La culture d’entreprise.
La culture d’entreprise, c’est l’ensemble des manières prédominantes de penser, de ressentir et d’agir dans une entreprise ; ensemble qui résulte de l’histoire de l’entreprise, qui se traduit par des valeurs et des normes, qui s’alimente par des symboles et des mythes, qui se transmet par formation et qui se modifie pour faire face aux problèmes.
Un expert américain, E. Schein, la définit plus précisément comme un ensemble de croyances de base qu’un groupe de dirigeants a acquis en faisant face aux problèmes d’adaptation externe et d’intégration interne ; ensemble qu’il considère comme la manière juste de percevoir et de résoudre les problèmes et comme devant être enseignés aux nouveaux collaborateurs.
Au fond, la culture d’une entreprise, c’est son actuelle boîte à outils de concepts et de principes de gestion, de critères de sélection ou d’évaluation des manières de penser, de ressentir et d’agir.
Comme toute organisation, l’entreprise a besoin d’une culture, aussi explicite et aussi largement adoptée que possible, pour réaliser ses trois objectifs fondamentaux :
-affirmer sa spécificité aux yeux de l’extérieur (clients, fournisseurs, prescripteurs, concurrents, etc.) ;
-assurer sa cohésion interne en faisant en sorte que son personnel se sente membre d’une même entreprise et contribue aussi pleinement que possible à son succès ;
-assurer la plus grande part de la coordination de ses activités de façon informelle.
Voyons d’abord quels sont les indicateurs de la culture d’une entreprise, culture « officielle » et culture « officieuse ». Nous verrons ensuite quels types de culture sont révélés par les types d’organisation observables. Dans un prochain article, nous tenterons de faire le point sur les outils de mesure de la culture de l’entreprise.
- Les indicateurs de la culture.
On distinguera la culture affichée par l’entreprise ou culture « officielle », de la culture des membres de l’entreprise (culture officieuse, souterraine, voire contre-culture).
1.1. Les valeurs et normes affichées.
Ce sont les références définies par la direction pour guider les activités ; les concepts et croyances qui doivent servir de critères de sélection ou d’évaluation des manières de penser, de ressentir et d’agir.
Elles ont été choisies au cours du temps et traduisent la vision en cours du futur désiré de l’entreprise : vision externe (la mission et les objectifs principaux) et vision interne (type d’organisation retenu, moyens humains, techniques et informationnels, règles, normes, procédures de réalisation des tâches, coordinations entre les tâches, relations avec les acteurs externes, répartition des pouvoirs et des rôles, le système de sanction et de rémunération, etc.).
Généralement, les valeurs sont affichées dans des textes et diffusées à l’extérieur comme à l’intérieur de l’entreprise ; ce sont les valeurs déclarées ; elles sont aussi suggérées dans l’histoire de l’entreprise ou des héros ; elles deviennent opérationnelles dans les normes ou procédures de gestion.
Voici quelques exemples de valeurs déclarées : (source : C.Voynnet-Fourboul)
Notre ambition :
-Être une société d’hommes et de femmes fiers de leur entreprise sur le plan professionnel et humain et qui trouvent dans leur travail un développement personnel à la mesure de leur engagement.
-Constituer un groupe mondial leader dans les sciences de la vie et la chimie et figurer parmi les meilleurs dans chacun de nos métiers.
Nos valeurs
-Respect des personnes. Nos actes et comportements doivent respecter les personnes, leur diversité et les cultures de leur pays.
-Performance. La performance individuelle et collective est la condition de notre pérennité et de notre développement. Chacun d’entre nous a le devoir d’y contribuer, par son professionnalisme et son engagement.
Nos principes de management
-Privilégier le client notre raison d’être : être en permanence à son écoute, anticiper ses besoins, et y répondre, etc.
-Favoriser le développement des personnes. Chaque manager doit favoriser le développement des compétences de ses collaborateurs et leur évolution de carrière. Il doit établir un climat de confiance et de franchise et encourager le dialogue.
-Stimuler l’esprit d’entreprendre. L’organisation et le style de management doivent, à chaque niveau, favoriser les initiatives individuelles et collectives et encourager l’innovation dans tous les domaines.
1.2. Les symboles valorisés : mythes, héros, rites, etc.
Ils rappellent l’histoire de l’entreprise et célèbrent périodiquement ses plus grands succès et dirigeants, construisant l’héritage collectif à partager et donnant les plus grands exemples à suivre : les fondateurs, les acteurs des changements majeurs, les évolutions majeures en matière de production ou de management, etc. Des symboles sont choisis pour représenter ces événements et valeurs, en particulier des logotypes ; et des rites sont pratiqués pour accueillir les nouveaux, célébrer les anniversaires, promotions ou succès, etc.
Voici un schéma qui présente de façon synthétique les composantes de la culture officielle de l’entreprise.
L’ensemble de ces composantes constitue le paradigme de l’entreprise, les valeurs et méthodes retenues pour percevoir, analyser et résoudre les problèmes que pose le développement d’une entreprise.
Source : https://www.e-marketing.fr/Thematique/academie-1078/fiche-outils-10154/
1.3. Les indicateurs de la culture « officieuse »
Ils ne peuvent être observés qu’au travers des comportements réels des membres de l’entreprise.
On entre dans une entreprise avec sa propre culture, ses manières personnelles de penser, de ressentir et d’agir. Ces manières peuvent être ou devenir rapidement totalement compatibles avec la culture officielle de l’entreprise mais elles peuvent aussi être ou devenir divergentes, voire opposées.
La culture d’une entreprise n’est pas celle d’une secte ; elle connaît un degré parfois important de diversité, ce qui peut être considéré comme un obstacle ou une chance ; elle connaît aussi des conflits ouverts.
Selon un chercheur hollandais (G. Hofstede), les différences de cultures entre les personnes résultent de facteurs personnels divers mais aussi de choix plus ou moins conscients sur les six dimensions culturelles suivantes :
– attitude à l’égard du pouvoir dans l’entreprise : exigence d’égalité contre tolérance à l’inégalité ;
– attitude à l’égard de la réussite et de la récompense : individualisme contre collectivisme (groupe) ;
– attitude face à l’incertitude et d’ambiguïté : évitement contre acceptation ;
– attitudes en matières de « masculinité » (stéréotypes : assurance, ambition, pouvoir, etc.) contre stéréotypes de valeurs féminines ;
– attitude à l’égard du temps : orientation court terme ou long terme tournée vers le futur ;
– attitudes en matière de satisfaction des besoins : exigence de satisfaction immédiate ou modération.
- Typologies des cultures d’entreprises.
On peut aussi percevoir la culture d’une entreprise au travers du mode d’organisation de son activité.
Les typologies des modèles organisationnels sont, ici, des outils très utiles. Mais des typologies de culture ont aussi été tentées.
2.1. Les quatre types de modèles de fonctionnement et de cultures de C. Handy.
- Handy (London Business School), propose quatre modèles types à qui il donne des noms de dieux grecs.
-Le modèle Zeus où le détenteur du pouvoir exerce son autorité charismatique directement sur chaque membre de son réseau de collaborateurs.
-Le modèle Apollon où la bureaucratie domine ; tout fonctionne sur la base d’un système hiérarchique de pouvoirs, de règles et de procédures.
-Le modèle Athéna où ce sont les projets qui sont centraux ; l’expertise est valorisée, la décision décentralisée, les groupes de travail interdisciplinaires, etc.
-Le modèle Dionysos où l’expert est le point central et où l’organisation est mise à son service.
On reconnaît, ici, quelques modèles « purs » de fonctionnement et on pourrait en déduire le type correspondant de culture En réalité, une entreprise est le plus souvent une combinaison de ces modèles et, par exemple, peut mettre en œuvre un modèle différent selon le service concerné (R et D ou production).
2.2. Les 5 configurations organisationnelles de H. Mintzberg.
Cet universitaire canadien très connu observe que toute entreprise est composée de 5 types d’acteur et que 5 modes de coordination des activités sont possibles. Sur cette base, il définit 5 configurations organisationnelles, chacune étant caractérisée par la combinaison d’un type d’acteur dominant et d’un mode principal de coordination ;
Les cinq types d’acteurs sont les suivants
– la direction générale, l’équipe de direction (« sommet stratégique »)
– l’ensemble des cadres et agents de maîtrise (« ligne hiérarchique »)
– les acteurs de la production (« centre opérationnel »)
– les acteurs des méthodes, ordonnancements, R et D, etc. (« technostructure »)
– les acteurs support des autres acteurs (« fonctionnels de support »)
Les cinq modes de coordination sont les suivants
– la coordination par les ordres directs du responsable à ses subordonnés (supervision directe) ;
– la coordination par la définition des postes ou des manuels de procédures (standardisation des tâches) ;
– la coordination par le fait que chacun sait ce qu’il peut attendre des autres (standardisation des compétences ;
– la coordination par le résultat que chacun doit réaliser (la standardisation des résultats) ;
– la coordination par ajustement mutuel direct dans un environnement complexe et incertain.
Les 5 configurations organisationnelles sont les suivantes
-la structure simple : l’acteur clé est la direction et le mode principal de coordination les ordres directs.
L’exemple type est la petite entreprise ;
-la bureaucratie mécaniste : l’acteur principal est la « technostructure » et le mode de coordination principal est la standardisation des tâches. C’est souvent la culture des entreprises industrielles classiques exerçant des activités répétitives.
-la bureaucratie professionnelle : l’acteur clé est alors le « centre opérationnel » et la coordination repose sur la standardisation des compétences. C’est la culture d’entreprises comportant des professionnels hautement qualifiés.
-la forme divisionnaire : l’acteur clé de l’organisation est la « ligne hiérarchique » et la coordination repose sur la standardisation des résultats. C’est la culture des grandes entreprises à activités multiples.
–l’adhocratie (mot venant de « ad hoc » = ajusté à la situation, au projet) : les acteurs clés sont le « centre opérationnel » et les « fonctionnels de support » et le mode de coordination est l’ajustement mutuel.
C’est la culture des entreprises flexibles, adaptables selon les besoins et les contraintes et situées dans un environnement dynamique.
Ici aussi, i s’agit de modèles « purs » la réalité observable montrant généralement des combinaisons.
2.3. Les quatre modèles de culture d’entreprise de K. Cameron et R. Quinn
Ces chercheurs américains considèrent que les valeurs culturelles principales d’une entreprise s’opposent suivant deux axes :
-l’axe de la valeur principale qui oppose le bien-être des personnes à la performance de l‘entreprise ;
-l’axe de la structure d’organisation qui oppose la stabilité-contrôle à la flexibilité-innovation.
Les quatre quadrants définissent alors les quatre modèles de culture d’entreprise ci-dessous
Source : : C.Voynnet-Fourboul
-La culture du clan ou modèle des relations humaines. Elle privilégie la dimension interne (travail d’équipe, participation et consensus) pour le bien-être de ses membres et la flexibilité pour gérer l’environnement.
-la culture adhocratique (venant de « ad hoc » ajusté à la situation, au projet) ou modèle des systèmes ouverts ;
Elle se centre principalement sur les problèmes externes et sur la flexibilité pour gérer son environnement ; ses valeurs clés sont la créativité et le risque et les organigrammes sont temporaires ou inexistants.
-la culture du marché ou modèle des objectifs rationnels ;
Elle se centre aussi principalement sur les problèmes externes mais valorise la stabilité et le contrôle.
-la culture bureaucratique ou modèle des procédures internes.
Elle met davantage l’accent sur les problèmes internes et valorise la tradition, la cohérence, la coopération et la conformité. C’est la culture traditionnelle du commandement et du contrôle.
Ici aussi, il s’agit de modèles-type et, en réalité, une entreprise peut combiner plusieurs modèles.
Par ailleurs, elle peut faire évoluer sa culture dominante et passer d’un cadran à l’autre comme le montre le schéma ci-dessous concernant Apple.
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http://voynnetf.fr/wp-content/uploads/2013/12/03cculturedentreprisee1.pdf
2.4. Les quatre modèles de culture d’entreprise de F. Trompenaars et C. Hampden-Turner
Ces chercheurs et consultants néerlandais affirment que les cultures se différencient selon les 7 dimensions suivantes :
-universalisme / particularisme : priorité aux règles ou aux circonstances ?
-individualisme / collectivisme : importance de l’individu ou du groupe ?
-rationalité / émotivité : importance du contrôle ou de l’affichage des émotions ?
-engagement limité / complet : importance de l’engagement dans le seul travail ou dans l’entreprise ?
-statut attribué / statut acquis : importance du statut qu’on a ou de ce qu’on réalise ?
-orientation temporelle : importance de faire une chose à la fois ou plusieurs en même temps ?
-attribution du résultat à soi ou à des facteurs extérieurs ; c’est ma faute ou c’est à cause de X ?
Les choix principaux opérés sur ces dimensions culturelles conduisent à définir les 4 modèles suivants sur la base du croisement des deux axes suivants :
-axe vertical = pouvoir égalitaire contre hiérarchique ; c’est-à-dire pouvoir décentralisé contre centralisé ;
-axe horizontal = importance de la personne et des relations informelles contre la tâche et les relations formelles.
https://www.ocai-online.com/blog/2017/Trompenaars-Culture-Model?page=2
Culture « incubatrice (culture égalitaire et centrée sur la personne) : orientée vers la réalisation.
-Culture missile guidé (culture égalitaire et centrée sur la tâche) : orientée vers le projet.
-Culture familiale (culture hiérarchique et centrée sur la personne) : orientée vers le pouvoir.
-Culture tour Eiffel (culture hiérarchique et centrée sur la tâche) : orientée sur le rôle et le statut.
Pour creuser les notions de culture et de valeur voir l’article : https://outilspourdiriger.fr/culture-et-valeur/
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 20/05/2019