(Source = Mooc “Technology Entrepreneurship”. C. Eesley, Stanford University)
Ce quatrième et dernier article concernant ce Mooc traite du
financement de la startup.
On sait que le défi majeur de la startup est de surmonter «
l’effet de ciseau » entre financement et commercialisation, entre le financement prévu et la génération de revenus prévue, pour réussir la première étape et espérer financer l’étape suivante de son développement. L’article 3 précédent a présenté les contraintes et méthodes relatifs à la commercialisation. Il nous faut maintenant nous centrer sur le financement,
financement extérieur essentiellement.
Un autofinancement initial est indispensable à toute création de startup mais le recours au financement extérieur l’est, généralement, tout autant et pour trois types de raisons.
-Généralement, les
besoins de financement dépassent, et souvent très largement, les capacités d’autofinancement d’un entrepreneur ou d’un groupe d’entrepreneurs indépendants ; concevoir, développer, tester un nouveau produit ou service, obtenir des locaux et équipements, réaliser des études, rémunérer des collaborateurs, etc. exigent un financement hors de portée d’un homme ou d’une équipe qui doivent de plus subvenir à leurs besoins familiaux.
-Réussir une innovation exige de la
vitesse de réalisation dans les domaines technique et commercial et de la capacité de production et de distribution. Sur le plan technique, l’idée initiale a, peut-être, germé aussi dans d’autres esprits et fait l’objet de préparations; le secret ne peut être gardé indéfiniment ; la pertinence du produit nouveau ne sera pas éternelle. Sur le plan commercial, arriver premier sur le marché avec une stratégie de pénétration est la clé du succès à condition d’offrir le niveau de qualité, de prix et de disponibilité adéquats, ce qui impliques des capacités diverses à financer.
-Des
ressources de financement extérieur
existent ; publiques et conçues pour aider les entrepreneurs, privées et cherchant à placer leur capitaux contre rémunération. Y recourir est coûteux en préparation et argumentation, en temps, en argent et en dépendance ; des arbitrages sont à faire entre les options mais généralement on préfère perdre un peu d’indépendance plutôt que de perdre son « bébé» et tous les sacrifices consentis.
Indispensable, donc, le financement extérieur doit être réalisé avec soins. Il importe de bien connaitre les sources existantes, de bien comprendre les enjeux de chaque partie à l’opération et, la source choisie, de se donner les chances d’emporter son adhésion.
- Les sources de financement extérieur
Source =
http://www.franceangels.org/fr Source = le Mooc
Les 2 graphiques ci-dessus, l’un concernant la France et l’autre les USA, montrent bien comment l’offre de fonds est segmentée selon l’étape du développement (courbe en S) de l’entreprise ; concernant la startup, on distingue l’étape de l’avant création, celle de la création et, éventuellement, celle des premiers développements.
A ces étapes, on trouve 4 types de sources : les sources relationnelles, les sources publiques, les investisseurs providentiels (Business Angels= BA) ou équivalents et les fonds de capital-risque d’amorçage.
–
Les sources relationnelles. Elles sont désignées par les « FFF » du tableau US qui désignent la famille (family), les amis (friends) et les « fous » (fools) du projet ou de l’entrepreneur ou de l’entrepreneuriat, etc. ; c’est ce qui est souvent désigné par les termes de « Love Money » ou épargne affective de proximité. Il s’agit généralement de souscription au capital mais les accords, ici, ne peuvent être que particuliers.
–
Les investisseurs providentiels ou « Business Angels ». Ce sont des personnes passionnées par l’aventure entrepreneuriale. S’ils sont intéressées par un projet de startup dans un domaine où ils ont une certaine expérience, ils prennent des participations au capital de la startup et mettent leurs compétences, expérience, réseaux relationnels et temps au service de l’entrepreneur ; par goût pour l’entreprise mais aussi en espérant percevoir des dividendes et surtout réaliser une plus-value de cession de leur apport.
On trouvera l’information nécessaire sur les BA à l’adresse :
http://www.franceangels.org/fr
–
Le financement participatif et en particulier l’investissement en capital (« equity crowdfunding »). C’est la possibilité offerte à tous de prendre une part de capital dans une startup à la recherche de fonds. Des sites internet spécialisés, plateformes de financement participatif, sélectionnent des startups et collectent les souscriptions. Comme pour les BA, les financeurs espèrent percevoir des dividendes et surtout réaliser une plus-value de cession de leur apport.
On trouvera l’information nécessaire sur les BA à l’adresse :
http://financeparticipative.org
–
Les sources publiques sont des prêts ou des subventions à taux d’intérêts faibles ou nuls mais de faible montant. Ces subventions et prêts sont accordés sur dossier ou critères spéciaux par des organismes bancaires publics ou des associations.
On trouvera l’information nécessaire à
http://www.apce.com/pid221/5-trouver-des-financements.html
–
Les fonds de capital-risque d’amorçage. (Seed capital)
Les fonds de capital-risque offrent aux entreprises qu’ils sélectionnent financement et accompagnement contre une part du capital, des sièges au CA et d’autres conditions.
Les fonds d’amorçage sont destinés aux startups pour qui ils constituent le premier apport en capital extérieur. Ils visent à financer les dépenses préalables à la création ou à la préparation de la première commercialisation; frais de R&D, de brevets, d’études de marchés, de rémunération de personnel, d’expertise financière ou juridique.
Information:
http://www.bpifrance.fr/Recherche/(type)/all/(text)/fonds%20national%20d%20amorcage%20fna
Concernant l’ensemble des sources de financement extérieur, public et privé, selon l’étape de développement de l’entreprise, on trouvera un article et deux tableaux très complets à l’adresse suivante :
http://frenchfunding.fr/le-parcours-du-financement/#.VETEr_msU1o
- Les enjeux du financement extérieur.
On se concentrera sur la relation avec le capital-risqueur (CR), relation la plus difficile à établir mais facilement transposable à la relation avec les BA, et présentera les points principaux suivants : les objectifs de chaque partie et les méthodes de détermination des part de capital.
2.1. Les objectifs de la startup.
On peut les résumer dans les 3 points suivants :
– Obtenir les fonds dont elle a besoin le plus
rapidement possible (par ex. en 3 mois …)
– Trouver en son financeur un
bon associé ; un bon expert pouvant servir de « banc d’essai », un bon « coach » disposant d’un bon réseau de relations, capable de renforcer la crédibilité du projet aux yeux des prospects, réellement motivé par le succès et pas seulement par la protection de son financement.
– Obtenir un accord favorable sur les
contreparties exigées par le CR (voir ci-dessous).
2.2. Les objectifs du CR.
Les sociétés de gestion de capital risque gèrent des fonds publics ou privés provenant de particuliers, d’institutions financières ou d’industries. Ces organismes doivent assurer leur survie et leur
rentabilité en devenant quasi cofondateurs des projets très
risqués présentés par les startups. Un accord conduit ces capitaux-risqueurs à souscrire des actions de la startup et, donc, à engager des fonds pour une longue durée, la récupération de ces fonds et la rémunération de leur engagement ne pouvant se réaliser que par la vente de leurs actions.
Dès lors, on comprend qu’ils
choisissent leurs startups avec soin, parmi celles qui relèvent de leur
domaine de compétence et qui ont le maximum de chances de
succès ; et qu’ils cherchent à prendre le maximum de
garanties, les suivantes en particulier :
-maximum de part du capital et du nombre de places au Conseil d’administration ;
-fort contrôle sur les décisions et dispositions spéciales en cas de dégradation ;
-préférences de la liquidation (droits spéciaux en cas de liquidation) ;
-protection contre la dilution (en cas de vente d’action à faible prix ou d’accroissement de capital)
-privilèges lors des futures collectes de fonds de la startup, etc.
2.3. L’évaluation de la startup par le CR.
La valeur d’un bien est une estimation faite par une personne à un moment ; elle ne vaut que pour cette personne et ce moment car elle dépend de la hiérarchie des besoins et des ressources de la personne au moment donné ; par ailleurs cette valeur est fondée sur des effets espérés et constitue toujours un pari.
Concernant l’évaluation d’une startup, le
pari est particulièrement difficile à prendre.
La startup a généralement peu de biens évaluables grâce au marché ; l’essentiel de sa valeur réside dans sa
capacité à produire du bénéfice ou de la capacité d’autofinancement (CAF) ; plus précisément, dans le flux potentiel de bénéfice ou de CAF qu’elle peut générer dans une période donnée.
Ainsi si le CR décide d’investir 2 dans un projet qui lui rapportera 18 dans 5 ans et qu’il veuille un rapport annuel de 14%, la valeur actuelle de son investissement peut être égale à (18 /1.14) puissance 5 = 9,3 mais il sait aussi que le risque d’échec du projet est supérieur à 80 % et il tendra à rechercher des protections diverses, notamment en demandant une part du capital plus grande.
2.4. L’évaluation de la part de capital dévolue au CR.
Expliquons l’exemple ci-dessous :
Source : « Technogy ventures » -Mooc.
Une startup prévoit un bénéfice de 10 à sa cinquième année. Si on recoure au « Price Earning Ratio » (PER = multiple de capitalisation ou nombre d’année de résultat « achetées »), par exemple un PER de 15, pour calculer la valeur de la startup à l’année 5 et avant apport extérieur, on obtient = 10 x 15= 150.
La startup a besoin de 10. Le CR veut une rémunération annuelle de 50 % de son apport et calcule la part du capital à demander : valeur de son investissement à la 5
ème année = 10*(1.5) à la puissance 5 = 76 ; soit une part du capital de 50 %.
Pour un taux de rémunération de 30%, la part serait de 18%.
2.5. Les bases des évaluations du CR.
Le plan d’affaire établit par la startup est, ici, la base initiale indispensable mais le CR voudra en vérifier les fondements, la pertinence et la cohérence et surtout affiner son opinion sur l’entrepreneur et son équipe ; sur leurs expériences, compétences, déterminations, capacités de collaborer entre eux et avec le CR.
Il est clair que cet ensemble d’évaluations sera fait à la lueur de l’expertise et de l’expérience du CR.
- Emporter l’adhésion d’un CR.
On sait qu’il n’y a pas de recette miracle dans ce domaine mais que s’imposent les quelques « règles » suivantes qui doivent être adaptée à la situation.
3.1. Les règles principales à appliquer.
– Se préparer à rencontrer un CR conduit à établir
2 types de résumé du Plan d’affaire : un court résumé écrit (une ou 2 pages) pouvant servir de « carte de visite » et une présentation de 30 à 45 mm pour faire un « pitch » (on appelle « elevator pitch » ou « pitch dans l’ascenseur » ou « argumentaire éclair » la présentation orale d’un projet face à une personne dont le temps est compté). Dans l’un comme l’autre cas, l’objectif est d’obtenir une rencontre permettant de mieux se présenter ou d’approfondir la relation
– Identifier les
CR pertinents par rapport à la localisation, le secteur, l’étape, le besoin de fonds ; les classer par préférence et commencer la prospection par le bas de la liste.
– Chercher à obtenir une
introduction ou recommandation de la part d’un partenaire du CR, d’un industriel, d’un banquier, d’un membre d’un réseau social ou autre, etc.
– Préparer des résumés simples et clairs et les présenter de façon convaincante.
3.2. Le « squelette » des présentations
C’est l’objectif de convaincre (donner les raisons de faire) et persuader (donner le désir de faire) qui commande ce « squelette » et doit faire « dire » successivement les points suivants :
– Nous avons bien
identifié le prospect visé ;
compris son besoin ; le « job » qu’il doit faire et l’enjeu que ce job représente pour lui sur le plan stratégique, financier, social, etc.
– On a mis au point, etc. une
solution qui offre un
meilleur rapport « services espérés / contraintes probables » pour le prospect, un gain consistant en … et qu’on a estimé à … ;
– Pour réussir la commercialisation ou l’opération X prévue le …et pour préparer notre développement futur, il nous faut aujourd’hui réaliser tel programme dont on a estimé le coût à ….
– Compte tenu de la CAF qu’on prévoie, on a
besoin d’un apport financier de X et surtout d’un apport d’expertise et d’accroissement de notre crédibilité aux yeux des prospects.
– Le CV apporteur de cette somme peut espérer un taux de
rémunération de l’ordre de X% et un accueil très attentif à ses conseils.
Un « squelette » bien raisonné et fondé peut être convaincant mais persuader l’autre exige que l’autre sente qu’il est
compris et
bien traité et que ses
risques sont réduits.
Il conviendrait alors de «dire » au CR, au moment adéquat, que nous le comprenons et apprécions (nous connaissons son expertise, ses clients, ses résultats, etc.) et que nous savons quels sont les risques courus et comment solliciter son aide pour y faire face.
Dans tous les cas, le « ton » à employer ne doit traduire que l’
authenticité et la «
force tranquille ».
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A.Uzan.10/10/2014
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