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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Le leadership dans l’équipe Agile.1 Le leadership dans l’équipe Agile.1

 

Le leadership dans l’équipe Agile, l’expression peut paraître bizarre à première vue. Une équipe appliquant la méthode Agile est, par définition, autonome et ne comporte que quelques responsables de certains aspects de son fonctionnement sans autorité sur le travail de l’équipe. Il n’y a pas de leader désigné dans la méthode agile.

On sait bien, pourtant, que l’autonomie, l’auto-organisation et l’efficacité ne relèvent pas de la génération spontanée. Alors leadership « collectif » ou leader ad hoc ? La deuxième formule est, bien sûr, nécessaire pour construire et maintenir l’autonomie efficace.

Voyons d’abord ce qu’est la méthode de gestion de projet Agile ; ce que sont ses bases, ses acteurs, son processus.

On s’interrogera ensuite sur la nécessité d’un leader spécial dans l’équipe Agile et on tentera de définir son rôle dans un deuxième article.

 

  1. La méthode Agile

Agile est une méthodologie de gestion de projet construite en opposition à la méthode traditionnelle de la « cascade » considérée comme erronée et inefficace (The Waterfall Mistake). La méthode Agile privilégie l’itération, le partage des responsabilités entre plusieurs acteurs, la participation des managers non techniciens au travail, les livraisons partielles mais testées et l’autonomisation de l’équipe de développement.

« Scrum » (mêlée de rugby) est le cadre de travail de base de l’équipe agile et la base sur laquelle sont construits les autres cadres agiles (par ex. SAFe ou Disciplined Agile).

La méthode a permis de réussir de façon remarquable de très ambitieux projets mais peut être utilisée pour tout type de projet, en particulier les projets à forte incertitude.

L’étude intersectorielle conduite en 2013 par le site Ambysoft montre qu’Agile a plus de succès et échoue nettement moins souvent que la méthode traditionnelle.

Voyons quelles sont les bases de la méthode et quelle en est la mise en œuvre.

 

1.1.Les bases de la méthode

Elles résident dans le « Manifesto » et les 12 principes complémentaires et se précisent dans la différence avec les deux autres méthodes les plus appliquées : la méthode traditionnelle et la méthode « lean ». 

1.1.1. Le Manifesto Agile. http://agilemanifesto.org/

C’est le cœur de toute la méthodologie Agile ; développé en 2001 par des praticiens de la gestion de projet (développeurs de logiciels essentiellement).

Concernant les principes à retenir dans la gestion de projet, le manifeste énonce ceux qu’il retient prioritairement, dans la liste ci-dessous : les principes en gras, par opposition aux principes en maigre prévalant actuellement.

Agile.Principes

 

 

 

 

 

 

C’est ainsi qu’il énonce ses préférences :

-Les individus et les interactions valent mieux que les processus et les outils.

Les processus et les outils sont importants pour les équipes de projet mais les équipes sont plus efficaces lorsqu’elles communiquent directement entre elles et avec les parties prenantes au projet.

Fournir le produit, en tout ou en partie, vaux mieux que fournir la documentation complète du produit, parce que les idées doivent être testées et validées avant d’être écrites.

Collaborer avec les clients vaut mieux que négocier des contrats.

La négociation des contrats est nécessaire et importante mais il vaut mieux travailler avec le client pour être sûr de produire ce qu’il veut et pour construire une relation de long terme avec lui.

Réagir aux changements vaut mieux que de suivre le plan initial parce qu’il faut prendre en compte le changement le plus récent avant de concevoir.

1.1.2. Les 12 principes du Manifeste Agile

Les managers de projet Agile affirment suivre les principes suivants dans leur travail :

-La priorité absolue est de satisfaire le client grâce à une livraison de logiciels ou de produits de valeur.

-Le changement est toujours pris en compte, même en fin de développement, pour livrer un produit de valeur.

-Fournir fréquemment et rapidement des parties de logiciels ou de produits opérationnels à valider vaux mieux qu’attendre d’avoir conçu tout le produit pour le tester.

-Les managers et les concepteurs doivent travailler ensemble quotidiennement tout au long du projet.

-On doit faire confiance et donner l’autonomie à l’équipe de conception.

-La méthode la plus efficace pour échanger des informations dans une équipe est la conversation de face à face.

-Produire une partie du logiciel ou du produit qui remplit sa fonction est la principale mesure du progrès.

-L’équipe doit pouvoir maintenir un rythme de travail constant sans recourir à des heures supplémentaires.

-La qualité du travail améliore l’agilité.

-La simplification du travail à faire, par décomposition du travail total, est essentielle.

-Les équipes autoorganisées prennent les meilleures décisions.

-Il est essentiel pour l’équipe de réfléchir régulièrement et collectivement à la manière de devenir plus efficace.

1.1.3. La différence avec les méthodes traditionnelle et « lean ».

Comme le montre le schéma ci-dessous la comparaison porte sur les choix concernant les 3 points principaux suivants : la variable d’ajustement du coût, le critère de choix des fournisseurs, l’objectif principal poursuivi :

Agile comparé aux autres méthodes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

-La méthode Agile tient le budget et les délais comme données et ajuste la portée du travail (ampleur) pour réaliser le développement à temps et dans le budget. Elle choisit ses fournisseurs pour la confiance qu’elle a en eux et retient pour objectif la vitesse de réalisation.

La méthode traditionnelle tient la portée et les délais comme données et ajuste le budget. Elle choisit ses fournisseurs pour leur efficacité et a pour objectif la prévisibilité.

La méthode Lean tient la portée et le budget comme données et ajuste les délais. Elle choisit ses fournisseurs pour leur expertise et a pour objectif l’innovation.

On retiendra que l’objectif de vitesse de réalisation de la méthode Agile tend à exiger que l’équipe autonome soit rapidement opérationnelle.

1.2. La mise en œuvre de la méthode.

Examinons les rôles dans l’équipe Agile et le déroulement du processus.

1.2.1. Les rôles dans l’équipe Agile

Rôles dans équipe Agile

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme le montre le schéma ci-dessus, on distingue, en principe, trois types d’acteurs dans l’équipe Agile : le « Scrum master », le « Product owner » et les membres de l’équipe.  Pour introduire le leadership dans le schéma, on y a jouté le chef de projet (Project Manager, Agile PM)

Le « Scrum master ». https://en.wikipedia.org/wiki/Scrum_(software_development)

https://en.wikipedia.org/wiki/Scrum_(software_development)

(Scrum est un « framework » ou cadre de développement de produits logiciels complexes. Il est défini par ses créateurs comme un « cadre de travail holistique itératif qui se concentre sur les buts communs en livrant de manière productive et créative des produits de la plus grande valeur possible. Ce cadre aide à résoudre les problèmes en suivant les étapes suivantes : Plan, Do, Check et Act (PDCA) (Planifier, réaliser, vérifier, réagir)).

Le Scrum master est l’acteur responsable de la façon dont l’équipe adhère aux principes Agile pour opérer le travail.

-Il facilite les réunions.

-Il s’assure que personne ne retient d’informations importantes.

-Il repère et résorbe les obstacles au travail, qu’ils soient issus de l’intérieur ou de l’extérieur de l’équipe.

-Il est souvent appelé le « sage fou » : « sage » parce qu’il possède l’expérience et « fou » parce qu’il peut poser des questions « stupides » pour faire avancer le travail.

-Il n’a pas d’autorité sur l’équipe Agile.

Le « Product owner ».

– C’est l’expert responsable de ce que fait l’équipe pour le client. En lien avec le client, il créer le cahier de la hiérarchie des besoins (« backlog »), l’explique à l’équipe et recherche les avis du client.

Mais il n’a pas d’autorité sur l’équipe qui reste autonome.

Les membres de l’équipe.

Ce sont des techniciens et des managers qui aiment les problèmes nouveaux et la création d’innovations et c’est l’équipe qui est responsable du résultat du travail et qui est évaluée selon le résultat collectif.

On voit que les responsabilités sont multiples et les relations diverses mais qu’aucun acteur n’a de pouvoir de commandement sur les autres.

Les clients doivent faire confiance à toute l’équipe Agile pour gagner en justesse et vitesse de réalisation du projet.

On peut, ici, se demander si un chef de projet « Agile PM » serait utile et pour remplir quel rôle.

 

1.2.2. Le processus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source = Wikipedia

Le schéma ci-dessus en donne une vue d’ensemble.

Le « sprint » Agile est le rassemblement, pendant une période, des acteurs précédents et des représentants de l’entreprise (stakeholders) qui vont se concentrer sur le développement d’un projet. C’est une phase de travail de durée courte et qui va se reproduire plusieurs fois, jusqu’à la fin du projet.

Chaque sprint (réunion) comporte plusieurs étapes :

-la préparation et la présentation par le « Product owner » de ce que le client veut (« Product backlog ») et la réflexion de l’équipe de développement sur ce qu’il est possible de faire.

-la définition par les mêmes acteurs de ce qui peut être fait dans une période de deux à quatre semaines (« Sprint »)

-et, à la fin de planification, la liste restreinte de travaux à réaliser pendant le sprint (« backlog sprint »).

-pendant le « sprint », l’équipe aura, chaque jour, une brève réunion debout (« stand-up ») (« Daly Scrum ») au cours de laquelle le Scrum master vise à repérer et surmonter les obstacles à la progression des travaux.

-A la fin de chaque sprint, il y aura un produit livrable (« incrément ») qui sera testé lors du « Sprint review » et une réunion de « Sprint retrospective » pour évaluer le travail fait et repérer les améliorations à apporter.

 

  1. Le leadership

2.1. Leadership et management.

Voici trois définitions classiques du leadership qui différent peu :

-S. Ward : l’art de motiver un groupe de personnes pour réaliser un objectif commun.

-D. Eisenhower : l’art d’amener quelqu’un à vouloir faire quelque chose qu’on veut voir faire.

-J. Kotter : l’art d’établir un but et de motiver des personnes à atteindre ce but.

Le leadership n’est pas le management comme l’indique le schéma ci-dessous de J. Kotter :

Leardership et management

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Drucker disait : le leadership consiste à faire les bonnes choses; le management consiste à bien faire les choses.

Kotter précise que : le leadership concerne l’orientation des personnes vers un but commun alors que le management concerne la planification, la budgétisation, l’organisation, le contrôle et la résolution des problèmes.

Le leadership est axé sur la création du changement ; le management est axé sur le contrôle des résultats.

Dans le cas des équipes Agiles, leadership et management sont réunis, pour créer des changements ET contrôler les résultats ; ce qui explique leur efficacité.

2.2. Le leadership dans l’équipe Agile

Définir le leadership dans l’équipe Agile est difficile car, en principe, il n’y pas de leader désigné. L’équipe est autoorganisée, autonome et évaluée pour son travail collectif.

La responsabilité du « Scrum master » et celle du « Product owner » sont, chacune, limitées à un domaine et ne comportent pas d’autorité sur l’équipe qui reste autonome.

Pourtant, l’équipe doit bien être :

motivée pour prendre les meilleures décisions ;

créative et inclusive pour être performante ;

– capable de repérer er corriger les biais décisionnels ;

– capable de négocier les conflits entre les individus, les équipes et les entreprises concernées ;

– capable d’assurer le succès.

Bref, elle doit réussir à innover, rapidement et à la satisfaction du client, en tirant parti de tous ses talents.

On sait depuis longtemps que la position hiérarchique, l’autorité juridique, peut soutenir le leadership mais que ce type d’autorité n’est pas le réel fondement du leadership, lequel relève d’autres facteurs.

Les théories du leadership ont recouru successivement aux fondements suivants :

-les traits de personnalité (intelligence, influence verbale, confiance en soi, détermination, intégrité, sociabilité) ;

-la préoccupation dominante (les hommes ou les résultats) ;

-la capacité de repérer le désir et les capacités du « suiveur » (leadership situationnel).

-la capacité d’exercer l’influence identitaire, d’inspirer une vision, de stimuler intellectuellement et d’accorder aux autres une considération individualisée (leadership transformationnel).

En fait, dans Agile c’est la conception la plus récente du leadership qui prévaut, celle du « Servant leadership » (leader servant ou serviteur).

Pour le créateur du concept, R.K. Greenleaf, le leader est celui qui se met au service des autres (ex : ses collaborateurs) pour les aider à accomplir l’objectif commun ; c’est le leader-serviteur.  (Voir les documents suivants :

https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2020/08/31075-le-servant-leadership-un-levier-de-management-mais-aussi-de-rentabilite-pour-lentreprise/       

https://www.edhec.edu/fr/servant-leadership.)   (On trouvera ici les 10 principales caractéristiques du « servant-leader »).

Mais servir une équipe ne signifie pas en être l’esclave ; en servant les autres, le leader acquiert une autorité authentique et fait accepter des règles de nature à accomplir l’objectif commun.

Ce ne sont pas les règles ou les contraintes qui bloquent l’engagement ou la créativité ; ce sont les règles et les contraintes imposées, alors que si elles sont librement acceptées elles soutiennent l’engagement et libèrent la créativité (Voir le Paradoxe de la structure).

Une autre fonction importante du « Servant leader » est d’assurer une sorte d’incubation de l’équipe, de progression de l’équipe vers l’autonomie effective et efficace, en créant un environnement de soutien de nature à développer ses potentialités.

 

Nous verrons dans un prochain article ce que le leader de l’équipe Agile doit réaliser pour obtenir et maintenir une équipe autonome et efficace.

 

Source principale : https://www.edx.org/course/agile-leadership-principles

 

 

Pour aller plus loin.

La rubrique management de ce blog contient plus de 80 articles ; en particulier les suivants :

https://outilspourdiriger.fr/la-fabrique-de-linnovation/

https://outilspourdiriger.fr/la-fabrique-de-linnovation-2/

https://outilspourdiriger.fr/strategie-de-gestion-de-projet-et-innovation/

https://outilspourdiriger.fr/la-capacite-de-leadership/

 

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur.  A. Uzan. 3/10/2021