Tout candidat à la création d’une entreprise part d’une « idée » de l’entreprise à créer, d’une vision de l’offre à proposer et de l’organisation interne à mettre en place. Condition indispensable du projet de création, cette première vision ne constitue cependant qu’un faisceau d’hypothèses et d’espoirs qu’il faut tester pour savoir s’il s’agit bien d’une réelle opportunité ; si l’offre correspond à une attente et si le couplage de l’offre et de la structure interne peut assurer de bonnes chances de viabilité et de croissance. On peut procéder à ces vérifications et validations de façons diverses mais la méthode à la fois la plus simple, la plus complète et la plus féconde est de recourir aux outils développés à ce jour par A.Osterwalder,Y.Pigneur et leurs collègues : -le générateur de modèles d’affaires (« Business Model Generation ») http://businessmodelgeneration.com/downloads/businessmodelgeneration_preview.pdf -le générateur d’offres (« Value-proposition-design ») https://strategyzer.com/value-proposition-design On fera un rappel rapide sur le premier outil avant de présenter le deuxième de façon détaillée. 1. Les outils. 1.1. Le générateur de modèles d’affaires (« Business Model Generation »)
Source « (http://fr.slideshare.net/coachdavender/le-canevas-de-modele-daffaires
Le contenu et la méthode d’utilisation de ce générateur ayant déjà fait, ici, l’objet de plusieurs articles (« Le canevas de modèle d’entreprise », «Comment construire une start-up », «Outils pour entrepreneurs de startup. 2 ») nous ne reprendrons que l’essentiel. Le schéma décrit bien l’entreprise comme processus physique et processus financier : -l’entreprise est un « transformateur » d’entrées provenant de partenaires extérieurs en sorties destinées à des clients, après transformation par des activités utilisant des ressources internes; -c’est, aussi, un flux de revenus générés par les ventes « face » à un flux de coûts générés par les entrées et les activités. Le « puzzle-entreprise» est bien constitué de deux ensembles de « pièces » inter reliées : -flux de revenu résultant d’une offre à un segment de clients, des relations qui sont établies avec les clients et du recours à des canaux de distribution ; -flux de coûts résultant des fournitures reçues, des ressources humaines et techniques mobilisées et des activités exercées. Mais le générateur n’est pas seulement une description, c’est, en fait, un « modèle » de l’entreprise, une représentation simplifiée composée de variables déterminantes et de variables déterminées, d’actions à entreprendre et de résultats à espérer. Son intérêt majeur est de servir de guide à tout constructeur de projet de création en l’obligeant à s’interroger sur les choix possibles de chaque variable et sur la cohérence de ses choix. Il indique clairement les étapes à suivre et les itérations éventuelles à faire. -Quel ensemble « commercialisation-offre » ; c’est-à-dire : quelle offre pour quel segment de marché ; quels canaux de distribution ; quel type de relations avec les clients et prospects ; quels flux de revenus espérer ainsi ; quelles modifications des choix précédents faire éventuellement (itérations) pour améliorer le flux de revenus ? -Quel ensemble «fournisseurs-production-offre» ; c’est-à-dire : quelles ressources clés, activités clés, partenaires clés nécessaires ; quels coûts résultants de ce dernier ensemble de choix ; quelles modifications introduire pour réduire les coûts ? -Quelles faisabilités, validité et rentabilité du modèle retenu. 1.2. Le générateur d’offres (« Value-proposition-design ») Chacun des éléments du modèle d’entreprise doit être défini mais il est clair que l’élément le plus important est l’offre (« proposition de valeur »), plus exactement l’accueil qui lui est réservé par les prospects visés. C’est le fondement de l’idée initiale, de la première vision, de la motivation du créateur, de la raison d’être de la création et le facteur déterminant du succès ou de l’échec final. C’est dire avec quel soin il importe de s’assurer qu’elle est bien définie et le générateur d’offres (« Value-proposition-design ») s’impose, ici, comme la méthode à la fois la plus simple, la plus complète et la plus féconde. Le schéma ci-dessous présente l’ensemble de la démarche : les études, les vérifications et les éventuelles modifications à opérer pour construire une offre ajustée au marché. La démarche générale ne peut être que classique mais chaque étape est présentée de façon originale, complète et opérationnelle. 2. Les étapes de la construction de l’offre 2.1. Le profil des prospects du segment visé La méthode distingue à juste titre les 3 aspects principaux du profil des prospects-cibles : le « job » qu’il a à faire, les « pains » qu’il éprouve à le faire et les « gains » qu’il vise en choisissant une offre. 2.1.1. Le « job ». Une offre est généralement conçue pour un segment de marché, un ensemble de prospects censés avoir le même type de problème à résoudre dans une situation donnée; c’est ce qui est ici appelé « job » ; ce que le prospect essaie de faire dans son travail ou dans sa vie privée; les tâches qu’il souhaite effectuer et réussir, les problèmes qu’il essaie de résoudre ou les besoins qu’ils essaient de satisfaire. Ses dimensions. On notera attentivement que tout « job » comporte 3 dimensions et des activités auxiliaires : -une dimension fonctionnelle : réussir une tâche, résoudre un problème, satisfaire un besoin, etc. ; -une dimension sociale : soigner l’image de soi qu’on donne aux autres ; -une dimension affective = tenir compte des sentiments qu’on éprouve : se sentir bien ou fier ou en paix ou en sécurité, etc. ; -les activités auxiliaires nécessaires ; préparation du choix de l’offre (étude, commande réception de l’achat) ; activités de post-achat (réparer, jeter, revendre, etc.) ; de plus en plus, activités de co-création de l’offre (avis, conseils, demandes à l’offreur, etc.). Son degré d’importance. On doit évaluer l’importance que le prospect moyen accorde au « job » concerné dans l’ensemble des jobs qu’il a à faire mais aussi tenter de voir comment se « disperse » cette importance pour isoler le « cœur de cible » du reste du segment. 2.1.2. Les « pains » Ce sont les résultats non désirés, les obstacles et les risques qui affectent la réalisation du « job » ainsi que les activités auxiliaires (avant, après-job et co-création) : -les résultats non désirés sur chacune des dimensions du job, fonctionnelle, sociale, émotionnelle, ainsi que sur le plan des activités auxiliaires ; -les obstacles qui empêchent le démarrage du job ou en ralentissent la réalisation ; -les risques, résultats indésirables potentiels ou conséquences négatives de la réalisation du job. Il est sûr que l’indentification de ces « pains » doit être la plus concrète et l’estimation de la gravité de chacune la plus fine si on veut vérifier ou faire en sorte que l’offre propose les « réducteurs de pains » les plus pertinents. Voici les axes principaux du questionnement des prospects visés : -Quelles sont les principales difficultés, préoccupations, inquiétudes rencontrées par le prospect? -Quelles sont les principales faiblesses de la solution actuellement pratiquée par le prospect, les manques principaux à combler et les forces et faiblesses des principales autres offres disponibles ? -Quels sont les types de raisons qui incitent à adopter une offre nouvelle ? -Quels sont les types d’obstacles et de risques qui dissuadent d’adopter une offre nouvelle ? 2.1.3. Les « gains ». Ce sont les résultats nécessaires ou attendus ainsi que les éventuels avantages que procure l’offre retenue sur chacune des dimensions du job, fonctionnelle, sociale, émotionnelle, ainsi que sur les activités auxiliaires : -les « gains » nécessaires que doit fournir toute solution technique qui fonctionne normalement ; -les « gains » qui sont attendus ou désirés sur les dimensions non techniques de l’offre, sur les activités auxiliaires, éventuellement sur la compatibilité avec l’équipement préexistant ; -les « gains » inattendus mais importants procurés par une offre innovante. Ici aussi l’indentification de ces « gains » nécessaires et attendus ou pas doit être la plus concrète et l’estimation du degré d’attente de chacun la plus fine si on veut vérifier ou faire en sorte que l’offre propose les « créateurs de gains » les plus pertinents. Voici les axes principaux du questionnement des prospects visés : -Quel est l’écart entre les niveaux actuels de performance, de qualité, etc. et les niveaux nécessaires ou souhaités et quels en sont les facteurs principaux ? -Quels sont les principaux avantages recherchés : économie de ressources (lesquelles ?), économie de coûts (de possession, de fonctionnement, etc.?) ; accroissement de productivité, de services, de sécurité, de plasticité ? -En quoi et pourquoi une offre ayant telles caractéristiques (celles de l’offreur) serait attrayante ? -Quelle modification des caractéristiques (attributs de l’offre) rendrait une telle offre plus attrayante et pourquoi ? Ainsi, il est indispensable de savoir quelle importance les prospects visés accordent au « job », quelles hiérarchies ils établissent entre les « pains » qu’ils rencontrent et entre les « gains » qu’ils attendent d’une offre nouvelle. Cela demande du temps et entraine des coûts ; on peut partir d’hypothèses mais on ne peut éviter les rencontres de vérification. 2.2. L’offre et son ajustement. 2.2.1. Des produits et services « réducteurs de pains » et/ou « créateurs de gains » L’offre doit se composer de produits et services permettant aux prospects visés de réaliser le « job » défini, à leur satisfaction sur les dimensions les plus importantes à leurs yeux. Ils doivent donc être « réducteurs de pains » et/ou « créateurs de gains » à des degrés pertinents : -« réducteurs de pains »: s’ils éliminent ou réduisent les « pains » les plus importants aux yeux des prospects, tels qu’ils ont été identifiés précédemment ; -« créateurs de gains » : s’ils produisent les résultats et avantages exigés ou attendus ou pas les plus importants pour les prospects, tels qu’ils ont été identifiés précédemment. 2.2.2. L’ajustement Sur le plan commercial, il n’est vérifié que lorsque les prospects deviennent des clients et des prescripteurs mais ce n’est pas le seul ajustement nécessaire ni le principal. Il se construit progressivement, souvent de façon itérative, et en 3 étapes : -Lors de la phase de préparation (« Problème-Solution Fit ») Si l’étude préparatoire permet d’identifier assez clairement les jobs, les « pains » et les « gains » principaux des prospects visés et que le créateur pense disposer des capacités diverses nécessaires, il est alors possible de définir une palette d’offres plus ou moins pertinentes. Un ou plusieurs ajustements sont possibles mais vérifiés uniquement sur le papier… si on n’a eu aucun recours à la « co-création » d’un prospect-partenaire ou à des bans d’essais de prototypes. – Lors de la mise sur le marché (« Product-Market Fit ») C’est le vrai test de la pertinence commerciale de l’offre. L’ajustement peut être immédiatement parfait et le succès foudroyant mais, quasi inévitablement, apparaitrons les désajustements à corriger, provenant généralement d’erreurs opérées sur les hiérarchies des « pains » et des « gains ». Un deuxième type d’ajustement est alors nécessaire et on peut d’ores et déjà noter que toute entreprise est contrainte à un ajustement commercial permanent de son offre. -Lors de la construction du modèle d’affaire, puis du suivi des résultats financiers. L’ajustement commercial, même parfait, n’assure pas nécessairement la survie et la croissance de l’entreprise. L’offre (proposition de valeur) n’est qu’une pièce de l’édifice ; les autres pièces doivent soutenir son développement mais le total des recettes doit couvrir le total des charges encourus et dégager l’autofinancement du futur. Offrir de la valeur aux clients dans la durée exige que l’entreprise soit viable et rentable à l’échéance la plus proche possible.Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan.12/11/2014
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