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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Se centrer sur le client ou sur le produit ? Se centrer sur le client ou sur le produit ?

Se centrer sur le produit ou sur le client ?

(“Product centricity or customer centricity” ?)

Depuis au moins 50 ans, la théorie et la pratique ont imposé une voie, une recette, à l’entreprise recherchant le succès, la voie « centrée » sur le produit ou le service (Product centricity), la voie basée sur l’expertise technique de production, celle qui a fait les grandes entreprises d’aujourd’hui et qui guide, encore aujour’hui, les porteurs de projets de créations .

Mais depuis peu et pour tenir compte des changements tendantiels qui s’observent dans la vie économique, une autre voie du succès est proposée incitant les entreprises à se « center » sur le client (customer centricity), sur l’expertise relationnelle commerciale.

  1. La voie centrée sur le produit ou service (Product centricity).

1.1. Les caractéritiques de cette voie.

L’objectif de toute entreprise étant d’abord de survivre puis de croitre grace aux profits, la théorie et les pratiques observables indiquent les conditions à respecter :

-Concevoir un produit ou service susceptible de satisfaire un besoin non ou mal satisfait, le développer, le faire accepter, le promouvoir, le distribuer, etc.

-Développer la production et la vente pour obtenir à la fois la réduction des coûts et l’accroissement des recettes, donc le maximun de rentabilité, le meilleur indicateur de l’efficience étant alors la part de marché.

-Poursuivre la croissance en trouvant d’autres marchés pour le même produit ou service ou en trouvant un nouveau produit ou service (innovation), c’est-à-dire en exploitant son expertise technique et l’avantage compétitif qu’il donne.

-Organiser l’entreprise autour des produits ou services, le rôle directeur revenant à la conception (R et D) et à la production, à charge pour les commerciaux de vendre ce qui a été produit.

La descrition ci-dessus est schématique mais correspond bien à l’objectif principal poursuivi et à la démarche générale suivie par la plupart des entreprises : devenir et rester le meilleur en matière de conception, developpement, distribution d’un ou d’un certain type de produit ou service.

1.2. Les tendance contrariantes.

Certaines tendances aujourd’hui observables dans la vie économique tendent à réduire l’efficacité de cette voie de développement . On peut repérer les trois catégories suivantes

– Le raccourcissement de la durée de vie des avantages concurrentiels .

L’avantage procuré par un produit nouveau dure moins longtemps et l’entreprise est astreinte à un rythme d’innovation plus rapide, voire incessant . Par ailleurs la mondialisation des marchés tend à réduire sinon à exclure tout espoir de “monopole” géographique ou technique et exacerbe la concurrence.

L’acroissement du degré d’information et d’exigence des cliens

Les prospects sont plus informés des diverses offres et tendent à exiger plus de leurs fournisseurs. En particulier, ils tendent de plus en plus à attendre d’un fournisseur qu’il se conduise d’abord comme un conseiller et qu’il propose une solution complète à leur problème, incluant éventuellement des services gratuits et des produits fabriqués par d’autres fournisseurs .

Les nouvelles technologies de l’information rendent aujourd’hui plus facile et moins couteuse à établir la relation personnalisée avec chaque prospect alors que la voie de succès centrée sur le produit se suffit de la segmentation et tend à interdire ce trop coûteux type de relation.

1.3. Les adaptations des firmes.

Toutes les firmes tendent à prendre en compte et surmonter les obtacles décrits ci-dessus

– De nombreuses firmes industrielles on donné dans leur offre plus de place sinon la place dominante aux services et aux conseils à leurs clients ; et des partenariats ont été établis entre firmes pour offrir des solutions complètes au même client.

– Les firmes de services et surtout les firmes commerciales ont très sensiblement affiner la connaissance de leurs clients et utilisé cette « base de données » pour développer la fidélité à leur marques et les promotions personnalisées.

Mais dans quasi tous les cas, il s’est agi de mieux utiliser l’avantage compétitif basé sur l’expertise en matière de produit ou de fourniture de services. L’entreprise reste « centrée » sur le produit.

  1. La voie centrée sur le client (Customer centricity).

Un nouveau courant de recherche préconise une nouvelle voie du succès ; une stratégie consistant à mettre toute l’entreprise au service d’un ensemble choisi de clients.

Il ne s’agit pas de « révolution sociale » ! L’objectif général est toujours de se développer grâce à la maximisation du profit mais la voie retenue est de se centrer non pas sur un produit ou service mais sur les besoins présents et futurs d’un ensemble de clients choisis et d’adapter l’organisation interne de l’entreprise à cette voie.

Alors, la R et D conçoit prioritairement pour ces clients ; les vendeurs sont d’abord les conseillers de ces clients ; l’objectif de chaque collaborateur est de gagner et de conserver la confiance de ces clients et d’obtenir l’aide de ces clients pour en conquérir d’autres; et les systèmes de management et de rémunération sont adaptés à cet objectif.

Ce n’est plus la part du marché d’un produit ou service qui est à la fois la visée et l’indicateur du succès mais l’accroissement de la « part du budget » du client choisi, la valeur des achats probables durant sa vie de client (customer lifetime value ) ; ce qui ne peut s’obtenir que par l’établissement d’une étroite et confiante relation avec le client lui donnant la certitude que l’entreprise prend réellement en charge ses intérêts.

2.1. Les caractéristiques de cette voie

-Les hypothèses de base sont les suivantes :

Les prospects sont hétérogènes et l’entreprise doit choisir ceux qu’elle veut servir ; ceux avec qui elle veut établir des relations privilégiées ; ceux sur lesquels elle veut centrer son activité ; et son critère de choix est la profitabilité potentielle de ces prospects mesurée par la « customer lifetime value (CLV) ».

Ce sont les clients et non les équipements qui constituent le vrai capital de l’entreprise.

L’avantage concurrentiel n’est plus l’expertise technique mais l’expertise relationnelle commerciale et cette dernière est nettement moins imitable par la concurrence et donc plus durable.

Les opérations principales à réussir sont l’acquisition, la rétention et le développement de la clientèle choisie. Ces opérations doivent être réalisées de façon beaucoup plus approfondie et précise que dans une entreprise centrée sur le produit ; et les personnes chargées de ces tâches doivent être au sommet de l’organisation.

-L’offre est composée de solution sur mesure par client, solution comportant conseils, produits, support, etc.

-La structure de l’entreprise s’organise sur la base des segments de clients.

La relation avec le client doit être l’objectif premier de tous les collaborateurs et le système de rémunération être basé sur cet objectif ; et cela doit être le cas en particulier pour les services de R et D et de commercialisation dont les pensées et les efforts doivent converger pour trouver et proposer la meilleure offre pour le client.

Le tableau suivant compare les deux voies de développement décrites ci-dessus.

Mktg.Centricity1

Mktg.Centricity2 jjpg

(Source = J.R. Galbraith “Designing the Customer-Centric organization” -2005)

2.2. Attrait et obstacles à surmonter.

L’attrait et les difficultés principales de cette deuxième voie de développement concernent principalement les entreprises existantes à la recherche de nouveaux « sentiers » de croissance.

L’attrait tient à la relative inimitabilité de l’avantage compétitif à conquérir.

Les difficultés tiennent aux changements profonds de culture et de structure à introduire et aux délais de réalisation de l’objectif.

Les barrières à l’entrée de cette voie peuvent être l’absence des données nécessaires à la connaissance détaillée des prospects choisis, l’impossibilité de traiter les clients de façon différente, les coûts à engager pour la conversion, voire les premiers pas.

La période de conversion est particulièrement difficile à franchir car elle juxtapose financements et comportements à objectifs de court terme et de long terme.

La dernière mais non la moindre difficulté concerne l’exigence de « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » et de gérer un portefeuille de clients.

  1. Voies antinomiques, complémentaires, …. ?

Les auteurs présentent quelques cas de progrès plus ou moins grands faits en direction de cette nouvelle voie.

Parmi les plus grandes entreprises industrielles :

IBM est citée comme l’entreprise qui est allée le plus loin vers cette deuxième voie : diminution sensible de son rôle de producteur et recentrage important sur un rôle de conseiller et de fournisseur de solution complète.

Proctor & Gamble a pris l’initiative de tenter un premier essai de centrage de son activité sur un type de client, en l’occurrence la femme noire américaine. Et au lieu de fournir chacun de ses produits à des distributeurs, il présente l’ensemble de ses produits à cette clientèle dans le but de devenir leur conseiller-distributeur.

Parmi les entreprises commerciales.

Walmart et les autres grands distributeurs restent centrée sur leur « excellence opératoire » mais introduisent des systèmes permettant aux clients de scanner leurs achats et ouvrant la possibilité de « tracer » le comportement de chacun de ses clients puis de proposer des offres personnalisées ; ce que la distribution par internet pratique déjà régulièrement.

Dans les entreprise de services, on trouve également des initiatives, en particulier chaque fois qu’il est possible de relever les coordonnées du bénéficiaire du service ou du produit.

Mais personne ne peut citer d’entreprise totalement convertie à cette nouvelle voie.

Voie utopique ?

Pour le moment, reconnaissons à la présentation de cette nouvelle voie qu’elle est, au moins, de nature à provoquer une salutaire réflexion dans toute entreprise en rappelant que le client est la raison d’être de l’entreprise et son véritable capital…..le client personne physique et non le type de client .

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan. 23/11/2013