(Source: Coursera “Customer Insights: New Product Development Orientation”. W. Qualls University of Illinois.)
Créer une offre nouvelle désirable, un produit nouveau désirable, peut être le fait d’un créateur d’entreprise ou d’une entreprise existante.
Dans l’un comme l’autre cas, nous admettrons que l’acteur a une idée, une intuition de l’offre à créer, ce qui est généralement le cas, et qu’il a l’intention, la volonté de créer une offre désirable et durable.
Son comportement devrait alors, clairement, être guidé par les graphiques ci-dessous :
(Source : New Product Development Orientation”) (Source : Cabinet IDEO)
Pour réussir, son offre doit satisfaire trois catégories de contraintes et se situer au plus près du « lieu de recouvrement » de ces contraintes ou critères : la désirabilité de l’offre, sa faisabilité technique et sa viabilité économique dans le temps.
La désirabilité étant la contrainte dominante, cet article y sera prioritairement consacré.
On examinera, d’abord, les contraintes de la désirabilité avant de développer les méthodes de la recherche des attributs de la désirabilité.
1. Les contraintes de la désirabilité.
Une offre n’est désirable que si elle est reconnue comme telle par un groupe de personnes suffisamment nombreux, parce qu’elle satisfait « mieux » un ou plusieurs de leurs besoins manifestes ou latents.
L’intuition initiale de l’offre comporte le plus souvent une idée du « quoi offrir, à qui et pour quoi faire », c’est-à-dire : quelle offre, pour rendre quel type de service, à quel type de personne ou d’organisation ?
Les personnes choisissent les biens et services qui leur permettent de satisfaire au mieux leurs besoins et désirs et les organisations font de même concernant leur travail et leurs objectifs professionnels.
Ce sont elles qui décident de la désirabilité, en comparant les offres connues d’elles au regard de leurs critères ou motivations d’achat et à l’issue d’un processus de décision plus ou moins long.
1.1. Critères ou motivations d’achat.
Tout achat est toujours un pari fait sur le rapport entre « avantages espérés et coût probables à subir » (plus exact que le rapport « qualité/prix »)
Les avantages espérés sont multiples et divers mais peuvent finalement être ramenés à 3 types :
-avantage fonctionnel : ce que le produit ou service permet de faire techniquement et de réaliser économiquement (accroissement de qualité, économie de ressources, accroissement de vitesse, conseils et collaboration du fournisseur, etc.) ;
-avantage expérientiel : les émotions, sentiments, qu’on a ressenti tout au long du parcours de l’achat et de l’utilisation (facilité de la préparation et de l’achat, de l’utilisation, de la maintenance, amélioration du climat social, etc.)
-avantage symbolique : l’image de soi qui est donnée par la possession du produit (fierté de la possession, effet sur la réputation etc.)
Dans tout achat ces trois types d’avantages sont considérés, plus ou moins explicitement, mais le poids de chacun des avantages dépend du type de produit à acheter (plus ou moins d’enjeu) et de la personnalité de l’acheteur (plus ou moins de rationalité ou d’impulsion).
Les coûts probables à subir dépassent largement le seul prix d’achat. Il faut également considérer les coûts de la préparation de l’achat, les coûts administratifs de l’achat, les coûts de la réception de l’achat, de l’installation, de la formation du personnel, du respect des nouvelles règles d’utilisation, de la sécurité, de la maintenance, du financement, du renouvellement, etc.
Dans tout achat ces coûts sont considérés, plus ou moins explicitement. Le poids de chacun d’eux dépend du type de produit à acheter et de la personnalité de l’acheteur mais tous les acheteurs attendent de leurs fournisseurs qu’ils les réduisent le plus possible.
C’est donc le rapport entre « avantages espérés et coût probables à subir » qui est le critère déterminant de la désirabilité et de l’achat lorsqu’il s’agit de la comparaison entre produits résolvant plus ou moins le même type de problème. Mais le résultat variera selon l’acheteur potentiel, voire selon le moment pour le même acheteur car les avantages espérés et les coûts probables à subir dépendent des ressources, des objectifs et des valeurs de l’acheteur.
1.2. Processus de décision
Le processus de décision peut être plus ou moins long.
Le parcours complet et rationnel comporte les étapes suivantes : l’identification d’un besoin, la recherche d’informations, l’évaluation des options, le choix. Il peut être parcouru complétement en cas d’achat onéreux comportant des enjeux importants et peut être réduit à sa plus simple expression en cas d’achat d’impulsion.
En résumé, une offre ne peut pas être désirable en soi ; elle le devient, pour tout prospect, à l’issue d’un processus de choix entre paris sur le rapport entre « avantages espérés et coût probables à subir ».
On comprend, dès lors, qu’avant de créer son offre, il vaille mieux évaluer les chances qu’elle soit reconnue comme désirable par les prospects visés.
2. La recherche des attributs de la désirabilité.
A l’étape de l’idée, de l’intuition, voire de la première définition ou de la première maquette, les caractéristiques de l’offre ne sont pas totalement fixées. Des hypothèses ont été faites, principalement sur l’essentiel des avantages apportés au prospect, et c’est maintenant ce qu’il faut valider, affiner, ajuster aux besoins. L’offre nouvelle peut-elle être perçue par les prospects initialement visés comme désirable, comme une promesse de plus d’avantages (fonctionnels, expérientiels, symboliques) et de moindres coûts ? La désirabilité de l’offre peut-elle être plus grande chez d’autres types de prospects que ceux initialement visés ? Etc.
L’analyse des informations disponibles est un préalable nécessaire mais l’avis, voire la collaboration, de principaux utilisateurs potentiels est incontournable.
2.1. L’analyse de l’offre concurrente la plus désirée.
On peut repérer la liste suivante des analyses nécessaires.
– Comparer l’offre nouvelle avec l’offre concurrente la plus désirée.
C’est le premier et le plus important terrain d’analyse concernant les avantages proposés aux prospects et les besoins que ces avantages satisfont.
Il faut identifier clairement les différences sur le plan technique (ce que le produit ou le service permet de faire mieux) mais aussi les différences sur l’avant, le pendant et l’après-utilisation (les coûts de l’acquisition, de l’utilisation, de la maintenance, du changement etc.).
– Chercher à comprendre le pari fait par les prospects qui choisissent l’offre la plus désirée.
Les éléments techniques précédents doivent être complétés par les motivations, les objectifs poursuivis, etc. pour tenter de reconstituer le pari tel qu’il est fait par le ou les types de prospects qui retiennent l’offre la plus désirée. On cherchera alors à repérer la hiérarchie des motivations d’achat et les besoins sous ou sur-satisfaits.
– Analyser la « chaîne de valeur » et la rentabilité.
On sait que cette analyse conduit à identifier les activités clés de l’entreprise, à examiner la valeur de chacune au regard du client et de la rentabilité et à imaginer les changements nécessaires visant la réduction des coûts, l’accroissement de la différentiation ou les partenariats.
Sur ce terrain, le « Design Thinking » préconise d’élargir la vision et d’analyser plutôt l’écosystème ou ensemble d’activités concernées par les besoins du client mais aussi des clients du client et des autres acteurs ; élargissement qui ferait mieux percevoir de solutions nouvelles et, en particulier, les avantages du partenariat.
– Repérer les caractéristiques principales des clients de l’offre la plus désirée.
L’information disponible ici sera, probablement, parcellaire et devra, sans doute, faire l’objet d’hypothèses à vérifier ultérieurement. On cherchera à repérer les principaux types de clients, les segments de prospects et, en particulier, les utilisateurs potentiels à consulter et à solliciter ultérieurement pour tester et améliorer l’offre.
2.2. La recherche de collaboration et de quantification.
Sur ce terrain, on peut repérer les actions suivantes :
–Consulter des utilisateurs potentiels et si possible obtenir leur collaboration à la conception.
Ces utilisateurs potentiels peuvent être trouvés parmi les clients des concurrents directs ou les clients des offreurs de substituts.
Si l’offre nouvelle concerne un produit ou un service technique, on cherchera de préférence les clients les plus dynamiques, lesquels seront les plus ouverts aux innovations et donc les plus accueillants. Mais il importe aussi que ces clients soient dans des situations les plus différentes pour percevoir la gamme des problèmes à résoudre et des paris faits.
S’il s’agit d’un produit ou d’un service banal, les possibilités sont plus larges, allant du parent au sondage, mais ici aussi c’est la diversité qui compte.
On peut ainsi tester la première définition de son offre, tester ses hypothèses sur les besoins et motivations d’achat, sur les attributs du produit à concevoir, sur les méthodes et potentiel de commercialisation.
-Rechercher les quantifications nécessaires.
On peut tester les enseignements tirés de la consultation précédente sur les attributs de l’offre auprès d’une population plus large, par enquête quantitative.
On peut chercher à collecter des informations quantitatives relatives aux clients potentiels.
-Etablir la carte mentale du prospect (« Mind mapping »).
On demande au prospect sélectionné de partir de son problème comme image centrale et d’imager et de représenter graphiquement les idées, sentiments, valeurs qui y sont directement associés, puis d’imager les associations de deuxième rang etc. pour aboutir à une sorte « d’arbre » qui reflète le fonctionnement de sa pensée, sa logique de raisonnement et de décision
A l’issue de cette première étape, l’idéal serait d’avoir identifié une typologie des clients, caractérisant chaque type par des variables qui aident à expliquer et prédire son comportement du client.
3. La conception de l’offre désirable.
Sur la base des enseignements de la recherche précédente, une définition plus précise de l’offre peut être engagée et se concrétiser par un prototype, comme indiqué par le schéma ci-dessous de l’entonnoir du développement :
(Source : New Product Development Orientation”)
Il est assez probable que la phase de recherche ait produit un assez grand nombre d’idées, parfois même des idées contradictoires. Un processus de choix doit être opéré pour aboutir aux attributs de l’offre qui feront l’objet d’un premier prototype. Ce dernier devra, de nouveau, donner lieu à un processus de test, amélioration, re-test, etc., jusqu’à l’adoption des caractéristiques terminales de l’offre à lancer.
Ce processus délicat, qui peut être long, doit conduire à écarter le plus vite possible les impossibilités techniques et économiques pour ne retenir que deux ou trois options à tester plus complétement ; en soumettant des prototypes aux utilisateurs qui ont accepté de donner leur aide ; en vérifiant que sont, grosso modo, réunis les conditions de la faisabilité technique et de la viabilité économique.
Sur cette étape de la conception de produit nouveau, on trouvera d’utiles compléments dans plusieurs articles de ce blog et en particulier dans : https://outilspourdiriger.fr/le-design-thinking-pour-innover-1/ et 2.
Le premier de ces articles propose de se poser au cours du processus les quatre principales questions présentées dans le schéma suivant :
Source = Mooc “Design Thinking for Business Innovation
-« What is » ? Quel est le problème du client et quels sont les déterminants de sa décision ?
-« What if »? Quels effets si on retient tel attribut ?
-« what wows »? Qu’est-ce qu’il serait épatant, génial etc. de faire dans ce domaine ?
-« what Works »? Qu’est-ce qui peut « marcher » ?
Le second article explore les étapes de l’entonnoir du développement et distingue les phases suivantes :
(Source = Mooc “IDEA“ (Innovation, Design, Entrepreneurship & Arts)
Une autre étape décisive du processus est la confrontation entre les attributs souhaitables de l’offre et la capacité de les offrir. Cette étape exige la hiérarchisation des attributs, la confrontation avec les capacités disponibles ou susceptibles de l’être à court terme et les forces de la concurrence. Une optimisation est nécessaire et sa validité doit être testée ; elle doit indiquer l’offre de départ à retenir mais peut également dessiner le « chemin » du développement ultérieur.
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 02/02/2020