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C’est l’affirmation claire d’un des directeurs de Capgemini Consulting à l’issue d’une très importante enquête internationale. C’est aussi l’opinion de beaucoup d’experts. Et c’est ce qui ressortait déjà d’un l’article précédent « La qualité du management facteur du succès ».

Voyons d’abord les raisons d’évoluer avant de présenter les axes possibles de l’évolution souhaitable.

  1. Les raisons d’évoluer.

Présentons 3 ensembles choisis de résultats d’enquête incitant à l’évolution ; l’enquête de Oddo Securities, celle de Capgemini et celles de  D. Courpasson (EMLyon).

1.1. L’enquête de Oddo Securities (voir l’article « La qualité du management facteur du succès »).

L’objectif de l’enquête était de définir les critères d’un management de qualité, de « noter » les managements observables et de rapprocher cette notation des résultats financiers obtenus.

Ainsi, les auteurs de l’étude ont retenus 21 critères, quantitatifs et qualitatifs, couvrant 4 dimensions du management : le PDG, l’équipe dirigeante, l’organisation, le management de proximité et la gestion des ressources humaines ; ils ont noté ces critères pour des grandes et des moyennes entreprises et comparé les résultats financiers.

Ce qui ressort clairement des deux études conduites, c’est la rareté (20 % environ) des entreprises ayant un management jugé de qualité.

1.2. L’enquête de Capgemini Consulting. (http://www.fr.capgemini.com/news/actualites/etude-a-lecoute-des-francais-au-travail-capgemini-consulting-tns-sofres) (http://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2014/11/5172-le-management-la-francaise-doit-evoluer/)

 Parue en juin 2014, l’enquête faite par Capgemini Consulting, auprès de 7800 salariés de sept pays industrialisés différents et portant sur la relation des salariés à leurs entreprises, révèle des résultats plutôt calamiteux pour le management des grandes entreprises françaises.

1.2.1. En France, les salariés marquent une profonde défiance envers leurs hauts dirigeants (aussi envers  les syndicats); c’est ainsi que :

– 40% des salariés sont en situation de désengagement, désenchantement ou d’angoisse et le travail tend à être perçu comme un « gagne-pain » plus qu’un levier d’insertion sociale.

– seuls 50% des managers pensent que la stratégie de leur entreprise «va dans le bon sens» ;

– seuls 50% des salariés pensent que les « changements sont bien gérés et vont dans la bonne direction » ;

– seuls 50% des managers des grandes entreprises (> 1000 sal.) ont confiance dans leur équipe dirigeante ;

– seuls 20% des hauts managers perçoivent les outils digitaux comme très positifs.

L’adhésion à la stratégie est faible et la défiance forte entre niveaux de management.

1.2.2. L’observation la plus importante est que cette défiance est nettement moindre chez les managers et les salariés des entreprises étrangères localisées en France et chez ceux des PME, ce qui tend à mettre en cause le modèle managérial français des grandes entreprises.

L’auteur le dit clairement ; pour faire face à la concurrence internationale, les réponses mises en place ont conduit à la complexification des processus, l’empilement des indicateurs, la superposition des couches hiérarchiques… alors que sont nécessaires les méthodes de management qui favorisent le travail collaboratif et l’innovation.

L’absence d’adhésion aux orientations stratégiques est une faiblesse bien française et que l’on observe dès les premiers niveaux de la pyramide managériale ; les managers sont désengagés parce qu’ils ne sont pas suffisamment impliqués !

1.3. Les enquêtes de D.Courpasson, EMLyon (http://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2015/01/5833-ce-que-les-middle-managers-pensent-de-leurs-dirigeants/)

On sait que la relation entre les « cadres du milieu » et les « cadres du sommet » conditionne la bonne conception et surtout la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise.

Or d’après les entretiens que D. Courpasson a eus avec des centaines de ces « cadres du milieu », voici, en résumé, ce qu’ils pensent de leurs dirigeants, ce qui s’éloigne beaucoup de l’idéal et confirment les résultats présentés ci-dessus.

1.3.1. Le cadre du sommet ne semble pas intéressé par les problèmes de terrain.

« Mon boss est assez sympa mais on n’a aucune vraie relation, il ne répond pas à mes messages ; il ne s’intéresse pas à mon travail ». « Avec le directeur, on ne se connaît pas, il ne me connaît pas, et il s’en fout ; mes problèmes ne l’intéressent pas ». « Mon chef ne fait jamais un feedback, ni positif ni négatif, sur mon travail et mes initiatives ».

Les cadres du sommet sont-ils réellement indifférents à ce qui se passe où cherchent-ils  à pousser l’autonomie de leurs collaborateurs à son maximum ?

1.3.2. Le cadres du sommet est obsédé par le budget.

« Quand il s’agit d’engager des dépenses, alors là, mon chef ressort de son trou ! L’argent, le droit de dépenser de l’argent, c’est sa prérogative apparemment »,

« On pourrait tous voyager en business avec le temps perdu par des gens aux salaires à six chiffres pour vérifier que les demandes de dépenses rentrent bien dans telle ou telle case ! ».

Le contrôle budgétaire drastique, voire tatillon,  s’explique-t-il par le fait que le dirigeant veut exercer la maîtrise absolue des dépenses ? Ou s’agit-il d’un manque de confiance ?

1.3.3. Le cadre du sommet n’aime pas les idées neuves émises par les autres.

Nombreux sont les managers du milieu à voir dans leurs dirigeants des personnes très conservatrices. « Les gens du comité exécutif vantent les concepts tels que « l’empowerment » (octroi de plus de pouvoir d’autonomie et de responsabilité aux collaborateurs ou services), l’intrapreneurship (entrepreneur interne à l’entreprise), le risque et le droit à l’erreur, alors que sur le terrain les idées sont peu soutenues et peu d’erreurs sont  pardonnées».

« On sent bien que les idées, ce n’est pas notre job. Chacun son boulot. A eux la stratégie et les idées, à nous la trime. C’est un peu caricatural, mais vrai »

On peut admettre que cette manière de questionner les cadres du milieu incite à la caricature et à « l’auto-faire-valoir » mais il est difficile d’admettre que la méthode ne produise aucune part de vérité.

  1. Les axes de l’évolution souhaitable.

On présentera, ici, trois types de contributions complémentaires.

2.1. Cinq pistes pour bâtir un nouveau mode de management (Yves Cornu, Capgemini) (http://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2014/12/5611-cinq-pistes-pour-batir-un-nouveau-mode-de-management-la-francaise/) 

Pour pallier la défiance générale, reconstruire le lien entre les niveaux de management,  recréer un climat de nature à susciter la coopération et la mobilisation de tous, Y. Cornu propose les pistes suivantes :

2.1.1   S’engager résolument dans la révolution numérique.

On sait que les dirigeants français y croient moins que leurs homologues étrangers. Et pourtant, il s’agit là d’un levier essentiel d’évolution et de performance déjà utilisé dans de nombreux  pays.

Pour l’entreprise, comme pour les personnes, les besoins de rapidité, de mobilité, de connectivité, d’agilité sont devenus majeurs pour faire face à la multiplication des interactions nécessaires en interne et avec l’extérieur.

2.1.2. Construire et partager la stratégie globale avec tous les managers et collaborateurs.

La distance, sinon la défiance, entre dirigeants et entre dirigeants et salariés est l’obstacle le plus important à l’élaboration et la réalisation de la stratégie. Chacun en a fait l’expérience personnelle ;  s’engager pleinement dans la réalisation d’un projet, avec énergie,  enthousiasme, persévérance, etc. ne peut résulter que de la motivation et de l’adhésion.

Le développement des formes de décentralisation, de transversalité et de participation aux décisions sont, donc, nécessaires.

2.1.3.   Jouer la carte de l’innovation

L’innovation est un risque mais aussi une chance et doit être en permanence présente à l’esprit des hauts managers qui doivent encourager et valoriser les suggestions et initiatives des managers ainsi que leurs efforts pour impliquer plus largement leurs collaborateurs.

2.1.4.  Promouvoir le management de proximité

Le modèle de management des PME doit être transposé : plus de diversité dans les missions, plus de flexibilité dans les activités, plus d’implications dans les décisions de l’entreprise, c’est ainsi que les PME et les petites entreprises inspirent confiance, adhésion et satisfaction ; que leur management est plus enclin à l’innovation et à la flexibilité des décisions et concilie mieux performance et besoins des salariés.

2.1.5. Simplifier les processus de décision

C’est ici l’esprit startup qui doit être développé pour atténuer les effets négatifs de la complexité des grandes organisations et accroître la vitesse de réaction. On retrouve ici le besoin de décentralisation.

L’auteur conclue à la nécessité de « l’open management ». « Open » : comme ouvert et à l’écoute de la mutation numérique, ouvert à la co-construction de la stratégie et des politiques, ouvert à la responsabilisation des collaborateurs, ouvert à des modes de fonctionnement transverses.

2.2. Combiner le management pyramidal et transversal (D. Ollivier, Thera Conseil)

http : //www.journaldunet.com/management/expert/59532/combiner-avec-succes-le-management-pyramidal-et-transversal.shtml

La multiplicité des produits et des marchés, la tendance à la personnalisation de l’offre, la prolifération des technologies nouvelles, l’instabilité de l’environnement, imposent à l’entreprise d’être flexible et réactive. D’autre part, il est devenu clair que la performance est collective, qu’elle dépend, certes, de la qualité de chacune des ressources réunies mais qu’elle résulte surtout de la mobilisation des collaborateurs et de la synergie de leur action.

Ce sont là les facteurs du développement de la transversalité et de la décentralisation.

La transversalité conduit à remplacer les relations hiérarchiques verticales par des relations qui traversent plusieurs lignes hiérarchiques ; cela a commencé il y a déjà longtemps avec la création des  fonctions supports  (informatique, ressources humaines, marketing, contrôle de gestion,…) et a tendu à se développer ainsi :

– création d’une direction de produit, ou de marché ou de région etc. qui fédèrent tous les acteurs concernés relevant des diverses hiérarchies ;

– création d’un groupe de travail ou d’une direction de projet, qui fédère les acteurs sur un objectif précis et dans un délai défini pour conduire un changement ou résoudre un dysfonctionnement.

– création et animation d’un réseau professionnel particulier ou d’une communauté de pratiques, qui  permet aux acteurs de capitaliser l’expérience acquise et d’identifier les bonnes pratiques

La transversalité tend à entraîner une décentralisation des décisions et à générer l’émergence d’une nouvelle culture managériale mais n’a pas pour but de se substituer aux responsabilités hiérarchiques. Elle ne remet pas en cause l’engagement individuel mais tient compte de ce que la performance est collective et que la synergie en est devenue le levier essentiel.

C’est particulièrement vrai concernant la communauté des managers (Communautés de managers : de la cohésion à la quête d’innovation 17/04/2014)

Faire vivre une communauté managériale au sein de l’entreprise est un enjeu stratégique pourvu qu’on veille à respecter les conditions suivantes : ne pas tout régenter, impliquer les cadres dans l’identification des finalités et les modalités de mise en œuvre et faire que statuts s’estompent derrière les contributions.

Une telle communauté de managers représente un bon moyen de favoriser l’innovation, l’appropriation des orientations stratégiques et la synergie des acteurs.

 

  1. Cinq conseils pour en finir avec le management à l’ancienne. (A.Maitland, Future Work)

http://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2014/09/3375-comment-mieux-manager-en-cinq-lecons/

Le fossé se creuse entre les dirigeants qui se tournent vers la flexibilité offerte par le travail du futur et les ressources numériques et ceux qui peinent à se défaire des pratiques de travail et du style de management rigides de l’ère industrielle. Il ne suffit plus de réaménager les espaces de travail et de moderniser la technologie. Il faut modifier la culture organisationnelle, les styles d’encadrement et les attitudes en matière de management.

En se fondant sur les entreprises pionnières qui sont en train d’opérer cette transition, l’auteur a élaboré cinq principes guides et les a regroupés sous l’acronyme « TRUST » (confiance) :

  1. Faire confiance à ses employés (Trust your people)

Cette confiance est nécessaire pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes mais elle doit être réciproque et fondée sur des objectifs clairs. Les managers doivent apprendre à se détacher du besoin de contrôler en permanence, à ne pas confondre présence sur le lieu de travail et efficience ou implication et à encourager et aider leurs équipes à atteindre les objectifs de l’entreprise.

  1. Récompenser les résultats plutôt que les heures (Reward results, not hours)

Ce sont les résultats, quantitatifs ou qualitatifs, qui importent et non les heures ou le lieu de travail et le système d’évaluation des collaborateurs doit traduire cette nouvelle priorité.

  1. Faire comprendre l’enjeu de l’objectif poursuivi (Understand the business case)

La mise en œuvre de nouvelles pratiques de travail doit être guidée par un objectif important pour l’entreprise et concernant tous les services ; par exemple, s’adapter à de nouveaux marchés, utiliser mieux un avantage technologique, accroître la productivité, endiguer la fuite des talents… L’objectif doit aussi laisser espérer des « rémunérations » pour tous.

  1. Partir d’en haut (Start at the top)

Passer d’un management fondé sur le contrôle à un management fondé sur la confiance exige que les  hauts dirigeants présentent le projet à tous et s’engagent à en soutenir la réalisation en cas de difficulté.

  1. Traiter chaque collaborateur comme une personne (Treat people as individuals)

La nouvelle organisation du travail doit conduire les managers à formuler des attentes claires à chaque collaborateur et aux équipes et à mettre aide méthodologique et moyens techniques au service de chacun et du travail collectif, sur place ou à distance.

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 9/03/2015