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Evaluer l’expérience client.1

 (Source : Mooc EDX “Understanding User Needs”  K. Toyama  Michigan University)

 

L’expérience client, c’est l’ensemble des sensations ressenties et des jugements portés lors de la recherche  d’un produit ou d’un service désiré et lors de l’utilisation du produit ou service acheté ; c’est ce qui  détermine notre décision de devenir client et de le rester.

(Voir https://outilspourdiriger.fr/concevoir-lheureuse-experience-client/)

Un produit ou un service nous est, en effet, plus ou moins facile à connaître, plus ou moins facile à choisir, plus ou moins facilement accessible, plus ou moins désirable, plus ou moins recommandé par des amis et leaders d’opinion, plus ou moins facile d’utilisation, de réparation, de mise à niveau, etc.

Chercher à rendre cette expérience client la plus heureuse possible doit être la préoccupation première de tout créateur de produit ou de service s’il veut conquérir des clients et les fidéliser. C’est ce qui le conduit à fonder ses choix de conception, de modalités de production, de méthodes de commercialisation, sur la base de l’évaluation de l’expérience client ; évaluation  prévisionnelle pour fonder les choix, évaluation postérieure pour vérifier la pertinence de ses choix ou les modifier.

Sur cette vérification, tout offreur d’un bien ou d’un service est supposé savoir pourquoi ses clients l’achètent mais ne peut constater, en fait, que le « sommet de l’iceberg » constitué de leurs motivations, des arbitrages qu’ils font, des attentes qu’ils ont, etc.

Par l’analyse quantitative de ses ventes et de ceux de sa concurrence, l’offreur ne peut savoir, en fait, que combien ses clients achètent, quelle part du marché cela représente, quelles sont les tendances d’évolution, quelles sont les réactions quantitatives à telle action.

Descendre un peu plus profond dans l’iceberg des motivations et des attentes exige le recours à l’analyse qualitative.

Ce type d’analyse peut prendre des formes diverses mais la forme de base consiste à interroger et observer des clients et/ou des prospects représentatifs et à exploiter ce qu’ils répondent et disent en situation.

C’est le seul moyen d’approcher l’expérience client dans sa plénitude et, si nécessaire, de préparer valablement un questionnaire à soumettre à un large échantillon.

Voyons comment collecter les réponses et observations nécessaires, puis comment exploiter les résultats.

La méthode présentée est appelée l’analyse des affinités ou diagramme des affinités ou encore méthode KJ du nom de l’anthropologue Kawita Jiro qui l’a initiée.

Dans un article ultérieur, nous présenterons la méthode quantitative d’évaluation de l’expérience client.

 

  1. Collecter les réponses et les observations.

Trois questions se posent ici. Quelles définitions préalables à l’enquête ? Quel protocole d’entretien ? Comment mettre en œuvre le questionnement et l’observation ?

1.1. Les définitions préalables.

On sait que les définitions préalables sont les plus difficiles.

-Que cherche-t-on à savoir ? Quel problème repérer ?

-Qui questionner et/ou observer et en quel nombre ?

-Quelle méthode de questionnement et d’observation ?

Comme on ne peut pas tout explorer simultanément , l’objectif de l’enquête est nécessairement spécifique ; il peut concerner la préparation de la création d’un produit, l’exploration du raisonnement du prospect,  l’évaluation de l’expérience client en cours, etc. ; dans ce dernier cas qui sera principalement retenu ici, l’accent peut être mis sur l’évaluation des forces et faiblesses de l’expérience ou sur un des aspects de cette expérience, par exemple, les attentes insatisfaites et les suggestions d’améliorations.

La détermination du qui et du combien de personnes interroger dépend de l’objectif retenu ; dans tous les cas, le « qui » doit être aussi représentatif que possible de la population observée et le « combien » conduit à  s’arrêter lorsque les réponses convergent suffisamment.

Concernant la méthode, on peut retenir l’entretien plus ou moins structuré, opéré en groupe ou par personne, à distance ou pas etc.

L’évaluation de l’expérience client en cours ayant été retenue ici, on choisira l’entretien semi-structuré de clients et l’observation de leurs comportements et de leurs réflexions au travail, in situ.

L’objectif est de connaître ce que ne peuvent révéler ni les résultats des ventes ni les opinions collectées par les vendeurs ou exprimées dans les réseaux sociaux, par exemple : ce que le produit représente pour le client, comment il s’en sert, quelles sont ses insatisfactions et attentes, etc.

1.2 Les composantes du protocole d’entretien.

L’entretien doit être préparé avec soin et dans un certain détail,  même si l’on sait que les circonstances peuvent nous conduire à en dévier.  Les points à préparer sont les suivants :

Objectif : gains en connaissances espérés et plan de conduite de l’entretien (questions et sous-questions).

Introduction : faire connaissance avec l’interlocuteur ; lui présenter le but et les modalités de l’entretien et  obtenir son accord sur sa participation et sur l’usage qui va être fait de ses réponses et suggestions.

Entretien : on commencera par des questions fermés, simples et faciles, pour mettre à l’aise l’interlocuteur et lancer l’entretien ; puis on passe à l’entretien proprement dit avec des questions ouvertes et sur le ton de la conversation. Les questions susceptibles de mettre l’interlocuteur mal à l’aise doivent de préférence être posées à la fin.

Observation du comportement in situ : on cherchera , de plus, à obtenir que l’interlocuteur « raisonne à haute voix », disant ce qu’il fait ou ne fait pas et les précautions qu’il prend et expliquant pourquoi ; selon les besoins, on peut l’inviter à effectuer une tâche particulière et à raisonner dessus à haute voix.

Fin de l’entretien et de l’observation : savoir si l’interlocuteur a quelque chose à ajouter ; lui laisser des coordonnées où adresser des compléments ; lui dire qu’il aura connaissance des résultats globaux et le remercier.

On notera que cette structure de base est nécessaire en général mais qu’elle peut être adaptée à l’objectif, à l’interlocuteur ou aux circonstances.

 

1.3. La mise en œuvre des points principaux du protocole

Le concept d’entretien semi-structuré est facile à concevoir mais sa mise en œuvre difficile à maîtriser ; voici quelques recommandations utiles aux enquêteurs peu expérimentés.

1.3.1. Préparation et organisation du questionnement.

Le questionnement peut s’organiser par thème ou par ordre chronologique du processus concerné.

Rédiger le plan de questionnement permet de le tester préalablement auprès de collaborateurs et aide à l’avoir plus clairement en tête lors de l’entretien et d’y revenir plus facilement si on est conduit à en dévier.

Ce plan est la ligne directrice de l’enquêteur mais ce que dit ou fait l’interlocuteur peut parfois être plus important à creuser.

Dans tous les cas, l’objectif est d’obtenir des informations spécifiques et concrètes qui puissent servir de base à l’analyse et à la généralisation ; les questions doivent être orientées en ce sens et conduire l’interlocuteur à spécifier ou concrétiser sa réponse. (Pouvez-vous citer un exemple spécifique, etc. ?)

1.3.2. Le questionnement.

L’enquêteur doit adopter l’attitude du novice devant l’expert : curiosité, écoute, respect.

C’est l’interlocuteur qui est l’expert de son expérience client et c’est ce qu’il dit qui est recherché. Une curiosité légitime de l’enquêteur et une écoute attentive et respectueuse valorise l’interlocuteur et le motive à parler.

Doivent être écartées les questions inquisitrices (Avez-vous fait X ? Pourquoi avez-vous fait ou n’avez-vous pas fait X ?), les questions normatives (ne faudrait-il pas faire X ?), les demande de choix (préférez-vous X ou Y), parce  que ce type de question incite l’interlocuteur à prendre une attitude défensive de « fermeture ».

Les questions ouvertes doivent prédominer pour encouragent le participant à dire sa perception, son ressenti, sa motivations, ses préférences, ses suggestions, etc. (Pouvez-vous me parler d’une situation spécifique? Comment avez-vous fait cela la dernière fois ? Pourquoi quelqu’un n’aimerait-il pas faire X ou pourrait-il préférer X à Y ? Comment avez-vous essayé de résoudre tel problème particulier?)

Les questions fermées ne sont pas interdites mais réservées aux questions simples et faciles en début d’entretien

1.3.3. La prise de notes

Selon le milieu à observer, c’est l’ordinateur portable qui peut être recommandé ou la prise de notes sur papier, même en cas d’enregistrement audio. Dans les 2 cas, il est pertinent d’entrer sur ordinateur ou d’imprimer les questions à poser et de laisser de la place après chaque question pour la prise de notes.

Ne pas oublier de prendre note, écrite ou numérique, des observations faites par l’interlocuteur mais aussi des observations faites et impressions ressenties par l’enquêteur sur le contexte de travail et le comportement de l’interlocuteur.

1.3.4. L’observation in situ et le «penser à haute voix »

L’observation in situ doit être préparée par l’étude du contexte dans lequel l’interlocuteur vit son expérience client d’utilisateur d’un produit ou service .

On n’est pas obligé d’être aussi « expert » que l’interlocuteur mais on doit être capable de comprendre ce qu’il dit et surtout ce qu’il «pense à haute voix» ; et être capable aussi de lui demander d’exécuter telle tâche particulière et de le questionner à ce moment-là (Que cherchez-vous à faire ? A quoi pensez-vous ? Qu’est-ce qui vous faciliterait la tâche ? etc.), en particulier s’il est embarrassé ou s’il fait des opérations surprenantes.

 

  1. Extraire et traiter les résultats.

L’objectif difficile est de faire que les résultats de l’enquête, ensemble de données multiples, diverses, partielles, etc. « révèlent » de façon claire les termes du problème (écart entre le vécu et le souhaité)  et, si cela est correctement fait, en indiquent la ou les solutions (voies de réduction de l’écart).

2.1. Extraire les résultats de l’entretien.

Cette extraction consiste à décomposer les réponses de l’interlocuteur, ses observations, les observations et impressions de l’enquêteur en une série de notes courtes qu’on appelle « note d’affinité » parce qu’on va chercher, par la suite, à regrouper ces notes par affinité.

Autant que possible, chaque note ne doit traduire qu’une idée, n’avoir qu’un contenu concret et précis ; être composé d’une phrase ou deux, être écrite sur un post-it et porter le code de l’auteur.

La difficulté,  ici, est le trouver le bon équilibre entre trop et pas assez de notes. On peut écarter les répétitions et sélectionner les notes les plus intéressantes en donnant priorité aux contenus inattendus.

A titre d’exemple, on prendra appui sur le cas simplissime donné par l’auteur du mooc.

Voici la série des notes d’affinité retenues. NB : ce qui est entre  «…. » est une citation de l’utilisateur ; ce qui indiqué « obs » est une observation de l’enquêteur.

Tentez de faire ressortir le problème avant de lire la suite……

U2 « Parfois, je dois utiliser une fourchette pour sortir le toast. »

U2 « Il n’y a pas de meilleur petit déjeuner que des œufs brouillés et du bon pain grillé. »

U3 – aime le toast légèrement croquant, mais pas brûlé.

U4  « Il est difficile d’obtenir la parfaite couleur dorée. »

U4  – a acheté du pain trop grand pour le grille-pain.

U1 –il y a de petites tranches de pain qui ne sortent du gril une fois le grillage terminé.

U2 – obs. Le participant a appuyé sur le levier pour sortir le pain grillé.

U3 – obs. Il retourna le pain pour griller le bout qui n’était pas grillé.

U3 – obs. Après que le pain ait sauté du grill, la partie supérieure n’était pas grillée.

U3 « Quelqu’un a mis le réglage sur « mini » et j’ai dû le faire griller deux fois pour le rendre croquant. »

U1 « Ce matin, je me suis brûlé en attrapant le pain grillé après que ce soit fait. »

U2 « J’avais l’habitude de le mettre au max et d’actionner  » annuler « quand je pensais que c’était fait. »

U2 – obs. U2 a continué à regarder dans le grille-pain pour voir si le pain était grillé.

U2 –le pain a brûlé ce matin parce que laissé trop longtemps.

U2 –a trouvé que le bouton de réglage n’indique pas clairement la durée du toast.

2.2. Traiter les résultats.

L’objectif est de passer de cette accumulation d’observations et d’impressions à l’identification d’un problème susceptible de solution ; donc, à extraire de ces données brutes la formulation du problème.

La méthode du diagramme des affinités consiste à faire progressivement des regroupements pertinents et significatifs des notes d’affinité.

Voici les résultats du processus analysant les notes d’affinités précédentes.

Le « mur des affinités » ci-dessous, tableau sur lequel les notes sont fixées et déplacées à mesure des regroupements, synthétise les résultats de fin d’analyse.

Mur des affinités

 

 

 

 

 

 

 

 

Les quatre premières synthèses (post-il rouges)  sont les suivantes de gauche à droite ;

– La hauteur de la tranche de pain est trop grande pour le grille-pain.

– La hauteur de la tranche de pain est trop petite pour le grille-pain.

– Les gens aiment vraiment les bons toasts.

– Il est difficile de savoir quand le toast est fait et les boutons de contrôle ne sont pas fiables.

La synthèse terminale (post-it bleus) se résume en les deux points-problèmes suivants :

– Le pain est de taille variable mais la hauteur du grille-pain est fixe.

– Les gens aiment le pain bien grillé mais le contrôle du grille-pain est difficile et l’utilisateur ne sait pas    exactement quand le toast est prêt.

Les problèmes sont maintenant bien formulés et leurs solutions quasi-évidentes.

Voyons comment les notes d’affinité ont été traitées.

Il n’y a pas de méthode algorithmique établie et le tâtonnement est nécessaire.

Au début, on fait les regroupements (« cluster ») de notes par thème ou affinité les plus faciles en sachant qu’ils sont provisoires. Puis, on tente de regrouper les autres notes dans d’autres groupes, ce qui peut être évident ou conduire à reconsidérer le travail préalable, etc. Lorsqu’un groupe paraît composé de façon définitive (3 à 7 notes) on tente de lui donner un titre résumant l’essentiel du contenu en une phrase.

Le difficile est de trouver le bon équilibre entre le degré d’abstraction qui révèle le problème et le degré de précision nécessaire à la résolution. On arrête de créer des regroupements lorsque les regroupements n’apportent plus d’informations nouvelles

En général, ce travail n’est pas à la portée d’un homme seul et la réflexion collective est nécessaire.

 

On notera que le diagramme d’affinités est un bon outil chaque fois qu’il faut explorer un problème flou et créer une vision partagée sur une situation complexe ; par exemple pour préparer puis réaliser une  innovation, un changement, etc.

 

Voici, ci-dessous, un exemple cité par une étude du Ministère de l’équipement, des transports et du logement traitant le problème suivant « Quelles sont les lacunes de notre accueil téléphoniques ? »

http://www.cedip.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/outils_resol_problemes.doc_cle182ac8.pdf

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Source : Ministère de l’équipement, des transports et du logement. Délégation à la qualité)

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 4/06/20


[(Internet, Phone, Mail, and Mixed-Mode Surveys: The Tailored Design Method)] [ By (author) Don A. Dillman, By (author) Jolene D. Smyth, By (author) Leah Melani Christian ] [October, 2014]

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