(Source principale = D.A. McFarland, Stanford – Cours Cousera “Organizational Analysis”)
Se concentrer sur le concept d’organisation est une bonne manière de
prendre de la hauteur pour retrouver ses bases.
Après l’article portant sur la définition de l’organisation et les modes de décisions qui s’y pratiquent, (Voir l’article « Qu’est-ce qu’une organisation.1 ? ») examinons comment l’organisation accumule des
connaissances et construit sa
culture.
- L’accumulation des connaissances.
Comme une personne, une organisation acquière et accumule des connaissances et expertises et peut mesurer ses progrès dans ce domaine.
On reconnait ci-dessus la
courbe d’apprentissage (aussi appelée courbe d’expérience) qu’une organisation peut établir en reliant un indicateur de résultat (en y) et un indicateur de moyen (en x). La courbe ci-dessus montre la baisse du temps de travail par unité de produit lorsque le volume de production s’accroit. On peut aussi observer cet accroissement de productivité dans la production de service ; par exemple réduction de temps pour réaliser un dossier régulièrement établi ou concevoir un nouveau produit.
Un tel résultat n’est pas l’effet du hasard. Une organisation peut laisser dépérir son capital de connaissances et d’expertises, son potentiel de productivité ; par exemple, en négligeant la formation de son personnel, en laissant partir ses meilleurs experts, etc.
Elle peut aussi accroitre ce potentiel en comprenant comment le processus fonctionne et en favorisant son développement.
1.1. Le processus d’apprentissage.
Il s’opère en «
capitalisant » les pratiques les plus performantes, en transformant ces pratiques en règles, procédures et rôles, en les intégrant dans la technologie, dans la culture des participants et la structure de l’organisation.
Toute organisation comporte des
règles de comportement, des procédures à observer, qui sont définies avec plus ou moins de précision. Ces règles procédurales sont censées guider, dicter, les comportements mais ne peuvent prévoir toutes les situations à affronter; généralement suffisantes pour les tâches simples et standardisées, elles s’avèrent
peu utiles lors des tâches complexes ; adaptées à un moment donné, elles peuvent ne pas le rester sous l’effet de changements divers, voulus ou subis, internes ou externes à l’organisation.
Aussi observe-t-on souvent des
pratiques de travail plus ou moins
différentes des règles et qui, motivations malveillantes mises à part, résultent du besoin de surmonter une insuffisance de la règle ou de tenter une expérience. C’est là la source principale de l’apprentissage de l’organisation,
l’adaptation individuelle pour appliquer la
règle dans des situations particulières, l’improvisation qui produit de meilleures pratiques et connaissances.
Cette improvisation ne doit pas être anarchique mais doit être encouragée, valorisée, « capitalisée » par collaborations-transferts entre membres et par introduction dans les procédures écrites.
1.2. Les méthodes de développement.
La condition première est, bien sûr, la
volonté de tous les responsables d’inciter leurs collaborateurs à rendre leurs pratiques plus productives, d’
aider ces collaborateurs à réaliser cet objectif et de penser à «
stocker » les améliorations dans les procédures.
La mise en œuvre d’un tel programme peut recourir à tout ou partir des moyens suivants :
-Créer dans l’organisation des « communautés de pratiques » et inciter les membres à échanger, tenter des expériences, se former mutuellement et veiller à l’enregistrement des résultats dans une base de données des connaissances.
-Inciter les collaborateurs à prendre part aux réseaux professionnels pertinents pour eux.
-Envoyer des collaborateurs en formation
-Etudier les pratiques des concurrents à partir d’un de leur produit.
-Recourir à des consultants pour faciliter toutes ou partie des actions ci-dessus.
Et comme le
capital de connaissances de l’organisation n’est pas seulement composé d’idées mais aussi et surtout
d’experts capables de former les autres collaborateurs.
-Retenir ses meilleurs collaborateurs.
-Embaucher des experts innovants
Une condition seconde est d’éviter les
erreurs suivantes :
– ne pas mettre en œuvre ce qu’apporte l’exploration des pratiques nouvelles possibles ;
– ne pas tenter de « dépasser » l’échec de la première expérience nouvelle ;
– ne pas tenter de « dépasser » les succès car la courbe d’apprentissage à des limites ;
La dernière condition mais non la moindre est d’obtenir la
collaboration de tous à ce programme, ce qui suppose une large adhésion à des valeurs communes, à une culture commune.
- La construction de la culture
2.1. Définition et indicateurs
Une culture est un ensemble de
manières de penser, de sentir et d’agir, manières plus ou moins formalisées, apprises et partagées par une pluralité de personnes qui se sentent membres d’une collectivité particulière.
Ces manières concernent tous les types d’activités : cognitive, affective et conative ; ce sont des règles écrites (code, protocole, etc.) ou orales (rite, tradition, etc.) ; elles sont acquises et transmises par l’action socialisante d’institutions (écoles, organisations, production culturelles, modèles identitaires etc.) ; elles sont partagées par une pluralité de personnes et ressenties par ces personnes comme des facteurs d’
appartenance à une collectivité distincte, de
solidarité et de
facilitation de la communication.
Ainsi, la culture d’une organisation est bien l’ensemble des manières de penser, de sentir et d’agir de ses membres, manières qui sont propres à l’organisation et la caractérisent ; on n‘observera pas la même culture dans les entreprises numériques de la Silicon Valley, les entreprises mécaniques de France et les entreprises textiles de l’Inde, sans parler de la différence entre entreprises et administrations françaises.
Une culture ne se définit pas par un texte ; c’est un ensemble de
pratiques qu’on ne peut observer que de « l’intérieur » ou sur la base d’
indicateurs et ces derniers sont divers :
-les normes et valeurs écrites affichés par l’organisation ;
-les règles et procédures écrites régissant les rôles, les tâches, les procédures, la coordination, la rémunération et la promotion, les conduites à tenir, etc. ;
-les normes et usages informels concernant les comportements, les relations, etc. ;
-les symboles identificateurs de l’organisation ou de son activité (logos, etc.) ;
-les rituels pratiqués (réunions, fêtes, commémorations, concours etc.) :
-les légendes relatives à la création de l’organisation ou à ses exploits ;
-les langages et jargons pratiqués (acronymes, etc.) ;
-l’architecture et l’aménagement des locaux (bureaux fermés, espaces de travail, etc.) ;
-les services spéciaux offerts aux membres.
Chacun de ces points contribue au « climat social » de l’organisation et détermine les satisfactions et insatisfactions des membres, le degré d’adhésion à la culture de l’organisation, la qualité et la productivité du travail, etc.
2.2. Objectifs et méthodes de développement
Pour un dirigeant, la culture de l’organisation vise principalement à obtenir des membres le comportement requis par la réalisation des buts de l’organisation ; plus précisément à obtenir que les membres
perçoivent l’organisation comme la leur et se sentent personnellement tenus de la faire réussir.
On sait qu’il s’agit là d’un objectif quasi-inatteignable ce qui, par ailleurs, est heureux pour l’organisation.
Comme toute collectivité, une organisation est quasi-toujours un
archipel de sous-cultures plus ou moins ambiguës, voire franchement antagoniques, où le consensus se construit par négociation et coalition.
Cet « inconvénient » est aussi un avantage. Des différences de sous-cultures, des ambiguïtés en matière de valeurs et de normes, si elles restent limitées, donnent aussi à l’organisation la
diversité de réaction nécessaire à la perception des opportunités et menaces et à la créativité.
Trois types d’
acteurs contribuent à la construction de cette culture de l’organisation.
La direction générale.
Elle vise à créer la culture de son choix par les moyens suivants :
-les présentations écrites et orales des vocations, valeurs et objectifs de l’organisation ;
-la célébration des succès et l’explication-atténuation des échecs ;
-le recrutement ;
-le système de récompenses-sanctions mise en place ;
L’objectif permanent est ici de montrer que les intérêts de l’organisation sont aussi ceux des membres et que l’organisation satisfait bien les besoins d’appartenance, de solidarité, de réalisation etc. de tous.
Les experts internes
Leur action est plus centrée sur les valeurs, les normes, les procédures et les méthodes de travail.
L’objectif est le même que celui des managers mais l’influence est plus pratique et vise au succès du membre, à satisfaire ses besoin d’appartenance et de réalisation.
Les prescripteurs et modèles identitaires externes
Les publications qui paraissent, les courants de pensée qui émergent, les expériences qui sont relatées, peuvent venir renforcer ou dévaloriser la culture de l’organisation.
La direction et les experts internes sélectionnent les idées à diffuser dans l’organisation, mais chaque membre est libre de choisir les idées auxquelles il adhère.
Ainsi le niveau d’adhésion à la culture de l’organisation, et, par suite, le degré d’identification à l’organisation, d’engagement dans la réalisation des objectifs sera variable parmi les membres et, en général, décroissant en descendant l’échelle des responsabilités.
On retrouve, ici, la nécessité de la négociation et de la coalition dans le management de toute organisation.
Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan. 3/03/2014
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