La méthode Chaire ESSEC du changement
Dans un article d’octobre dernier, on a commencé à explorer les conditions à remplir pour faire adopter le changement dans l’entreprise (
https://outilspourdiriger.fr/faire-adopter-le-changement/)
On sait que la nécessité de s’adapter à son environnement, donc de changer, est inéluctable aujourd’hui mais que la
mise en œuvre du changement est toujours difficile, les
obstacles principaux étant toujours
humains.
Pour toute personne, comme pour toute entreprise, le changement de l’environnement représente un ensemble de
menaces et d’
opportunités. La nécessité de changer provoque de l’incertitude et de l’angoisse chez tous, mais chacun peut considérer le changement à réaliser comme une
aventure passionnante ou comme une
punition douloureuse selon les jugements qu’il porte sur la
désirabilité du changement, sa capacité de
réussir le changement, son espérance de trouver l’
aide nécessaire, une évaluation
compréhensive de ses résultats, un partage
équitable des « récompenses ».
La résistance au changement peut provenir des « opposants de principe », des « partants de l’entreprise», des tenants de l’engagement minimum, mais les sources principales sont les suivantes :
– la
peur de l’insécurité ; celle que vont tendre à éprouver ceux qui ne savent pas ce qui va se passer lors du changement et craignent les effets négatifs éventuels sur eux ;
–
la colère de la certitude ; celle que vont éprouver ceux qui savent ce qui va se passer et savent qu’il y aura des effets négatifs pour eux ou pensent qu’il faut faire autrement.
On sait que ces résistances ne sont pas toutes irréductibles et qu’une équipe de dirigeants compétents peut parvenir à faire adopter le changement par le plus grand nombre en convaincant que le projet :
-va satisfaire les intérêts de l’entreprise et ceux de chacun de ses collaborateurs (rôle de «
prophète ») ;
-va apporter à chacun l’aide nécessaire à la mise en œuvre (rôle « d’
instituteur ») ;
-va éviter à l’entreprise et à chaque collaborateur les risques de la « faillite » (rôle de «
gendarme ») ;
Les méthodes générales à mettre en œuvre pour obtenir du plus grand nombre de collaborateurs l’adhésion nécessaire et l’engagement réel dans la réalisation du plan de changement ont été présentées dans l’article précédent.
Cet article-ci, inspiré du mooc Coursera «
Réussir le changement » donné par la chaire ESSEC du Changement, vient détailler et préciser la méthodologie de la conduite du changement que tout dirigeant doit connaître.
On présentera la méthodologie de la préparation avant celle de la conduite du changement.
- La méthodologie de la préparation du changement.
Tout changement exige définition et programmation mais, surtout, entraîne des
risques techniques et financiers, des risques de résistance sociale, des
impacts sur différents aspects de l’organisation de l’entreprise. Une anticipation précise de ces points est une incontestable condition du succès.
-Les
changements à introduire doivent être classés selon leur niveau d’importance et le moment de leur réalisation et on peut retenir ces deux axes pour faire une visualisation ou cartographie.
-Les
risques sont à classer selon le type (technique, commercial, organisationnel, climat social, etc.), le degré de gravité et le degré de probabilité.
La cartographie des
acteurs est particulièrement importante et peut être construite selon les schémas suivants : niveau de risque/niveau d’importance des acteurs ou niveau d’implication-/type de perception:
On peut ainsi repérer les populations à risque (zone à risques) et les populations relais (ex. Directeurs et correspondants web) sur lesquelles s’appuyer ; ou les avocats (soutiens publics), les relais, les opposants, les détracteurs (critiques informels), les déchirés (très impliqués mais avis négatif), les passifs, etc.
-Les impacts sur le
système culturel peuvent conduire à examiner chacune des composantes retenues dans le graphique ci-dessous :
Les
mythes sont les événements et personnes, réels et/ou légendaires, qui ont marqué la vie de l’entreprise et qui servent de références communes.
Les
rites sont les pratiques de relations internes à l’entreprise et les pratiques de célébrations.
Les
symboles sont les signes, les personnes ou les événements qui caractérisent l’entreprise.
Les
routines sont les manières de faire habituelles, souvent informelles en matière de travail personnel et d’interaction avec les autres.
Le système de
pouvoir et de contrôle concerne l’organisation et l’exercice du pouvoir formel mais aussi informel ainsi que les objectifs et indicateurs de résultats.
La
structure organisationnelle concerne le mode de « départementalisation » des pouvoirs, objectifs, ressources, activités, etc. (organisation géographique, par produit, etc.)
-Les impacts sur
l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise conduit à définir les aspects à observer dont le schéma suivant donne une idée. On peut chercher à évaluer de 1 à 5 le niveau d’impact sur chaque aspects et faire une représentation graphique comme ci-dessous.
On peut aussi écrire le fonctionnement actuel (qui fait quoi, quels buts, quels moyens, quelles règles, etc.) puis formaliser le fonctionnement nécessité par le changement et isoler les changements à réaliser.
L’objectif de tous ces travaux est de bien repérer les
obstacles au changement afin de choisir et préparer les
leviers adéquats à mettre en œuvre pour réussir.
Et on sait maintenant que ce diagnostic doit être construit aussi
collectivement que possible si on veut s’assurer de sa qualité et préparer l’adhésion à la mise en œuvre.
- La mise en œuvre du changement.
On présentera des modèles de plan de changement, les outils principaux de la mise en œuvre et le rôle majeur du manager.
2.1. Les grands modèles de plan de changement.
On trouvera dans « Faire adopter le changement.1 » un plan en quatre étapes proposé par des professeurs de la Harvard Business School (HBS).
On peut aussi s’inspirer du plan en 8 étapes suivant proposé par un autre professeur de la HBS, J. Kotter :
–
Préparer le changement en créant un sentiment d’urgence et une coalition pour changer ; sentiment d’urgence fondé, par exemple, sur des échecs ou des menaces ; coalition des personnes et de groupes soutenant le projet de changement.
–
Engager le changement en faisant connaître et partager une vision du changement ambitieuse mais séduisante et réaliste, atteignable.
–
Réaliser le changement en levant aussi rapidement que possibles les obstacles divers à la mise en œuvre et en obtenant et valorisant quelques « victoires rapides » encourageantes pour tous.
–
Ancrer le changement en soutenant les nouveaux comportements, en « corrigeant » les déviances, en montrant l’impact favorable sur les résultats, sur le climat de l’entreprise, sur les collaborateurs concernés.
2.2. Les outils de la mise en œuvre du changement.
Présentons les 5 principaux outils : communication, formation, accompagnement, ateliers participatifs et pilotage.
2.2.1. Le plan de de communication
C’est le premier outil de la conduite du changement, levier qui sera compété, si nécessaire, par des actions de formation et des actions d’accompagnement.
On connaît les
limites de la communication : la probabilité de toucher les destinataires est toujours faible même s’ils sont ciblés ; est faible également la certitude qu’est bien verbalisé et surtout bien compris ce que l’on veut dire ; l’impact du message est largement dépendant de l’image de l’émetteur aux yeux du destinataire.
Dès lors, les
choix les plus importants sont les suivants ;
–
Qui, personne ou groupe de personnes, va incarner la communication ? Qui est à même de vérifier la validité du message et de lui donner le maximum de crédibilité auprès des personnes concernées ? Le leadership n’est pas seulement affaire de statut ou de compétence technique.
–
Quel mix de communication entre diffusion « officielle » centralisée, descendante, sans feedback, et diffusion informelle s’appuyant sur les groupes et réseaux internes.
Ici, les coûts et le nombre de destinataires importent mais aussi le caractère plus ou moins menaçant du changement et le moment du processus (annonce, mise en œuvre, premiers résultats, etc.).
2.2.2. Plan de formation et d’accompagnement
Ces leviers complémentaires seront, généralement, d’autant plus nécessaires que le changement consiste en l’introduction d’une innovation technique.
En matière de formation, les
choix doivent concerner les points bien connus suivants :
-Quels besoins et objectifs de formation ; qui doit être formé, à quoi et pour réussir quoi ?
-Quels contenus, modules de formation, modalités de la formation (groupe, lieu, formes) ?
-Quels animateurs : intérieurs ou extérieurs ? L’idéal est de former des collaborateurs choisis qui, ensuite, seront les formateurs sur le terrain pendant la réalisation du changement.
-Quelles modalités d’évaluation de formations ?
On sait que les
modalités de formations se sont beaucoup diversifiées et
personnalisées (mooc, e.learling, etc.)
En matière d’accompagnement, les choix concernent les personnes qui en ont besoin pour apprendre à travailler autrement et le type de tuteur pertinent.
2.2.3. Ateliers participatifs
Connaissant les limites de l’information et des instructions descendantes, on tend à recourir davantage aux ateliers permettant à des participants d’échanger entre eux sur leurs problèmes communs, voire d’expérimenter.
Ces temps d’échanges entre personnes concernées par le changement, généralement placés sous la direction d’un animateur, peuvent se centrer sur la formation mais servent surtout à la co-conception et la co-évaluation du changement. On peut ainsi leur attribuer les objectifs suivants :
-Faire exprimer les
avis sur le changement projeté ; témoigner et discuter des réticences, objections, rejet ; proposer des amendements, etc.
-Faire explorer la gamme des variantes possibles au type de changement projeté.
-Faire explorer et éventuellement
choisir partie des
modalités de réalisation du changement.
-Faire explorer et
décider qui fait quoi, comment, quand et avec quelles obligations et évaluation.
L’idéal est de faire en sorte que les participants aux premiers ateliers puissent animer les ateliers suivants ouverts, par exemple, à leurs collaborateurs.
2.2.4. L’évaluation et le pilotage des actions de changement.
Pour suivre et éventuellement corriger la trajectoire du projet de changement, pour en mesurer les effets, des outils de mesure sont nécessaires. On peut suivre les résultats de l’activité concernée et les rapporter au budget alloué. Mais on doit pouvoir aussi les rapprocher des actions de changement et suivre l’efficacité de ces dernières.
C’est l’objet du modèle
ICAP (I= information, C= compréhension, A=adhésion, P= participation).
Il conduit à mesurer par questionnaire auprès d’une population concernée comment évoluent les
taux d’information, de compréhension, d’adhésion et de participation : taux de personnes bien informées sur le projet (finalités, modalités, etc.) ; taux de personnes comprenant bien le projet (enjeux, implications, etc.) ; taux de personnes adhérant au changement (ou pensant qu’il en vaut la peine) ; taux de personnes participant au changement (aux réunions, formations, actions etc.). On peut faire cette mesure pour tout ou partie de la population concernée et, ainsi, repérer rapidement où une action correctrice est indispensable.
2.3. Le manager acteur principal du changement
Piloter le changement est devenue une
dimension majeure de la fonction de manager ; c’est le manager qui introduit le projet de changement dans son équipe, qui en pilote la mise œuvre et qui veille à son ancrage dans la pratique quotidienne ; son implication, son exemplarité et sa capacité de leadership sont les conditions du succès.
Introduction du projet de changement
Que la direction ait complétement défini le projet ou, mieux, qu’elle ait laissées ouvertes quelques options, c’est au manager de présenter le projet à son équipe, de le justifier, de repérer les résistances et de rechercher la plus grande adhésion ; éventuellement de collecter et de faire remonter des suggestions.
C’est à lui de faire apparaître la
désirabilité du futur visé, d’
apaiser les craintes d’échouer, de
rassurer sur l’évaluation des hommes et le partage des « récompenses », lors de ses messages à tous ou lors des ateliers participatifs.
Pilotage de la mise en œuvre.
Les questionnaires ICAP seront sans doute administrés par des membres de la fonction RH, mais le manager ne peut manquer de
surveiller constamment et les résultats de son service et les facteurs déterminants que sont les taux d’ICAP et le climat social ; et de compléter son action dans ces domaines.
Ancrage du changement.
Transformer le changement en « routine » demande du temps, des essais et erreurs, des réunions de mise au point, de la formation et de l’accompagnement, éventuellement des sanctions, etc.
Et personne d’autre que le manager ne peut être mieux placé pour observer et intervenir.
NB : Pour compléter cet article, on peut lire les suivants dans
https://outilspourdiriger.fr/entreprendre/management/ :
Le manager-leader du quotidien – Obtenir le « oui » recherché ! – Réussir sa négociation – Partager sa vision avec ses collaborateurs
Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 13/04/2017
>
D'autres articles pourraient vous intéresser dans les thèmes suivants : aide, ateliers participatifs, aventure, cartographie des acteurs, changement, désirabilité du changement, ESSEC, ICAP, impacts du changement, manager pour changement, menaces, mettre en œuvre changement, modèles de plan de changement, opportunités, pilotage du changement, plan d’accompagnement, plan de communication, plan de formation, préparer changement, punition, résistances au changement, risques du changement, système culturel