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Source d’inspiration: «People Analytics »,  mooc Coursera donné par The Wharton School (Univ.Pennsylvania)

  Dans une entreprise, l’évaluation de la performance  au travail, de la qualité du travail fourni, de la qualité de la collaboration donnée, est une pratique constante ; pratique informelle courante et pratique formelle périodique. Les collègues de travail et les managers évaluent en permanence les comportements et les résultats sur la base des échanges quotidiens. Des évaluations formelles périodiques ou exceptionnelles sont organisées par les managers pour décider des récompenses et punitions, des formations,  des objectifs pour l’an suivant, etc. On admet facilement que cette deuxième évaluation de la performance au travail est nettement mieux fondée que la première parce qu’elle vise expressément l’évaluation, que les évalués et les évaluateurs sont prévenus des enjeux, que des outils et des procédures d’évaluation sont utilisés. Mais dans l’un comme l’autre cas, l’hypothèse majeure admise est la suivante ; ce que nous observons, à l’œil nu (comportement, résultats de travail, etc.) ou via nos outils d’évaluation (réponses à des questions, résultats de test, etc.) est valide, vrai, équitable et surtout prédicteur du futur. A ma connaissance, il n’existe pas de statistique d’erreurs d’évaluation de la performance au travail mais l’expérience de tout dirigeant conduit à penser qu’il s’en produit sûrement beaucoup, quelles sont inévitables parce qu’elles font partie du pari que constitue toute décision et qu’elles ne sont pas irréversibles. Cependant, eu égard aux conséquences de cette décision, ce type de « rassurance » ne doit pas nous dispenser de chercher à éviter les erreurs et à réunir les meilleures bases possibles de l’évaluation de la performance au travail. Examinons les principales sources d’erreur avant de suggérer les principales voies de renforcement des bases de l’évaluation.  
  1. Les erreurs d’évaluation et de prédiction
1.1. Quelques questions significatives Le domaine sportif, domaine observé et évalué par des masses de personnes et où l’évaluation des performances est systématiquement pratiquée peut, ici, livrer des enseignements significatifs sur les causes d’erreurs d’évaluation et de prédiction. Pourquoi certains sportifs individuels ou certaines équipes apparaissent-ils sur le devant de la scène puis en disparaissent rapidement, avant d’y revenir éventuellement, alors que d’autres ont des résultats plus réguliers ? Pourquoi certains membres de certaines équipes considérées comme des stars perdent-ils une grande part de leur efficacité et de leur prestige lorsqu’ils changent d’équipe ? Pourquoi un gardien de but est-il parfois considéré comme un héros ou « une passoire » selon le seul nombre de tirs qu’il n’a pas pu arrêter ? L’analogie avec les entreprises, les chefs d’entreprises, les vendeurs par exemple, est facile à faire. Posons quelques autres questions relatives au domaine : -pourquoi l’évaluation faite par de nombreuses personnes donne-t-elle une plus juste mesure de la réalité que celle faite par chaque personne ? -pourquoi dans tel hôpital à telle période ne naît-il que des filles alors qu’en moyenne il naît autant de filles que de garçons ? On devine qu’il va s’agir de rejeter les idées simples reçues et de chercher les moyens de mieux fonder ses évaluations et prédictions. 1.2. Les sources d’erreurs Des biais divers, cognitifs en particulier, nous conduisent à faire des erreurs de jugement ; admis pour l’efficacité de leur simplicité, ils deviennent simplistes et dangereux dès que les situations se compliquent. On en recense de nombreux mais les quatre suivants sont ici les plus importants. 1.2.1. Le biais de résultat. Nous avons tendance à croire que les résultats d’une personne dépendent exclusivement de l’effort ou du talent ou de l’intelligence, etc. de cette personne. Il y a là une part de vérité incontestable mais une part seulement ; le contexte et la chance comptent aussi, sur lesquels la personne n’a généralement que peu de  contrôle ; toutes les activités situées à l’amont, à l’aval ou en parallèle du service d’appartenance peuvent avoir un impact positif ou négatif sur l’activité du service et le climat de coopération interne au service un impact sur les résultats de la personne. La cause unique doit ici comme ailleurs laisser place au faisceau de causes et l’évaluation de la performance tenir davantage compte du contexte. En fait la relation entre effort ou intelligence ou talent, etc. et performance devrait être représentée par une  distribution gaussienne de résultats et, comme indiqué par les graphiques ci-dessous, selon que le contexte a un impact faible ou fort sur le résultat,  l’écart de performance peut être grand ou très nettement masqué. Eval.perfom.1 Eval.perfom.2 Le contexte donc, y compris la chance, est aussi facteur du résultat dans une proportion propre à une situation donnée. 1.2.2. Le biais d’explication narrative. Nous avons tendance à considérer comme vraies certaines relations considérées comme causales et qui « racontent » une histoire plausible. C’est un peu le cas de tous les paradigmes…tant qu’ils ne pas sont contredits par un essai de vérification. Ainsi on continue de considérer que c’est le charisme qui fait le succès de certains leaders alors qu’une étude portant sur une centaine de PDG de grandes entreprises américaines montre que la relation causale est plutôt inverse ; ce sont les PDG à succès qui sont perçus comme charismatiques. On considère généralement que c’est l’effort ou l’intelligence ou le talent, etc. qui produit le résultat ; on a vu ci-dessus que le contexte et la chance pouvaient compter beaucoup mais il a été aussi démontré que les attentes des autres, en tout cas de certains autres, déterminent les comportements et donc les performances, même si ces attentes ne sont qu’exprimées ; ce qui complexifie nettement la relation causale habituelle. 1.2.3. Le biais de la loi des petits nombres (ou des petits échantillons de données). On a fait allusion ci-dessus à la proportion exceptionnelles de naissances de filles dans tel hôpital à tel moment ; on pourrait aussi observer dans une petite unité de production de produits P des taux de dysfonctionnements ou « d’exploits » particulièrement plus élevés que dans une grande unité produisant P. Cela ne veut pas nécessairement dire que la petite unité fait moins d’efforts que la grande mais seulement que la loi des grands nombres lui est défavorable ; lorsque les observations sont peu nombreuses les variations de valeurs et les valeurs extrêmes sont plus fréquentes. 1.2.4. Le biais de la régression vers la moyenne (retour vers la moyenne ou normale). Une personne réalise une performance médiocre à une période, en reçoit réprobation et réalise une meilleure performance la période suivante ; à l’inverse, à une bonne performance et des félicitations succède une moins bonne performance. Certains pourront en conclure que la punition est plus efficace que l’éloge, mais le statisticien dira qu’il s’agit simplement d’une « régression vers la moyenne », d’un retour à la performance moyenne, les effets combinés des causes multiples et incontrôlables de la performance variant dans le temps.  
  1. Le renforcement des bases de l’évaluation.
Il résulte de la correction des biais cognitifs présentés et de la prise en compte des déterminants du résultat du travail. 2.1. Réduire les effets du contexte et de la chance. Il s’agit ici de corriger l’erreur d’attribution consistant à tout attribuer aux traits individuels plutôt qu’aux traits situationnels ou à la chance. On peut citer des sportifs stars dans leur équipe devenus presque médiocres dans un autre contexte parce qu’ils ne trouvaient plus les mêmes ressources, les mêmes supports et souvent provoquaient des réactions de rejet dans la nouvelle équipe. On a  suggéré que les buts encaissés par un gardien pouvaient être, en réalité l’indicateur d’une performance si on recoure au rapport  « buts-encaissés/ tirs au but ». Et on peut faire facilement une transposition de ces situations dans l’entreprise. Les méthodes pour réduire les effets de contexte sont les suivantes: -rapporter la performance aux objectifs retenus, à condition que ces objectifs aient bien tenu compte des facteurs situationnels, des impacts des activités sur lesquelles l’évalué n’a aucune prise ; -observer la persistance de la performance dans le temps, car seule la compétence persiste et non la chance. 2.2. Accroître le nombre et les types de bases d’évaluation Il s’agit ici de corriger les risques d’une évaluation fondée sur un trop petit nombre de bases ou sur un type de base unique. Ce qui conduit à chercher dans deux directions : -réunir sur la personne à évaluer plus d’informations que les seuls résultats du travail et des informations indépendantes les uns des autres autant que possible. -réunir les jugements de plus de personnes à condition que ces jugements n’aient donné lieu à aucun échange entre les évaluateurs (indépendance des jugements). 2.3. Donner plus de place aux déterminants du résultat. Le résultat du travail n’est en fait que la dernière étape d’un processus. Dans le domaine sportif, le football par exemple, et pour un attaquant, l’équivalent de ce critère serait le but marqué, critère décisif mais affecté par beaucoup d’aléas et peu prédicteur. Le nombre de tirs au but « cadrés », éventuellement le nombre de passes conduisant au but ou la contribution à la possession du ballon devant les buts adverses, ne seraient-ils pas des indicateurs plus judicieux ? Ce type de critère est moins dépendant du contexte et de la chance et meilleur indicateur du processus qui produit le résultat. Transposer cet exemple en entreprise conduit à identifier les processus qui conduisent aux résultats voulus et à en faire un critère complémentaire du résultat. La performance d’un vendeur se mesure aux ventes réalisées et réglées mais ces dernières dépendent très étroitement de la qualité du réseau de clientèle cultivé par le vendeur ; on ne peut admettre ni que des ventes « forcées » se fassent au détriment des clients ni que le souci des clients n’aboutisse à aucune vente ; les deux critères sont utiles. 2.4. Donner plus de place à l’évaluation du travail collectif. L’évaluation de la performance tend à migrer du niveau individuel au niveau du groupe ou équipe de travail. C’est à ce niveau de regroupement des acteurs que l’on perçoit le mieux combien ses propres résultats dépendent du travail des autres mais chacun sait bien, plus ou moins clairement, que ses résultats dépendent aussi de l’ensemble des ressources et des autres acteurs de son entreprise. La contribution individuelle doit rester le critère dominant mais la difficulté de distinguer entre contribution individuelle et contribution collective ainsi que la nécessité de soutenir le climat de collaboration dans un groupe ou dans toute l’entreprise doit conduire à ajouter un critère d’évaluation de la contribution collective.  

Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ».  A. Uzan. 18/05/2017

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