La stratégie d’internationalisation d’une entreprise a pour objectif d’entrer dans un marché étranger et d’y réussir.
La mondialisation des activités tend à faire passer cette opération pour banale ; elle n’en reste pas moins très risquée. Cette opération est recherchée pour les économies d’échelle et le potentiel de croissance qu’elle peut procurer mais la concurrence est rude dans toutes les industries et certains types d’industrie doivent, de plus, surmonter les particularités locales.
On sait que les moyens de la stratégie d’internationalisation sont les deux suivants :
– exporter des biens ou services à destination des prospects d’un pays étranger ;
– investir, s’implanter dans un pays étranger (seul ou en partenariat), pour produire et vendre aux prospects de ce pays.
Mais le choix du ou des moyens dépend largement du type de produit.
Le tableau ci-dessous croisant ces deux moyens conduit à distinguer quatre types d’industries ou produits :
(Source: mooc Coursera “Advanced Business Strategy”)
-Certaines industries sont protégées (« sheltered ») de la concurrence étrangère et généralement dominées par des opérateurs locaux. Ces sont des industries nationales ou réglementées (ex. chemins de fer) ou des activités réglementées ou à très fort caractère national (services).Les exportations comme les investissements sont alors faibles.
-Les industries internationales (Aérospatiale, matériel militaire, produits agricoles, etc.) font l’objet d’un fort commerce international et d’un faible niveau d’investissement étranger direct. Il s’agit des produits qui voyagent bien et qui ne font pas l’objet de différenciation locale.
-Les Industries mondiales (Automobiles, semi-conducteurs, pétrole, etc.) sont caractérisées par des niveaux élevés de commerce international et d’investissements étrangers directs.
-Les industries multinationales (Produits alimentaires, hôtels, services, etc.) sont caractérisées par un niveau élevé d’investissements directs étrangers et un niveau faible de commerce international car la différenciation nationale est alors élevée et exige ne présence locale.
Cette typologie doit être considérée comme indicative car la diversification des grandes entreprises et l’intervention des pouvoirs publics complexifient beaucoup les situations.
Rappelons les questions clés que pose toute stratégie d’internationalisation avant de présenter les avantages et inconvénients de chaque voie de réalisation : exporter, conclure un partenariat avec un acteur local, investir dans un marché étranger.
- Les questions clés de tout développement international
On ne se développe pas à l’étranger sans minutieuse préparation.
Les questions clés à se poser sont bien connues mais les réponses sont difficiles à établir : quel marché étranger viser et à quelles conditions y réussir ?
1.1. Quel marché étranger viser et quelle valeur attribuer à l’opportunité initialement repérée ?
La réponse à cette question tend à s’induire des caractéristiques de l’offre et de la clientèle nationale. Le plus souvent il s’agit de transposer à l’étranger l’expérience nationale et, donc, de choisir le marché étranger qui offre le plus de chance de réussir cette transposition. On part d’hypothèses initiales qu’il vérifier, amender, modifier.
1.2. A quelles conditions réussir dans le marché retenu ?
L’avantage concurrentiel détenu sur le marché national peut-il opérer tel quel sur le marché étranger visé ou faut-il l’adapter et comment ? Vaut-il mieux simplement exporter ou s’implanter, trouver un partenaire local ou national ou agir seul, etc. ? Sera-t-il nécessaire d’adapter telle ou telle caractéristique de l’offre au particularisme local ?
S’il ne s’agit que d’exporter, peut-on espérer trouver les distributeurs locaux nécessaires ? ET si l’activité national s’accroit, les fournisseurs nationaux suivront-ils et à quelles conditions ? Pourra-on trouver le supplément de personnel qualifié national nécessaire ? Etc.
S’il s’agit d’implantation à l’étranger, on imagine facilement la liste des questions à se poser.
Et dans tous les cas, la question financière surgira : aura-t-on la capacité d’autofinancement nécessaire ou le soutien des banques ?
1.3. Quel plan initial mettre en œuvre (plan d’essai ?) et que considérer comme indicateurs encourageants ?
Finalement la question basique est de savoir si on peut réunir les capacités de créer pour les clients locaux visés plus de valeur que les concurrents locaux existants ou à venir.
Et on imagine facilement que les études et vérifications à mener sont nombreuses et diverses.
1.4. Quelle stratégie de pénétration du marché étranger retenir.
Le plan décidé recoure nécessairement à l’une des trois stratégies suivantes:
– la stratégie d’exportation consistant à proposer à des prospects étrangers l’offre proposée aux prospects nationaux, telle quelle ou adaptée aux attentes locales.
– la stratégie de partenariat avec un acteur local ou un acteur national implanté sur le marché local ; ce qui peut s’avérer nécessaire ou préférable si elle permet de mieux faire face aux besoins des prospects locaux ou aux conditions mises à une implantation.
-l’investissement direct consistant à acquérir une entreprise locale ou à en créer une pour produire ou commercialiser.
Examinons les avantages et inconvénients de chaque stratégie d’internatiobalisation.
- Avantages et inconvénients de la stratégie d’exportation.
2.1. Les avantages potentiels sont les suivants :
-Utiliser plus pleinement les capacités de l’entreprise exportatrice, réaliser des économies d’échelle et une croissance plus rapide.
-Entrer rapidement et économiquement sur un nouveau marché étranger, en recourant aux canaux de distribution locaux.
2.2. Les Inconvénients potentiels ne sont pas négligeables :
-Les coûts de transport et les taxes d’importation ainsi que les exigences des distributeurs locaux peuvent réduire sensiblement la rentabilité du plan.
-L’entreprise peut avoir peu de contrôle sur la commercialisation de son produit.
-S’il s’agit d’exporter un produit exigeant adaptation aux préférences locales, la rentabilité du plan sera réduite et peut être remise en question.
Eu égard à ces inconvénients potentiels, la comparaison avec les autres stratégies d’internationalisation est nécessaire et en particulier avec la stratégie d’implantation, si dans le marché visé, les coûts de main-d’œuvre sont faibles, les compétences nécessaires sont disponibles et les pouvoirs publics sont accueillants.
- Avantages et inconvénients de la stratégie de licences et alliances.
Cette stratégie conduit une entreprise nationale à accorder à une entreprise étrangère une licence, c’est-à-dire le droit de fabriquer (avec les plans nécessaires) et de vendre ses produits localement en échange d’une redevance ou d’une autre forme de partage des bénéfices.
L’alliance stratégique avec un partenaire local peut être plus restreinte et concerner seulement l’adaptation du produit ou la commercialisation, etc.
3.1. Les avantages potentiels sont nombreux :
– Eviter les frais d’exportation et, surtout, profiter des avantages de coût de production et des compétences de commercialisation que le partenaire local peut détenir. Ce peut être également pénétrer un segment de marché nouveaux exploité par le licencié.
3.2. Les Inconvénients potentiels sont au moins aussi nombreux :
– Le partenariat industriel et/ou commercial peut s’avérer être impossible ou trop coûteux en formation si l’entreprise locale n’a pas les compétences requises.
– Si l’opération est possible à des conditions acceptables, elle a plus de chance de réussir mais la rentabilité est nécessairement réduite puisque partagée.
– L’entreprise nationale perd une partie plus ou moins grande du contrôle sur la qualité de la production et de la commercialisation, le contrat de licence ne pouvant tout prévoir.
-Les objectifs des partenaires peuvent diverger à un moment ou à une autre et provoquer un conflit difficile.
-Le partenaire local va apprendre beaucoup et peut voir là une opportunité d’agir pour son seul compte.
- Avantages et inconvénients de la stratégie d’investissement direct.
Cette stratégie conduit une entreprise à décider de s’implanter dans un marché étranger pour y fabriquer et/ ou commercialiser ses produits. Elle peut le faire en créant une entreprise locale ou en prenant une participation majoritaire au capital d’un acteur local ou en rachetant totalement un acteur local.
4.1. Les avantages potentiels sont importants :
-Bénéficier de l’avantage local de coût de production ou de commercialisation et, bien sûr, éviter les coûts de l’exportation.
-Transférer à l’étranger plus facilement et plus efficacement les capacités et savoir-faire.
-Se protéger plus efficacement de toute imitation.
-Garder le plein contrôle de la qualité des opérations, etc.
4.2. Les inconvénients potentiels sont tout aussi importants :
-Les coûts et les risques financiers et managériaux peuvent être très élevés : coûts et risques de l’implantation et coûts du management d’un personnel local différent ; ce qui va exiger de parcourir une courbe d’apprentissage.
-Les coûts et les risques d’être durablement perçus comme étranger et « rejeté » par les clients.
-Les coûts et les risques d’une réaction de « rejet » des concurrents locaux et de leurs fournisseurs.
Explorons, pour finir, les différences entre créer une entreprise et en acquérir une dans le marché étranger.
- Créer ou acquérir une entreprise dans le marché étranger ?
5.1. Créer une entreprise dans le marché étranger.
Les avantages potentiels sont les suivants :
-Avoir le contrôle total de l’aménagement de l’entreprise et des méthodes de production, de marketing, de distribution, etc.
-Démarrer et progresser à son rythme : on peut commencer à petite échelle et se développer dans le temps.
-Etre à l’abri de tous les risques d’imitation de ses savoir-faire principaux.
Les Inconvénients potentiels sont les suivants :
-Devoir apprendre à connaître les méthodes de travail, de commercialisation, d’entrée en relations, dominantes dans le marché étranger
-Mettre plus de temps à devenir compétitif en production et en commercialisation.
5.2. Acquérir une entreprise locale.
Les avantages potentiels sont les suivants :
– Si le choix est pertinent, les difficultés d’adaptation au marché étranger peuvent être nettement réduites même si doivent être lancées des formations nombreuses du personnel et des canaux de distribution.
-Les « résistances à l’étranger » des concurrents, fournisseurs et clients sont moindres également même si elles ne disparaissent pas et doivent être traitées avec soins.
Les inconvénients sont les suivants :
-L’acquisition d’une entreprise locale est coûteuse en temps de sélection et de négociation et en prix d’achat.
-Changer la culture de l’entreprise locale est également difficile et coûteux.
On voit qu’adopter une stratégie d’internationalisation conduit à répondre à des questions difficiles et à opérer des choix délicats parce que tous les choix présentent des avantages et des inconvénients.
Personne ne peut choisir à la place du dirigeant mais il peut lui être utile d’avoir une liste des questions à se poser ainsi qu’une liste des avantages et inconvénients de chaque méthode d’internationalisation.
PS : Pour qui voudrait un complément utile et une vision plus opérationnelle de cette stratégie, voir :
https://outilspourdiriger.fr/conquerir-lavantage-concurrentiel-international-2/ ; article qui présente les contraintes principales de l’internationalisation et qui explore les deux dimensions clés de la stratégie d’internationalisation : internationaliser sa présence sur le marché et internationaliser sa chaîne de valeur.
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 16/06/202
(Source: mooc Coursera “Advanced Business Strategy” University of Virginia) https://www.coursera.org/learn/uva-darden-advanced-business-strategy?specialization=business-strategy