outils pour diriger

Comprendre pour agir

Pour conforter ou enrichir votre boite à outils avec :

André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

La double face du manager. La double face du manager.

 

(Source principale : Dacher Keltner « The Power Paradox »

https://greatergood.berkeley.edu/article/item/how_to_find_your_power_avoid_abusing_it)

 

La double face du manager, chacun l’a probablement observée ; chacun a sans doute pu éprouver le sentiment d’être encouragé par son manager et en quelque sorte agrandi à son contact ; mais parfois, sinon souvent, c’est un tout autre sentiment qui est éprouvé, celui d’être soumis, amoindri.

L’expression « double face » peut être utilisée pour suggérer qu’une « chose » peut avoir deux aspects principaux : par exemple le recto-verso d’une bande collante, l’intermédiation entre client et fournisseur qu’une plate-forme assure, l’aspect positif et l’aspect négatif d’une innovation, l’aspect négatif de l’échec et l’aspect positif (fondement du succès futur) (voir : https://outilspourdiriger.fr/la-double-face-de-lechec/)

Mais le plus souvent l’expression est utilisée pour caractériser les « deux visages » que le comportement d’une personne nous donne à observer, généralement un « bon » et un « mauvais ».

C’est ce que chacun de nous a sans doute observé chez son manager : l’aspect « soutien cordial » un temps et l’aspect « caporal répressif » un autre temps, voire la tendance à abandonner la première « face » pour adopter durablement la deuxième.

Comprendre mieux l’une et l’autre « face » du manager ainsi que le risque du passage définitif de l’une à l’autre peut être utile à tous et d’abord au manager.

Précisons d’abord ce qu’on entend par pouvoir et source du pouvoir. On présentera ensuite les causes et les effets de la « caporalisation » ou « paradoxe » du pouvoir. On finira par quelques conseils aux managers pour éviter la « caporalisation » du pouvoir.

 

  1. La source du pouvoir du manager.

Dans l’entreprise comme ailleurs, le pourvoir est loin d’être seulement affaire de statut ; qu’il soit issu de la propriété ou de la nomination ; le statut permet d’obtenir l’obéissance et… l’inertie mais non la mobilisation des managés, non leur engagement à contribuer au mieux à la réalisation des objectifs assignés par la direction ou à suggérer à temps les ajustements ou innovations nécessaires.

Comme on l’a montré dans (https://outilspourdiriger.fr/le-manager-leader-du-quotidien/), l’essentiel de la fonction de manager est de décider du faire (quoi, quand, comment, etc.) et de susciter le vouloir bien faire (la motivation). Et sur ces points, on sait que la décision gagne beaucoup à être aussi collective que possible et que la motivation dépend de la désirabilité du résultat, de l’espérance d’obtention du résultat et de la confiance dans le lien entre résultat et récompense, c’est-à-dire de la confiance accordée aux promesses de la direction.

On voit que l’engagement ne se décrète pas, ne s’obtient pas par acte d’autorité ni ne s’achète par récompenses financières. Chaque manager doit le construire, patiemment et humblement, par un leadership de tous les jours ; en impliquant ses managés dans la décision, en les faisant adhérer au but, en valorisant et rendant synergique leur diversité.

On comprend, dès lors, que la nomination d’un manager ne se fasse pas au hasard. On le choisit au moins autant pour ses capacités de leadership que pour ses compétences techniques. Car, en fait, la source de son pouvoir est le jugement des autres, la confiance et l’adhésion de ses managés. Ce sont eux qui donnent le pouvoir au manager, qui lui donnent la capacité d’améliorer ou de détériorer leur vie, de les agrandir ou de les amoindrir.

 

  1. La « caporalisation » et le « paradoxe » du pouvoir.

L’obtention du pouvoir produit des effets puissants sur son receveur. Ce peut être un peu de crainte de ne pas être à la hauteur mais c’est nettement plus souvent un sentiment de fierté d’avoir été choisi, de désir de réussir, de responsabilité envers ses supérieurs et de pouvoir sur ses managés.

Ses forces et son attention tendent alors être tournées vers les objectifs qui lui ont été assignés et il peut tendre à considérer comme des obstacles, voire comme des adversaires, tous ceux qui n’ont pas les mêmes priorités que lui. Il peut tendre, alors, à penser que ses désirs sont prioritaires, qu’il doit moins se soucier des besoins de ses managés et qu’il est légitime de les « forcer » à agir comme il le désire.

Comme l’ont établi plusieurs auteurs et observateurs, le pouvoir tend à corrompre. Et une étude récente conduite par des chercheurs de HEC Lausanne montre, une fois de plus, que plus un leader a de pouvoir plus il tend à changer d’attitude et à être déterminé par son intérêt, aux dépens des personnes dont il est responsable. L’étude corrige cependant cette affirmation en précisant que la « corruption » dépend également des caractéristiques du détenteur du pouvoir. (http://wp.unil.ch/hecimpact/fr/le-pouvoir-corrompt-la-testosterone-aussi/)

On peut aussi, avec D. Keltner (Berkeley) appeler cette « corruption » le « paradoxe du pouvoir » : le pouvoir est donné à une personne et cette personne peut, si elle n’y prend pas garde, tendre à se servir du pouvoir contre ses donateurs. L’écoute, l’empathie, la recherche de la collaboration et de la synergie laissent place à l’autoritarisme, voire à l’impulsivité et à l’irrespect.

On peut admettre que cette « caporalisation » soit temporaire et justifiée par l’urgence de la situation.

Elle devient « coupable » si elle dure trop longtemps et pour des raisons personnelles au manager, comme indiqué ci-dessus, car elle devient alors contre-productive pour tous :

– le manager tend à devenir plus impatient, plus irascible, plus susceptibles de jugements impulsifs, voire d’incivilité et de brutalité ;

– le rejet de l’empathie réduit chez les managés le désir de coopérer et chez le manager la capacité de repérer et de prendre en compte les signaux d’erreur, d’inertie et de résistance ;

– l’attitude autoritaire rend les managés plus stressés, plus incertains et leur donne le sentiment d’être moins utiles, les incitant à réduire nettement leur engagement.

Bref le climat social se durcit, la confiance et la collaboration déclinent, compromettant les performances de chacun et l’efficacité collective. Et la situation peut dégénérer bien plus profondément.

C’est principalement sur la base de ses compétences qu’un manager est recruté mais, souvent, c’est principalement sur la base de ses traits de personnalité qu’il est renvoyé.

 

  1. Eviter la tendance à la « caporalisation » du pouvoir.

Reconnaissons humblement que cette tendance nous guette tous (au travail et hors travail) mais qu’on peut l’éviter ou l’atténuer sensiblement par des moyens divers.

3.1. Le premier moyen est de croire authentiquement à la validité des deux principes suivants :

-En milieu de travail collectif, on ne peut pas réussir seul. De plus, le manager a pour fonction de faire faire et ne peut donc réussir que si ses managés réussissent.

-L’autoritarisme ne permet d’obtenir que l’obéissance minimale passive. La mobilisation, l’engagement des managés exigent que le projet à réaliser soit perçu comme désirable, faisable, susceptible de bénéficier de l’aide du manager, de la tolérance à l’erreur et d’une récompense équitable.

3.2. Les autres types de moyens concernent les exigences du comportement de leader dont voici trois présentations qui ne divergent que très peu.

3.2.1. D. Keltner préconise les comportements suivants :

– Etre conscient des effets du pouvoir sur son comportement et les « refouler» autant que possible.

Etre humble et empathique.

– Etre généreux et donner spontanément des ressources, du temps, du respect et du pouvoir aux autres.

– Etre respectueux ce qui revient à reconnaître la dignité, l’égalité des autres et l’estime qu’on leur porte.

– Combattre les inégalités, injustices, discriminations et tout ce qui dévalorise les autres.

3.2.2. D. Goleman, pionnier de l’«intelligence émotionnelle » ou compétence relationnelle, décrit ainsi les composantes de cette intelligence : (https://outilspourdiriger.fr/lintelligence-emotionnelle-condition-du-leadership-1/)

Composantes de la capacité de s’auto-manager :

-La conscience de soi (Self-Awareness) : savoir comment ses sentiments affectent son comportement professionnel et celui de ses managés ; avoir claire conscience de ses valeurs et de ses buts, de ses forces et ses faiblesses ; savoir reconnaître ses erreurs et demander de l’aide.

-La maîtrise de soi (Self-Regulation) : avoir le calme et la pondération qui créent un climat de confiance et d’équité réducteur de conflits.

-La motivation d’accomplissement (Motivation) : avoir le désir de faire bien, beau, vite, etc. par goût et non pour obtenir une récompense financière ou morale ou par obligation subie.

Composantes de la capacité de manager sa relation avec autrui en milieu de travail

– Empathie (Empathy) : savoir se mettre à la place d’autrui et comprendre ce qu’il ressent sans chercher à le juger ni à le consoler ni à décider à sa place ; comprendre la diversité des managés pour trouver la synergie.

– Le savoir-entraîner les autres (Social Skill) : savoir tisser des liens et donner du sens ; savoir être « prophète, instituteur et gendarme »

.2.3. V. Gauthier, HEC, auteure de « Le savoir-relier. Vers un leadership intuitif et relationnel » présente ainsi les exigences de comportement du leader relationnel.

https://outilspourdiriger.fr/leadership-batir-des-relations-et-du-sens/

Le manager doit être inclusif et créer la situation où tout membre d’un groupe de travail ressent qu’on reconnaît à la fois son besoin de singularité et son besoin d’appartenance.

Il doit alors adopter le comportement « EACH » : E comme «Empowerment » ; A comme « Accountability » C comme « Courage » ; H comme « Humility ».

-« Empowerment » (autonomisation) : donner aux managés plus de pouvoir, plus d’autonomie, plus de liberté de suggérer et d’essayer mais, aussi, plus de soutien (information, assistance).

-Accountability (responsabilité) : faire que les managés soient responsables de leurs initiatives dans un climat de confiance.

-Courage : être clair sur ce que l’on veut et ce que l’on pense et authentique dans son comportement.

-Humility : avoir l’attitude qui résulte de la pensée qu’on peut faire des erreurs pourvu qu’on les répare ; qu’on peut apprendre des autres ; qu’il s’agit de résoudre en commun des problèmes et non d’entrer en concurrence lors de cette résolution.

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan.1/04/2019