Les intelligences artificielles, c’est l’expression plurielle que l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) préconise d’utiliser pour désigner le phénomène d’intelligence artificielle (IA). « Les intelligences artificielles », pour souligner qu’il s’agit d’applications numériques multiples et non « d’intelligence numérique » et encore moins d’intelligence humaine.
Précisons d’abord ce qui sépare l’intelligence artificielle (IA) de l’intelligence humaine. Nous rappellerons ensuite les principes de construction d’une application d’IA. Enfin nous tenterons de dresser un panorama des intelligences artificielles en cours.
- Intelligence humaine et intelligence artificielle
1.1. La différence.
L’intelligence est la capacité d’un être vivant (homme ou animal) de comprendre, d’interpréter, d’apprendre et de s’adapter aux changements. Être intelligent c’est trouver la réponse la plus adaptée à un problème en s’appuyant sur un ensemble de facultés cognitives et affectives. Etre intelligent c’est savoir trouver ce qui est important dans une information, savoir s’adapter si les conditions changent, savoir réagir à une situation imprévue. Etre intelligent, c’est être capable de faire des déductions pertinentes à partir de quelques exemples ; s’il est montré une ou deux images de chien à un enfant, ce dernier pourra facilement reconnaître l’animal, pourra le décrire, éventuellement dire quelles émotions il a ressenti en le voyant, etc. Etre intelligent c’est faire tout cela en utilisant ses connaissances, ses émotions, ses motivations, sa créativité, etc.
L’Intelligence artificielle peut paraître très impressionnante mais, en fait, elle se limite toujours à un domaine bien défini ; la machine est capable de traiter très rapidement et sans erreur de très nombreuses informations mais elle ne comprend pas la tâche qu’il lui est demandé d’exécuter. Et contrairement à l’enfant, la machine (l’algorithme), aura besoin de centaines de milliers de photos avant de reconnaître un chien sans se tromper.
Une intelligence artificielle semblable à celle de l’être humain relève aujourd‘hui du mythe et non de la science.
1.2. Un peu d’histoire pour mieux comprendre. (Source : N. Rougier, chercheur à l’Inria).
Au début de l’aventure de l’IA, dans les années 50, l’ambition des chercheurs a été de créer un ordinateur qui puisse être aussi intelligent que l’homme et, par exemple, qu’il puisse jouer aux échecs aussi bien que l’homme
En fait, dès le début, deux courants de pensée vont émerger, le courant symbolique qui veut fabriquer un cerveau et le courant numérique qui veut modéliser le cerveau.
Le courant symbolique s’appuie sur l’idée que le cerveau est une machine à traiter les symboles, comme dans le jeu d’échec, et se donne pour objectifs de trouver des algorithmes partant de cette hypothèse. Les résultats ont été nombreux jusqu’à ce que le champion du monde d’échecs ait été battu par un programme d’ordinateur.
Le courant numérique, lui, se donne pour objectif de modéliser le cerveau et c’est ce qui va donner naissance, entre autres réalisations, au courant des réseaux de neurones artificiels.
Aujourd’hui, les recherches continuent et produisent des intelligences artificielles dans divers domaines (des algorithmes qui résolvent des problèmes) mais sans atteindre ni même s’approcher de l’intelligence humaine ; au point qu’on utilise désormais plus souvent les termes d’« apprentissage machine », de réseaux de neurones artificiels, de systèmes experts.
L’auteur de cette histoire de l’intelligence artificielle dit que les deux problèmes principaux à résoudre d’aujourd’hui sont les suivants :
-réaliser un joueur de foot; c’est-à-dire, des algorithmes qui font bouger l’acteur en fonctions des émotions et des intentions des autres joueurs, sentiments qu’il va falloir décoder ;
-trouver des algorithmes qui traduisent la relation d’un objet avec l’environnement ; ce qui est aussi une orientation importante en matière de robotique.
1.3. Les ordinateurs ne sont pas devenus intelligents.
Certes les algorithmes de toutes sortes y pullulent mais ne sont qu’une série d’instructions qu’une machine doit exécuter pour effectuer une tâche de manière automatique et très rapidement.
Avec les systèmes experts on a tenté de reproduire le raisonnement d’un spécialiste (médecin, par exemple) mais en donnant, en fait, toutes les connaissances et raisonnements humains à la machine, en simulant l’une des manières d’apprendre de l’homme : la transmission des connaissances.
Une autre façon d’apprendre réside dans l’expérience ; on ne peut pas apprendre à faire un sport ou la cuisine ou un rapport, sans pratiquer, sans essais et erreurs, etc. ; et c’est cette approche qui est aujourd’hui appliquée dans « l’apprentissage machine » et les « réseaux de neurones artificiels».
Des algorithmes appliquant cette approche sont devenus très nombreux mais ne peuvent s’appliquer qu’à une tâche à la fois et c’est pourquoi il vaut mieux parler « d’intelligences artificielles » au pluriel. Un programme de reconnaissance vocale ne sait pas reconnaître un animal ou produire une traduction.
Ces dernières années, les accroissements de la puissance de calcul des ordinateurs, de la quantité de données disponibles et de la précision des algorithmes, a permis de développer des applications d’intelligence artificielle dans quasi tous les domaines et dans nombre de nos objets du quotidien.
Mais, dans tous les cas, ce sont des hommes qui décident et programment ce que ces applications peuvent faire.
- La construction des IA.
On a traité cette question en détail dans deux articles précédents :
-Les applications cognitives : https://outilspourdiriger.fr/les-applications-cognitives-1/
-Utiliser l’IA d’aujourd’hui : https://outilspourdiriger.fr/utiliser-lia-daujourdhui/
On ne reprendra, ici, que la présentation sommaire des deux principales méthodes que sont l’apprentissage automatique (« Machine learning », ML) et le réseau de neurones artificiels (« Deep learning » DL).
Dans l’un comme dans l’autre cas, il s’agit de construire un logiciel qui « relie » (corrélation) des données d’entrée (déterminants) à des données de sortie (résultats) ou qui « classifie » des données diverses et fournit une segmentation pertinente ou qui reconnait un objet comme étant celui qui est recherché, etc. Mais dans tous les cas, c’est l’homme qui définit les données d’entrée et de sorties et qui se sert de la statistique pour obtenir la corrélation ou la segmentation ou la reconnaissance pertinentes.
2.1. L’apprentissage automatique ou apprentissage machine ou « Machine Learning » (ML).
Construire une application qui reconnaisse un chat dans une image va conduire à « entrer » de très nombreuses images contenant un chat et autant d’images plus ou moins semblables n’en contenant pas. Pour un ordinateur, une image est un tableau de nombres indiquant des intensités de pixels et on peut utiliser un algorithme de détection de bords basé sur les différences d’intensités pour repérer les limites des formes ou des objets figurant dans l’image.
Le modèle de reconnaissance se fonde sur la comparaison de l’image détectée avec une base de données d’objets identifiés comme chat. Les premiers résultats sont, généralement, plutôt faux mais les corrections du programmeur feront faire à la machine une sorte d’apprentissage qui conduira au résultat exact ; d’où les termes d’apprentissage automatique ou « machine learning ».
On peut ainsi selon cette méthode construire un filtre anti-spam (reconnaissance de texte), traduire la parole en texte (reconnaissance vocale), obtenir une traduction automatique, donner des ordres à un robot, cibler la publicité selon les caractéristiques d’un prospect, doter une voiture autonome d’un moyen de localiser les obstacles, reconnaître tel visage ou image, repérer tel défaut de fabrication, repérer telle anomalie dans une radiographie, etc.
On notera cependant que le ML ne traite que des taches simples et répétitives et que les taches complexes restent réservées à l’intelligence humaine.
2.2. L’apprentissage en profondeur ou réseau de neurones ou « Deep learning » (DL).
Ces trois termes traduisent la même réalité mais la dénomination « Deep learning » est la plus utilisée.
Le DL n’est pas fondamentalement différent du ML mais il prend en compte des relations plus complexes entre déterminants et résultats ou entre données et modèles.
Pour simplifier, on pourrait dire que le ML conduit à construire et utiliser des relations entre 2 ou quelques variables (caractéristiques d’un maison et prix) alors que le DL construit et utilise des modèles explicatifs complexes comme le montre les 2 schémas suivants :
Source: “AI for Everyone” Andrew Ng, Stanford University)
Concernant la maison, on retient 4 types de déterminants ; on recherche quelle combinaison explique le mieux le prix puis on se sert de cette relation pour fixer ou prévoir le prix; et on procède pareillement concernant la demande d’un produit.
Les « ronds » sont appelés neurones (centres de calculs) et les liaisons statistiques entre variables via les neurones constituent le réseau de neurones, c’est-à-dire en d’autres termes le modèle explicatif du résultat recherché.
On imagine facilement que pour la voiture autonome, par exemple, le réseau de neurone doit être infiniment plus complexe. Dans tous les cas, chaque neurone calcule une fonction simple mais le réseau peut calculer des fonctions très complexes et tous les calculs peuvent être refaits automatiquement et rapidement si on introduit de nouvelles données. C’est en ce sens que l’on parle de « l’apprentissage profond » de la machine.
Aucun raisonnement n’est appliqué par la machine ; elle ne fait et ne refait que des calculs décidés par un programmateur, jusqu’à ce que ce dernier soit satisfait.
Des machines non intelligentes, donc, mais très utiles.
Ainsi, on voit bien que parler des intelligences artificielles n’est pas un artifice de langage : cela évite une confusion néfaste entre l’intelligence humaine et l’un de ses outils qu’est intelligence artificielle.
- Les types applications d’intelligence artificielle utilisables aujourd’hui (API: Applications Programming Interface).
On trouvera dans « Les applications cognitives.1» (https://outilspourdiriger.fr/les-applications-cognitives-1/) les applications proposées aux entreprises par les plus grands offreurs que sont Microsoft, IBM ou Google.
Voici, par exemple, la liste sommaire des applications cognitives proposées par Microsoft :
-API sur la vision permettant d’identifier et d’analyser le contenu des images ou vidéos et d’y reconnaître les émotions exprimées.
-API sur le discours permettant le traitement de documents vocaux : reconnaissance vocale, transcription, reconnaissance de l’orateur, traduction vocale d’une langue en une autre.
-API sur le langage permettant de comprendre un texte ou de reconnaître l’intention d’un intervenant.
-Analyse de texte permettant d’opérer l’extrait des expressions clés et d’analyser les sentiments exprimés.
-API sur les Connaissances permettant de créer un service de réponses aux questions fréquentes des clients.
Mieux prévoir (les ventes, par exemple), mieux segmenter les clients, analyser des textes et les sentiments qu’ils expriment, convertir automatiquement la parole en texte ou une langue en une autre, donner des ordres à un robot, automatiser la reconnaissance des objets ou des visages, analyser des vidéos, faire qu’un robot réponde à des questions, etc., ces besoins, parfois impérieux, de toute entreprise tendent à devenir aujourd’hui plus faciles à satisfaire grâce à la mise au point de ces applications.
- Des applications d’IA dans de nombreux domaines.
4.1. Les robots et chatbots (agents conversationnels)
On sait que la présence des robots mécatroniques (mécanique, électronique et informatique) et des chatbots (robots logiciels) s’est fortement développée dans l’activité économique et la vie quotidienne :
On peut distinguer les types de robot suivants :
– Robots industriels sur les chaînes de montage.
– Robots chirurgicaux.
– Robots domestiques (tondeuse à gazon ou robot chien pour enfant etc.).
– Robots militaires.
– Robots explorateurs de domaines dangereux (centrale nucléaire, espace, etc.).
– Robots anthropomorphiques (d’apparence humaine et capables de faire des choses comme les humains telles que réceptionniste, guide d’information, aide aux personnes handicapées, etc.)
On peut repérer les types de chatbot suivants (robot logiciel capable de dialoguer avec une personne en langage naturel)
– Chatbot répondant à des questions écrites (dans Facebook Messenger) ou à des questions orales (Alexa) ou aux deux (Cortana).
– Chatbot médical, pouvant donner un avis médical, un traitement ou diriger vers un établissement médical.
– Chatbot bancaire, pouvant faciliter les relations et mettre en œuvre les services bancaires numériques.
– Chatbot réservateur de billets de voyage, de spectacles, etc.
– Chatbot guide touristique fournissant de conseils personnalisés aux touristes.
– Chatbot réceptionniste de commande de toute sorte y compris de nourriture (Burger King).
4.2. Les « assistants» de décideurs.
Les applications d’IA tendent à se généraliser dans de nombreux domaines et à devenir les « assistants» des décideurs dans ces domaines, en réalisant, plus rapidement et souvent plus précisément, la préparation de la décision. Voyons quelques-uns de ces domaines :
En médecine.
Des applications préparent et facilitent le diagnostic des médecins tout en réduisent la part de défaillance humaine.
La détection des anomalies sur les images médicales est faite plus rapidement et plus précisément. La reconnaissance automatique des pathologies cérébrales ou autres facilite le travail du médecin. Des systèmes experts sont mis en place. La recherche peut traiter et mettre en relation des quantités de données plus grandes pour explorer des hypothèses de causes de maladies ou de médicaments.
Dans les transports.
Les recherches et expérimentations se poursuivent en matière de voiture autonome tentant de surmonter les défis de la détection des autres « objets » en circulation ou pas dans l’environnement. Mais des « retombées utiles » sont déjà présentes dans les voitures actuelles, par exemple l’aide au stationnement.
Dans Les médias.
Des applications peuvent produire automatiquement et rapidement des articles courts et peu structurés que les auteurs peuvent peaufiner.
Dans la justice.
Des applications aident la police et la justice à ordonner les éléments des enquêtes comportant de très nombreuses données et donc à faciliter l’analyse et la décision.
Dans la cuisine.
Des applications où sont « entrés » les gouts et autres caractéristiques des clients peuvent aider à définir les recettes saveurs et aliments qui seraient les plus susceptibles de plaire à tel type de client.
Dans les arts créatifs.
La MAO (musique assistée par ordinateur) peut composer de courts morceaux qui peuvent servir de base à la créativité du musicien.
Une application d’IA se basant sur les caractéristiques des films à fort succès peut aider un réalisateur à concevoir son scénario, même si sa créativité le conduit à ne retenir que des variantes ou un scénario très différent.
Dans l’agriculture.
Des applications peuvent, connaissant les qualités du sol, évaluer les besoins d’alimentation d’une plante pour se développer ainsi que les risques de maladie.
Dans le droit.
Des applications peuvent aider les avocats et notaires à rédiger des documents juridiques, à faciliter les recherches sur la jurisprudence, voire estimer la probabilité de succès d’un procès et calculer les éventuels dommages et intérêts, en tenant notamment compte des décisions antérieures du juge appelé à statuer.
Dans la sécurité.
En ajoutant un système de détection de visage à l’alerte sonore connue du baby-phone pour enfant, le baby-phone nouveau est capable de donner l’alerte si on lui donne les critères de situations dangereuses.
On sait aussi que la détection est un élément clés de la sécurité en général.
Dans la maison.
La domotique se développe très vite.
Il y a bien des « intelligences artificielles », qui ont peu à voir, sinon rien, avec l’intelligence humaine, mais qui n’en sont pas moins des outils très utiles.
La question à se poser dans un prochain article est de savoir pourquoi leur développement fait peur !
(Source : Fun.Mooc. Inria « L’Intelligence Artificielle… avec intelligence ! »
https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:CNAM+01046+session02/about
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 6/07/2020