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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Le cycle de vie de la concurrence Le cycle de vie de la concurrence

(Source: mooc Coursera “Advanced Business Strategy” University of Virginia)

Le cycle de vie de la concurrence concerne le monde ou l’entreprise. Les manœuvres concurrentielles courantes déterminent les évolutions de court terme des parts de marché et des résultats mais l’enjeu décisif, le facteur déterminant de la croissance ou de la disparition, de la redistribution des cartes,  est constitué par les innovations, par les changements de technologies ou de modèles d’affaires ou de valeurs sociales.

Avoir un avantage concurrentiel difficile à imiter est la condition nécessaire du développement et de la durée de vie mais non la condition suffisante, car la seule constante observable dans le monde de l’entreprise est le changement : l’émergence de nouvelles technologies, de nouveaux modèles d’affaire, de nouvelles préférences de consommation, qui remettent en question les entreprises en place. C’est ce que J. Schumpeter a appelé la « destruction créatrice », destruction du présent, création du futur,  et qui constitue le facteur principal du cycle de vie de la concurrence.

Avoir en tête ou revisiter un schéma, un modèle, de ce cycle de vie de la concurrence est utile à tout dirigeant actuel ou futur, pour évaluer sa position concurrentielle en cours et, surtout, pour anticiper les menaces et opportunités potentielles.

C’est pourquoi on commencera par une présentation de ce cycle de vie de la concurrence : ses phases, les évolutions des technologies, des acteurs du marché et des résultats des entreprises, l’émergence et la concurrence entre innovations.

On examinera ensuite les facteurs d’échecs et de succès des entreprises en place. Et on terminera en listant les questions à se poser pour évaluer sa situation en cours et tenter de préparer son futur.

 

  1. Le cycle de vie de la concurrence

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Source: mooc Coursera “Advanced Business Strategy” University of Virginia)

Le graphique ci-dessus synthétise le phénomène en en présentant les phases et les évolutions générales des revenus ((« Cumulative revenues ») des entreprises (« Firms ») et des bénéfices (« Margins »).

1.1. Les phases.

On en distingue trois principales : la phase émergente, celle de la croissance et celle de la maturité.

La phase émergente.

Au début d’un cycle, la phase « émergente » est celle où apparaissent de nouvelles technologies ou/et de nouveaux modèles d’affaire ou/et de nouvelles préférences de consommation. C’est une phase de fermentation d’idées, d’expérimentations et de créations de startups. L’adoption de l’innovation est faible car elle n’intéresse que les innovateurs et les adoptants précoces (voir https://outilspourdiriger.fr/lacquisition-de-clients-par-la-startup-selon-la-wharton-school/). Les standards ne sont pas encore définis et la croissance des startups est faible également car elles ne peuvent conquérir que des marchés de niche. Les bénéfices sont faibles sinon négatifs.

La phase de croissance.

La phase de croissance rapide ou décollage commence avec l’adoption de l’innovation par le plus grand nombre et avec la croissance des entreprises qui produisent l’innovation et des entreprises qui en font une opportunité de diversification.

L’adoption est facilitée par la mise au point de l’innovation et l’adjonction de services (processus d’utilisation, de livraison et de service après-vente), ce qui peut permettre à certaines entreprises existantes de devenir leader de l’innovation grâce  à leur management et au rachat de startups.

La phase de maturité

Enfin, le cycle s’achève par une phase de maturité où la demande de l’innovation et les résultats des innovateurs  « plafonnent » sur le marché et où une innovation nouvelle commence à apparaître.

Et le cycle se reproduit….

1.2. Les évolutions de l’innovation, des acteurs et des résultats.

On peut ainsi caractériser ces évolutions :

-La configuration exacte de l’innovation (caractéristiques du produit ou du modèle d’affaire ou de la préférence sociale) se construit peu à peu et par concurrence, au cours de la phase émergente. Puis une forme dominante s’impose, se voit compléter par les services nécessaires à l’utilisateur et peut ainsi être adoptée de plus en plus largement avant de voir sa croissance plafonner et sa place contestée par une autre innovation.

-Concernant les acteurs, commencent à entrer dans le marché de nouveaux acteurs porteurs de l’innovation ; ils se multiplient et se développent puis sont rejoints par les entreprises existantes qui se diversifient dans la nouvelle technologie. Le nombre d’acteurs croît ainsi jusqu’à ce qu’interviennent des faillites, fusions ou absorptions.

-Concernant les bénéfices, l’observation la plus courante est la suivante : dans la phase émergente les bénéfices sont faibles sinon négatifs. A mesure que l’innovation réussit, les bénéfices croissent rapidement ; puis sous l‘effet de la concurrence, les taux de rentabilité décroissent ne laissant subsister qu’un ou que quelques acteurs puissants.

1.3. L’émergence et la concurrence entre innovations.

On peut repérer les deux sources principales suivantes :

-la recherche fondamentale ou appliquée entreprise dans les universités et centres de recherches publics ou privés qui repoussent les frontières technologiques ou managériales du moment.

-l’évolution des valeurs sociales dominantes et des préférences de consommation.
La recherche et l’innovation technologique sont, sans doute, les facteurs les plus importants et sans doute les plus exogènes au marché, mais l’interdépendance et l’interaction entre les deux types de sources sont très importantes.

Concernant la concurrence entre innovations, on remarquera qu’une fois adoptée l’innovation va être l’objet d’un fort et long processus de perfectionnement tendant à produire des rendements décroissants dans le temps. L’innovation nouvelle, elle, est généralement moins performante et plus chère que la technologie ancienne mais elle tend à faire l’objet de progrès très rapides qui la rendent rapidement indispensable.

 

  1. Les facteurs d’échecs et de succès des entreprises en place.

Face à une innovation pertinente et adoptée par une part significative du marché, l’entreprise en place n’a le choix qu’entre adopter l’innovation (comme outil ou comme produit), et disparaitre à terme.

La disparition peut être accélérée par les facteurs suivants :

L’innovation de rupture est telle que peut rapidement rendre obsolète la technologie en cours ; c’est ce qui est arrivé aux horlogers suisses, lors de l’innovation des montres à quartz. Et les innovations de modèles d’affaire, plus faciles et  plus rapides peuvent être tout aussi dangereuses (Uber, etc.)

-L’innovation qui a fait le succès des entreprises en place tend à devenir le principal obstacle à leur perception de la menace et à leur réaction. Leur objectif principal est d’améliorer leurs performances dans leur configuration en cours ; et comme l’innovation nouvelle n’est pas au point au début et que le succès tend à rendre « myope », elles négligent la menace et tarder à réagir.

-L’innovation est telle que les entreprises en place choisissent délibérément de tenir autant que possible puis de préparer leur sortie du marché.

Cependant des réactions plus positives à l’émergence de l’innovation nouvelle sont possibles.

– Certaines entreprises, les plus grandes et les plus dynamiques, sont elles-mêmes les créatrices de l’innovation nouvelle dans leur domaine ; parce que l’innovation exige, le plus souvent, des capacités techniques, humaines et financières très importantes.

-D’autres entreprises conscientes du cycle de vie de la concurrence, veille régulièrement  à préparer les innovations nécessaires dans leur domaine ou à racheter les startups créatrices de ces innovations.

-D’autres entreprises, enfin, prennent appui sur les capacités et les ressources que leur donne leur avantage concurrentiel pour surmonter la menace technologique à leur avantage.

 

  1. Se situer dans le cycle de vie de la concurrence et préparer le futur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(Source: mooc Coursera “Advanced Business Strategy” University of Virginia)

La première démarche est de tenter de se situer dans le graphique ci-dessus présentant les phases du cycle de vie de la concurrence de son domaine avant de préparer sa réaction.

Nb = les limites de phases doivent ainsi lues = « disruption » = émergence de l’innovation de rupture ; « annealing » = émergence de la configuration dominante de l’innovation ; « shakeout » = croissance du nombre d’acteurs, puis faillites, absorptions etc.

Les réactions d’une entreprise doivent différer selon la phase où elle se situe. On pourrait imaginer les axes suivants :

-dans la phase émergente : collaboration avec une startup pour la mise au point de l’innovation qu’elle prépare et obtention précoce de l’innovation ou rachat de la startup ; lancement de l’innovation concurrente que l’entreprise avait en préparation, etc. ;

-dans la phase de croissance : essentiellement rachat de startup et rachat des concurrents les plus affaiblis ;

-dans la phase de maturité : essentiellement, préparation de l’innovation future ou de la cessation d’activité.

La pertinence de la réaction dépend de la situation du marché concerné, de la vitesse à laquelle apparaissent les innovations dans ce marché, de la vitesse à laquelle l’innovation nouvelle tend à être adoptée et de la capacité d’innovation que possède l’entreprise concernée.

Ce qui conduit à se poser les questions suivantes :

-S’agit-il  d’une industrie en évolution lente ou très rapide ?

L’ordre concurrentiel en cours est-il perturbé par de nouveaux entrants innovants tous les cinq ans (Industrie des jeux) ou tous les 50 ans ?

-S’agit-il d’innovations radicales ou d’innovations incrémentales et, donc, moins graves ?

-Une configuration dominante de l’innovation va-t-elle vite émerger ou plusieurs conceptions concurrentes vont subsister ?  Y aura-t-il un modèle et un acteur dominant, un duopole ou plusieurs acteurs ?

-Vaut-il mieux une réaction précoce à l’émergence de l’innovation ou une réaction plus tardive ? Nombreux sont les exemples d’entreprises et de particuliers qui innovent mais qui, finalement, laissent d’autres acteurs profiter de leur création (des concurrents, des fournisseurs, des distributeurs, etc.).

-Vaut-il mieux innover ou acquérir un innovateur ?

 

Faire face à la concurrence de tous les jours ne doit pas occulter le facteur décisif de la croissance et de la régression, voire de la survie, qu’est l’innovation. C’est elle qui détermine le cycle de vie de la concurrence.

Avoir en tête cette hiérarchie des facteurs et un modèle de cycle de vie de la concurrence est indispensable à tout dirigeant : pour évaluer sa position concurrentielle en cours et, surtout, pour anticiper les menaces et opportunités potentielles

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 9/06/2020

Source: mooc Coursera “Advanced Business Strategy” University of Virginia)