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Amender son modèle de management d’entreprise, c’est amender ou changer les principes qui guident la manière de manager l’entreprise, en particulier de manager les quatre activités principales suivantes de tout modèle de management : la coordination des activités, la prise de décision, la motivation du personnel, la définition des objectifs.

Rappelons les caractéristiques principales du modèle de management qui reste dominant malgré les changements importants en cours.

Nous présenterons ensuite, et dans deux articles, un modèle alternatif qui devrait être pris en compte.

 

  1. Le modèle de management dominant.

Chacun conviendra que le modèle traditionnel de management (datant de près d’un siècle) et décrit par le tableau de droite ci-dessous reste le modèle dominant.

 

 

 

 

 

 

 

 

La plupart des entreprises, en effet, appliquent les principes suivants :

-Coordination des activités par la bureaucratie (règles et procédures normalisées).

-Prise de décisions « descendantes » du sommet à la base de la hiérarchie.

-Motivation des employés par des récompenses extrinsèques (principalement rémunération).

-Fixation « descendante » des objectifs (« alignement linéaire »), à partir des investisseurs (objectifs de rentabilité) jusqu’au plus bas de la hiérarchie.

Le plus remarquable est que ce modèle reste dominant malgré les changements nombreux intervenus dans de nombreux domaines : dans les types de problèmes à résoudre, dans les ressources rares sources d’avantage concurrentiel, dans l’environnement technologique, sociétal et économique.

 

Les changements de problèmes principaux à résoudre.

On sait la difficulté qu’a représenté, au début de l’industrialisation, la nécessité de routiniser et de normaliser le processus de production de masse sur chaînes d’assemblage et il n’est pas étonnant que des règles, des contrôles et des récompenses extrinsèques aient été mis en place pour obtenir que les objectifs soient tenus.

Aujourd’hui les types de problèmes sont sensiblement différents et peuvent se résumer par les questions suivantes :

– Comment devenir plus « agile » pour s’adapter à des changements fréquents : innovations technologiques, changements sociétaux, changement des valeurs, changements de la demande, etc. ?

– Comment faire pour obtenir que les salariés soient plus engagés et mettent le meilleur de leurs compétences et de leur motivation au service de l’entreprise ?

– Comment concilier objectif de rentabilité et la prise en charge d’objectifs sociétaux (écologiques, sociaux, etc.) ?

Les changements de ressources rares.

Alors qu’à l’ère industrielle, les ressources rares sources de l’avantage concurrentiel étaient le travail standardisé et le capital, d’autres types de ressources tendent, aujourd’hui, à devenir plus importantes.

La recherche de la différenciation, de la qualité, de la personnalisation, etc. a donné priorité à l’information et à la connaissance des marchés.

Et aujourd’hui, on peut penser (avec l’auteur source de cet article) que la ressource rare du futur proche sera la « conviction émotionnelle », la décision puisée dans l’intuition, l’instinct, les « trippes », en plus des connaissances scientifiques.

Les changements dans l’environnement.

Les trois types de changement suivants résument l’essentiel :

-le changement technologique et en particulier Internet qui change les façons de travailler seul et avec d’autres ;

-le changement des valeurs sociales qui changent les attentes des salariés, des clients et impose des changements d’objectifs aux entreprises ;

-l’internationalisation de la concurrence et l’émergence d’économies à faible coûts de main d’œuvre.

 

On voit que les priorités changent sans changer radicalement le modèle de management traditionnel.

C’est que ce modèle rend bien les services que les entreprises attendent de lui et continue, aujourd’hui, de présenter plus d’avantages que les inconvénients qu’il suscitent en prenant mal en compte les changements décrits ci-dessus.

Peut-être aussi que les managers innovateurs, et par exemple les GAFAM, n’ont pas pu, pour le moment, entrainer plus d’adeptes.

Peut-être, enfin, qu’un modèle alternatif crédible n’est pas encore apparu et c’est l’ambition de l’auteur du mooc Coursera, J. Birkinshaw, professeur à la London Business School, d’en présenter un.

 

C’est ce modèle alternatif que nous exposerons dans deux articles.

Le présent article sera consacré aux principes alternatifs à la bureaucratie et à la hiérarchie et le suivant aux principes alternatifs aux récompenses extrinsèques et à « l’alignement linéaire »

 

  1. Un modèle alternatif au modèle de management traditionnel.

Prenons d’abord une vue d’ensemble synthétique des deux modèles grâce au tableau suivant :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les principes « d’émergence », de sagesse collective, de récompenses intrinsèques et d’« obliquité » sont proposés comme alternatives aux principes du modèle de management traditionnel.

 

2.1. L’émergence comme alternative à la bureaucratie.

 

2.1.1. La bureaucratie

En matière de coordination des activités, on connait les avantages et les inconvénients de la bureaucratie.

Les avantages sont les suivants :

-l’efficacité grâce à des règles et des procédures standardisées ;

-l’attribution des rôles selon les compétences ;

-la disparition du favoritisme.

Les inconvénients des règles et processus sont les suivants :

-ils sont centrés sur l’intérieur de l’entreprise sans considération de l’extérieur ;

-ils sont « dés-autonomisant » et « déresponsabilisant » pour le personnel ;

-ils ne laissent quasi pas de place à la créativité.

 

2.1.2 L’émergence

C’est un principe de coordination « spontanée » des activités ; la coordination d’acteurs dont chacun sait ce que lui et les autres doivent faire et ce que lui et les autres sont en train de faire. Et l’informatique peut permettre de créer un tel contexte en rendant les indicateurs de comportement et les résultats de chacun visibles aux autres.

Ce principe est déjà à l’œuvre puisqu’il coordonne les activités économiques des marchés et qu’il a conduit, dans une ville de Hollande, à rejeter toute régulation du système de circulation obligeant les conducteurs à se coordonner spontanément entre eux.

Les avantages de ce principe sont les inconvénients du modèle traditionnel :

– réactivité de la coordination ;

– autonomisation et responsabilisation des acteurs ;

– possibilité de créativité par l’absence de règles et de procédures de coordination.

Des applications de ce principe ont déjà été mises en œuvre et en particulier les suivantes :

– les équipes auto-organisatrices qui organisent librement la réalisation de l’objectif qu’on leur a fixé ;

– les adaptations individuelles spontanées dans les entreprises ;

– les expériences de Forum Ouvert (Open space ou Open space technology) rassemblant de nombreuses personnes pour travailler ensemble sur un problème ;

– les expériences de « budgétisation ascendante », laissant aux acteurs concernés la liberté de fixer leurs objectifs et leurs budgets avant de les soumettre à la direction ;

– les expériences de « conception ascendante » de produits nouveaux et de logiciel en particulier, laissant aux acteurs concernés la possibilité de bien définir et de tester les besoins du client avant de lancer la réelle mise en œuvre « descendante ».

Ce principe connait aussi des faiblesses, en particulier des lenteurs et des chevauchements.

Aussi, au lieu d’opposition stricte entre les deux principes, vaut-il mieux parler de complémentarité et d’adoption d’un modèle hybride utilisant chaque principe dans les services ou aux moments où ils sont les plus pertinents,

 

2.2. La sagesse collective comme alternative à la hiérarchie

 

2.2.1. La hiérarchie.

En matière de prise de décision, on connait les avantages et inconvénients de la hiérarchie.

Les avantages sont les suivants :

– elle constitue l’indispensable systèmes d’autorité de toute entreprise ;

– elle représente le système le plus rapide de prise de décision et de diffusion de la décision ;

– elle assure l’alignement entre le pouvoir légitime de décider et la responsabilité.

Les faiblesses de ce système de prise de décision sont les suivants :

– il postule que la pertinence de la décision est d’autant plus forte qu’elle est prise en haut de la hiérarchie ; ce qui peut être vrai mais peut aussi ne pas l’être si l’information adéquate n’est pas « remontée » ou est mal interprétée ;

– il n’encourage pas à la circulation maximale de l’information qui devient un atout stratégique pour chacun des niveaux de la hiérarchie, chacun des services ou chacune des personnes ;

– il encourage les managers à n’être que des transmetteurs d’ordres et des contrôleurs de réalisations mais pas à mieux former ou aider leurs collaborateurs ;

– il conduit les employés du niveau inférieur au désengagement, à la dés-implication ;

La bureaucratie et la hiérarchie sont en quelque sorte liées à cet égard, parce que ces deux systèmes finissent, par remplacer la liberté individuelle et le droit de prendre des décisions par des règles et des systèmes qui sont gouvernés d’en haut.

 

2.2.2. La sagesse collective.

Le mot anglais pourrait aussi être « crowdsourcing » ou utilisation de l’intelligence, de l’inventivité et des compétences de la foule (du plus grand nombre de salariés, de consommateurs, d’internautes, etc.) pour fonder la décision.

La sagesse collective, c’est l’agrégation des décisions d’un grand nombre de personne, agrégation supposée être plus pertinente que la décision d’une seule personne située au sommet de la hiérarchie.

On peut repérer les trois formes suivantes de sagesse collective :

-La production collective ; c’est le cas de Wikipédia, la plus grande encyclopédie ; le cas du logiciel « open source » et aussi le cas de la création de multiples produits réalisés grâce à de telles méthodes ;

l’appel à la « foule » (intérieure ou extérieure) pour préparer et fonder une décision directoriale ;

-l’appel à cocréer (produit, stratégie, systèmes divers, etc.) pour obtenir l’adhésion et la volonté de mettre en œuvre du plus grand nombre ;

Par exemple, pour remplacer ou amender le monopole de la décision de la direction en matière de financement de projets nouveaux, on pourrait imaginer que chaque service de l’entreprise doté d’un budget devienne « investisseur providentiel » (« business angels ») provisoire pour les services ou les salariés qui auraient une idée d’innovation et financeraient ainsi leur expérimentation avant de revenir au processus officiel de sélection.

Ce principe de prise de décision connait aussi des faiblesses.

-L’appel à la sagesse collective commence par déclencher l’enthousiasme des appelés mais cet enthousiasme tend en général à s’estomper assez rapidement.

-Si la foule sollicitée n’est pas convenablement choisie (compétences) et convenablement questionnée (précision de la question), on doit s’attendre à collecter des banalités, des réponses de « moutons de Panurge » ou des suggestions « hors sujet » ou d’intérêt particulier.

Aussi, au lieu d’opposition stricte entre les deux principes, vaut-il mieux parler de complémentarité et d’adoption d’un modèle hybride utilisant chaque principe dans les services ou aux moments où ils sont les plus pertinents,

C’est par exemple ce qu’on fait les entreprises qui ont sollicité l’avis de leurs employés sur les valeurs à retenir, ou sur les innovations à réaliser, les dirigeants jouant alors de rôle de catalyseur plutôt que celui de décideur.

 

A l’examen de ces deux premiers principes alternatifs au modèle traditionnel de management, on voit que des moyens d’amender ce modèle traditionnel existent et peuvent être mis en œuvre en connaissance des précautions à prendre.

Un article prochain présentera les deux autres principes alternatifs : celui concernant la motivation du personnel et celui concernant la fixation des objectifs.

 

Source principale: Mooc Coursera “Managing the Company of the Future”; J. Birkinshaw, London Business School

https://www.coursera.org/learn/company-future-management/home/welcome

Pour aller plus loin.

La rubrique management de ce blog contient plus de 80 articles ; en particulier les suivants :

https://outilspourdiriger.fr/les-trois-managements-1/ 2, 3.

https://outilspourdiriger.fr/lean-et-adoption-du-lean-management/

https://outilspourdiriger.fr/le-management/

https://outilspourdiriger.fr/une-courbe-de-vie-du-management/

https://outilspourdiriger.fr/motiver-par-la-recompense-ou-par-ladhesion/

 

Aucune reproduction ne peut être faite de cet article sans l’autorisation expresse de l’auteur.  A. Uzan. 11/09/2021