Les métaphores sur le management ou le climat de travail, sont une manière de caractériser le type de management en recourant à une analogie avec un phénomène bien connu.
Voici quelques exemples de métaphore : « La vie est une montagne russe », « Il est dévoré par le remord » « Cet homme est un vrai requin », « Il m’a fait un cadeau royal », « Il est souvent dans la lune », « Ce travail est un vrai esclavage ».
C’est l’emploi d’un terme concret et d’une analogie pour exprimer une notion abstraite.
Utilisée dans de situations multiples, la métaphore est aussi appliquée en matière de management et de travail et en matière sociétale.
En matière de management, une métaphore connue utilise les orchestres pour caractériser le type de management en évoquant la différence entre orchestre symphonique et orchestre de jazz.
Cette méthode a tendu à se généraliser et un chercheur a tenté d’explorer toutes les métaphores possibles concernant le management.
D’autre part, la métaphore a été employée pour caractériser la société.
Nous examinerons donc les points suivants :
-La métaphore des orchestres de musique.
-Huit métaphores sur le management et l’organisation de l’entreprise.
-Deux métaphores sur la société occidentale.
- -La métaphore des orchestres de musique
1.1. La pertinence de la métaphore.
L’entreprise peut exercer son activité comme un orchestre symphonique ou comme un orchestre de jazz ; orchestre symphonique pour caractériser le management traditionnel et orchestre de jazz pour caractériser le modèle alternatif.
Le tableau ci-dessous présente les principales différences entre ces deux modèles :
Le modèle traditionnel est régi par les principes suivants :
-Coordination des activités par la bureaucratie (règles et procédures normalisées).
-Prise de décision « descendante » du sommet à la base de la hiérarchie.
-Motivation des employés par des récompenses extrinsèques (principalement rémunération).
-Fixation « descendante » des objectifs (« alignement linéaire »), à partir des investisseurs (objectifs de rentabilité) jusqu’au plus bas de la hiérarchie.
Le modèle alternatif est régi par des principes différents :
-Coordination des activités « spontanée » ; chaque acteur sait ce que lui et les autres doivent faire ou sont en train de faire et tous savent qu’ils doivent servir l’objectif commun.
-Prise de décisions par le plus grand nombre de personne pour obtenir la décision la plus pertinente.
-Motivation des employés par des récompenses intrinsèques (engagement, désir de réussir, fierté d’y parvenir, etc.)
-Fixation des objectifs par « obliquité » (conséquence indirecte) car le succès est un résultat qui résulte du dévouement du plus grand nombre à une cause plus grande que soi.
La pertinence du recours à la métaphore des orchestres saute au lieu.
-partition stricte à respecter contre thème musical souple et obligation d’improviser et de prendre des risques ;
–directivité du chef d’orchestre symphonique très différente de celle du groupe de jazz ;
Un chef de groupe de jazz, conseiller en management, a pu dire ; « Jouer est un voyage : nous ne savons pas exactement où nous allons, mais nous savons qu’on a réussi si on a envie de recommencer ».
Il ajoute « les entreprises du futur doivent trouver un équilibre entre une approche classique et une approche jazz. Les employés doivent collaborer et jouer avec précision comme dans un orchestre mai aussi improviser comme dans un groupe de jazz.
1.2. Quatre méthodes de leadership suggérées par le jazz
Ackerman, G. Columbia Business School; https://www.iedp.com/articles/4-leadership-lessons-from-jazz/
Dans les orchestres comme dans les entreprises, on s’organise pour réaliser un projet parce qu’on ne peut pas le réaliser seul. Mais alors il faut reconnaître que chacun dépend des autres participants et que c’est la façon de travailler ensemble qui est déterminante.
Voici quatre des leçons de leadership suggérées par le jazz.
- Diriger à tour de rôle
Dans le jazz, le leadership partagé comprend les solos de chaque musicien et les bons chefs d’orchestre « dirigent » en laissant de l’espace pour que les autres membres du groupe puissent diriger.
- Être vraiment à l’écoute
Les grands leaders savent que la collaboration nécessite une capacité développée d’écouter – et entendre – ce que les autres disent. C’est ce qui se passe dans le jazz. L’écoute active est une compétence, un art et, surtout, une discipline.
. Ne pas avoir de plan strict.
L’improvisation dans le jazz n’est pas l’absence de guide ou de structure mais la flexibilité dans la réalisation du projet commun. Miles Davis a dit un jour : « Il n’y a pas lieu d’avoir peur des erreurs. En jazz, une note n’est ni bonne ni mauvaise. C’est la note qui suit qui fera la différence ». Il faut encourager l’expérimentation et l’apprentissage continus.
.Cultiver l’humilité.
L’humilité résulte de la conviction que les autres peuvent aussi avoir de bonnes idées. Des conflits peuvent découler des différences de vision ou d’intérêt. Dans le jazz, les conflits sont résolus en utilisant le principe directeur « servir la musique » et dans l’entreprise, en suivant l’objectif « servir la survie et la croissance de l’entreprise ».
- Huit métaphores sur le management et l’organisation de l’entreprise
https://academy.nobl.io/gareth-morgan-organizational-metaphors/
C’est ce que G. Morgan, professeur à l’Université York (Toronto) a présenté dans un livre intitulé « Images of Organization » (première édition en 1986).
Il met en évidence les caractéristiques particulières de l’entreprise en la considérant de plusieurs points de vue : comme une machine, un organisme vivant, un cerveau, un système culturel, un système politique, une prison psychique, un instrument de domination, un ensemble de flux et de transformations.
2.1. L’entreprise comme machine.
Cette métaphore caractérise l’entreprise où domine l’ordre, le contrôle, la logique et la raison ; où les rôles sont bien définis et les acteurs interchangeables ; où la tâche est simple, l’environnement stable, le résultat reproductible.
Les leaders pensent et les travailleurs font ; le changement est vu comme le remplacement d’un rouage défectueux.
2.2. L’entreprise comme organisme.
Ici, l’entreprise se transforme pour s’intégrer à son environnement, surtout si sa survie est menacée.
Les leaders ont pour fonction de pressentir ou de prévoir les changements et de formuler un plan d’action ; mais ils considèrent le changement comme provisoire.
2.3. L’entreprise comme cerveau.
La métaphore du cerveau fait référence à l’intelligence collective. Les employés sont considérés comme des apprenants et les managers comme des créateurs de sens, dans la poursuite du développement d’une organisation apprenante. C’est vrai lorsque l’environnement est plein d’inconnues mais qu’il est relativement stable pour que les apprentissages soient toujours pertinents dans le temps.
Les leaders sont censés installer et inculquer la capacité d’apprentissage.
Le changement peut être planifiés parce que les connaissances passées sont toujours prédictives du comportement futur.
2.4. L’entreprise comme système culturel.
Ici, on s’intéresse aux croyances, normes et rituels communs à une entreprise. L’entreprise est une mini société où les employés ont une culture commune et non un ensemble de sous-cultures sectaires.
Les leaders sont l’incarnation de cette culture mais la défense de cette culture tend à faire rejeter le changement.
2.5. L’entreprise comme système politique.
Ici, l’analyse concerne l’acquisition et l’exercice du pouvoir et de l’influence et la lutte entre managers et entre employés pour acquérir le pouvoir de promouvoir leurs intérêts ou leurs ambitions.
Les leaders rivalisent pour attirer l’attention et conquérir l’influence et la domination, plus que pour repérer et faire face aux changements qui menacent l’entreprise.
2.6. L’entreprise comme prison psychique.
Les utilisateurs de cette métaphore combattent les « modèles mentaux » rigides et les idéaux conformistes qui rendent les managers complaisants pour eux-mêmes et résistants au changement.
Ici, il est reproché aux leaders de refuser de remettre en question leurs préjugés et de refuser de créer des environnements plus inclusifs et équitables
2.7. L’entreprise comme instrument de domination.
Ici il est fait référence aux managers qui voient les employés comme des objets à subjuguer et ont tendance à considérer les ressources dont dispose l’entreprise comme leur appartenant.
Les leaders n’ont aucun souci du besoin de leurs subordonnés de participer à la décision et d’obtenir un degré d’autodétermination ; ils ne se préoccupent de changement que si cela sert leurs intérêts.
2.8. L’entreprise comme flux et transformations.
Les personnes qui voient les entreprises en termes de flux et de transformation pensent que l’environnement et l’entreprise s’influencent mutuellement ; que les changements au sein d’une entreprise stimulent également des changements dans l’environnement
Les leaders sont appelés à expérimenter de petits changements puis à mobiliser des ressources pour poursuivre des expériences réussies tout en mettant fin aux échecs.
Cette métaphore préconise une mentalité de test et d’apprentissage.
Les métaphores sont parfois un peu simplistes mais reconnaissons qu’elles aident à percevoir certains aspects méconnus de l’entreprise.
On peut trouver un complément d’analyse en suivant le lien ci-dessous : https://openaccess.city.ac.uk/id/eprint/16076/1/JMI%20%20Accepted%20Version.pdf
- 2. Deux métaphores sur la société occidentale.
https://www.thoughtco.com/mcdonaldization-of-society-3026751
2.1. La McDonaldisation (G. Ritzer, professeur de la sociologie à l’Université du MarylandI) ;
L’auteur a cherché à caractériser la complexe société occidentale en recourant à un « objet » connu de beaucoup, le restaurant Macdonald.
Il observe que les activités de la société occidentale tendent à se définir par les quatre aspects clés suivants qui sont propres à Macdonald :
-L’efficacité. C’est la préoccupation majeure de tout manager et de toute personne de réduire le temps requis pour accomplir une tâche individuelle ou pour terminer rapidement un ensemble d’opérations de production et de distribution.
La calculabilité. Les activités sont déterminées par des objectifs quantifiables (compter les choses) plutôt que par des objectifs subjectifs (évaluation de la qualité).
La prévisibilité et la normalisation. Les processus de production ou de prestation de services doivent être répétitifs et routiniers produisant des expériences très proches de production ou de consommation.
Le contrôle. Les activités sont exercées par une direction qui s’assure que le travail est opéré de manière identique quotidiennement ou recoure à l’utilisation de robots et de technologies qui réduisent le nombre de travailleurs.
Ces caractéristiques ne sont pas seulement observables dans la production, le travail et l’expérience du consommateur, mais elles le sont aussi dans beaucoup d’aspects de la vie sociale telles que les valeurs, les préférences, les objectifs et les relations sociales.
2.2. L’ubérisation (du nom de l’entreprise Uber),
L’ubérisation ou la plateformisation est un phénomène récent dans l’économie consistant à utiliser des plateformes numériques permettant aux professionnels et aux clients de se mettre en contact direct, de manière quasi instantanée et, par suite, conduisant des personnes à devenir des travailleurs « indépendants » au service des plateformes.
Le développement des moyens technologiques et informatiques (internet, haut débit, smartphones, géolocalisation) a permis cette évolution et a conduit à remplacer les méthodes commerciales et salariales classiques à une relation directe via une plateforme et au travail à la tâche.
Le Petit Larousse définit l’ubérisation comme « la remise en cause du modèle économique d’une entreprise ou d’un secteur d’activité par l’arrivée d’un nouvel acteur proposant les mêmes services à des prix moindres, effectués par des indépendants plutôt que des salariés, le plus souvent via des plates-formes de réservation sur Internet »
Cette ubérisation s’observe dans un nombre grandissant de domaines : hôtellerie (Airbnb, Booking.com), transports de personnes (Uber, Blablacar, Drivy), petits travaux de rénovation et de dépannage, service à la personne, services de livraison de repas (Uber Eats, Deliveroo).
Cette ubérisation provoque des changements profonds dans de nombreux domaines de l’activité professionnelle : travail individualisé et morcelée, droit du travail, modes de financement, optimisation fiscale, etc.
Elle entraîne une incontestable dynamisation des processus économiques mais fragilise des pans entiers de l’économie traditionnelle.
Source principale : https://www.coursera.org/learn/explore-management-concepts-through-metaphor-and-music? London
Pour aller plus loin
La rubrique management de ce blog contient plus de 80 articles ; en particulier les suivants :
https://outilspourdiriger.fr/les-trois-managements-1/ 2, 3.
https://outilspourdiriger.fr/lean-et-adoption-du-lean-management/
https://outilspourdiriger.fr/le-management/
https://outilspourdiriger.fr/une-courbe-de-vie-du-management/
https://outilspourdiriger.fr/motiver-par-la-recompense-ou-par-ladhesion/
https://outilspourdiriger.fr/amender-le-modele-de-management-traditionnel-1/ et 2
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur. A. Uzan. 28/08 /2023