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André Uzan

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Conquérir l’avantage concurrentiel international. 2 Conquérir l’avantage concurrentiel international. 2

 

Conquérir l’avantage concurrentiel international. 2

(Source EdX   Global Business Strategy. University of Maryland)

 

Conquérir l’avantage concurrentiel international est un autre moyen pour une entreprise de réaliser une performance supérieure à celle de ses concurrents.

(Voir : https://outilspourdiriger.fr/conquerir-lavantage-concurrentiel-1/ )

Cette conquête implique que l’entreprise soit capable de réussir dans un ensemble de pays :

-une présence commerciale performante ;

-une dispersion géographique judicieuse de sa chaîne de valeur.

On reconnaît, ici, les deux dimensions de la conquête de l’avantage concurrentiel : il se perçoit sur le marché mais prend sa source dans les capacités internes.

 

Prenons une vue rapide des contraintes principales de l’internationalisation avant d’explorer les deux dimensions clés de la stratégie de mondialisation : mondialiser sa présence sur le marché et mondialiser sa chaîne de valeur.

 

  1. Trois caractéristiques de l’internationalisation.

Pour mieux comprendre les méthodes à mettre en œuvre, rappelons les avantages et les risques potentiels de l’internationalisation, l’importance et les spécificités des marchés émergents et la différence entre entreprise multinationale et entreprise mondiale.

1.1. Les avantages et risques potentiels de l’internationalisation.    

L’internationalisation offre les avantages potentiels suivants :

– réaliser une croissance plus rapide (implantation dans des pays à croissance rapide ou performances meilleures que les acteurs des autres pays) ;

– réaliser des économies d’échelle et de coûts dans nombre de ses fonctions ;

– tirer parti des avantages spécifiques de certains pays (bas coûts de main-d’œuvre, spécialistes d’un domaine, etc.) ;

– inciter à l’innovation car elle exige une adaptation à des marchés différents.

A l’inverse, l’internationalisation représente des défis difficiles à surmonter :

risques d’échecs en raison des différences de langue, de culture, etc. entre pays et de la « distance » qui sépare le siège des managers locaux ;

lenteur et coûts de l’obtention de résultats positifs (connaissance, mise en place des opérations, etc.)

Le défi est, ici, le même qu’ailleurs : comment maximiser les avantages potentiels et minimiser les coûts et les risques potentiels liés à l’internationalisation ?

1.2. L’importance et les spécificités des marchés émergents.

1.2.1. L’importance.

Ils se développent à un rythme 2 ou 3 fois supérieur à celui des marchés développés et occupent une place de plus en plus importante dans l’économie mondiale (20% du PIB mondial en 2000, 40% en 2018).

La Chine est déjà la deuxième économie mondiale et l’Inde sera bientôt la troisième.

Les facteurs principaux de cette croissance peuvent se ramener aux quatre suivants :

– la démographie. Une population jeune et en croissance rapide équivaut à un bassin croissant de travailleurs et de consommateurs et à un faible bassin de retraités ;

– l’urbanisation. Le déplacement vers les zones urbaines génère des besoins nouveaux multiples ;

– les infrastructures. Presque tous les pays émergents manquent des infrastructures nécessaires ;

– la productivité. Elle reste faible mais progresse nettement grâce aux technologies empruntées.

1.2.2. Les spécificités.

Par rapport aux marchés développés, on peut noter les différences principales suivantes :

– les revenus et pouvoirs d’achat restent faibles pour les personnes (achats courants) comme pour les pouvoirs publics (infrastructures).

– la vitesse du changement peut rendre rapidement obsolète la connaissance acquise d’un marché ;

– la bureaucratie et la tendance à la corruption exigent des entreprises de recourir à des partenaires locaux.

Il est clair que ces différences exigent de toute entreprise d’adapter ses méthodes de management et de commercialisation au pays émergent visé.

1.3. La différence entre entreprise multinationale et entreprise mondiale.

L’expérience des deux sociétés suivantes éclaire la question abordée.

Walmart a voulu s’implanter en Allemagne en 1997 mais malgré sa dimension mondiale il s’est vu obligé de se retirer. Google, par contre, et très peu de temps après sa naissance, est devenu le premier moteur de recherche dans le monde ; et des plates-formes numériques sont devenus mondiales d’emblée aussi.

Cette différence n’est pas liée à la compétence des dirigeants mais au type d’offre de l’entreprise.

Walmart a perdu en Allemagne parce que sa taille mondiale ne pouvait tout simplement pas compenser sa petite taille locale, car dans le commerce de détail, plus de 90% des coûts totaux sont purement locaux. Ce qui compte alors est la taille locale. L’auteur appelle ce type d’entreprise « multi-pays ou multinational » (multidomestic). Les fabricants de ciment et les opérateurs de télécommunications sont d’autres exemples.

Dans le cas de Google, les algorithmes et serveurs informatiques peuvent être installées partout et sont accessibles à des clients du monde entier. Ce n’est plus la concurrence locale mais la supériorité technologique et la taille mondiale qui comptent. L’auteur les appelle « industries mondiales ».

C’est pour elles que le monde est un village. Les semi-conducteurs, les smartphones, les produits pharmaceutiques et les pneus pour automobiles sont des exemples d’autres industries mondiales.

Entre ces deux types d’acteurs extrêmes, on peut trouver de nombreuses entreprises dont certaines activités clés sont mondiales (R & D, production de composants, etc.) et d’autres multinationales (assemblage final des voitures, la vente de service et service après-vente, etc.)

 

  1. Internationaliser sa présence sur le marché.

Internationaliser sa présence commerciale conduit toute entreprise à se poser de multiples et difficiles questions, au début du processus :

-internationaliser d’emblée toute la gamme de produits ou produit par produit ?

-entrer d’emblée dans plusieurs pays ou dans un ou quelques-uns ?

-se lancer seule dans un pays donné ou former une alliance stratégique avec une société locale ?

-adapter ou pas ses produits, services, processus, etc. aux caractéristiques du marché local ?

Comme on l’a vu ci-dessus, la réponse à ces questions va varier entre les types extrêmes d’entreprise que sont Walmart et Google.

2.1. Internaliser d’abord un produit.

L’internationalisation exige que l’entreprise maîtrise au moins trois capacités :

-connaissance des marchés étrangers ;

-compétences en gestion de personnes de pays étrangers ;

-compétences en gestion de filiales étrangères.

Les risques de l’internationalisation de l’ensemble des produits conduit le plus souvent à commencer par un produit ; pour minimiser les risques, faire une première expérience, commencer à gagner la confiance des prospects et instaurer la confiance dans l’entreprise. Et le produit à choisir est celui qui exige le moins d’adaptation locale (plates-formes par ex.).

2.2. Commencer par le marché à plus fort potentiel de croissance et d’apprentissage

Cette question ne concerne que les entreprises multinationales (vente au détail, ciment, automobile, etc.).

Le choix du premier marché à conquérir peut être fondé sur deux types de critères : le potentiel du marché et la capacité à exploiter un marché.

Le potentiel du marché concerne d’abord la croissance qu’il permet mais ce critère dit être tempéré par les opportunités d’apprentissage qu’il offre

La capacité d’exploiter un marché dépend de la hauteur des barrières à l’entrée et de l’intensité de la concurrence sur le marché.

En cas de marché à fort potentiel mais difficile à exploiter, on peut choisir une « tête de pont », c’est-à-dire le segment de marché ou la niche la plus facile d’accès pour se donner une base de départ ; par exemple, commencer en fournissant les entreprises françaises localisées dans le pays d’accueil.

2.3. Se lancer seul ou en partenariat (co-entreprise ou absorption).

Les pouvoirs publics imposent souvent l’association avec une entreprise locale (Chine, Inde, etc.)

Dans la plupart des cas, cependant, on peut penser que la co-entreprise est la meilleure solution parce qu’elle donne plus de chance de succès, en particulier si l’entreprise qui s’internationalise possède des ressources et des capacités limitées.

Le partenaire idéal devrait alors offrir les caractéristiques suivantes :

– grande complémentarité des capacités et des ressources clés pour augmenter les perspectives de création de valeur conjointe tout en minimisant les redondances ;

– degré élevé de similarité des valeurs et des cultures d’entreprise pour réduire les risques de frictions et de malentendus lors de la collaboration.

2.4. Quel degré d’adaptation de son offre aux conditions locales ?

Toute entreprise doit être sensible aux normes, valeurs, préférences locales mais, par définition, elle ne peut jamais être plus locale que les locaux ; d’où la nécessité de trouve le bon degré d’adaptation.

On peut, par exemple, ne rien changer aux méthodes principales de production mais adapter aux conditions locales les méthodes de commercialisation.

Plus généralement, on peut noter les observations suivantes concernant le degré d’adaptation :

-il peut être d’autant plus faible que les pays de départ et d’accueil tendent à se ressembler (France-Italie) ;

-il peut être d’autant plus faible que l’industrie est de type international (semi-conducteurs ou le jeu sur mobile) mais d’autant plus fort que l’industrie est multinationale (vente au détail de produits alimentaires ou le ciment)

-il tendra à se réduire à mesure que les cultures et préférences locales se mondialisent (jeunes de divers pays).

-de toutes façons, les résultats d’expérimentation sont la clé de la recherche du degré d’adaptation.

 

  1. Internationaliser la chaîne de valeur

Internationaliser la chaîne de valeur de l’entreprise ne consiste pas à exercer chaque activité de la chaîne dans tous les pays d’implantation mais simplement à localiser de façon pertinence chacune des activités.

C’est ainsi, par exemple, que Tesla a localisé sa R & D dans son siège de la Silicon Valley car c’est là que les centres de recherches sont concentrés ; par contre, il a localisé ses stations de rechargement dans de multiples pays.

Pour chaque activité de la chaîne de valeur, l’internationalisation optimale dépend des quatre facteurs déterminants suivants : -l’organisation globale, l’emplacement, les ressources humaines (capacités) et la coordination.

3.1. L’organisation internationale de la chaîne

On prêtera d’abord une attention particulière aux activités de la chaîne ayant un impact important sur la commercialisation ou sur les coûts, ou sur les deux. L’organisation de la R et D pourra avoir un impact très important pour telle entreprise alors que ce sera la fabrication à faible coût qui sera déterminante pour une autre.

On peut envisager quatre types d’organisation pour chaque activité de la chaîne :

– la centralisation en un seul endroit ; par ex. pour la R et D et les relations avec les investisseurs.

– la création de centres différenciés par pays ; pour mieux servir un type de clientèle concentrée ou exploiter un bassin particulier d’emplois ou d’autres ressources.

– la création de centres régionaux ou locaux coordonnés ; par exemple des centres de production et de montage de voiture régionaux mais appliquant des technologies et des processus communs.

– la création de centres régionaux ou locaux autonomes, avec une coordination minimale.

Il ne semble pas y avoir de solution optimale unique ; c’est à l’entreprise de concevoir, tester, etc.

3.2. L’emplacement géographique.

C’est aussi un élément important de l’avantage concurrentiel international consistant à exploiter mieux que ses concurrents les points forts de certains pays.

On peut retenir tout ou partie des quatre principaux critères de choix de l’emplacement suivants :

-La disponibilité des compétences requises par l’activité (par exemple l’Inde ou la Chine pour les informaticiens) ;

-Le désir de tel pays d’accueillir tel type d’activité ainsi que l’environnement et les aides qu’il propose ;

-La faiblesse du coût de telle ou telle ressource importante pour l’entreprise ;

-La réduction des risques ; risques sociaux, politiques et risques de change.

On n’oubliera pas que l’attractivité de tel ou tel emplacement voudra sans doute dire concurrence acharnée.

3.3. Les ressources humaines.

Surmonter la concurrence en matière de ressources humaines rares implique de développer une action de promotion sur le marché du travail local.

On peut recourir aux méthodes suivantes pour faciliter le recrutement visé et, plus généralement, promouvoir sa marque d’employeur sur les marchés étrangers.

-promouvoir la « qualité » de l’entreprise plutôt que son produit ou service ; par exemple, sa propension à l’innovation ou à être socialement responsable ou à contribuer à l’écologie ou au développement ;

-créer et maintenir la visibilité de l’entreprise dans les medias locaux ;

-montrer aux dirigeants locaux qu’ils peuvent accéder au sommet de l’entreprise ;

-déployer les outils du marketing sur le marché du travail. ; segmenter le marché du travail en fonction du type de talent recherché et exercer la communication adéquate.

3.4. Coordination

La conquête de l’avantage international exige la dispersion des activités mais cette dispersion exige une coordination efficace entre les unités et des transferts de connaissances et de compétences entre les sites.

On peut retenir tout ou partie des méthodes suivantes :

– créer des incitations (financières et autres) au comportement souhaité pour les responsables locaux ;

comparer régulièrement les performances des filiales et faire connaître les résultats par les responsables des filiales et les supérieurs hiérarchiques ;

– mettre en valeur et célébrer les «modèles de réussite» et les personnes qui obtiennent des résultats en collaborant avec leurs pairs d’autres filiales ;

– établir des règles et procédures communes qui facilitent la communication (format standard pour les rapports, terminologie et langage communs, etc.) ;

– créez des groupes de travail composés des membres clés du personnel de diverses filiales et les amener à échanger périodiquement en face à face ou de de façon virtuelle ;

– développer la connaissance et la confiance réciproques entre les principaux dirigeants de diverses filiales.

 

Conquérir l’avantage concurrentiel international est difficile malgré l’aide potentielle que peuvent fournir les institutions publiques, les organisations professionnelles et les consultants.

Les contraintes à surmonter sont nombreuses et les stratégies de pénétration délicates mais l’opération tend désormais à devenir moins « aventureuse », voire plus banale, pour qui s’y prépare et teste son projet avant de s’engager pleinement.

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 28/12/2019