Cet article, comme le mooc dont il s’inspire, n’a que la modeste ambition d’attirer l’attention sur le Prople abalytics et sur deux aspects de la GRH :
-Le jugement humain, voire l’intuition ou l’instinct sont, en matière de GRH, des outils de travail incontournables et souvent irremplaçables bien que sujets à de multiples biais.
-Le souci de chercher et de trouver de bons prédicteurs n’est ni fantaisiste ni irréaliste ; les prédicteurs sont nécessaires à toute décision et les exemples cités ci-dessus montrent qu’on peut en trouver et que, la recherche et les échanges progressant, le capital commun de prédicteurs s’accroîtra.
Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 29/05/2017
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