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André Uzan

Ancien universitaire

Créateur d’entreprise

Le management Le management

Le sens des concepts  :  Le management  :  

 

Management est un de ces mots que nous entendons ou utilisons souvent sans être sûrs de bien en connaître le sens ou le contenu exact. Les mots, les concepts sont des notions construites pour comprendre des situations, communiquer des résultats, prendre des décisions, etc. Leur définition n’est pas figée mais suit l’évolution des observations, des expériences ou des valeurs.

Aussi est-il bon de faire le point de temps en temps même si on sait ce point provisoire.

Nécessaire à toute personne cultivée, ce point est indispensable à tout dirigeant d’entreprise désireux de décider en connaissance de cause et de comprendre les dysfonctionnements qui peuvent survenir.

 

  1. Définition du management.

Ecartons le langage courant appelant « management » l’ensemble des dirigeants d’une entreprise ou accolant sans discernement le mot management à chaque domaine de l’entreprise (management de la production, des ressources humaines, etc.) et partons de la définissons de l’entreprise pour mieux définir le management.

Une entreprise est un processus de transformation « d’entrées » en « sorties », réalisé dans des frontières identifiables, par des  personnes  utilisant des moyens techniques. Ce processus n’est pas erratique ; il est organisé et contrôlé par un système d’autorité, coordonné par un système d’information, orienté et régulé par un système d’objectifs visant à assurer la survie et la croissance de l’entreprise.

Le management est l’ensemble de ces systèmes, l’ensemble des méthodes retenues pour l’organisation, la coordination, le pilotage et le contrôle du fonctionnement de l’entreprise, afin que cette dernière remplisse la mission et atteigne les objectifs qu’elle s’est fixés.

Il est évident que ces méthodes sont d’autant plus nécessaires que les actions à exécuter sont nombreuses, doivent être ordonnancées et que les collaborateurs sont nombreux et divers ; évident, également, qu’elles ne sont pertinentes que si elles produisent les résultats recherchés.

Explorons les éléments essentiels du management.

– La départementalisation du travail  

Cette question concerne la conciliation des besoins de spécialisation et des besoins de coordination du travail. L’objectif est de faire en sorte que chaque tâche soit assurée par des personnes compétentes  et que les ensembles permanents de tâches et d’hommes (départements) soient définis de manière à faciliter la coordination interne aux départements,  l’arbitrage entre objectifs opposés, la réduction des coûts fixes communs, la formation inter-membres du même département, la synergie du groupe, etc.

-La coordination des activités inter-départements.

L’objectif est ici d’assurer la synchronisation des actions et les arbitrages nécessaires entre objectifs opposés des départements, par exemple entre les services de production et de vente.  Cette coordination peut être assurée « verticalement » par le système d’autorité ou «  horizontalement » par des chefs de projet ou des comités réunissant des égaux.

Dans tous les cas, un système d’information est nécessaire conduisant chaque département à prévoir les délais et les coûts de ses « sorties » pour prévenir ses « clients » internes (autres départements) ou externes (clients) et déclencher les réunions de coordination-correction.

Le système de direction et de contrôle.

Une fois choisis la mission que se donne l’entreprise, le type de clients qu’elle veut servir, les avantages concurrentiels qu’elle doit acquérir ou conserver, la stratégie qu’elle retient pour réussir, les objectifs annuels qu’elle vise, il importe que l’action de tous soit guidée par ces critères et mobilisée pour les réalisations visées. L’objectif ici est de réduire les « écarts » aux critères et objectifs ou d’ajuster très vite ces derniers aux possibilités.

Tout système de direction et de contrôle recours à une répartition et une hiérarchisation des pouvoirs, à plus ou moins de formalisation des règles et normes de comportement et à une combinaison de sanctions et de motivations.

La hiérarchie des pouvoirs peut être plus ou moins strictement « verticale » et plus ou moins centralisée.

Les procédures, règles, rôles, normes et valeurs qui définissent et régulent les relations courantes entre les acteurs ou les coordinations exceptionnelles peuvent être plus ou moins formellement définies.

La menace de la sanction peut être plus ou moins préférée à l’incitation et à la motivation.

Dans tous les cas il s’agit de rendre les responsabilités de chacun et les attentes réciproques aussi claires que possible ; de réduire les incertitudes des acteurs en accroissant leur capacité de prévoir ; d’accroître la motivation de chacun et la synergie collective.

 

  1. La conception initiale du management.

Elle repose sur la théorie classique de l’entreprise et les apports de F. Taylor et H. Fayol.

Apports de la théorie économique classique :

-l’entreprise n’est qu’un lieu de production réalisant une combinaison de facteurs de production ;

-le propriétaire-directeur a pour unique objectif de maximiser la rentabilité de l’entreprise à court terme ; il prend ses décisions seul, rationnellement et planifie rationnellement ses actions.

Apports de F. Taylor :

-le travail doit être décomposé en tâches élémentaires et être organisé rationnellement ;

-le contrôle du travail doit être réalisé de façon permanente et systématique et des règles de comportement doivent être formalisées pour faciliter ce contrôle ;

-la structure est organisée par fonction et les tâches d’exécution sont dissociées des taches de conception ;

-les employés étant des exécutants sans pouvoir et ne recherchant dans le travail que la rémunération financière, il faut adopter un système de rémunération « à la pièce » ;

-le patron et les ouvriers ont spontanément intérêt à collaborer à la prospérité de l’entreprise, le premier pour son profit, les seconds pour leurs salaires.

Apports de H Fayol :

-le management aussi doit être rationalisé ;

-il faut distinguer les six grandes fonctions suivantes : technique (fabrication), commerciale (achats et ventes), financière, sécurité (protection des personnes et des biens), comptable et administrative (direction).

– il faut mettre en œuvre l’unité de commandement (chaque salarié n’a qu’un chef), l’unité de direction, le lien entre responsabilité et autorité ;

-tout manager doit exécuter les cinq tâches suivantes = prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler.

On sait que cette conception a largement contribué au développement de l’industrialisation et que beaucoup de ses aspects et de son esprit, restent en œuvre encore aujourd’hui.

Mais les dysfonctionnements qu’elle a provoqués ont conduit à remettre en cause nombre des hypothèses sur lesquelles elle repose et à rendre nécessaires l’adoption de nouveaux principes de management.

 

  1. Les nouveaux principes du management.

Des conceptions nouvelles prévalent aujourd’hui, concernant les points principaux suivants : le comportement des salariés, la validité de la décision directoriale, le caractère systémique de l’entreprise et  l’importance de l’environnement.

3.1. Le comportement des salariés.

La vision passée n’est plus valable, si elle l’a jamais été. Le salarié est un acteur ayant des valeurs, des motivations, des intérêts qui sont souvent différents de ceux de la direction et qui peuvent le conduire, souvent, à des comportements différents de ceux attendus de lui.

De plus, il appartient à des groupes relevant de son statut ou de sa fonction (services), groupes internes ou externes à l’entreprise, pouvant avoir des stratégies et des liaisons informelles différentes des règles et stratégie affichées par la direction.

L’entreprise n’est pas une mécanique technique mais un système social où chaque acteur a un pouvoir, essaie d’en gagner en jouant avec les règles, cherche à exercer son influence, négocie son degré de collaboration en utilisant sa capacité d’inertie ou en mobilisant son potentiel, etc.

Dès lors le contrôle et la menace peuvent limiter les « écarts » majeurs mais l’engagement des salariés ne se décrète pas ; il exige un degré suffisant de participation à la définition du problème et d’adhésion à la décision prise.

3.2. La validité de la décision.

La justification de l’autorité par la capacité de décider rationnellement n’est plus valable, si elle l’a jamais été. On sait que toutes les décisions sont prises sur la base d’une rationalité limitée car l’information disponible n’est jamais complète et la décision est fortement tributaire des valeurs, des motivations, des buts du décideur ainsi que de ses capacités cognitives et de son expérience.

Par ailleurs, la complexité des problèmes à résoudre et les incertitudes tenant à l’environnement n’ont cessé de s’accroître.

Dès lors, la rationalité supposée d’un homme seul est loin d’être suffisante et doit être remplacée par la réunion des compétences les plus diverses pour les décisions majeures et par le recours à la décentralisation pour les décisions relatives à un domaine particulier.

3.3. Le caractère systémique de l’entreprise.

Un système est une structure organisée, ouverte sur l’extérieur et réunissant plusieurs éléments différents fonctionnant en interaction pour atteindre un objectif commun, avec des procédures de régulation.

L’entreprise est clairement un système et, dès lors, ce sont les liaisons entre les différents éléments constitutifs, les interactions et les régulations qui sont les déterminants les plus importants de la réussite.

Pour le dire autrement, la qualité de chaque équipement et de chaque collaborateur compte mais c’est la synergie de l’ensemble qui compte le plus.

Ici, encore, le contrôle et la menace peuvent écarter les fausses notes mais si les musiciens ne savent pas à l’avance quel morceau jouer ou ne jouent pas ensemble et si le chef d’orchestre est contesté, il y a peu de chance d’obtenir la synergie recherchée.

On retrouve ici l’exigence de participation à la définition du projet et de l’adhésion mais on découvre aussi une fonction du dirigeant méconnue par la conception initiale du management : la fonction de leader qui ne peut être seulement fondée sur le droit et la menace mais doit combiner les 3 sous-fonctions suivantes « prophète, instituteur et gendarme »

3.4. L’importance de l’environnement.

Pour les entreprises, les menaces et opportunités présentés par l’environnement ont pris, aujourd’hui, une importance primordiale.  La concurrence s’est fortement intensifiée et mondialisée ; la liberté de choix des prospects s’est beaucoup élargie, les accès aux biens beaucoup facilités et le rythme des innovations beaucoup accéléré. L’enjeu n’est plus marginal mais concerne la dépendance, voire la survie de l’entreprise.

Par ailleurs, les contraintes tendent à s’alourdir sous l’effet de l’évolution des valeurs sociétales relatives au respect des personnes, des ressources naturelles et des animaux.

Quant aux opportunités ouvertes, elles exigent des entreprises, des veilles technologiques et commerciales et des efforts considérables de R et D.

Dès lors, les fonctions « critiques » ne sont plus la production ou l’administration mais le marketing et la R&D et l’élargissement du champ d’observation et d’action impose de s’insérer dans des réseaux professionnels multiples et de développer des partenariats.

De la conception initiale du management aux principes actuels, la tendance d’évolution est claire ; d’abord centrée sur l’organisation de la production et de l’administration, sur le contrôle du travail, sur la centralisation et la « verticalité » des pouvoirs, l’attention tend à se déplacer vers la ressource humaine, la décentralisation et « l’horizontalité » de la décision et la veille sur l’extérieur.

 

  1. Les déterminants du choix du management. 

Conception initiale et principes nouveaux de management coexistent aujourd’hui, même dans les pays développés. Il est désormais admis qu’il n’y a pas de «  one best way » (la meilleure méthode) mais qu’il appartient à chaque entreprise de définir le management pertinent pour elle,  selon son âge,  sa taille, la technologie qu’elle utilise, le style de pouvoir de son dirigeant, la stratégie qu’elle adopte, la turbulence de son environnement et de faire évoluer son management selon ses besoins.

4.1. Management et stratégie.

Il est clair, par exemple, que seront différents les types de management exigés par les deux types de stratégie suivants (voir « Critères de choix d’un produit et stratégie commerciale »)

La stratégie du “meilleur produit” est fondée sur la capacité à proposer un flux de produits ou de services ayant « le dernier état de l’art », donc à générer des innovations.

Un tel choix conduit à mettre en place le management suivant :

-une R et D performante et en lien étroit avec le marketing ;

-un climat de créativité et de saisie des opportunités ;

-un refus de toute bureaucratie et autre processus de ralentissement de la décision

-un personnel de haut niveau.

-La stratégie du “sur-mesure” est fondée sur la capacité de proposer des produits et services strictement adaptés aux besoins de ses clients.

Le management doit, ici, s’inspirer d’avantage du management initial, concernant les services de production (fabrication et du stockage d’une large palette d’éléments de produits rapidement composables) et de logistique (minimisation du délai de livraison).

4.2. La « courbe de vie du management ». (Voir «La courbe de vie du management »)

Cette « courbe » élaborée par L.E Greiner distingue cinq phases dans le développement de l’entreprise et, pour chaque phase, elle indique le système de management qui conduit au succès, le type de crise qui tend à apparaitre avec le succès et le management de remplacement à instaurer.

Phase 1: La croissance par la créativité du créateur et la crise de leadership

Les créateurs décident seuls de tout. Le personnel est peu nombreux, les interactions directes et informelles, la motivation et les promesses de rémunération fortes. Mais la croissance conduit à plus de personnel, de prévisions et de contrôle, surcharge de travail qui sature les créateurs, crée des conflits entre eux et conduit au besoin d’un solide manager extérieur à fortes compétences techniques et managériales.

Phase 2: La croissance par la direction centralisée et la crise de l’autonomie.

Une organisation fonctionnelle est mise en place avec des budgets, des standards de travail, des incitations financières, un système plus formel de communication. La direction s’adjoint des cadres fonctionnels et dirige « par le haut ». Très efficient au début, ce management devient de plus en plus décrié par les exécutants et les chefs de service qui se sentent mieux placés pour décider et vivent la « crise de l’autonomie » qui conduit les dirigeants à introduire plus de délégation.

Phase 3: La croissance par la délégation et la crise du contrôle.

Des « centres de profits » autonomes sont créés avec des objectifs et des incitations financières. Les hauts dirigeants se concentrent sur la stratégie. Mais les directeurs délégués se concentrent sur leur domaine et tendent à négliger l’intérêt de l’ensemble de l’entreprise et la coordination collective, ce qui tend à produire la « crise du contrôle » et conduit les hauts dirigeants à chercher un système favorisant la coordination entre unités. Phase 4: La croissance par la coordination et la crise de  bureaucratie

Les unités décentralisées sont rendues plus larges et responsables de la rentabilité des fonds alloués. Les hauts dirigeants détaillent la planification et installent des contrôleurs de gestion dans les unités décentralisées. La meilleure coordination des activités conduit au succès mais persistent les divergences entre hauts dirigeants et dirigeants d’unités décentralisées et s’installe une bureaucratie croissante qui absorbe trop d’énergie et dissuade l’initiative.

Phase 5: La croissance par la collaboration et la crise « extérieure ».

Des groupes « transversaux » de projets sont montés. Les experts de la haute direction sont affectés aux unités décentralisées, le contrôle de gestion est réduit, la rémunération privilégie les performances de groupe. C’est la formation, l’expérimentation et les réunions de groupes qui deviennent les facteurs de succès. Mais si la taille de l’entreprise devient trop grande, va tendre à s’imposer le recours à l’extérieur (partenariats, absorptions, etc.)

 

 

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A.Uzan. 19/02/2015