Préparer une innovation,c’est créer, lancer et faire adopter un « objet » nouveau par des utilisateurs visés.
Cet objet peut être un produit, un service, un processus, ou un modèle d’affaires. Il va résulter d’un processus de création (invention) ou d’un processus d’adaptation de produits existants, puis d’un lancement à destination d’utilisateurs ciblés ; mais il ne devient innovation que s’il est adopté, à plus ou moins long terme, par un grand nombre d’utilisateurs.
On voit qu’il ne s’agit pas seulement d’invention scientifique, mais que, pour préparer une innovation, il faut mobiliser des ingénieurs et des managers et des méthodes de gestion pour réussir la conception et l’adoption de l’invention.
En fait, pour préparer une innovation, il faut suivre un processus méthodique de progression, dénommé l’entonnoir du développement (https://outilspourdiriger.fr/preparer-une-innovation-1/), qui comporte les étapes suivantes :
-repérage des besoins des utilisateurs (externes ou internes à l’entreprise) et détection des opportunités d’innovation ;
-recherche des idées et création de concepts de solution ;
-réalisation et lancement.
Dans l’article précédent (https://outilspourdiriger.fr/preparer-une-innovation-1/), nous avons présenté les trois premières étapes de la préparation : l’analyse de l’environnement et des besoins des clients, la génération, l’évaluation et la sélection des idées, la génération des concepts de produit.
Cet article -ci, sera consacré aux méthodes d’évaluation et de sélection des concepts.
- Evaluation et sélection des concepts
La préparation de l’innovation est un processus d’évaluation continue de ce qui est conçu.
Et le risque le plus grand au stade de la conception est de se concentrer sur la génération des concepts et d’oublier qu’ils sont générés pour être mis en œuvre, devenir des produits et être adoptés par les clients.
Les concepts, comme les idées, doivent être testés, sélectionnés et, éventuellement, améliorés ou reconçus à nouveau.
Explorons les méthodes d’évaluation et de sélection des concepts, les critères et les modalités d’évaluation
4.1. Critères et méthodes d’évaluation
Les critères suivants peuvent retenus comme base, à subdiviser ou adapter aux besoins de l’entreprise :
-Ajustement à la stratégie et aux priorités technologiques de l’entreprise ;
-Ajustement au besoin latent du client ;
–Attractivité du concept sur le marché ;
-Faisabilité technique ;
–Rentabilité financière, délais d’atteinte du seuil de rentabilité.
Quant aux méthodes d’évaluation, on peut les ramener à trois types :
– L’évaluation interne par tout ou partie de l’équipe de conception ou de direction ;
– L’évaluation par le client ;
– L’expérimentation rapide.
4.2. L’évaluation interne.
Cette évaluation peut être faite par les managers ayant participé aux recherches, sur la base de leur expérience du domaine et de leur intuition.
Elle peut également être faite par cinq à six membres de l’équipe de conception choisis comme évaluateurs, mais à condition que chaque évaluation soit faite isolément avant que toutes soient regroupées.
Elle peut être faite par une équipe de managers représentatrice des principales fonctions de l’entreprise.
D’autre part, elle peut être qualitative ou quantitative et, dans ce dernier cas, reposer sur une liste de critères pondérés, notés par chaque évaluateur isolément et donnant une valeur globale au concept.
La sensibilité de la notation à la pondération des critères doit être étudiée. Les différences d’évaluation doivent être explorées et discutées en commun et l’évaluation finale éventuellement soumises à l’arbitrage de la direction.
4.3. L’évaluation par le client.
C’est l’opération la plus difficile. C’est pourquoi elle est souvent confiée à une agence spécialisée mais elle peut également être réalisée par l’entreprise.
Voyons les méthodes à mettre en œuvre.
L’objectif est d’estimer l’accueil qui serait réservé au produit auprès de clients pour lesquels le produit a été conçu ou auprès d’autres entreprises, et, par suite, d‘estimer l’adoption et la rentabilisation.
En principe, ce n’est pas le produit qui est présenté mais, au mieux, un prototype ; mais le client doit percevoir, aussi nettement que possible, ce que le produit lui apporterait de mieux que la ou les solutions actuellement disponibles.
Le processus de questionnement doit, donc, être le suivant :
– ce concept de produit peut-il résoudre votre problème ou l’un de vos problèmes ?
– si la réponse est oui, la crédibilité du répondeur doit être estimée d’après ses arguments et sa responsabilité ;
– cette solution est-elle nouvelle et unique ou proposée aussi par d’autre ?
– trouvez-vous les conditions de vente (prix, livraison, maintenance, formation, etc.) acceptables pour vous ?
A l’issue du questionnement de plusieurs clients, on pourrait ainsi définir les suites à donner : revoir certains aspects du concept, reconcevoir le concept, lancer une petite ligne de fabrication, distinguer les caractéristiques des clients qui ont répondu « oui ou plutôt oui et pourquoi » des autres clients.
La préparation de l’évaluation par le, client comporte 4 étapes :
-préparer la présentation du concept (avec les conditions de commercialisation) ;
-sélectionner les entreprises et personnes à questionner :
-définir la situation d’interrogation ;
-analyser et interpréter les résultats.
4.3.1. Préparer la présentation du concept.
En fait, l’essentiel à préparer doit être la proposition de valeur suivante : « pour vous qui avez à faire tel job, ce produit vous facilitera la tâche de telle manière et entrainera les effets positifs suivants ; ce qu’aucun concurrent ne peut vous proposer aujourd’hui ».
La représentation du produit peut prendre différente forme pourvu qu’elle permettre au client de « voir » le produit et de comprendre la proposition de valeur :
– description verbale ou format narratif.
– présentation d’un prototype virtuel (plan) ou matérialisée du produit.
– vidéo montrant le produit et son usage.
4.3.2. Sélectionner les personnes à questionner.
Ce sont d’abord les types de clients dont les problèmes ont inspiré la conception du produit. On pourrait élargir la gamme des personnes à questionner avec, par exemple, des entreprises qui rencontrent des problèmes proches, des fournisseurs des clients cibles, des experts du domaine.
Plus le produit est nouveau plus il est difficile de définir les utilisateurs autres que ceux qui ont inspirés la conception mais cette recherche doit être faite.
Par ailleurs, plus le produit est nouveau plus il faut viser les « adopteurs précoces » mais le questionnement de la « majorité précoce » peut aider à comprendre les obstacles probables à la vente.
Voir : https://outilspourdiriger.fr/lacquisition-de-clients-par-la-startup-selon-la-wharton-school/
4.3.3. Sélectionner les moyens et lieux de questionnement
Le moyen généralement visé est l’entretien en tête à tête pour présenter le concept, poser ses questions, obtenir des réponses nuancées et se faire une opinion sur leurs crédibilités. On peut aussi inviter un groupe à une discussion dans l’entreprise pour ajouter une présentation de l’entreprise. On peut enfin questionner en ligne sur la base d’une vidéo.
L’objectif est le même dans tous les cas :
-savoir plus ou moins précisément si le concept du produit intéresse le client sur le plan de l’utilisation ; quels sont les aspects qu’il apprécie le plus et ceux qu’il apprécie le moins ?
-recueillir des suggestions d’amélioration et des informations sur les concepts concurrents ou les concurrents du client.
-savoir si les conditions de commercialisation apparaissent ou pas attractives, etc.
-si la conception a abouti à plusieurs concepts de produits, savoir lequel a la préférence du client.
4.3.4 Analyser les résultats du questionnement.
Ces résultats comportent en principe des avis globaux sur le concept de produit mais aussi des remarques sur certains aspects du concept, des choix entre les variantes du concept, etc.
Si les questionnés ont été bien choisis et s’il y a un nombre suffisant de réponses, l’entreprise sait si son produit sera bien ou mal accueilli et par quel type de questionné.
On peut extrapoler à partir des réponses collectées si l’échantillon est acceptable mais le plus souvent on devra se contenter d’une estimation plus ou moins fondée ; de plus il faut considérer qu’en général les comportements seront plus faibles que les intentions déclarées.
Si on a eu assez de réponse on peut les segmenter selon les aspects qu’ils ont été appréciés ou repoussés.
Tout ce qui précède concerne l’innovation BtoB (pour clients industriels). Dans les cas de produit de grande consommation, il vaut mieux recourir aux services d’un agence spécialisée.
Si les réponses révèlent des segments de clients différents selon les caractéristiques du concept de produit, on doit choisir entre un produit qui possèderait plus ou moins toutes les caractéristiques ou plusieurs variantes du produit.
4.4. Expérimentation rapide
C’est une approche récente consistant à faire des expériences commerciales au lieu des modèles de notation et d’évaluation de concepts dans des situations d’études de marché.
L’idée, développée par M. Schrage dans « The innovator’s hypothesis », est de faire des expérimentations peu coûteuses, peu risquées pour savoir si l’idée est bonne et pour améliorer l’idée.
Il propose la formule « 5 x 5 x 5 x 5 x 5 x 5 » ce qui veut dire : 5 équipes de 5 personnes ; chaque équipe faisant chacune 5 expériences, en 5 semaines et avec un budget de 5.000€ par expérience.
Il propose ainsi de faire du prétotypage au lieu du prototypage
Le prototype est un modèle original qui possède toutes les qualités techniques et toutes les caractéristiques de fonctionnement d’un nouveau produit. L’objectif est alors de montrer les fonctionnalités du produit.
Le prétotype a pour objectif de tester auprès du prospect l’attrait et la pertinence du produit.
Chaque expérience vise à tester une des hypothèses retenues par le créateur ; par exemple une hypothèse de technologie, de fonctionnalité, de prix ou de segment pertinent de marché.
L’idée a été aussi adoptée par la méthode « lean start-up » pour créer et tester le « produit minimum viable ».
On peut utiliser des matériaux divers pour donner une idée du produit. On peut aussi se servir d’internet pour soumettre un schéma ou une vidéo ; on peut même créer un site et simuler la vente.
On peut utiliser des logiciels spécifiques comme Prototyper ou Balsamiq.
On voit bien que préparer une innovation n’exige pas seulement de la créativité et encore moins seulement de la créativité scientifique. Des managers doivent participer à cette préparation pour faire prendre en compte les questions commerciales et de rentabilité.
De plus si la créativité est la condition nécessaire, elle doit s’accompagner de beaucoup de validation d’hypothèses et de sélection des idées et concepts.
(Source : https://learning.edx.org/course/course-v1:RWTHx+MTI002x+2T2021/home
« Customer-Centric Innovation » F. Piller, Université RWTH d’Aix-la-Chapelle)
Autres articles sur le sujet
https://outilspourdiriger.fr/la-fabrique-de-linnovation/
https://outilspourdiriger.fr/la-fabrique-de-linnovation-2/
https://outilspourdiriger.fr/linnovation-de-rupture/
https://outilspourdiriger.fr/strategie-de-gestion-de-projet-et-innovation/
https://outilspourdiriger.fr/levaluation-de-lopportunite-de-creer-1/ 2 et 3
Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur. A. Uzan 30/10/2021