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Les quatre défis du manager retenus dans cet article concernent la « gestion des personnes » dans l’entreprise (et non l’organisation de l’entreprise) ; ce sont à la fois les plus importants et les plus courants dans le domaine. Tout manager est couramment conduit à négocier, manager la performance d’autres, régler des conflits et conduire des changements.

Il est peu probable qu’une personne surmonte correctement les quatre défis du manager sans expérience et tout à fait impossible de les surmonter convenablement sans disposer de la boite à outils conceptuels propre à chaque défi.

Dans un article précédent ( https://outilspourdiriger.fr/le-manager-leader-du-quotidien/ ) nous avions présenté les deux grands types de tâches qui constituent la fonction du manager-leader du quotidien : manager la décision et manager la motivation. Nous avions également repéré les leviers à utiliser pour réussir ces tâches : « l’inclusion » et la valorisation de la diversité des collaborateurs.

Dans le présent article, nous examinerons successivement les  quatre défis du manager suivants : négocier, évaluer la performance au travail, régler les conflits entre collègues et conduire les changements.

 

  1. Négocier

Négocier c’est échanger pour trouver un accord, un compromis, lorsqu’on se trouve face à un désaccord ou un conflit avéré et important, qu’on ne veut pas voir perdurer mais qu’on ne veut ni ne peut surmonter par la « force » ou la rupture. L’espoir est, alors, d’obtenir par la négociation un résultat supérieur à celui que produirait la force ou la rupture et l’hypothèse admise est double : on pourra influencer « l’autre » et il faudra accepter de faire des concessions pour créer une situation « gagnant-gagnant » et une entente durable. Il s’agit clairement d’un pari qu’on veut réussir mais il vaut mieux alors avoir une idée aussi claire que possible des moyens à utiliser, des conditions à réunir.

Les experts repèrent trois compétences de base nécessaires pour relever ce défi du manager : savoir distinguer les positions des intérêts, se préparer à la négociation, faciliter la décision.

Voyons comment ces trois compétences de base peuvent être utilisées pour influencer les autres, les conduire à vouloir faire ce qui est nécessaire.

 

1.1. Savoir distinguer les positions des intérêts

Il est fréquent que des différences de préférence, de priorité ou de valeur naissent dans les groupes de personnes interdépendantes comme les membres d’un service. La recherche de la résolution du désaccord par le compromis exige de comprendre et d’exploiter la différence entre « position » et « intérêt ».

Chaque partie au conflit défend, explicitement ou implicitement, une « position » et un ou plusieurs « intérêts ».

La « position » c’est ce que la partie veut obtenir et « l’intérêt » c’est la motivation sous-jacente de la position.

Les positions sont différentes et souvent opposées et chaque partie pense que sa position est fondée et tend à la cristalliser et à fermer la porte du compromis si on la critique ou si la conteste.

Cette porte ne peut s’ouvrir que si on cherche à comprendre l’intérêt, la motivation sous-jacente à la position. Chaque partie a construit un lien entre sa position et son intérêt, entre ce qu’il veut et pourquoi il le veut, mais il se peut que pour satisfaire la même motivation d’autres solutions soient possibles qui soient plus acceptables par les deux parties. Déplacer la discussion des positions vers les motivations débloque la négociation et ouvre des possibilités de compromis et de compromis « gagnant-gagnant ».

La même chose n’a pas la même valeur pour tous et la hiérarchie des valeurs est propre à chacun. Une ressource peut être rare pour l’un mais pas pour l’autre et le compromis « gagnant-gagnant » est trouvé si l’échange fait que chacun obtient de l’autre une ressource qui a plus de valeur pour lui que pour l’autre.

1.2. Se préparer à la négociation

Se préparer à une négociation conduit, d’une part, à définir ce que l’on veut obtenir, ce qu’on ne peut accepter, ce qu’on peut donner et pourquoi ; d’autre part, à prévoir ce qui peut être demandé, peut être accepté et peut être donné par l’autre et pourquoi ;

1.2.1. Définir ce que l’on veut obtenir, peut accepter, peut donner et pourquoi ;

La plage des objectifs visés, des objectifs acceptables et des concessions possibles ainsi que les fondements de ces choix et contraintes doivent être clairement présentes à l’esprit du négociateur ; ce sont les bases et les guides de l’argumentation qu’il va devoir présenter au cours de la négociation. Préparer une « plage » d’objectifs et de concessions donne plus de sécurité et de souplesse de comportement face à l’argumentation de « l’autre » mais il importe que les objectifs et concessions soient correctement liés pour donner forme et fondement à chaque proposition (je vous propose x à condition d’y)

1.2.2. Prévoir autant que possible ce qui peut être demandé par « l’autre » et ce qu’il peut concéder ;

La connaissance des motivations du désaccord de l’autre et des formes qu’il prend, la prévision de ses attentes et des risques qu’il craint sont nécessaires pour prévoir les objectifs que l’autre poursuivra, ses demandes explicites ou latentes et les contraintes qui détermineront sa capacité de concession.

–  prévoir, autant que possible, les points de consensus, les points de rupture et les points principaux à négocier ; éléments qui peuvent servir à l’établissement du déroulement de la négociation et à son centrage sur l’essentiel.

–  prévoir les décisions à prendre en cas d’échec de la négociation.

1.3. Facilité la décision.

La situation de négociation tend à accroître la subjectivité et l’incertitude de chaque partie lors des décisions à prendre au cours de la négociation : par exemple, accepter ou pas tel compromis ou en proposer un.

Face à une offre, chaque partie peut éprouver le dilemme de la décision consistant à choisir entre une chose sûre et une alternative risquée, en l’occurrence, entre une proposition de compromis et la poursuite de la négociation avec les risques d’obtenir moins ou d’aboutir à la rupture. Et la « pression » est accrue si le choix est à accepter sans délai.

Faire une offre dans l’incertitude soumet à la crainte d’en demander trop ou pas assez. Chaque partie est, alors, plutôt incertaine et influençable et la première offre proposée tend à « fixer » le domaine et le niveau du résultat et y réussira d’autant plus qu’elle est raisonnablement justifiée.

Finalement, obtenir des autres, par la négociation, la ressource ou le comportement que l’on veut obtenir exige que cette demande apparaisse à « l’autre » comme un moyen de réaliser son « intérêt » à un degré suffisant.

(Pour aller plus loin, voir : https://outilspourdiriger.fr/reussir-sa-negociation/ )

 

  1. Evaluer la performance au travail.

Ce défi du manager conduit à identifier les problèmes de performance à résoudre au niveau des collaborateurs comme au niveau de l’organisation.

Les actions suivantes dépendent, en effet, des résultats de cette évaluation :

– les récompenses et sanctions des collaborateurs ainsi que les besoins de formations ;

– les informations nécessaire au collaborateur pour améliorer sa performance au travail ;

– les réorganisations de l’entreprises.

Un système d’évaluation de la performance au travail comporte, en principe, deux éléments :

– un système de génération des résultats de l’évaluation ;

– un système de distribution de ces résultats.

Tentons de repérer les caractéristiques de chacun des éléments et les moyens de relever ce défi du manager.

2.1. Le système de génération des résultats.

La collecte de l’information doit respecter les principes suivants autant que possible :

-observer les écarts entre le travail réel d’un collaborateur et le travail nécessaire à la performance attendue ; ce qui est indispensable pour fonder l’évaluation, la faire comprendre par le collaborateur et l’informer sur ce qu’il doit faire ;

-dans l’idéal et pour éviter les évaluations partielles, voire partiales, les sources d’évaluation devraient être multiples et complémentaires ;

-le collaborateur doit connaître les critères de son évaluation ainsi que les conséquences ;

-il serait bénéfique pour tous que le collaborateur ait participé à la définition des critères ; les résultats de l’évaluation seraient ainsi mieux compris et apparaitraient comme des aides à la progression.

-on pourrait enfin penser à prendre en compte une autoévaluation.

2.2. La distribution des résultats.

Elle doit principalement aider à corriger précocement les défaillances.

Pour écarter le biais de récence (résultat le plus récent), et procéder à des corrections précoces, l’évaluation devrait être aussi continue et distribuée précocement que possible et, sans doute, être écrite et stockée pour permettre une synthèse finale qui ne soit pas seulement fondée sur la mémoire de l’évaluateur.

Par ailleurs, une distribution fréquente aura tendance à réduire la résistance de l’évalué aux évaluations et échapper à la critique classique de l’évaluation qui arrive trop tard pour corriger le comportement.

 

  1. Manager les conflits.

Tout tiers peut apporter beaucoup à des parties en conflit et pour plusieurs raisons :

– parce qu’il n’est pas impliqué émotionnellement et qu’il est neutre, il peut aider à réduire l’implication des parties et faciliter l’échange d’informations, voire leur partage ;

– parce qu’il veut réussir, il peut promouvoir la créativité dans la recherche de solutions qui satisfassent les intérêts de chaque partie ;

– parce que, parfois, il en a le pouvoir, il peut décider et imposer la solution du conflit.

Dans le dernier cas il s’agit d’un arbitre et dans les autres cas d’un médiateur. Dans tous les cas ce qui est recherché, c’est l’efficacité, c’est-à-dire la résolution du conflit, mais aussi l’acceptation et la mise en œuvre des solutions trouvées.

Arbitre et médiateur ne sont pas égaux sur ces deux effets recherchés : l’arbitre contrôle le résultat, garantit la résolution du conflit mais pas la satisfaction des intérêts sous-jacents des parties ; le médiateur ne contrôle que le processus de recherche de la résolution du conflit mais si la résolution est trouvée ce sont les parties qui les mettent en œuvre.

Le manager-médiateur peut tirer bénéfice de cette différence pour inciter les parties au conflit à participer à la recherche de la solution au lieu d’abandonner la décision à l’arbitre. C’est une pression qu’il faut utiliser avec doigté pour accroître ou créer chez les parties l’envie de contribuer à la recherche de la solution plutôt que de contribuer à donner le pouvoir à un arbitre (faire de l’arbitre un ennemi commun).

Le manager-médiateur doit réunir d’autres conditions pour réussir.

Il doit être perçue par les parties comme une personne objective et juste même s’il a un intérêt à la résolution du conflit. On sait que cette perception sera basée sur plusieurs facteurs :

-l’égalité de respect accordée à chaque partie ;

-l’équité du traitement de l’expression des parties, de la présentation de leurs arguments, même si cette expression peut gagner à être faite partiellement séparément ;

-l’équité du processus proposé pour parvenir à la résolution du problème ;

-l’équité du résultat, de l’équilibre des satisfactions de intérêts des parties.

Par ailleurs, il est bon de savoir ce qui rend les conflits particulièrement difficiles à résoudre. On peut citer les éléments suivants :

– l’importance des enjeux rend les parties plus susceptibles de devenir compétitives et défensives ;

– l’importance des principes et des valeurs dans les enjeux (la justice, ’équité, l’honnêteté, etc.) ;

– la mesure dans laquelle toute solution adoptée crée un précédent. Cela signifie alors, que la solution est valable pour quasi toujours ce qui enracine les parties dans leurs positions ;

– la mesure dans laquelle la solution prend une valeur symbolique. Cela signifie alors que la solution acceptée représente quelque chose de plus grand que soi.

Enfin, on gardera toujours présente à l’esprit la distinction entre position et intérêt, distinction vue ci-dessus, qui sépare ce qui est voulu par une personne de la motivation sous-jacente.

 

  1. Gestion du changement dans l’organisation.

Dysfonctionnements intérieurs, menaces et opportunités apparaissant dans l’environnement, sont les principales raisons qui conduisent à lancer un processus de décision et d’implémentation du changement, c’est-à-dire à demander aux collaborateurs de faire d’autres choses, de faire les choses autrement, de changer leurs manières de travailler, leurs lieux de travail, leurs relations de travail, etc.

On peut alors s’attendre à de la résistance à la décision et encore plus à la mise en œuvre efficace de la décision ; cette résistance pouvant provenir de deux types de sources ; la peur dûe à l’incertitude, la colère dûe la certitude ;

-peur de ceux qui ne savent pas ce qu’il va se passer et craignent d’être impactés négativement ;

-colère de ceux qui savent exactement ce qu’il va se passer et savent qu’ils vont être impactés négativement ;

Ces résistances peuvent être vives, tenaces et de nature à faire échouer le changement.

Il vaut nettement mieux les prévenir que les combattre et on connait bien maintenant la méthode à employer ; faire en sorte que la majorité des collaborateurs perçoivent que le changement, nécessaire pour l’entreprise, est aussi un bon moyen de satisfaire leurs intérêts.

On sait maintenant qu’il ne faut pas confondre la position (ce que tel collaborateur veut obtenir) et l’intérêt (la motivation sous-jacente de la position) ; que les positions sont souvent irréconciliables mais que l’exploration des intérêts peut conduire à des positions plus ou moins compatibles, voire communes.

Les différences initiales de perceptions sont normales mais elles s’exaspèrent si le changement est imposé sans explication. Si, en revanche, les objectifs poursuivis, les modalités de détermination, les effets probables sont présentés expliqués et discutés, des améliorations seront, sans doute, apportées au projet, et la résistance sera réduite. La peur dûe à l’incertitude peut disparaître et la colère dûe la certitude peut être nettement réduite.

On retrouve les bénéfices de l’inclusivité, les bénéfices de l’inclusion des personnes concernées dans la préparation et la mise en œuvre du projet.

Si le changement est adopté dans les conditions décrites ci-dessus, ses effets bénéfiques seront attendus de la mise en œuvre. Malheureusement, il arrive souvent que ce soit plutôt le « chaos du changement » qui se produise car dans des systèmes très complexes comme les entreprises, il est très difficile de prévoir tous les dysfonctionnements possibles de la mise en œuvre.

Des recherches montrent que 50 à 75 % des mises en œuvre des nouvelles technologies échouent et que 90 % des défaillances sont attribuables à des problèmes humains ou de gestion plutôt qu’à des problèmes techniques.

Il y a une courbe d’apprentissage du changement qui exige des efforts et du temps pour minimiser la durée et l’ampleur des conséquences négatives imprévues.

La façon de faire face correctement à ce problème est connu ; c’est l’inclusivité.

Les avantages de l’inclusivité au niveau de la prise de décision ont été présentés ci-dessus mais ils apparaissent aussi au niveau de la courbe d’apprentissage du changement ; elle favorise l’anticipation des dysfonctionnements et, ayant fait comprendre les raisons et modalités du changement, favorise les alertes précoces et les ajustements de comportement.

 

(Source: Coursera. Applications of Everyday Leadership. University of Illinois at Urbana-Champaign

https://www.coursera.org/learn/everyday-leadership-application)

On trouvera dans ce blog de multiples autres articles traitant des mêmes sujets sous des angles différents ; par exemple :

https://outilspourdiriger.fr/obtenir-le-oui-recherche/

https://outilspourdiriger.fr/levaluation-de-la-performance-au-travail/

https://outilspourdiriger.fr/faire-adopter-le-changement/

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 5/04/2021