(Source principale : MOOC de Stanford University “Scaling Up Your Venture Without Screwing Up”. H.Rao et B.Sutton)
Les facteurs d’échec d’une startup sont divers. On peut les regrouper selon l’étape du projet, le composant du projet ou le principe de management :
-Selon l’étape du projet, on peut repérer les principaux facteurs d’échec suivants :
Préparation de la création :
-Un fondateur trop seul en raison de son ego ou de l’appât du gain.
-Une équipe ni soudée ni complémentaire.
-Une vision trop floue des besoins des clients, de la concurrence et du futur.
-Une vision trop optimiste de la valeur du produit.
Lancement et début de vie :
-Un mauvais choix du moment du lancement.
– Un engagement insuffisant dans les actions nécessaires.
– Un contrôle insuffisant de la gestion, des coûts et de la trésorerie.
– L’asphyxie financière précoce.
-Selon le composant du projet, l’échec peut tenir à l’impertinence de l’un ou d’une combinaison des éléments suivants :
– L’idée ou définition de la raison d’être de la startup.
– L’équipe ou source de la vitalité de la start-up.
– Le modèle économique ou mode de rentabilisation de la startup.
– Le financement ou sources et valeur des financements obtenus.
– Le moment du lancement.
– La résilience ou capacité de surmonter les difficultés.
Et contrairement à l’idée reçue, le facteur d’échec le plus important n’est pas le financement mais plus souvent, le moment, l’équipe ou l’idée.
Selon le principe de management de la croissance, on peut, avec les auteurs du Mooc et du livre « Scaling Up Excellence », noter les facteurs d’échec principaux suivants :
-Laisser retomber la « flamme » initiale, se gripper le moteur de l’adhésion.
-Oublier que la croissance n’est pas « un toujours pareil » ou « un toujours plus » mais surtout un « toujours optimisé ».
-Laisser se propager « le terrible trio » suivant : illusion, impatience, incompétence.
-Mal traiter l’accroissement et la propagation des compétences.
-Oublier de se débarrasser du « mauvais » avant d’ajouter du « bon ».
Présentons chacun des facteurs d’échec et les principaux conseils des auteurs sur chaque point
- Laisser retomber la « flamme » initiale.
La croissance n’est pas une guerre aérienne qu’on dirige « d’en haut » et à partir d’un tableau de bord mais une guerre terrestre permanente qui exige la « conquête » de chacun des collaborateurs, chacun des clients et chacun des partenaires, l’obtention continue de leur adhésion à une vision de l’entreprise et l’obtention continue de leur collaboration à la réalisation de l’état futur désiré (Voir l’article « Partager sa vision avec ses collaborateurs »)
Ce moteur d’adhésion doit être en permanence attisé et adapté à l’interlocuteur.
On sait qu’il comporte deux types d’éléments : une vision claire et stimulante et un processus continu de communication-socialisation-stimulation ; qu’il doit être adapté à sa cible externe (clients) ou interne (collaborateurs) ; et concernant cette dernière, qu’il conduit à privilégier la stimulation de deux sentiments : la colère dirigée contre la menace extérieure; la fierté de prendre part à une « belle » réalisation.
On notera que ce moteur d’adhésion est attisé par les sentiments bien plus que par la rationalité.
La vision doit donner une image désirable du futur et le fil directeur à l’action de tous.
Le processus de communication-socialisation-stimulation doit « dire » que l’engagement est porteur d’espérances pour chacun.
Ainsi, l’équation de la croissance réussie est le produit de deux densités = celle des talents et celle de la responsabilité ressentie (« felt accountability »).
Cette responsabilité est créée par la situation où chacun se sent moralement obligé de faire ce qui est dans l’intérêt des clients et de l’entreprise et presse tous les autres d’en faire autant.
On peut facilement imaginer où conduit la situation contraire, celle de l’indifférence (« nous ne faisons pas beaucoup pour vous, et vous n’avez pas à faire beaucoup pour nous »), voire celle du mépris.
Conseils principaux des auteurs :
-Créer des occasions de partage d’expériences, de création de « communautés de sentiments ».
-Etre un modèle identitaire (donner l’exemple).
-Ecarter les “résistants” au changement et réprimer l’inertie.
-Utiliser la « culpabilité » comme moyen de mobiliser.
- Oublier que la croissance n’est pas un « toujours pareil » ou un « toujours plus » mais un « toujours optimisé».
Croître conduit à repenser continuellement son offre, ses moyens de produire, son organisation, etc.
C’est l’objectif d’optimiser entre des impératifs qui doit toujours prévaloir.
-Optimiser entre standardisation et personnalisation.
La standardisation initiale est nécessaire pour réduire les coûts et augmenter la qualité mais se heurte très vite à la variabilité des besoins des clients et des collaborateurs et à l’évolution de l’offre des fournisseurs et des concurrents. Il est dès lors indispensable de surveiller et de faire évoluer progressivement l’équilibre entre standardisation et personnalisation ainsi qu’entre les moyens de produire.
-Optimiser entre nombre de collaborateurs et charge cognitive.
Croître conduit à plus de complexité et de besoins de compétence mais ne doit pas nécessairement se traduire par « toujours plus » de collaborateurs, de processus, de structure ou de « charge cognitive » (charge mentale imposée par un environnement de plus en plus complexe).
Accroître la « charge cognitive » des collaborateurs a des limites et doit, à un moment, laisser place à d’autres solutions, solutions techniques ou partenariats de substitution.
Réduire la complexité en réduisant la structure est une solution dangereuse si elle accroît trop la taille des équipes par manager ; on sait que l’optimum est ici de 5 à 7 collaborateurs.
-Optimiser le degré de structure.
Il serait absurde de penser que tout degré de structure est nocif ; les bons auteurs suggèrent, cependant, d’attendre que le dysfonctionnement soit assez net pour en rajouter et soulignent qu’il importe de distinguer entre bonne et mauvaise structure.
-Optimiser la « courbe de vie du management ». (Voir les articles : « Le management » ; « La courbe de vie » du management » ; « La courbe de vie de l’entrepreneur »)
On sait que les moyens et facteurs de succès d’un moment tendent à devenir les freins de la croissance future.
Conseils principaux des auteurs :
– Commencer par la standardisation puis chercher la personnalisation.
– Reconsidérer régulièrement le genre de talents, de structure, de procédure, de stratégie, etc. qui sont nécessaires.
– Repérer et supprimer les règles, procédures, structure inutiles qui engorgent le travail et embrument les esprits.
- Laisser se propager « le terrible trio » suivant : illusion, impatience, incompétence.
Les auteurs affirment pouvoir résumer 30 années de recherche sur les débâcles d’entreprise par les 3 mots suivants : illusion, impatience, incompétence :
– L’illusion concerne les bases de l’analyse, les effets attendus des décisions, la pertinence des croyances et valeurs retenues.
– L’impatience concerne la manière trop rapide de décider ou de mettre en œuvre, sans vérifier ses hypothèses, sans test ou essai préalable, etc.
– L’incompétence est l’incapacité d’agir avec pertinence et de réussir dans une situation de travail.
On sait que trois types de compétences distinguent les meilleurs dirigeants : (Voir l’article « Compétences et performance du dirigeant »).
-Les compétences d’intelligence cognitive qui permettent de penser « système de causes », « modèle explicatif » et non pas « cause unique » ou responsabilité d’une personne.
-Les compétences d’intelligence émotionnelle qui permettent de contrôler ses émotions et leurs effets sur les autres et de s’adapter au changement ;
-Les compétences d’intelligence sociale qui permettent de comprendre les autres, les climats de groupe et les relations de pouvoir et d’obtenir des autres le comportement désiré (leadership).
Si l’illusion et/ou l’impatience commencent à primer, ce sont les gens compétents qui se mettent en retrait avant de partir et le cercle vicieux se développe.
- Mal traiter l’accroissement et la propagation des compétences.
La croissance conduit les fondateurs à avoir de plus en plus besoin d’autres talents et le risque ici est d’empiler les talents comme du bois de chauffage, oubliant que l’équation de la réussite est le produit de deux densités = celle des talents et celle de la responsabilité ressentie (« felt accountability »).
La notion de densité des talents exprime bien le nombre de talent mais un peu moins clairement la complémentarité des talents tout aussi nécessaire, sinon plus ; et la prédisposition à acquérir la précieuse responsabilité ressentie (« felt accountability ») peut être estimée.
Ainsi, au moment du recrutement, doivent être vérifiée chez le candidat le degré de maîtrise des trois types de compétences définies ci-dessus (point 3) mais aussi le degré de connaissance et de partage de la vision de l’entreprise (buts et moyens) et la capacité d’avoir la responsabilité ressentie. Sur ce dernier point, un bon indicateur est la capacité d’éprouver le sentiment de culpabilité, signe que comptent les sentiments et intérêts des autres.
Par ailleurs, le type de poste à pourvoir conduit à prendre en compte aussi le goût du risque, variable importante lorsqu’on cherche à distinguer le collaborateur qu’on destine à des fonctions entrepreneuriales responsables des performances, de ceux qu’on recrute pour des fonctions de maintenance de l’entreprise.
Quant à la diffusion des compétences, il faut retenir le principe de « Connect & Cascade » ou « connecter pour transmettre en cascade ».
Initialement la compétence n’est nécessairement détenue que par un petit nombre. Son transfert à d’autres ne peut s’opérer que progressivement et par connections successives (cascade) pouvant prendre des formes pédagogiques diverses.
Un fois un objectif de formation établi, le principe est donc bien de repérer les poches de compétences et d’y connecter les personnes à former.
Conseils principaux des auteurs :
– Recruter les collaborateurs les plus susceptibles de partager la vision de l’entreprise.
– Créer ou repérer les poches d’excellence et connecter ces poches aux groupes qui ont besoin d’aide.
– Créer des équipes composites pour avoir des effets de synergie en matière de résolution de problèmes mais aussi des effets de diffusion des compétences dans les autres équipes.
– Rejeter vigoureusement tout « biais de confirmation », prédisposition à privilégier les seules informations ou messages qui confirment ses croyances ou désirs, à n’écouter que les collaborateurs qui flattent, etc.
- Oublier de se débarrasser du « mauvais » avant d’ajouter du « bon ».
La recherche en psychologie montre clairement que les mauvaises influences sont plus puissantes et contagieuses que les bonnes ; les mauvais souvenirs sont généralement plus présents et « ruminés » que les bons ; les mauvaises réputations plus durables que les bonnes ; les échecs plus inoubliables que les succès ; les « risques de danger » plus effrayants que le danger, etc.
Les mauvais sentiments comme les bons alimentent le climat social de l’entreprise et sont facteurs de comportements souhaités ou indésirables, constructifs ou destructeurs pour l’entreprise, chaque acteur ayant le pouvoir de négocier son degré de collaboration en utilisant sa capacité d’inertie ou d’engagement.
Les facteurs de comportement indésirables peuvent être externes à l’entreprise (idéologie etc..) mais aussi et le plus souvent internes, c’est-à-dire résulter du système de management et d’incitations en vigueur dans l’entreprise.
On sait que l’adhésion à l’entreprise ou responsabilité ressentie (« felt accountability ») ne se décrète pas ; elle exige d’accorder au collaborateur un degré suffisant de considération et de participation aux décisions. Vouloir que les collaborateurs soient respectueux des clients, des partenaires et des biens de l’entreprise, qu’ils soient loyaux et pleinement engagés dans le succès de l’entreprise, exige que la direction donne l’exemple et créé le climat social adéquat :
– qu’elle donne l’exemple en montrant sa compétence, sa loyauté aux seuls intérêts de l’entreprise, son humilité, son farouche désir de faire réussir l’entreprise ;
– qu’elle crée le climat social qui donne aux collaborateurs la sécurité psychologique et professionnelle nécessaire pour agir et le sentiment d’appartenance à l’entreprise.
On est loin, alors, du climat qui donne l’impression que « seule la direction compte » ou que « tout le monde s’en fout » ou que l’important est « chacun pour soi », climat qu’il faut d’abord détruire si on n’a pas su éviter son instauration.
Conseils principaux des auteurs :
-Indiquer clairement quels types de comportements sont indésirables.
-Tuer dans l’œuf les petites violations pour éviter qu’elles ne dégénèrent.
-Donner un feedback négatif et même renvoyer mais toujours traiter les gens avec dignité.
-Se débarrasser des « brebis galeuses ».
-Eviter de susciter l’envie et le plaisir de « contourner » les règles.
-Réduire les sentiments suivants chez les collaborateurs :
-Peur de prendre des responsabilités.
-Peur d’être mis « au placard » ou d’être socialement exclus.
-Sentiment d’être à l’abri de toute surveillance.
-Besoin de retrait ou envie de malveillance en réaction à sentiment d’injustice ou d’impuissance.
Aucune reproduction, ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur ». A. Uzan. 11/03/2016